COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 05 AVRIL 2013
Pôle 5 - Chambre 2 (n° 099, 16 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 12/09507.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 10/13315.
APPELANTE et INTIMÉE SIMULTANÉMENT : SARL SPACETEL COMMUNICATION prise en la personne de son gérant, ayant son siège social [...] 75017 PARIS, représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE en la personne de Maître J PELLERIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, assistée de Maître Frédéric H, avocat au barreau de PARIS, toque : A0107.
INTIMÉE et APPELANTE SIMULTANÉMENT : Société de droit suisse CARTIER INTERNATIONAL AG prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social Hinterbergstrasse 22, 6312 STEINHAUSEN (SUISSE), représentée par le Cabinet LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES (SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod) en la personne de Maître Matthieu B G, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, assistée de Maître Jean-Daniel B substituant Maître Vincent FAUCHOUX plaidant pour le Cabinet DEPREZ GUIGNOT & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P221.
INTIMÉE : SAS CARTIER prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [...], représentée par le Cabinet LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES (SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod) en la personne de Maître Matthieu B G, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, assistée de Maître Jean-Daniel B substituant Maître Vincent FAUCHOUX plaidant pour le Cabinet DEPREZ GUIGNOT & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P221.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,Madame Sylvie NEROT, conseillère, Madame Isabelle SCHOONWATER, conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur T Lam NGUYEN.
ARRET : Contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société de droit suisse Cartier International AG est titulaire :
- de la marque française verbale 'LOVE', n° 1 264 9 46 déposée le 02 avril 1974 régulièrement renouvelée,
- de la marque française semi-figurative 'L'VE', n° 07 3 505 018 déposée le 06 juin 2007 pour désigner les produits et services en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25 et 34.
La société par actions simplifiée Cartier se présente comme ayant commercialisé depuis 1970 des bracelets sous la marque 'Love' et, depuis le début des années 1980, des articles de joaillerie sous l'appellation 'ligne Love'.
A la suite d'une offre présentée le 18 mai 2010 par le gérant de la société Spacetel, titulaire de la marque 'Love' n° 98 767 106, déposée le 31 décembre 1998 pour désigner les produits et services dans 45 classes, portant sur la cession ou la concession de licence de ladite marque, les sociétés Cartier précitées ont assigné, le 15 septembre 2010, la société Spacetel devant la juridiction de fond, poursuivant en particulier la déchéance ou l'annulation de cette marque, ainsi que la réparation de faits de contrefaçon de marques et de parasitisme.
Par jugement rendu le 30 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et sans assortir sa décision de l'exécution provisoire dans le dispositif du jugement :
- dit que la société Cartier International AG justifie de la titularité des droits sur les deux marques précitées et que la société Cartier SAS est recevable à agir au titre du parasitisme,
- déclaré les sociétés Cartier requérantes irrecevables à agir en déchéance de la marque 'Love'n° 98 767 106 dont la société Spacetel est titulaire pour les produits suivants :' métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillères ; rasoirs ; appareils et instruments optiques (et non pas optique comme elle l'indique) ; porte-monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux ; papier, carton,, enveloppes, papeterie ; matériel pour les artistes ; parapluies, cannes ; monuments non métalliques ; figurines (statuettes) en bois ou en matières plastiques ; verrerie, porcelaine ou en verre, mosaïques en verre non pour la construction, opaline, vases non en métaux précieux, vaisselle non en métaux précieux, verre (récipients), flacons non en métaux précieux, poudriers non en métaux précieux, pulvérisateurs de parfums, vaporisateurs de parfums ; linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de lit, linge de maison, linge de table (en matières textiles), couvertures de voyage, couvertures de lit et de table ; vêtements, chapellerie ; dentelles et broderies ; jeux, jouets, décorations pour arbres de Noël ; tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes',
- prononcé la déchéance des droits de la société Spacetel sur la marque 'Love', n° 98 767 106 pour les 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes, à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines, statuettes en métaux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux, articles de bureau, sacs à main, porte-documents, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, sacs de plage, étuis pour les clefs (maroquinerie), sacs de voyage ; boîtes en cuir ou en carton cuir, malles et valises', et ce à compter du 15 octobre 2004,
- dit qu'en déposant, le 31 décembre 1998, la marque 'Love' n° 98 767 106 en classe 14 pour désigner les 'métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuette en métaux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarette en métaux précieux, fume-cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux', la société Spacetel a commis un acte de contrefaçon de la marque 'Love' n° 1 264 946 dont e st titulaire la société Cartier International AG,
- annulé en conséquence la marque 'Love' n° 98 767 10 6 en ce qu'elle désigne en classe 14 les 'métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux,vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuette en métaux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarette en métaux précieux, fume-cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux',
- dit que la décision devenue définitive sera transmise à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre des marques,
