CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mai 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10272 F
Pourvoi n° T 18-10.461
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. C... T...,
2°/ Mme W... T...,
domiciliés tous deux [...],
contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2017 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Q... R..., domicilié [...] , notaire ,
2°/ à la société Y..., F..., R..., U..., I..., M... et P..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société J..., E..., Y..., F..., R..., U..., S..., M... et P...,
3°/ à la société [...], société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Mer et montagne, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , représentée par son liquidateur la société O...-G..., [...] ,
5°/ à la société Adonis Honfleur, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
6°/ à la société Amenagia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par la société O...-G... en qualité de liquidateur, [...] ,
7°/ à la société Crédit agricole Normandie, dont le siège est [...] ,
8°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, dont le siège est [...] ,
9°/ à la société Adicam, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
10°/ à la société Alliance labellisation, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], représentée par son mandataire liquidateur la société O...-G..., [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 mars 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat M. et Mme T..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. R... et de la société Y..., F..., R..., U..., I..., M... et P..., de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés [...] et Adonis Honfleur, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie et de la société Adicam ;
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme T... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme T....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux T... de toutes leurs demandes ;
AUX MOTIFS, D'ABORD, QUE, par application des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage, l'article
L. 121-21 du code de la consommation dispose qu'est soumis aux dispositions de la section III du chapitre 1er du titre I du même code relative au démarchage, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; qu'est également soumis aux mêmes dispositions le démarchage dans les lieux [non] destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l'organisation par un commerçant ou à son profit de réunions ou d'excursions afin de réaliser les opérations définies à l'alinéa précédent ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que les époux T... aient été démarchés à leur domicile ; que ce n'est pas parce que les intéressés habitent Amiens et que la demande de réservation (selon ce qui est porté dans le contrat de réservation du 14 août 2007) a été faite dans cette ville que la société [...] a nécessairement pratiqué ou fait pratiquer le démarchage au domicile [...] ; que, de même on ne peut tirer d'utile argument de la reproduction d'extraits du code de la consommation (mais aussi du code de la construction) dans le contrat de réservation pour caractériser le démarchage à domicile ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en écartant d'office la soumission des contrats de réservation du 14 août 2007 aux dispositions relatives au démarchage à domicile au prétexte que le contrat n'aurait pas été conclu à domicile ce que les intimés ne contestaient pas et sans mettre à même les parties de faire valoir leurs observations, la cour d'appel a violé l'article
16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'est soumis aux dispositions de la section III du chapitre 1er du titre I du code de la consommation relative au démarchage, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; qu'y est également soumis le démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé ; qu'ayant constaté, d'abord, que les contrats de réservation visaient les dispositions applicables au démarchage et, ensuite, qu'ils avaient été signés dans la ville d'Amiens où était situé le domicile des époux T... et non le siège social du vendeur dont il n'était pas contesté qu'il était implanté à Aix-en-Provence, la cour d'appel, qui a exclu l'applicabilité au litige des dispositions relatives au démarchage sans constater que les conventions avaient été conclues dans un lieu destiné à la commercialisation des biens, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige ;
ET AUX MOTIFS, ENSUITE, QUE, sur le fondement de vice du consentement, aux termes de l'article
1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'il n'est pas, en l'occurrence établi que les époux T... aient été victimes d'un dol les ayant conduits à s'engager aux conditions contractuellement prévues ; qu'il n'est pas, en effet, démontré que la SCCV [...] ait vicié le consentement des époux T... en leur garantissant une rentabilité de 4,8 % et des avantages fiscaux qu'elle savait impossibles ; qu'aucune des pièces contractuelles, ni le contrat de réservation du 14 août 2007, ni le bail commercial signé entre les époux T... et la société Mer Ville Montagne le 7 janvier 2008 ni celui signé le 21 juillet 2010 entre les époux T... et la société Adonis Honfleur ni l'acte authentique de vente du 31 décembre 2007 ne garantissent une telle rentabilité ; que les autres pièces vantées par les époux T... ne caractérisent pas un engagement contractuel tant il est évident pour toute personne acquérant un bien immobilier financé par un emprunt et mis en location que la perception pérenne d'un loyer de tel montant constitue un aléa ; que, si les époux T... ont manifestement espéré accroître leur patrimoine en finançant le prêt contracté par le produit de la location des biens acquis, il n'est pas démontré qu'ils aient été trompés et que leurs co-contractants aient surévalué à dessein le loyer initial pour les convaincre de contracter ;
