Chronologie de l'affaire
Conseil de Prud'hommes de Paris 18 octobre 2019
Cour d'appel de Paris 14 décembre 2022

Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - Chambre 9, 14 décembre 2022, 19/11533

Mots clés Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution · contrat · congés payés · société · salaire · salarié · travail · employeur · rémunération · solde · préavis

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 19/11533
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Décision précédente : Conseil de Prud'hommes de Paris, 18 octobre 2019
Président : M. Philippe MICHEL

Chronologie de l'affaire

Conseil de Prud'hommes de Paris 18 octobre 2019
Cour d'appel de Paris 14 décembre 2022

Texte

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11533 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7YF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/10459

APPELANT

Monsieur [Z] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie GOUTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0230

INTIMÉE

SARL LE CAFE DU COMMERCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2013, M. [B] a été engagé en qualité de directeur adjoint, statut cadre, par la société Le Café du Commerce, celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997. Le contrat de travail prévoyait une période d'essai d'une durée de 4 mois, éventuellement renouvelable une fois pour une durée maximale égale à la premiere période d'essai.

Suivant courrier du 6 janvier 2014, la société Le Café du Commerce a indiqué à M. [B] qu'elle procédait à la rupture de la période d'essai, la relation de travail s'étant cependant poursuivie.

M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur suivant courrier du 9 décembre 2017, signifié par acte d'huissier de justice du 11 décembre 2017, l'intéressé ayant saisi la juridiction prud'homale le 22 décembre 2017 aux fins qu'il soit statué sur les effets de la prise d'acte.

Par jugement du 18 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [B] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement des entiers dépens,

- débouté la société Le Café du Commerce de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 19 novembre 2019, M. [B] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 30 octobre 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2019, M. [B] demande à la cour de :

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Le Café du Commerce à lui payer les sommes suivantes :

- 14 070,30 euros à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 à décembre 2017 outre 1 407,03 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 689,81 euros à titre de rappel de congés payés,

- 4 277,21 euros à titre d'indemnité pour défaut de prise des congés payés du fait de l'employeur pour les années 2015, 2016 et 2017,

- 6 623,33 euros à titre d'indemnité pour défaut de règlement de la prime dite exceptionnelle,

- 13 353,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 335,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 4 662,63 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22 256 euros (5 mois) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 554 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 25 663,40 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

en tout état de cause,

- ordonner que les condamnations soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts avec clause d'anatocisme,

- condamner la société Le Café du Commerce à la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation Pôle emploi conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner la société Le Café du Commerce au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2020, la société Le Café du Commerce demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission et débouté M. [B] de toutes ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité de préavis et, statuant à nouveau,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 11 752,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :

- 11 984,52 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 13 353,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'instruction a été clôturée le 28 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 septembre 2022.


MOTIFS

Sur la prise d'acte

L'appelant fait valoir que l'ensemble des circonstances de la relation de travail et plus particulièrement le défaut de règlement de la totalité de la rémunération contractuellement fixée, le défaut discriminatoire de versement de la prime exceptionnelle, l'impossibilité de prendre la totalité des congés annuels et enfin les humiliations et autres vexations subies caractérisent une faute suffisamment grave de l'employeur pour que la rupture du contrat de travail souscrit entre les parties s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

L'intimée réplique que la modification de la structure de la rémunération en février 2014, fait ancien, n'est pas un manquement grave de sa part, que le paiement d'une partie seulement des congés payés sans qu'ils soient pris, et ceci, à la demande du salarié ne constitue pas un manquement grave, qu'aucun manquement ne peut lui être reproché sur le calcul des congés payés ni pour ne pas avoir versé de prime exceptionnelle à l'appelant en juin 2017 et qu'enfin, aucun comportement agressif ne peut retenu à l'encontre du dirigeant du café le 7 décembre 2017 ainsi qu'en avril 2017, les griefs invoqués n'étant qu'un prétexte en ce que le salarié a retrouvé un emploi de directeur de restaurant dès le 13 décembre 2017.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, les faits invoqués par le salarié devant être établis et constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

La fourniture du travail et le paiement de la rémunération convenue constituent des obligations essentielles de l'employeur, dont la violation justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur les demandes de rappel de salaire

Il résulte du contrat de travail liant les parties que le salarié devait percevoir : « une rémunération forfaitaire de 4 277,61 euros incluant les majorations pour heures supplémentaires, plus les avantages en nature. Elle correspond à un horaire mensuel maximum de 169 heures. La majoration incluse dans votre rémunération forfaitaire est de 10 % du taux horaire de base pour les heures accomplies entre la 36ème et la 39ème heure hebdomadaire. Les heures accomplies au-delà de ce forfait seront rémunérées selon le régime des heures supplémentaires, en sus du salaire forfaitaire. Le versement de la rémunération sera effectué mensuellement. »

Le salarié indique que si l'employeur affirme avoir mis un terme au contrat avant l'expiration de la période d'essai renouvelée, le contrat a cependant perduré par la seule volonté de l'employeur et n'a pas été rompu, aucun document de fin de contrat ne lui ayant été remis, aucun autre contrat n'ayant été conclu en vue de son réembauchage, ni aucun avenant qui aurait modifié le montant et/ou l'assiette de la rémunération prévue, l'employeur lui ayant cependant imposé, à compter de février 2014, une diminution de sa rémunération au motif de la réalisation de travaux de rénovation.