- condamné la société Spacetel à payer à la société Cartier International AG la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice et rejeté le surplus des demandes en contrefaçon,
- débouté la société Cartier SAS de sa demande au titre du parasitisme,
- rejeté les demandes reconventionnelles et toutes autres demandes,
- condamné la société Spacetel à verser à la société Cartier International AG la somme de 4.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 26 décembre 2012, la société à responsabilité limitée Spacetel Communication (ci- après : Spacetel), appelante, demande à la cour, au visa des articles
L 711-4,
L 713-2,
L 714-3,
L 714-5,
L 714-7 du code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont défavorables et :
¤ s'agissant de ses propres demandes :
- de considérer qu'elle justifie d'un usage sérieux de la marque 'Love' n° 98 767 106 pour désigner les produits suivants : ' savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques' qu'elle commercialise depuis plusieurs années,
- de constater que cette marque, en ce qu'elle désigne en classe 14 les 'métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir:
ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuettes en métaux précieux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarette en métaux précieux, fume-cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux' ne contrefait aucunement les droits détenus par Cartier International AG sur la marque 'Love' n° 1 264 946 et, en conséquenc e, de considérer comme régulier le dépôt de la marque 'Love' n° 98 7 67 106 du31 décembre 1998, 'nonobstant la déchéance par ailleurs encourue par ladite marque pour les produits susvisés en classe 14" (sic),
- 'de dire et juger que la marque 'L'VE' n° 07 3 50 5 018 en ce qu'elle désigne en classes 3 et 25 les produits suivants : 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; vêtements à savoir : maillots de bain, manteaux, larges ceintures, peignoirs, fourrures, bonneterie, vestes, pull-overs, pyjamas, robes, chemises, jupes, costumes, chandails, pantalons, lingerie de corps, ceintures, (habillement) bretelles, gants (habillement, foulards, châles, cravates, noeuds papillon, bottes, chaussures, pantoufles, bonnets, chapeaux' ; (sic),
- en tout état de cause, de constater que les sociétés Cartier ne justifient pas avoir fait un usage sérieux de la marque L'VE' n° 07 3 505 018 pour désigner en classes 3 et 25 ces mêmes produits et de prononcer en conséquence la déchéance des droits de la société Cartier International AG sur la marque n° 07 3 505 018 pour les produits précités 'et celle du 04/12/2012 déposée sous le n° 113 97122" ( selon mention manuscrite non paraphée portée sur les conclusions figurant dans le dossier de la cour),
- en tout état de cause :
* 'de dire que ces publications devront intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard' (sic),
* de condamner la société Cartier International AG à lui payer la somme de 300.000 euros en réparation de l'atteinte qui a été portée aux droits qu'elle détient sur la marque 'Love' n° 98 767 106,
* d'ordonner la transmission du 'jugement' à intervenir au Registre national des marques de l'INPI et dire que la transcription dudit jugement pourra être effectuée sur présentation d'une copie exécutoire,
* d'ordonner la publication, dans cinq journaux de son choix, d'un communiqué,
* de condamner in solidum les sociétés Cartier à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du 'nouveau' code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,
¤ sur les demandes des sociétés Cartier International AG et Cartier
après avoir considéré qu'elle-même n'a créé aucun risque de confusion dans l'esprit du public et du consommateur moyen, qu'elle a pris toutes les précautions pour éviter un quelconque risque de confusion et n'a commis aucune faute au sens de l'article 1382 ducode civil, ni n'a eu aucune intention de nuire aux sociétés Cartier, de les débouter tant de leurs demandes de déchéance de marques, de contrefaçon, de parasitisme que de toutes leurs autres demandes s'y rapportant.
Par dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2012, la société de droit suisse Cartier International AG et la société par actions simplifiée Cartier, également appelantes, demandent pour l'essentiel à la cour, au visa des articles
L 711-4,
L 713-2,
L 713-3,
L 714-5,
R 712-23 du code de la propriété intellectuelle et
1382 du code civil, de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives à la propriété de la marque, à la déchéance prononcée, aux actes de contrefaçon retenus et à l'annulation de la marque 'Love' n° 98 767 106 pour les produits de la classe 14 sus visés et de l'infirmer pour le surplus,
- de prononcer la déchéance de la marque 'Love' n° 98 767 106 pour les produits suivants des classes 8, 9, 16, 18, 21, 24 à 26, 28 et 34 :
' outils et instruments à main entraînés manuellement; coutellerie, fourchettes et cuillères ; rasoirs (classe 8) ; appareils et instruments optiques (classe 9) ; papier, carton, enveloppes, papeterie ; matériel pour les artistes (classe 16) ; parapluies, cannes (classe 18) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d'autres classes à savoir : boîtes en verre, bougeoirs non en métaux précieux, mosaïques en verre et non pour la construction, opaline, figurines en porcelaine ou en verre, vases non en métaux précieux, vaisselle non en métaux précieux, verre (récipients), flacons non en métaux précieux, poudriers non en métaux précieux, pulvérisateurs de parfums, vaporisateurs de parfums (classe 21) ; linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de lit, linge de maison, linge de table (en matières textiles), couvertures de voyage, couvertures de lit et de table (classe 24) ; vêtements, chapellerie (classe 25) ; dentelles et broderies (classe 26) ; jeux, jouets, décorations pour arbres de Noël (classe 28) ; tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes (classe 34)',