3°) ALORS QUE ne donne pas de motif à sa décision le juge qui la justifie par une simple affirmation ; qu'en se contentant d'affirmer en l'espèce qu'il aurait été évident pour les époux T..., dont la qualité de profane n'était pourtant pas contestée, que le versement d'un loyer d'un peu moins de 4 000 euros par an par le bailleur professionnel représenterait un aléa au regard de la rentabilité prévisible de l'exploitation de la résidence hôtelière, pour exclure tout dol dans l'opération immobilière et financière conclue avec ce professionnel, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant ; qu'en excluant pourtant du périmètre contractuel la documentation publicitaire remise aux époux T..., sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la présentation trompeuse quant à la rentabilité et à la sécurité de l'opération souscrite n'avait pas influencé leur consentement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux T... de leur demande tendant à voir condamner Me R... à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en notant que la procuration donnée par les acquéreurs était bien annexée à l'acte de vente en état futur d'achèvement, il convient de rappeler que le notaire rédacteur s'il doit s'assurer de la validité et de l'efficacité juridique de l'acte de vente régularisé devant lui, n'a pas vocation à être le conseiller financier, économique ou fiscal d'une des parties ; qu'en outre, et en l'occurrence, Me R... n'est pas le rédacteur des contrats préliminaires de vente en l'état futur d'achèvement passés entre la société [...] et les époux T... ; que le notaire n'avait pas à appeler particulièrement l'attention de M. N... sur la nature de l'opération et sur le risque évident que l'acquéreur courait si l'une des sources de revenus dont il se prévalait (les loyers provenant de la location des biens litigieux) s'avéraient moins fructueuses que prévu ou même se tarissaient en raison de la défaillance du locataire ;
1°) ALORS QUE les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique ; qu'en jugeant au contraire que le notaire, qui a rédigé les actes authentiques de vente en l'état futur d'achèvement, n'aurait pas d'obligation d'information sur les risques représentés par l'opération, au prétexte que ces risques seraient inhérents à l'opération immobilière envisagée, prétexte inopérant en ce qu'il n'était pas de nature à écarter l'obligation d'information et de conseil du notaire, la cour d'appel a violé l'article
1382, devenu
1240, du code civil ;
2°) ALORS QUE le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l'acte auquel il prête son concours, quand bien même l'engagement aurait procédé d'un accord antérieur ; qu'en retenant que le notaire rédacteur n'aurait pas assumé d'obligation d'information et de conseil sur les risques représentés par les actes de vente qu'il avait rédigés au prétexte inopérant que ces actes faisaient suite à des contrats de réservation que le notaire n'avait pas rédigés, la cour d'appel a retenu un motif inopérant et violé l'article
1382, devenu
1240, du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les époux T... de leur demande tendant à voir condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la situation de revenus et de patrimoine des époux T... leur permettait parfaitement de rembourser les prêts contractés (dont les échéances cumulées s'élevaient à 2 259 € par mois) dès lors qu'ils faisaient état d'un « salaire fixe » mensuel de 21 491 € au moment de la souscription des prêts ; que M. T... (médecin pédiatre) et Mme T... (assistante de direction), qui soutiennent que leurs revenus mensuels moyens étaient de l'ordre de 14 000 €, sans en justifier ne démontrent pas que la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Normandie ait surévalué leurs capacités financières ; qu'ainsi même s'ils devaient aussi rembourser d'autres prêts (4 478 € par mois), la banque ne leur a pas accordé un crédit disproportionné en leur prêtant les sommes destinées à accroître leur patrimoine immobilier et n'a donc, ce faisant, commis aucune faute ; que s'agissant du devoir de mise en garde, la cour considère que la banque n'avait pas à se substituer aux époux T... dans leurs choix économiques et qu'elle n'était pas tenue d'appeler particulièrement l'attention des époux T... sur le risque évident pour tout un chacun sans être un emprunteur averti que les loyers escomptés puissent ne pas être réglés et que la rentabilité de l'opération puisse être compromise ;
1°) ALORS QU'en retenant que les époux T... auraient fait état d'un salaire fixe mensuel de 21 491 euros par mois lors de la souscription des prêts, quand la banque ne faisait pas état d'un tel montant et ne contestait pas les affirmations des emprunteurs qui exposaient n'avoir disposé que de la somme mensuelle de 14 000 euros pour assumer non seulement les trois prêts souscrits pour l'acquisition des lots dans la résidence [...] mais également quatre autres prêts portant leur taux d'endettement à plus de 38 %, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour retenir ce chiffre, la cour d'appel a interdit à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et privé en conséquence sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE méconnait son devoir de mise en garde à l'égard d'emprunteurs profanes l'établissement de crédit qui ne vérifie pas leurs capacités financières et leur accorde un prêt excessif au regard de leurs facultés contributives ; qu'en excluant l'existence de ce devoir aux prétextes inopérants que la banque n'aurait pas eu à se substituer aux choix économiques des emprunteurs profanes et n'aurait pas eu à les informer des risques inhérents à l'opération, la cour d'appel a violé l'article
1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.