COMM.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 novembre 2016
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 931 FS-P+B
Pourvoi n° X 14-29.723
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
Statuant sur le pourvoi formé par M. C... K..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2014 par la cour d'appel de Cayenne (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Guyane, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article
R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 septembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, MM. Zanoto, Guérin, Mme Vallansan, M. Marcus, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, M. Cayrol, conseillers, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. K..., l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
, que la société Transit transport guyanais (la société TTG), dont M. K... était le gérant, a conclu le 13 octobre 1994 avec la société BNP Paribas (la banque) une convention de compte courant et que, par un acte daté du même jour, M. K... s'est rendu caution solidaire sans limitation de durée, mais dans la limite de la somme de 700 000 francs (106 714,31 euros) de l'ensemble des engagements de la société TTG ; que celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire le 29 septembre 1999, la banque a déclaré sa créance au titre du solde débiteur du compte courant, arrêtée en capital et en intérêts à la date du jugement d'ouverture à la somme de 798 536,67 francs (121 736,13 euros) ; que le 9 novembre 2011, la banque a assigné M. K... en paiement, en sa qualité de caution de la société TTG, de la somme de 106 714,31 euros ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et sur le second moyen
, réunis :
Attendu que M. K... fait grief à
l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la banque alors, selon le moyen :
1°/ qu'il faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que la société BNP Paribas Guyane avait commis une faute en attendant quinze ans avant d'agir contre lui ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque, que M. K... se bornait à contester la réalité des mises en demeure des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, bien que M. K... eût soutenu dans des termes clairs et précis que la faute de la banque résultait du caractère tardif de son action, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. K..., en violation de l'article 4 du code procédure civile ;
2°/ qu'il faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que le caractère tardif de l'action de la société BNP Paribas Guyane justifiait de rejeter sa demande en paiement ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque, que la société BNP Paribas Guyane avait, par lettres des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, mis en demeure M. K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la tardiveté de l'action engagée contre la caution caractérisait une faute de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1147 du code civil ;
3°/ qu'il faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et qu'en attendant quinze ans avant d'agir contre lui, la société BNP Paribas Guyane avait commis une faute qui lui causait un préjudice moral ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque et en déduire l'absence de préjudice, que M. K... se bornait à contester la réalité des mises en demeure des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, bien que M. K... eût soutenu dans des termes clairs et précis que la faute de la banque résultait du caractère tardif de son action, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. K..., en violation de l'article
4 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que l'action tardive de la société BNP Paribas Guyane lui causait un préjudice moral ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque et en déduire l'absence de préjudice, que la société BNP Paribas Guyane avait, par lettres des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, mis en demeure M. K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la tardiveté de l'action engagée contre la caution caractérisait une faute de la banque à l'origine d'un préjudice moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article l'article
1147 du code civil ;
5°/ qu'il soutenait que la procédure engagée à son encontre en 2011 par la société BNP Paribas Guyane présentait un caractère tardif qui lui causait un préjudice moral ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter tout préjudice moral, que M. K... ne justifiait pas d'un tel préjudice dès lors qu'il avait constitué une nouvelle société dès 1999, bien que cette circonstance eût été dépourvue d'incidence sur le point de savoir si l'action de la banque avait causé un préjudice moral à la caution en 2011, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil ;
Mais attendu
qu'un créancier qui agit en recouvrement de sa créance dans le délai de prescription ne commet pas de faute, sauf abus dans l'exercice de ce droit ; que le moyen, qui se borne à invoquer le caractère tardif de l'action engagée par la banque dans le délai de prescription, n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen
, pris en sa quatrième branche :
Vu
l'article L. 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l'article
L. 313-22 du code monétaire et financier, et l'article 47, II, de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, alors applicables ;
Attendu que pour condamner M. K... à payer une certaine somme à la banque, l'arrêt retient
que celle-ci justifie sa demande, limitée au montant fixé par l'engagement de caution, au moyen de sa déclaration de créance ainsi que d'une mise en demeure, tandis que la caution, qui en conteste le montant du fait d'une adjonction au capital d'intérêts et de frais ainsi que de pénalités, n'apporte aucun élément à ce sujet ;
Qu'en se déterminant ainsi
, alors que M. K... faisait valoir que le tribunal l'avait condamné, à tort, à payer l'intégralité de la somme réclamée par la banque, intérêts compris, après avoir pourtant déchu celle-ci de son droit aux intérêts conventionnels, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si cette somme n'incluait pas de tels intérêts, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. K... à payer à la société BNP Paribas Guyane la somme de 106 714,31 euros, l'arrêt rendu le 22 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la société BNP Paribas Guyane aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille seize
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. K....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné M. K... à payer à la société BNP Paribas Guyane la somme de 106 714,31 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