- de considérer que la société Spacetel a commis des actes de contrefaçon de la marque 'Love' (1974) en procédant au dépôt de la marque 'Love' pour les produits des classes 3, 14 et 25 à savoir :
* 'préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrice' (classe 3),
* 'métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuettes enmétaux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarettes en métaux précieux, fume- cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux ; porte- monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ' (classe 14),
* 'vêtements, chaussures, chapellerie' (classe 25),
- de considérer que la société Spacetel a commis des actes de contrefaçon de la marque 'Love' (1974) et 'Love' (2007) en utilisant la marque 'Love' pour désigner des montres, des boucles d'oreilles, des colliers, des parfums et des vêtements,
- d'annuler la marque 'Love' pour les produits des classes 3, 14 et 25 susvisés,
- de condamner l'appelante à lui verser la somme de 150.000 euros en réparation des atteintes portées à ses droits de marque,
- d'ordonner, sous astreinte, la cessation de l'exploitation du nom commercial et du nom de domaine <www.love.fr> pour assurer la promotion et/ou la commercialisation des produits qui auront été jugés contrefaisants, ceci dans le délai de 30 jours à compter de la signification 'du jugement à intervenir',
- de considérer que la société Spacetel a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Cartier SAS et de la condamner à lui verser la somme de 150.000 euros à ce titre,
- en tout état de cause, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, d'ordonner la transmission du 'jugement à intervenir' (sic) à l'INPI outre une insertion d'usage dans cinq journaux ainsi que sur la page d'accueil des sites <www.love.fr> et <www.loveluxe.fr> durant 30 jours suivant la publication du communiqué ceci dans le délai de 30 jours à compter de la signification 'du jugement à intervenir' en condamnant, enfin, l'appelante à leur verser la somme globale de 30.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE ,
Sur la déchéance des droits de la société Spacetel sur sa marque 'Love' n° 98 767 106 déposée le 31 mai 1998 en ce qu'elle vise des produits des classes 3, 14, 16 et 18 :
Considérant que
la société Spacetel a été déchue de ses droits sur sa marque par le tribunal, à compter du 15 octobre 2004 (soit cinq ans après la publication au BOPI), pour les produits suivants :- (en classe 3) 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques',
- (en classe 14) 'joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes, à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines, statuettes en métaux précieux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux',
- (en classe 16) 'articles de bureau',
- (en classe 18) 'sacs à main, porte-documents, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, sacs de plage, étuis pour les clefs (maroquinerie), sacs de voyage ; boîtes en cuir ou en carton cuir, malles et valises' ;
Qu'elle déclare ne pas contester cette déchéance pour défaut d'usage sérieux, à laquelle elle ne s'est d'ailleurs pas opposée, dès lors que cette déchéance affecte des produits étrangers à son activité de parfumeur qu'elle développe et poursuit depuis plus de dix ans de manière régulière et continue, demandant, par conséquent, à la cour de considérer, selon le dispositif de ses conclusions, qu'elle justifie d'un usage sérieux de sa marque pour les 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques';
Qu'elle fait grief au tribunal de n'avoir pas tenu compte des justificatifs qu'elle produisait, ou d'avoir considéré qu'ils étaient établis pour les besoins de la cause et que son gérant ne s'était livré qu'à des actes préparatoires afin de donner un semblant de consistance à l'usage 'factice' de la marque ; qu'elle estime que les premiers juges ont méconnu la jurisprudence communautaire puisque bien que la commercialisation de ses parfums ait été restreinte en regard de l'exploitation de grandes enseignes, il leur appartenait d'en apprécier le sérieux à l'échelle des moyens dont elle disposait et des efforts qu'elle avait consentis ;
Considérant qu'en réplique, les sociétés Cartier intimées se prévalent de leur intérêt à agir en déchéance pour les produits de ces quatre classes, comme l'a retenu le tribunal, et, portant une appréciation critique sur les justificatifs produits, poursuivent la confirmation du jugement entrepris pour les produits susvisés en demandant à la cour d'y ajouter les produits relevant de la classe 18 visés dans les motifs du jugement mais omis dans le dispositif, à savoir :
' sacs à main, porte-documents, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux' ;Considérant, ceci exposé, qu'en l'absence de contestation de la société appelante sur l'intérêt à agir des sociétés Cartier et sur la déchéance de ses droits sur la marque en ce qu'elle désigne des produits relevant des classes 14, 16 et 18 susvisés, il n'y pas lieu de se prononcer sur ces divers points ; qu'il n'y a pas davantage lieu de rectifier le jugement qui vise, dans son dispositif (page 13/14) les 'sacs à main, porte-documents, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux' ;
Que le débat se trouve donc circonscrit à l'usage réel et sérieux de sa marque, par la société Spacetel, pour désigner, en classe 3, les produits suivants : 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques' ;
Que, s'agissant des 'savons, huiles essentielles, cosmétiques', les sociétés Cartier font justement valoir, sans être contestée, que l'appelante n'établit ni même ne prétend en avoir fait un usage sérieux, les documents produits par cette dernière portant sur la parfumerie ;
Que, s'agissant de prouver l'usage sérieux de la marque 'Love' sur ces produits de parfumerie, la société Spacetel qui présente sur son site de nombreux parfums, ne peut valablement se prévaloir de documents mentionnant simplement des 'parfums', telles les factures de flacons, vaporisateurs, étiquettes, étuis de parfums et attestations de conformité de parfum (pièce 23) pas plus qu'elle ne peut justifier de l'usage sérieux de la marque en rapportant la preuve de l'usage d'un signe différant substantiellement de la marque 'Love' et en altérant le caractère distinctif, tels les signes 'Love Pride', 'Love Paris', 'Love Saint-Tropez', 'Love me', ... sous lesquels sont vendus des parfums sur son site ;
