CIV. 2
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2016
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 974 F-D
Pourvoi n° D 15-22.718
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Statuant sur le pourvoi formé par
M. T... K..., domicilié [...] ,
contre l'ordonnance rendue le 18 juin 2015 par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, dans le litige l'opposant à M. C... G..., pris en qualité d'administrateur du cabinet de D... W..., décédé, désigné en remplacement de Mme U... O..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mai 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Becuwe, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Parchemal, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Becuwe, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. K..., l'avis de M. Lavigne, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le troisième moyen
, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Montpellier, 18 juin 2015), que l'avocat de M. K... étant décédé, une avocate, désignée pour administrer à titre provisoire le cabinet du défunt, a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation des honoraires dus par le client ; que M. G... a été ultérieurement désigné en remplacement de cette avocate pour administrer ce cabinet ;
Attendu que M. K... fait grief à
l'ordonnance de le condamner à payer à M. G..., ès qualités, une certaine somme au titre des honoraires :
Mais attendu
qu'ayant exactement retenu que la charge de la preuve du paiement des honoraires incombait au client, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain, et sans encourir les griefs du moyen, que le premier président a estimé, par motifs propres et adoptés, que le seul retrait en espèces par M. K... de son compte bancaire d'une somme correspondant à une partie du montant des honoraires réclamés ne suffisait pas à établir cette preuve ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième
moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. K... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. K...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'irrecevabilité soulevés sur le fondement de la prescription de l'action et du défaut de qualité à agir de Me O... qui a engagé l'action devant la juridiction du bâtonnier ;
Aux motifs que, le point de départ de la prescription opposable à l'administrateur provisoire de l'avocat décédé se situe à la date de l'envoi à T... K... le 4 mars 2008 d'un courrier recommandé du notaire chargé de la succession jointe à une facture des honoraires réclamés pour un montant de 8.000 € ; que l'action en contestation des honoraires d'un avocat est en application de la loi nouvelle du 17 juin 2008 soumise à un délai de prescription de cinq ans de droit commun des actions personnelles ou mobilières de l'article
2224 du code civil ; qu'elle était antérieurement soumise à la prescription trentenaire ; que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant dispositions transitoires énonce que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte pour le cas d'espèce que la durée nouvelle réduite à cinq ans de la prescription s'applique à compter du 17 juin 2008 et vient donc à expiration le 17 juin 2013 ; l'action en recouvrement des honoraires engagée auprès de la juridiction du bâtonnier de l'ordre des avocats par Me O... administrateur provisoire du cabinet de Me W... par un courrier daté du 28 mars 2013 n'était en conséquence pas prescrite ;
Alors que, dans ses écritures délaissées, M. K... rappelait que, par une ordonnance du 25 mai 2012, devenue définitive, le premier président de la cour d'appel de Montpellier avait déclaré Me O... irrecevable en sa demande de taxe formée en qualité d'administrateur de l'étude de Me W... à l'encontre de l'exposant et de la Commune Pont Saint-Esprit, portant notamment sur l'honoraire en litige de 8.000 € ; qu'il en déduisait que Me O..., qui se prévalait d'une nouvelle désignation en date du 29 octobre 2012, était irrecevable en son action dès lors que la procédure de taxation d'honoraires initiée à son encontre le 26 novembre 2008 était définitivement achevée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. K... sur le fondement du défaut de qualité à agir de Me O... qui a engagé l'action devant la juridiction du bâtonnier ;
Aux motifs qu'une décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Narbonne en date du 29 octobre 2012 a désigné Me O... administrateur provisoire du cabinet de Me W... et une autre décision du bâtonnier de l'ordre en date du 3 mars 2015 a désigné Me G... pour remplacer Me O... ; la décision du bâtonnier du 24 octobre 2012 porte la mention qu'elle est portée à la connaissance du procureur général près la cour d'appel de Montpellier ; M. K... n'a pas d'intérêt à se prévaloir d'un défaut de preuve de l'exécution effective de cette mention qui relève de la mission propre de surveillance du ministère public des modalités d'exercice de la profession d'avocat ; le moyen d'irrecevabilité à ce titre n'est pas fondé ;
Alors que, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer, et observer luimême le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en se fondant en l'espèce, pour rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. K... sur le défaut de qualité à agir de Me O..., sur la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Narbonne en date du 24 ou du 29 octobre 2012, sans constater que Monsieur K..., qui invoquait la non justification de la qualité à agir de Me O..., en avait reçu communication, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article
16 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. T... K... à payer à l'administrateur provisoire du cabinet de Me D... W... décédé, la somme de 8 000 € TTC, avec les intérêts au taux légal à compter de la notification de l'ordonnance du bâtonnier le 19 octobre 2013 ;
Aux motifs propres que la réalité de la prestation effectuée par Me W... avant son décès au bénéficie de T... K... n'est pas contestée ; l'établissement d'une facture post-mortem n'est pas critiquable pour le paiement de prestations réalisées, dont le montant constituait un actif de la succession de l'avocat décédé ; l'ordonnance du bâtonnier a relevé par des motifs pertinents qui ne sont pas spécifiquement critiqués que les sommes réclamées à titre d'honoraires correspondent au montant que T... K... prétend lui-même avoir réglé en espèces, de sorte que celui-ci n'est pas fondé à opposer le défaut de production dans les débats du document matériel de la facture alléguée du 4 juin 2008 ; il convient de confirmer en conséquence l'ordonnance de taxe prononcée par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Narbonne le 15 octobre 2013 pour le montant fixé des honoraires de Me W... à la somme de 8 000 €.
Et aux motifs adoptés que la prestation de Me W... n'est pas contestée ni le fait que au titre de celle-ci M. K... était redevable d'honoraires ; M. K..., en produisant des justificatifs de retraits de son compte bancaire pour 5.700 € comme rappelé ci-dessus, indique qu'il aurait en fait donné un total de 8.300 € en espèces à Me W... ; mais force est de constater qu'il n'est nullement démontré que les sommes retirées sur le comptes bancaires de M. K... aient été remises à Me D... W... à titre de règlement d'honoraires ; les sommes réclamées à titre d'honoraires pour les prestations effectuées par Me W... à hauteur de 8.000 € correspondent aux sommes qu'affirme avoir réglées M. K... sans en rapporter la preuve qui lui incombe ; dans ces conditions, il résulte des éléments du dossier que le montant des honoraires réclamés par Me O..., ès-qualités d'administratrice provisoire du cabinet de Me W..., est justifié tenant les diligences accomplies ;
Alors que, le juge ne peut mettre à la charge d'une partie une preuve impossible ; qu'en l'espèce, M. le premier président de la cour d'appel a constaté que les sommes réclamées à titre d'honoraires pour les prestations effectuées par Me W... à hauteur de 8.000 € correspondaient aux sommes que M. K... explique avoir réglées par prélèvement d'espèces sur son compte bancaire ; qu'en relevant, pour le condamner à paiement, que M. K... n'établit pas que ces sommes ont été remises à Me W... à titre de règlement d'honoraires, la cour d'appel a fait peser sur celui-ci une preuve impossible et a violé l'article
1315 du code civil.