Si l'intimée réplique que, suite à la rupture de la période d'essai le 6 janvier 2014 et compte tenu de l'insistance de l'appelant, elle a accepté de le conserver parmi son effectif à des conditions financières différentes, la relation de travail s'étant poursuivie sur la base d'un nouveau contrat verbal à des conditions financières différentes, la cour relève toutefois que celle-ci ne justifie aucunement de la mise en oeuvre réelle et effective de la rupture de la période d'essai, aucun document de fin de contrat n'ayant notamment été émis et envoyé au salarié de ce chef. De surcroît, au vu des seuls éléments produits et mises à part ses propres déclarations et affirmations, il apparaît que l'intimée ne justifie en toute hypothèse, ni de l'existence d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée verbal à compter du 1er février 2014, ni des nouvelles conditions financières de rémunération dont elle fait état, aucun avenant n'ayant notamment été régularisé de ce chef, les bulletins de paie continuant en outre de mentionner le 1er octobre 2013 comme date d'entrée dans l'entreprise ou de début du contrat.

Il sera par ailleurs observé que le seul fait que l'appelant n'ait pas immédiatement contesté les nouvelles conditions de rémunération est inopérant en ce que l'acceptation par un salarié de la modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite par lui du travail et, en ce qu'en application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, nonobstant la délivrance d'une fiche de paie, c'est à l'employeur, débiteur de cette obligation, qu'il incombe de prouver le paiement du salaire contractuellement convenu.

Dès lors, le salaire contractuel forfaitaire étant fixé à la somme de 4 277,61 euros, il sera constaté que le montant de celui-ci a fait l'objet d'une diminution à compter du mois de février 2014, soit un montant de 3 658,48 euros de février à juillet 2014 puis de 3 917,40 euros à compter d'août 2014 ainsi que cela résulte des conclusions de l'intimée (le raisonnement de l'appelant fondé sur le seul salaire de base étant inopérant en ce que les stipulations contractuelles précitées font état d'un salaire forfaitaire incluant notamment les majorations pour heures supplémentaires).

Par ailleurs, si l'employeur affirme qu'il s'agit d'une simple modification de la structure de la rémunération, qu'il a été amené à verser à l'intéressé des primes exceptionnelles et, qu'au final, la rémunération convenue dans le premier contrat rompu a été préservée mais sous une forme différente, le salarié ayant même perçu une rémunération plus importante par rapport à ce qui était prévu au moment de son embauche, la cour ne peut cependant que rappeler qu'il est de principe que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié. Il s'en déduit que l'intimée ne peut ainsi prétendre avoir compensé la modification litigieuse du salaire contractuel par le paiement de primes exceptionnelles pour ensuite affirmer que, de manière globale, toutes sommes confondues et sur l'ensemble de la période de la relation de travail, le salarié aurait en toute hypothèse bénéficié d'un maintien de sa rémunération, voire de conditions de rémunération plus favorables, un tel raisonnement, outre son caractère artificiel, ayant également pour conséquence, compte tenu du caractère discrétionnaire des primes exceptionnelles, de permettre à l'employeur de faire évoluer discrétionnairement et unilatéralement le montant de la rémunération de son salarié selon les conditions d'exécution de la relation de travail et de pouvoir ainsi s'abstenir de son propre chef de l'application de ses obligations contractuelles.

Par conséquent, sur la base des éléments chiffrés précités, la cour accorde à l'appelant, au titre de la période litigieuse courant de décembre 2014 à décembre 2017, un rappel de salaire contractuel d'un montant de 12 967,56 euros outre 1 296,75 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.

S'agissant de la demande de l'appelant aux fins de remise par l'intimée des relevés hebdomadaires des heures réalisées ayant permis le calcul des heures supplémentaires sur la période de décembre 2014 à décembre 2017, il sera relevé que ladite demande, qui figure dans la discussion des conclusions de ce dernier, n'est pas mentionnée dans le dispositif desdites conclusions, et ce alors qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. La cour n'est dès lors saisie d'aucune demande de ce chef.