Qu'il en va de même, comme le relèvent les appelantes, de factures qui ne permettent pas de déterminer qu'elles concernent des produits marqués 'Love' ou bien qui comportent la mention 'Love 1" et 'Love 2" ou, pour les mêmes raisons, des preuves de paiement produites ;
Qu'à juste titre, par ailleurs, le tribunal n'a pas retenu comme éléments de preuve d'un usage réel et sérieux des documents comportant des mentions manuscrites ou postérieurs à l'assignation (pièces 24, 27, 28) ou encore sans date certaine, tels des copies d'écran de pages de site internet ;
Que, sur ce dernier point, la société Cartier démontre d'ailleurs, d'une part, que sur le site <www.love.fr > les produits listés sous le titre 'Love catalogue' ont évolué au gré de la procédure et parallèlement à ses demandes en déchéance ou en contrefaçon(pièces 16, 19, 22 de l'appelante) et, d'autre part, que si la page du site Wikipedia consacrée au gérant de la société Spacetel indique : 'créateur en 1998 du Parfum Love, gérant de la société des parfums Love' (pièce 8), ses propres recherches relatives aux modifications intervenues sur cette page Wikipedia lui permettent de démontrer qu'après une première modification sur ce point le 28 octobre 2010 ('Battini s'est aussi investi dans la création de parfums') la mention précitée lui a été substituée en ligne 45 le 23 novembre 2010 (pièce 23) ;
Qu'enfin, la juridiction communautaire a, certes, dit pour droit que ' l'appréciation des circonstances de l'espèce peut ainsi justifier la prise en compte, notamment, de la nature du produit ou du service en cause, des caractéristiques du marché concerné, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque. Ainsi, il n'est pas nécessaire que l'usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant'
(CJCE, 11 mars 2003, Ansul) et qu'il s'en déduit qu'il ne peut être exigé de la société Spacetel qu'elle justifie d'une exploitation de sa marque de la même manière que des parfumeurs de renom ;
Que, toutefois, outre le fait que la société Spacetel ne soumet pas à l'appréciation de la cour des documents comptables étayant son argumentation sur ce point, les sociétés Cartier observent avec pertinence que les parfums présentés sur le site de la société Spacetel sont des produits de consommation courante, présentés au public à un prix modeste (49 euros) et non des produits de luxe et qu'ils auraient dû, en conséquence, être vendus à plusieurs millions d'exemplaires en plus de quatorze ans d'exploitation, alors qu'il n'est justifié que d'une exploitation sporadique et particulièrement réduite ;
Que l'ensemble de ces éléments conduit la cour à confirmer le jugement sur ce point ;
Sur la déchéance des droits de la société Spacetel sur sa marque 'Love' n° 98 767 106 déposée le 31 mai 1998 en ce qu'elle vise d'autres produits des classes 14, 16 et 18 et des produits des classes 8, 9, 21, 24, 25, 26, 28 et 34 :
Considérant que les sociétés Cartier poursuivent en outre la déchéance des droits de la société Spacetel sur les produits suivants :
- (en classe 8) 'Rasoirs ; outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillères',- (en classe 9) 'Appareils et instruments optiques',
- (en classe14) 'Porte-monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux',
- (en classe16) 'Papier, carton, enveloppes, papeterie ; matériel pour les artistes',
- (en classe18) 'Parapluies, cannes',
- (en classe 21) 'Verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d'autres classes à savoir : figurines en porcelaine ou en verre, vases non en métaux précieux, vaisselle non en métaux précieux, verre (récipients), flacons non en métaux précieux, poudriers non en métaux précieux, pulvérisateurs de parfum, vaporisateurs de parfums ; verrerie, porcelaine et faïences non comprises dans d'autres classes à savoir : boîtes en verre, bougeoirs non en métaux précieux, mosaïques en verre non pour la construction, opaline',
- (en classe 24) 'Linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de lit, linge de maison, linge de table (en matières textiles), couvertures de voyage, couvertures de lit et de table',
- (en classe 25) 'Vêtements, chapellerie',
- ( en classe 26) 'dentelles et broderies',
- (en classe 28) 'jeux, jouets, décorations pour arbres de Noël',
- (en classe 34) 'tabac ; allumettes ; articles pour fumeurs' ;
Qu'elles estiment que le jugement doit être réformé en ce qu'il énonce qu'elles ne justifient pas d'un intérêt à agir en déchéance des droits de la société Spacetel sur ces produits dans la mesure où, d'une part, elles souhaitent pouvoir étendre la gamme 'Love' sur lesdits produits qui sont d'ores et déjà commercialisés dans d'autres collections ou qui sont commercialisés par d'autres sociétés du domaine du luxe (telles les sociétés Hermès ou Vuitton) ou qui entrent dans une stratégie naturelle de diversification du secteur et du fait, d'autre part, qu'elles en justifient par les pièces qu'elles versent devant la cour ;
Qu'elles soutiennent, sur le fond, que la société Spacetel ne rapporte pas la preuve d'un usage réel et sérieux de sa marque 'Love' sur lesdits produits ;
Considérant, ceci rappelé, que selon l'article
L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, le demandeur en déchéance doit être une 'personne intéressée' ; qu'il n'est, toutefois, pas nécessaire que les parties exercent effectivement leurs activités dans le même secteurd'activité et que le demandeur en déchéance exploitant, comme en l'espèce, un signe identique ou similaire peut se voir reconnaître un intérêt à agir s'il entend étendre son activité à des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque n'est pas exploitée ;
Qu'au cas particulier, les sociétés Cartier versent, pour chacune des classes couvrant les produits susvisés, des documents tendant à établir qu'elles peuvent se prévaloir de l'extension de leur secteur d'activités à ces différents produits ;