AUX MOTIFS QUE, sur la tardiveté fautive de la BNP, il résulte des pièces versées aux débats que la BNP Guyane a mis en demeure M. C... K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution ; que cela résulte d'un courrier du 19 janvier 2000, suivi d'un courrier du 10 mai 2002, M. C... K... se bornant à contester la réalité de ces lettres et la réalité de leur envoi, malgré les références y figurant et notamment la référence postale ; que cet argument ne sera donc pas retenu à l'encontre de la BNP Guyane ; (¿) que, sur le montant de la créance, la BNP Guyane justifie de sa demande, limitée au montant fixé par l'engagement de caution, par le biais de sa déclaration de créance ainsi que de la mise en demeure du 19 janvier 2000 ; que M. C... K... qui en conteste le montant du fait, selon lui, d'une adjonction au capital d'intérêts, agios, frais et pénalités, n'apporte aucun élément à ce sujet ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point ;
1) ALORS QUE M. K... faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que la société BNP Paribas Guyane avait commis une faute en attendant quinze ans avant d'agir contre lui ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque, que M. K... se bornait à contester la réalité des mises en demeure des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, bien que M. K... eût soutenu dans des termes clairs et précis que la faute de la banque résultait du caractère tardif de son action, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. K..., en violation de l'article
4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE M. K... faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que le caractère tardif de l'action de la société BNP Paribas Guyane justifiait de rejeter sa demande en paiement ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque, que la société BNP Paribas Guyane avait, par lettres des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, mis en demeure M. K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la tardiveté de l'action engagée contre la caution caractérisait une faute de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1147 du code civil ;
3) ALORS QUE M. K... faisait valoir que la créance en principal de la société BNP Paribas Guyane était indéterminée, dès lors que la déclaration de créance de la banque faisait état d'une somme « arrêtée en capitaux et intérêts », sans préciser le montant du capital ni celui des intérêts ; qu'en affirmant néanmoins, pour faire droit à la demande en paiement de la banque contre la caution, que M. K... n'apportait aucun élément au sujet d'une adjonction d'intérêts et de frais, bien qu'il eût soutenu dans des termes clairs et précis que la déclaration de créance de la banque faisait état d'une somme comprenant des intérêts sans en préciser le montant, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. K..., en violation de l'article
4 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE M. K... faisait valoir que la créance en principal de la société BNP Paribas Guyane était indéterminée, dès lors que la déclaration de créance de la banque faisait état d'une somme « arrêtée en capitaux et intérêts », sans préciser le montant du capital ni celui des intérêts ; qu'il ajoutait que le tribunal mixte de commerce de Cayenne l'avait condamné à tort à payer l'intégralité de la somme réclamée par la banque, intérêts compris, après avoir déchu celle-ci de son droit aux intérêts ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour faire droit intégralement à la demande en paiement de la banque contre la caution, que la société BNP Paribas Guyane justifiait de sa demande, limitée au montant fixé par l'engagement de caution, par le biais de sa déclaration de créance et de la mise en demeure du 19 janvier 2000 et que M. K... n'apportait aucun élément au sujet d'une adjonction d'intérêts et de frais, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le décompte produit par la banque ne comprenait pas, pour partie, des intérêts au taux contractuel dont elle avait prononcé la déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 et de l'article 47, II, de la loi n° 94-126 du 11 février 1994, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté M. K... de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, sur la tardiveté fautive de la BNP, il résulte des pièces versées aux débats que la BNP Guyane a mis en demeure M. C... K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution ; que cela résulte d'un courrier du 19 janvier 2000, suivi d'un courrier du 10 mai 2002, M. C... K... se bornant à contester la réalité de ces lettres et la réalité de leur envoi, malgré les références y figurant et notamment la référence postale ; que cet argument ne sera donc pas retenu à l'encontre de la BNP Guyane ; (¿) que sur le préjudice moral de M. C... K..., l'appelant ne justifie aucunement d'un tel préjudice, d'autant qu'il résulte des éléments du dossier qu'à l'issue de la dissolution anticipée de la TTG dont il était le liquidateur, il relançait une seconde société dès 1999 dont l'activité est similaire et dont il est le gérant ; qu'en conséquence, il sera débouté de sa demande sur ce point ;
1) ALORS QUE M. K... faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et qu'en attendant quinze ans avant d'agir contre lui, la société BNP Paribas Guyane avait commis une faute qui lui causait un préjudice moral ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque et en déduire l'absence de préjudice, que M. K... se bornait à contester la réalité des mises en demeure des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, bien que M. K... eût soutenu dans des termes clairs et précis que la faute de la banque résultait du caractère tardif de son action, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. K..., en violation de l'article
4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE M. K... faisait valoir que le créancier avait l'obligation de poursuivre la caution en temps utile et que l'action tardive de la société BNP Paribas Guyane lui causait un préjudice moral ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la tardiveté fautive de la banque et en déduire l'absence de préjudice, que la société BNP Paribas Guyane avait, par lettres des 19 janvier 2000 et 10 mai 2002, mis en demeure M. K... de régler les sommes dont il était redevable en exécution de son engagement de caution, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la tardiveté de l'action engagée contre la caution caractérisait une faute de la banque à l'origine d'un préjudice moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil ;
3) ALORS QUE M. K... soutenait que la procédure engagée à son encontre en 2011 par la société BNP Paribas Guyane présentait un caractère tardif qui lui causait un préjudice moral ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour écarter tout préjudice moral, que M. [...] ne justifiait pas d'un tel préjudice dès lors qu'il avait constitué une nouvelle société dès 1999, bien que cette circonstance eût été dépourvue d'incidence sur le point de savoir si l'action de la banque avait causé un préjudice moral à la caution en 2011, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil.