Vu les procédures suivantes :
I - Par une requête, enregistrée le 23 février 2022 sous le numéro 2202866, Mme C A, représentée par Me Laplante, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ou son caractère de maladie professionnelle, ensemble la décision du
23 décembre 2021 rejetant son recours gracieux du 23 décembre 2021 ;
2°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché de vices de procédure, dès lors que, d'une part, elle n'aurait pas été informée de ses droits, et notamment de son droit à la communication de son dossier avant la séance de la commission de réforme du 14 septembre 2021 et que, d'autre part, le médecin de prévention n'aurait pas été informé que sa demande d'imputabilité au service serait examinée à l'occasion de cette séance et n'aurait pas pu remettre un rapport écrit à la commission ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2024, le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A ne sont pas fondés.
II - Par une requête enregistrée le 27 février 2023, sous le numéro 2302793, Mme A, représentée par Me Laplante, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 16 août 2022 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 14 octobre 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 octobre 2022 ;
2°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de son accident ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, tiré de ce que le comité médical n'a pas été consulté pour avis ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que son accident, survenu à l'occasion de la fermeture de l'hôpital Adélaïde Hautval de Villiers-le-Bel où elle était affectée, était imputable au service.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2024, le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A ne sont pas fondés.
Vu
- le jugement n°1911167 du 26 avril 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prost, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Charlery, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme C A, aide-soignante titulaire exerçant au sein de l'hôpital Adélaïde-Hautval de Villiers-le-Bel, a été victime d'un accident de trajet en date du
22 juin 2009. L'évolution de cet accident était marquée par l'apparition d'une tendinopathie des sus et sous-épineux mais également, ce que montrait un scanner de l'épaule droite réalisé le 12 avril 2010, une importante arthrose acromio-claviculaire. Elle a par ailleurs été victime d'autres accident impliquant son genou, qui n'est pas en litige dans la présente instance.
Le 19 juin 2016, elle a été victime d'un accident sur son lieu de travail ayant entrainé, entre autres, des douleurs à l'épaule droite, reconnu imputable au service et pris en charge pour la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2017, date de la consolidation de son état de santé.
Par un courrier du 6 août 2018 accompagné d'un certificat médical de déclaration du
25 juin 2018, reçu par l'AP-HP le 20 août 2018, l'intéressée a sollicité la reconnaissance, à compter de cette même date, du caractère professionnel des pathologies dont elle souffre résultant d'une rupture partielle du tendon sus épineux de l'épaule droite, qu'elle estime relever du tableau n°57 des maladies professionnelles, ainsi que la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Suite à l'avis défavorable émis par la commission de réforme lors de sa séance du 19 février 2019, le directeur de l'hôpital Adélaïde-Hautval a, par arrêté du 27 mars 2019, refusé de faire droit à sa demande.
Mme A a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui l'a annulée par un jugement n°1911167 du 26 avril 2021 pour vice de procédure. A la suite d'un nouvel avis défavorable de la commission de réforme réunie le 14 septembre 2021, au motif que la pathologie en litige relevait d'une maladie dégénérative sans lien avec l'exercice habituel des fonctions, le directeur général de l'AP-HP a rejeté sa demande par un arrêté du
7 octobre 2021. Par la requête enregistrée dans la présente instance sous le numéro 2202866, la requérante demande au tribunal d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision du
23 décembre 2021 rejetant son recours gracieux.
2. Mme A demande en second lieu au tribunal, par la requête enregistrée sous le numéro 2302793, d'annuler la décision du 16 août 2022 par laquelle le directeur général de l'AP-HP a rejeté sa demande tendant à l'imputabilité au service de l'accident dont elle estime avoir été victime, le 14 octobre 2021, résultant du choc psychologique lié à l'annonce de la fermeture de l'hôpital Adélaïde Hautval de Villiers-le-Bel où elle était affectée.
3. Les requêtes nos 2202866 et 2302793 ont été introduites par la même requérante et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même jugement.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 octobre 2021 :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article
41 de la loi du 9 janvier 1986 dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : () / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. () Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article
L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. () ". Lorsqu'un fonctionnaire a été victime d'une maladie imputable au service et que son état de santé est consolidé, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec la maladie reconnue imputable au service.