Qu'au demeurant, cette affirmation ne suscite aucune contestation de la société Spacetel, pas plus que celle selon laquelle cette société ne justifie ni même ne prétend qu'elle fait un usage sérieux de sa marque sur les produits sus-visés ;
Que la déchéance des droits de la société Spacetel sur sa marque, en ce qu'elle désigne lesdits produits, doit par conséquent être prononcée et le jugement infirmé de ce chef ;
Sur la déchéance des droits de la société Cartier International sur la marque 'L'VE' n° 07 3 505 018 et sur la marque 'Love' n° 11 3 971 22 déposée le 04 décembre 2012 :
Considérant qu'il convient de relever, à titre liminaire, que cette demande est présentée par la société Spacetel dans le dispositif de ses dernières conclusions 'en tout état de cause' ;
Qu'elle succède à une prétention relative à la marque n° 07 3 505 018 présentée de manière tronquée (comm e repris ci- avant) c'est-à-dire demandant à la cour 'de dire et juger (...)' sans toutefois préciser l'objet de cette demande ;
Qu'en application des dispositions de l'article
954 du code de procédure civile selon lequel 'Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif', il convient de considérer que la cour n'est saisie d'aucune demande, fût-elle développée dans le corps des conclusions ;
Qu'il convient de relever, par ailleurs, qu'interrogé à l'audience sur la signification de conclusions comportant, sur la demande de déchéance formée par la société Spacetel, la mention manuscrite 'et celle du 04/12/2012 déposée sous le n° 11 3 97122", le conseil des sociétés Cartier a déclaré s'être vu signifier un jeu de conclusions comportant ladite mention mais que si cette prétention lui est opposable, elle est irrecevable du fait de son défaut d'enregistrement ;
Considérant que la société Spacetel appelante poursuit la déchéance de la société Cartie r International AG sur la marque'L'VE' n° 07 3 505 018, ceci à compter du 13 juille t 2012 (soit cinq ans après son enregistrement au BOPI), en ce qu'elle désigne les produits suivants :
- (en classe 3) 'Les savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques',
- en classe 25) 'Les vêtements, à savoir maillots de bain, manteaux, larges ceintures, peignoirs, fourrure, bonneterie, vestes, pull-overs, pyjamas, robes, pantalons, lingerie de corps, ceintures (habillement), chemises, jupes, costumes, chandails, bretelles, gants (habillement), foulards, châles, cravates, noeuds papillon, bottes, chaussures, pantoufles, bonnets, chapeaux' ;
Qu'elle fait état du défaut d'exploitation de la marque pour ces produits et précise qu''il n'est pas contestable qu'(elle) a toujours exercé une activité de parfumeur qu'elle a donc un intérêt légitime à agir en déchéance dès lors que cette activité, et plus précisément la commercialisation des parfums 'Love' à laquelle elle s'est livrée, est entravée par le dépôt de la marque inexploitée par Cartier International' ;
Mais considérant que la société Spacetel a été déchue, comme énoncé ci-avant, des droits sur sa marque sur les produits qu'elle vise en classe 3, ce à compter du 15 octobre 2004 ; qu'elle l'a été également pour les vêtements et chapellerie ; qu'au surplus, elle ne démontre d'aucune manière l'entrave à la commercialisation pour ce qu'elle désigne par des 'articles d'habillement', se bornant à les citer sans plus de développements sur l'usage qu'elle ferait ou qu'elle entendrait sérieusement faire de la marque pour les désigner ;
Qu'elle doit, par conséquent, être déclarée irrecevable en sa demande de déchéance de la marque enregistrée en 2007 par la société Cartier International ;
Qu'il en va de même de la marque dont elle déclare qu'elle a été enregistrée le 04 décembre 2012, sans pour autant faire figurer de pièces s'y rapportant dans son bordereau de pièces, les conditions exigées par le législateur pour prononcer la déchéance d'une marque, à la supposer enregistrée, n'étant manifestement pas satisfaites ;
Qu'elle sera, par conséquent, déclarée irrecevable en ses deux prétentions ;
Sur la contrefaçon de la marque 'Love' n° 1 264 946 déposée le 21 avril 1974 :
Considérant que la société Cartier International demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la sociétéSpacetel avait porté atteinte aux droits qu'elle détient sur ladite marque en déposant en 1998 une marque 'Love' pour certains produits de la classe 14 mais de le réformer en ce qu'il l'a déboutée des autres demandes formées au titre de la contrefaçon et de juger que le dépôt de la marque 'Love' par la société Spacetel pour des produits des classes 3, 14 et 25, identiques ou similaires aux produits de la classe 14 visés dans la marque 'Love' (1974) dont elle est titulaire, constitue un acte de contrefaçon ;
Qu'affirmant que le simple dépôt d'un signe constitue une atteinte à une marque antérieure, elle s'approprie les motifs du tribunal pour affirmer que certains produits de la classe 14 couverts par la marque 'Love' déposée par la société Spacetel sont identiques à ceux visés par la marque 'Love' qu'elle a déposée en 1974, ajoutant que dans la mesure où le signe est reproduit à l'identique pour désigner des produits identiques, il n'est nullement nécessaire de prouver un risque de confusion ;
Qu'en ce qui concerne le dépôt, en 1998, par la société Spacetel du signe 'Love' pour désigner les produits en classes 3 et 25, elle fait valoir qu'il s'agit de produits identiques ou à tout le moins similaires aux produits de la classe 14 visés à l'enregistrement de sa marque en 1974 ;
Considérant que la société Spacetel soutient, quant à elle, que la marque qu'elle a déposée en classe 14 ne contrefait aucunement la marque antérieure déposée par la société Cartier International, reprochant en particulier au tribunal de n'avoir pas retranscrit exactement, non sans incidence, le libellé de produits couverts en ajoutant, en particulier, une conjonction de coordination (et) entre cuillers et bracelets ; qu'elle sollicite le débouté des intimées pour le surplus ;