Sur l'assiette de calcul des congés payés

Si l'appelant affirme que l'assiette de calcul des congés payés le concernant est erronée en ce que l'employeur n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de rémunération, il apparaît cependant, en application des dispositions de l'article L. 3141-24 du code du travail ainsi que de celles des articles 23 et 24 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, au vu des décomptes respectivement produits par les parties et compte tenu de la somme de 4 650,16 euros versée à l'appelant à titre indemnité compensatrice de congés payés dans le cadre du solde de tout compte, que l'employeur justifie avoir régulièrement calculé, selon la formule la plus avantageuse du dixième, le montant des congés payés revenant à l'intéressé en intégrant notamment dans l'assiette de calcul les différents éléments de rémunération versés (salaire de base, heures supplémentaires et avantages en nature) ainsi que d'avoir réglé l'intéressé de l'intégralité des sommes lui revenant de ce chef, aucun manquement de l'intimée ne pouvant dès lors être retenu à ce titre.

La cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.

Sur le défaut de prise des congés payés du fait de l'employeur

L'appelant affirme qu'il a été empêché de prendre la totalité des congés annuels 2015, 2016 et 2017.

Cependant, au vu des bulletin de paie, des relevés horaires hebdomadaires et des feuilles de présence mensuelles relatives aux années 2015, 2016 et 2017 régulièrement contresignées par l'appelant ainsi que de l'attestation établie par la comptable de la société (Mme [P]) dont il résulte que l'appelant ne souhaitait pas prendre ses congés payés et qu'il avait sollicité à plusieurs reprises l'employeur aux fins de se les voir payés, la cour retient que :

- s'agissant de la période de référence d'octobre 2013 à mai 2014, le salarié, qui avait acquis 20 jours de congés, en a pris 9, le solde de 11 jours de congés non pris lui ayant été réglé en avril 2015,

- s'agissant de la période de référence de juin 2014 à mai 2015, le salarié, qui avait acquis 30 jours de congés, en a pris 16, le solde de 14 jours de congés non pris lui ayant été réglé en mai 2016,

- s'agissant de la période de référence de juin 2015 à mai 2016, le salarié, qui avait acquis 30 jours de congés, en a pris 22, le solde de 8 jours de congés non pris lui ayant été réglé en décembre 2017 dans le cadre du solde de tout compte,

- s'agissant de la période de référence de juin 2016 à mai 2017, le salarié, qui avait acquis 30 jours de congés, en a pris 30,

- s'agissant de la période de référence de juin 2017 à décembre 2017, le salarié, qui avait acquis 16 jours de congés, en a obtenu le paiement en décembre 2017 dans le cadre du solde de tout compte,

l'appelant ayant ainsi bénéficié de l'intégralité de ses jours de congés payés au titre de l'ensemble de la période litigieuse, aucun manquement de l'intimée ne pouvant dès lors être retenu à ce titre.

La cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.

Sur le versement de la prime exceptionelle

L'appelant indique être le seul à ne pas avoir perçu de prime discrétionnaire en juin 2017, et ce sans raison justifiée, l'ensemble des salariés, dont le personnel sous ses ordres, ayant perçu cette prime.

En application du principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique, et il lui appartient, le cas échéant, de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, étant rappelé que c'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à ceux auxquels il se compare en établissant qu'il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles des salariés concernés.

Il sera rappelé que s'agissant du caractère discrétionnaire de la prime ou du bonus, l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération, le caractère discrétionnaire d'une rémunération ne permettant pas à un employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré.

En l'espèce, l'intimée soulignant que la prime litigieuse est versée pour récompenser et motiver les salariés et que, depuis le début de l'année 2017, l'appelant était très souvent en retard de sorte qu'il n'assurait pas le briefing et la mise en place de la salle, il apparaît à la lecture des attestations établies par d'anciens collègues de travail (Mmes [L] et [P] ainsi que MM. [O], [X], [R], [V], [E] et [N]) qu'à compter de l'année 2017, l'appelant a effectivement changé de comportement professionnel, son implication se détériorant, l'intéressé arrivant très fréquemment en retard pour effectuer le briefing de début de service avec le personnel de la salle ainsi que la mise en place de la salle concernant notamment la propreté ou la réalisation du point d'information avec le chef de cuisine concernant les plats du jour ou les plats manquants, aucun élément versé aux débats par l'appelant, mises à part ses propres allégations et affirmations de principe, ne permettant de remettre en cause la force probante des déclarations circonstanciées et concordantes des attestants ou d'établir leur caractère mensonger ainsi que de démontrer qu'il s'agirait d'attestations de complaisance. Il sera de même observé que le fait que seuls 7 salariés sur un effectif de 47 aient pris la décision d'établir une attestation ou que l'appelant ait concomitamment été rémunéré au titre des heures supplémentaires effectuées sont manifestement inopérants et sans incidence de ce chef.