5. En l'espèce, la requérante soutient souffrir d'une rupture partielle du tendon sus épineux de l'épaule droite, maladie qu'elle a estimé, dans sa demande initiale adressée à son employeur, relever du tableau n°57 A des maladies professionnelles annexé au code de la sécurité sociale ou être en tout état de cause imputable au service. Dans la présente instance, Mme A ne conteste pas que la pathologie dont elle souffre ne relève pas d'une maladie professionnelle inscrite au tableau 57 A mais soutient que sa pathologie est imputable au service, en conséquence des séquelles de son accident de trajet du 22 juin 2009 qui a été reconnu imputable au service, et de ses conditions de travail. Contrairement à ce que soutient l'AP-HP, il ressort des termes du courrier du 6 août 2018 adressé par Mme A à son employeur que celle-ci demandait, outre la reconnaissance de sa pathologie en qualité de maladie professionnelle, la reconnaissance de son imputabilité au service au titre de ses conditions de travail d'aide-soignante, et des séquelles de son accident de trajet du
22 juin 2009, cette formulation devant être regardée comme une demande de reconnaissance d'une rechute. Il ressort par ailleurs des termes de l'arrêté attaqué que l'employeur de
Mme A s'est bien prononcé, dans son article 2, sur l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante, qu'il a refusé de reconnaître, et pas seulement sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle au titre du tableau 57 A. Le docteur B, rhumatologue, a estimé dans son expertise du 2 octobre 2018 que la pathologie de la requérante, si elle ne répond pas aux critères d'une maladie professionnelle, constitue une rechute de l'accident de trajet du 22 juin 2009 reconnu imputable au service, comme l'a été son accident du 19 juin 2016 qui a réactivé ses douleurs tendinaires, consolidées au
31 mars 2017. En défense, l'AP-HP reprend à son compte les conclusions de cette expertise sur la reconnaissance d'une rechute et ne conteste pas le lien direct et certain entre la pathologie de Mme A du 25 juin 2018 et celle résultant de son accident de trajet du
22 juin 2009. Par suite, quand bien même Mme A a cessé son activité professionnelle à compter du mois de juillet 2016, elle est fondée à soutenir que l'AP-HP a méconnu les dispositions précitées et a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A constatée le
25 juin 2018.
6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté susvisé du 7 octobre 2021 doit être annulé en tant que le directeur général de l'AP-HP a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A constatée le 25 juin 2018.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre à l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A constatée le
25 juin 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 16 août 2022 :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
8. Pour refuser de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme A, le directeur des ressources humaines de l'hôpital Claude-Bernard a estimé dans la décision en litige du 16 août 2023 que l'intéressée n'apportait pas d'éléments susceptibles de matérialiser un fait accidentel et la preuve d'un lien entre la fermeture d'un service et la blessure invoquée. Toutefois, il ressort des termes même de la décision attaquée, qu'elle ne vise aucune disposition légale ou réglementaire applicable à Mme A. Dans ces conditions, la motivation de la décision contestée ne peut être regardée comme suffisante au regard des dispositions précitées des articles
L. 211-2 et
L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, la décision du 16 août 2023 doit être annulée, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 26 octobre 2022.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
9. Mme A demande à ce qu'il soit enjoint au directeur général de l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de son accident, dès lors qu'il a été causé, selon elle, par la fermeture de l'établissement dans lequel elle était affectée et qu'il est survenu,
le 14 octobre 2021, pendant le temps et sur son lieu de service. Toutefois, la fermeture de l'hôpital Adélaïde Hautval où Mme A était affectée, programmée depuis près de six ans et ayant fait l'objet de communications régulières, ne saurait présenter le caractère d'un accident de service. Dans ces conditions, il y a seulement lieu d'enjoindre à l'AP-HP de réexaminer la situation de la requérante dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
En ce qui concerne les frais du litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros à verser à Mme A sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté susvisé du 7 octobre 2021 est annulé en tant que le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A constatée le 25 juin 2018.
Article 2 : Il est enjoint à l'AP-HP de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A constatée le 25 juin 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : La décision susvisée du 16 août 2022 est annulée, ensemble le rejet du recours gracieux de Mme A.
Article 4 : Il est enjoint à l'AP-HP de réexaminer la situation de Mme A relative à l'évènement du 14 octobre 2021dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 5 : L'AP-HP versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. d'Argenson, président ;
M. Prost, premier conseiller,
M. Robert, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
Le rapporteur,
signé
F.-X. ProstLe président,
signé
P.-H. d'Argenson
Le greffier,
signé
V. Guillaume
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 2202866 et 2302793