Considérant, ceci exposé, que la marque 'Love' déposée le 21 avril 1974 par la société Cartier International désigne en classe 14 les produits et services suivants :
'Métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers) ; bracelets' ;
Que, se fondant sur les dispositions de l'article
L 713-2 du code de la propriété intellectuelle et faisant valoir sans être contestée que les signes en présence sont identiques, elle incrimine le dépôt de la marque 'Love' par la société Spacetel en ce qu'elle désigne les produits suivants :
- (en classe 3) 'les préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrice',- (en classe 14) 'les métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuettes en métaux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarettes en métaux précieux, fume-cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux ; porte-monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques',
- (en classe 25),' les vêtements, chaussures, chapellerie' ;
Que, s'agissant des produits de la classe 14 visés à l'enregistrement de la marque 'Love' déposée par la société Spacetel, cette dernière ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que le libellé des produits couverts par la marque 'Love' de la société Cartier International (1974) - à savoir :
'métaux précieux et leur alliage et produits (ou objets) en ces matières' recouvre un ensemble générique de produits qui ne peut satisfaire aux conditions posées par le code de la propriété intellectuelle et ne permet pas à celui qui souhaite s'en prévaloir de déterminer avec suffisamment de précision les contours de la protection qu'il revendique ;
Qu'en effet, le contenu de ce libellé, conforme au libellé de la classification internationale en classe 14 et qui a pu être opposé par son titulaire depuis plus de 30 ans, ne peut être qualifié de générique ; que l'appelante ne peut donc en déduire, comme elle le fait, que la volonté de la société Cartier était de restreindre son dépôt aux seuls bracelets ;
Que le tribunal a justement considéré que les produits suivants :
'les métaux précieux et leurs alliages et les produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d'autres classes à savoir : ustensiles de cuisine et de ménage en métaux précieux, vaisselle en métaux précieux, bougeoirs en métaux précieux, figurines statuettes en métaux précieux, vases en métaux précieux, cendriers pour fumeurs en métaux précieux, étuis à cigarettes en métaux précieux, fume- cigarettes en métaux précieux, boîtes en métaux précieux'
étaient identiques aux produits désignés par la marque revendiquée par la société Cartier International et que le dépôt de la marque 'Love' par la société Spacetel en 1998 constituait une contrefaçon des droits de la marque antérieurement déposée par la société Cartier International, de sorte que le jugement doit être confirmé en cette disposition ;Que, s'agissant des autres produits en classe 14 visés à l'enregistrement de la marque 'Love' déposée par la société Spacetel, à savoir les ' porte-monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques', la société Cartier International considère que c'est à tort que le tribunal l'a déboutée de ses demandes en contrefaçon dans la mesure où ils sont identiques par leur nature (puisqu'ils sont fait en métaux précieux), par leur fonction (puisqu'il servent à orner et à embellir le corps humain) et par leur destination ; qu'ils sont en outre vendus dans les mêmes maisons, empruntent les mêmes réseaux de commercialisation spécialisés et visent le même public ;
Qu'il y, toutefois, lieu de considérer que la similarité telle qu'invoquée n'est que prétendue, les porte-monnaie, poudriers, horlogerie ou instruments chronométriques n'ayant pas vocation à orner ou embellir le corps humain, de la même manière que la joaillerie, la bijouterie, l'horlogerie et les instruments chronométriques peuvent avoir une autre nature que celle de métaux précieux et que rien ne permet d'affirmer qu'ils empruntent les mêmes circuits de distribution ;
Que, s'agissant des produits en classe 3 et 25 visés à l'enregistrement de la marque 'Love' déposée par la société Spacetel, la société Cartier International, se fondant sur l'article
L 713-3 du code de la propriété intellectuelle, argue de leur similarité avec les produits de la classe 14 visés à l'enregistrement de sa propre marque en mettant en exergue la tendance actuelle des maisons de luxe à diversifier leurs activités et offres ainsi que le risque d'association ;
Que, toutefois, même si des produits qui, comme en l'espèce, ne présentent pas, par nature, de ressemblances quelconques, peuvent être considérés comme similaires, compte tenu de la tendance à la diversification des activités sous une même marque, il convient de considérer que le risque de confusion ou d'association ne peut être utilement invoqué lorsque la marque n'est pas exploitée puisque le consommateur qui, par hypothèse, ne connaît pas la marque ne sera pas conduit à penser qu'il s'agit d'une extension d'activité ;
Que la société Cartier International agissant en contrefaçon du seul fait du dépôt de la marque 'Love' par la société Spacetel ne peut donc invoquer, quand bien même sa marque aurait un caractère distinctif élevé, une similarité entre les produits des classes 3 et 25 sus-explicités et les produits de la classe 14 couverts par l'enregistrement de sa marque ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de réformer le jugement sur ce point ;Sur la contrefaçon de la marque 'Love' n° 1 264 946 déposée le 21 avril 1974 et de la marque 'L'VE' n° 07 3 505 018 déposée le 06 juin 2007 du fait de l'usage non sérieux de la marque 'Love' par la société Spacetel :
Considérant que la société Cartier International demande à la cour de juger que l'usage non sérieux que la société Spacetel a fait de sa marque 'Love' pour désigner des montres, des colliers et boucles d'oreilles, des parfums et des vêtements sont constitutifs d'actes de contrefaçon de ses deux marques et reproche au tribunal d'avoir retenu qu'il serait contradictoire de solliciter la déchéance de la marque 'Love' de la société Spacetel et de lui reprocher simultanément d'avoir commis des actes de contrefaçon ;
Qu'elle soutient que l'usage non sérieux au sens de l'article
L 714-5 du code de la propriété intellectuelle (relatif à la déchéance) peut néanmoins constituer un usage non autorisé susceptible de caractériser un acte de contrefaçon, au sens des articles
L 713-2 et
L 713-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en l'espèce il est établi que la société Spacetel a apposé la marque 'Love' sur de faibles quantités de modèles de montres, de colliers, de boucles d'oreilles, de parfums et de vêtements vendus ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte de ce qui précède que les produits désignés, couverts par la marque 'Love' de la société Spacetel ne sont pas identiques ou similaires aux produits couverts par la marque 'Love' (1974) déposée par la société Cartier International, de sorte que cette dernière ne peut agir en contrefaçon sur le fondement de l'article
L 713-3, b) du code de la propriété intellectuelle qui concerne 'l'imitation d'une marque ou l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement' ;
Qu'en ce qui concerne la contrefaçon de la marque 'L'VE' n° 07 3 505 018 déposée en 2007, c'est par motifs p ertinents que la cour fait siens que le tribunal a rejeté la demande en considérant que la société Cartier International, opposant qui plus est une marque complexe dont l'élément figuratif possède un fort pouvoir distinctif, ne pouvait avoir de cesse de conclure au défaut d'exploitation de la marque 'Love' par la société Spacetel, arguant notamment 'd'usages factices' et invoquer, sans se contredire, des faits d'exploitation portant atteinte à cette marque ;
Que le jugement mérite, par conséquent, confirmation ;
Sur l'atteinte portée à la marque 'Love' n° 1 264 9 46 par l'usage du nom commercial LOVE et par la réservation du nom de domaine <www.love.fr> :Considérant que la société Cartier International reproche au tribunal de l'avoir déboutée de ce chef de demande en faisant valoir que le nom commercial LOVE figure sur l'extrait Kbis de la société Spacetel, parmi d'autres noms commerciaux et qu'il ne convenait pas de s'arrêter à l'activité déclarée de cette société ; qu'en outre, le nom de domaine <www.love.fr> réservé le 07 décembre 1998 a bien été exploité pour présenter et offrir à la vente des produits identiques ou similaires à ceux couverts par ses marques 'Love' ;
Considérant, ceci rappelé, que l'activité déclarée de la société Spacetel porte sur 'la production de film et de programmes pour la télévision' ; que les intimées ne peuvent sans se contredire tirer argument des déclarations du gérant de la société Spacetel se prévalant de la création et de la commercialisation de parfums et se prévaloir par ailleurs, au soutien de sa demande de déchéance, de l'introduction sur le site Wikipedia, pour les seuls besoins de la cause, de données tendant à accréditer l'affirmation selon laquelle la société Spacetel exerce des activités confirmées de parfumeur ; qu'eu égard aux énonciations du présent arrêt, elle ne peut se prévaloir, non plus, de la vente de montres et de bijoux revêtus de cette marque ;
Que, pour ce qui est du nom de domaine, les sociétés Cartier laissent sans réponse les motifs des premiers juges qui ont considéré qu'il n'était pas démontré que la société Spacetel exploitât, à travers ce nom de domaine, les produits de la classe 14 visés à l'enregistrement de la marque 'Love' déposée en 1974, étant ajouté que cette démonstration n'est pas davantage faite concernant les produits considérés comme similaires ;
Qu'en outre, pas plus qu'en première instance, elle ne précise de quelle manière la réservation du nom de domaine en cause, intervenue le 07 décembre 1998, pourrait porter atteinte à la marque 'L'VE' déposée le 06 juin 2007 ;
Que sur cet autre point le jugement doit être confirmé ;
Sur la contrefaçon de la marque 'Love' n° 98 767 10 6 déposée par la société Spacetel le 31 décembre 1998 du fait du dépôt, par la société Cartier International, de la marque 'L'VE' n° 07 3 505 018 le 06 juin 2007 :
Considérant que la société Spacetel précise qu'elle n'entend pas reprocher aux premiers juges qui ont prononcé la déchéance de ses droits sur la marque en ce qu'elle désigne, en classe 3, les produits suivants : 'savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques' d'en avoir tiré les conséquences logiques en rejetant sa demande au titre de la contrefaçon puisqu'elle n'avait plus ni qualité, ni droit, ni titre à agir de ce chef ;Qu'elle précise, par conséquent, qu'elle reprend cette demande 'pour les produits de parfumerie', si la cour venait à infirmer la décision des premiers juges en censurant cette mesure de déchéance ;
Qu'elle soutient, par ailleurs, que la société Cartier International a porté atteinte à sa marque 'Love' en déposant en 2007, alors qu'elle devait nécessairement disposer d'un dispositif de veille auprès de l'INPI, une marque 'L'VE', selon elle rigoureusement identique à la sienne puisque la barre transversale du 'O' doit être tenue pour négligeable, afin de désigner les 'vêtements, chaussures, chapeaux' en classe 25 ;
Mais considérant que la teneur du présent arrêt, en ce qu'il a déchu la société Spacetel de ses droits sur la marque tant pour les produits en classe 3 que pour les produits en classe 25, ceci à compter du 15 octobre 2004, la prive de la qualité à agir en contrefaçon de sa marque par une marque qui ne saurait, de plus, être considérée, ainsi qu'il est prétendu, comme rigoureusement identique ;
Que le jugement doit donc être confirmé en ses dispositions sur ce chef de demande ;
Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme invoqués par la société Cartier SAS :
Considérant que la société Cartier SAS soutient que le tribunal qui l'a déboutée de sa demande de ce chef doit être infirmé et qu'elle est fondée à agir à ce titre ;
Qu'elle incrimine le fait que la société Spacetel a déposé, en 1998, la marque 'Love' en présentant à la vente des montres et des produits similaires revêtus de cette marque et relevant de sa propre activité en cherchant à bénéficier de sa notoriété et de celle de la collection Love, ajoutant que la société Spacetel qui exploitait auparavant un site pornographique s'est précisément reconvertie dans le domaine des parfums en 2006, c'est à dire au moment où elle supportait elle- même des investissements 'colossaux' pour le renom de sa marque ;
Qu'elle se prévaut également de la vente, jusqu'en janvier 2010, de montres 'de pacotille' sur le site internet <www.love.fr> présentées comme des montres de luxe, à l'instar des produits vendus sur le site <www.loveluxe.fr> et de la volonté de la société Spacetel de tirer profit de sa notoriété ;
Qu'elle ajoute, enfin, que la couleur de fond 'bordeaux légèrement framboisé' du site internet <www.love.fr> rappelle directement celle choisie 'par Cartier' dans sa communication depuis plusieurs décennies, laquelle lui permet d'identifier ses produits auprès du public ;Considérant, ceci rappelé, que le tribunal a justement considéré que la société Cartier SAS n'établissait pas en quoi le simple dépôt de la marque 'Love' effectué en 1998 en classe 14 aurait permis à cette dernière de bénéficier de ses investissements financiers ou intellectuels précisément consacrés aux produits concernés ;
Que le fait de vendre à moindre coût, si ce n'est pas à perte, des produits dont rien ne permet d'affirmer qu'ils aient été de pacotille et dont il a été relevé, au surplus, qu'ils avaient fait l'objet d'une exploitation insignifiante, participe de l'exercice de la libre concurrence ;
Qu'enfin, outre que les affirmations de la société Cartier SAS sur la couleur de ralliement de la marque ne sont pas étayées, il apparaît que cette couleur aurait été choisie par 'Cartier', sans plus de précisions sur la personne morale susceptible d'avoir subi un préjudice par la reprise d'une couleur qui serait semblable sur un site internet ;
Que la société Cartier SAS échouant à démontrer une faute délictuelle imputable à la société Spacetel et un préjudice corrélatif qu'elle aurait personnellement subi, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que la société Cartier International qualifie d'insuffisant le montant de la somme qui lui a été allouée en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de sa marque (soit : 10.000 euros) ;
Qu'elle fait valoir qu'il importe de tenir compte également de l'utilisation non sérieuse du signe, par la société Spacetel, pour des produits et services en classes 3, 14 et 25 qui affaiblit le pouvoir attractif de sa marque et l'avilit alors qu'elle s'attache depuis plus de trente années à conférer à sa marque une image exclusive et de luxe ; qu'elle évoque, incidemment, le comportement de la société Spacetel qui aggrave l'atteinte portée à la marque en proposant des licences de sa marque ou la création de nouveaux produits ;
Qu'elle reprend devant la cour ses demandes d'interdiction et de publication ;
Mais considérant que n'ont pas été retenus les faits de contrefaçon résultant de l'utilisation non sérieuse de la marque tels qu'incriminés par la société Cartier SAS ;
Que les éléments soumis à l'appréciation de la cour permettent de considérer que le tribunal a justement apprécié le préjudice subi par les faits de contrefaçon qui ont également été retenus par la cour, ensorte que tant l'évaluation du préjudice subi que l'annulation de la marque telle que prononcée seront confirmées ;
Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a déclaré la demande d'interdiction sans objet et rejeté la demande de publication en considérant que les mesures réparatrices prononcées réparent à suffisance le préjudice subi ;
Sur les demandes complémentaires :
Considérant que l'équité conduit à condamner la société Spacetel à verser à la société Cartier International la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de demande, l'appelante qui succombe supportera les dépens d'appel;
PAR CES MOTIFS
,
Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions relatives à l'irrecevabilité à agir en déchéance de la marque sur les produits ci-dessous visés dans le présent dispositif et, statuant à nouveau et y ajoutant ;
Prononce la déchéance des droits de la société à responsabilité limitée Spacetel Communication sur la marque 'Love' n° 98 767 106 à compter du 15 octobre 2004, en sus de ceux déjà visés dans le dispositif du jugement, pour les produits suivants :
- (en classe 8) 'Rasoirs ; outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillères',
- (en classe 9) 'Appareils et instruments optiques',
- (en classe14) 'Porte-monnaie en métaux précieux, poudriers en métaux précieux',
- (en classe16) 'Papier, carton, enveloppes, papeterie ; matériel pour les artistes',
- (en classe18) 'Parapluies, cannes',
- (en classe 21) 'Verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d'autres classes à savoir : figurines en porcelaine ou en verre, vases non en métaux précieux, vaisselle non en métaux précieux, verre (récipients), flacons non en métaux précieux, poudriers non en métaux précieux, pulvérisateurs de parfum, vaporisateurs de parfums ; verrerie, porcelaine et faïences non comprises dansd'autres classes à savoir : boîtes en verre, bougeoir non en métaux précieux, mosaïques en verre non pour la construction, opaline',
- (en classe 24) 'Linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de lit, linge de maison, linge de table (en matières textiles), couvertures de voyage, couvertures de lit et de table',
- (en classe 25) 'Vêtements, chapellerie',
- ( en classe 26) 'Dentelles et broderies',
- (en classe 28) 'Jeux, jouets, décorations pour arbres de Noël',
- (en classe 34) 'Tabac ; allumettes ; articles pour fumeurs' ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions respectives ;
Condamne la société à responsabilité limitée Spacetel Communication à verser à la société de droit suisse Cartier International AG la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Condamne la société à responsabilité limitée Spacetel Communication aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.