Par conséquent, au vu de ces éléments, l'employeur démontrant qu'il existait des raisons objectives, réelles et pertinentes, tenant à la détérioration de l'implication et à un manque d'investissement de l'appelant au cours de l'année 2017, à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, la cour estime qu'aucun manquement de l'employeur à ses obligations en matière de fixation et de paiement de la prime exceptionnelle ne peut être retenu, le jugement devant dès lors être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande y afférente.

Sur la prise d'acte

Par conséquent, au vu de l'ensemble des développements précédents, l'employeur ayant manqué à ses obligations en matière d'exécution du contrat de travail concernant le paiement du salaire contractuel, ledit manquement apparaissant à lui-seul, compte tenu de l'importance de ses conséquences financières pour le salarié ainsi que de sa persistance sur l'ensemble de la période litigieuse, d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, et ce sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs allégués par le salarié, étant rappelé que le seul fait qu'un salarié retrouve rapidement un emploi postérieurement à la prise d'acte est sans incidence quant à l'appréciation de la gravité des griefs invoqués à l'appui de ladite prise d'acte, la cour considère que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.

Sur les conséquences financières de la rupture

S'agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du code du travail ainsi que de celles de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants et sur la base d'une rémunération de référence moyenne au titre des 12 derniers mois de 4 451,20 euros (l'inexécution du préavis ne pouvant entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis), la cour accorde à l'appelant, par infirmation du jugement, les sommes de 13 353,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (correspondant à un préavis d'une durée de 3 mois) outre 1 335,36 euros au titre des congés payés y afférents et de 4 662,63 euros à titre d'indemnité de licenciement. Il convient par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'intimée de ses demandes reconventionnelle afférentes à l'existence d'une démission.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise en années complètes (4 ans), à l'âge du salarié (33 ans) et à la rémunération de référence précitée lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour, à qui il appartient seulement d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les dispositions précitées du code du travail (soit en l'espèce entre 3 mois et 5 mois de salaire brut), lui accorde la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

L'appelant affirme avoir non seulement subi la déloyauté de son employeur durant l'exécution de son contrat de travail ainsi que cela ressort des différents griefs mentionnés à l'appui de sa prise d'acte, mais également après la rupture de celui-ci, son ancien employeur ayant contribué à lui faire perdre son nouvel emploi et continuant à le présenter de manière négative auprès de potentiels employeurs dans le monde de la restauration.

L'intimée réplique qu'elle a toujours exécuté de bonne foi le contrat de travail, le salarié n'apportant aucun fait pouvant se rapporter à une exécution déloyale du contrat de travail ni aucune preuve de son préjudice.

Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations du salarié, la cour relève que ce dernier ne démontre pas l'existence d'une faute de l'intimée s'agissant des circonstances postérieures à la rupture de la relation de travail, l'intéressé ne justifiant de surcroît pas du principe et du quantum du préjudice allégué ni en toute hypothèse de son caractère distinct des seuls effets de la rupture déjà réparés par l'attribution des sommes et indemnités précitées.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Sur le travail dissimulé

L'appelant soutient que la société intimée a sciemment maquillé des éléments du salaire pour échapper aux cotisations sociales, le règlement de frais en substitution du salaire s'apparentant à du travail dissimulé.

L'intimée réplique que les frais remboursés à l'appelant correspondent bien à de réelles dépenses du salarié pour le compte de la société et qu'il n'est pas démontré qu'elle se serait volontairement soustraite au paiement des cotisations sociales.

En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail et au vu des pièces versées aux débats par les parties, le salarié ne justifiant ni du fait que les remboursements de frais professionnels nécessaires à l'exécution du contrat de travail ou de dépenses engagées pour le compte de l'entreprise seraient mensongers ou frauduleux ni, en toute hypothèse, du caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi alléguée, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner la remise au salarié d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte ainsi que d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu'il apparaisse cependant nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires, les circonstances de l'espèce ne justifiant pas de fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié du jour de la rupture au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS



La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes de rappel de congés payés, d'indemnité pour défaut de prise des congés payés du fait de l'employeur, d'indemnité pour défaut de règlement de la prime exceptionnelle ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi que pour travail dissimulé et en ce qu'il a débouté la société Le Café du Commerce de ses demandes reconventionnelles ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Le Café du Commerce à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 12 967,56 euros à titre de rappel de salaire contractuel pour la période courant de décembre 2014 à décembre 2017 outre 1 296,75 euros au titre des congés payés y afférents,

- 13 353,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 335,36 euros au titre des congés payés y afférents,

- 4 662,63 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Le Café du Commerce de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société Le Café du Commerce de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [B] du jour de la rupture au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Ordonne la remise à M. [B] d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte ainsi que d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision;

Rejette la demande d'astreinte ;

Condamne la société Le Café du Commerce à payer à M. [B] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [B] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Le Café du Commerce aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT