Cour de cassation, Troisième chambre civile, 16 mars 1994, 92-12.980

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1994-03-16
Cour d'appel de Paris
1991-12-02

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière Erlanger-Chanez, dont le siège social est à Paris (8e), ..., représentée par ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 2 décembre 1991 par la cour d'appel de Paris (23e chambre, section A), au profit de : 1 / M. X..., demeurant à Paris (6e), ..., 2 / la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège social est à Paris (16e), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège, 3 / la société OTH, venant aux droits de la société à responsabilité limitée Betex, dont le siège social est à Paris (12e), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège, 4 / la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège social est à Paris (15e), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège, 5 / la compagnie Axa, venant aux droits de la compagnie Assurances du groupe de Paris (AGP), dont le siège social est à Paris-La Défense (Hauts-de-Seine), La Grande Arche, Paroi Nord, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domicilié audit siège, défendeurs à la cassation ; M. X... et la Mutuelle des architectes français ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 16 septembre 1992, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La SCI Erlanger-Chanez, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 9 février 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Valdès, conseiller rapporteur, MM. Cathala, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Valdès, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCI Erlanger-Chanez, de Me Boulloche, avocat de M. X... et de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société OTH, venant aux droits de la société Betex, de Me Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la compagnie Axa, venant aux droits de la compagnie Assurances du groupe de Paris, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique du pourvoi principal : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 1991), que la société civile immobilière Erlanger Chanez (la SCI), assurée en police maître de l'ouvrage par la compagnie Assurances du groupe de Paris (AGP), aux droits de laquelle vient le Groupe Axa, a, de 1975 à 1977, fait construire deux bâtiments à usage d'habitation enclavant un bâtiment préexistant à usage de bureaux, appartenant à la société Prétabail Sicomi, avec le concours de M. X..., architecte, assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF), pour la conception générale, de la société Bureau d'études d'exécution (BETEX), aux droits de laquelle vient la société OTH, chargée des études techniques et de la maîtrise d'oeuvre d'exécution, et de la Société parisienne d'entreprises (SPE), entrepreneur chargé du gros oeuvre, assuré par la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; qu'après réception des ouvrages prononcée le 16 mars 1977, le recolement en vue de la délivrance du certificat de conformité au permis de construire imposant l'aménagement d'une voie d'accès des voitures de pompiers au bâtiment enclavé, a révélé que le passage par une rampe, sous la voûte du bâtiment de la rue Chanez, n'était pas possible aux engins de secours ; que, malgré l'exécution de travaux sous contrôle d'un premier expert désigné en référé et la délivrance, le 3 mars 1982, du certificat de conformité, les essais ont fait apparaître que des travaux étaient nécessaires pour mettre en conformité la voie intérieure afin de permettre à la grande échelle des pompiers d'accéder au bâtiment enclavé ; qu'après nouvelle expertise ordonnée en référé, la SCI a, en 1987, en présence de la société Cogetras, syndic de la copropriété, assigné les constructeurs et les assureurs en remboursement des travaux exécutés à ses frais avancés pour permettre le passage des engins de secours sous la voûte du bâtiment de la rue Chanez et en paiement des travaux restant à exécuter en vue de mettre en conformité la voie de la cour intérieure ; qu'il s'en est suivi plusieurs appels en garantie ;

Attendu que la SCI fait grief à

l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'architecte et du bureau d'études, sous la garantie de l'assureur de l'architecte, au paiement des travaux nécessaires à la mise en conformité de la voie intérieure permettant l'accès des voitures de pompiers à l'immeuble enclavé, alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel constate que le permis de construire accordé le 7 mai 1973 comportait obligation de permettre l'accès et la mise en oeuvre des grandes échelles des sapeurs-pompiers jusqu'à la façade du bâtiment enclavé ; qu'elle énonce, par ailleurs, que les constructeurs n'étaient pas débiteurs des travaux permettant d'éviter des manoeuvres à la grande échelle ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la voie intérieure ne permettait pas, en l'état, un accès à la façade de l'immeuble enclavé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2 ) que la cour d'appel constate, au surplus, qu'en vertu de la réglementation en vigueur, la voie intérieure devait résister au passage d'un véhicule de treize tonnes (article 4 de l'arrêté du 10 septembre 1970) ; qu'en se bornant, dès lors, à affirmer que les constructeurs n'étaient pas débiteurs du coût des travaux permettant d'éviter les manoeuvres à la grande échelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux de consolidation et de renforcement préconisés par l'expert et invoqués par le maître de l'ouvrage n'étaient pas seuls de nature à permettre que la voie intérieure supporte le passage d'un véhicule de treize tonnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil" ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que la voie d'accès au bâtiment enclavé avait été livrée conforme au permis de construire et à la réglementation en vigueur, seul un complément à l'arrêté du 10 septembre 1970, sur la protection des bâtiments d'habitation contre l'incendie, ayant été demandé par les sapeurs-pompiers pour permettre d'éviter des manoeuvres à la grande échelle, la cour d'appel, qui a exactement retenu que les constructeurs n'étaient pas débiteurs, envers le maître de l'ouvrage, du coût des travaux concernant cette voie d'accès, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen

unique du pourvoi incident :

Attendu que M. X... et la MAF font grief à

l'arrêt de les condamner à garantir la société OTH, venant aux droits de la société BETEX, de la moitié de la somme accordée en principal à la SCI au titre de l'exécution des travaux permettant le passage des engins de secours sous la voûte du bâtiment de la rue Chanez, alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel, qui a condamné l'architecte sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun en déclarant le maître de l'ouvrage recevable afin de se prémunir contre toute poursuite des tiers fondée sur sa responsabilité délictuelle, a laissé incertaine la base de la condamnation qu'elle prononce et violé en cela les articles 1347 et 1382 du Code civil ; 2 ) que l'action du maître de l'ouvrage contre les constructeurs ne saurait être déclarée recevable sur le fondement délictuel à défaut d'action engagée ou de condamnation prononcée contre lui sur l'assignation d'un tiers ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1382 du Code civil, seul applicable en cas d'action récursoire sur l'action d'un tiers ; 3 ) que l'arrêt attaqué, qui constate que la SCI avait, antérieurement au certificat de conformité délivré le 3 mars 1982, reçu notification d'avoir à se conformer aux prescriptions du permis de construire par les mises en demeure des 20 novembre 1979, 24 juillet 1980, 17 juillet 1981, n'a pas légalement motivé l'infirmation de la décision entreprise, dès lors que l'Administration, en délivrant un certificat de conformité de la construction, conformément aux prescriptions du permis de construire, lequel renvoyait aux prescriptions de l'arrêté préfectoral du 10 septembre 1970, disposait d'un droit acquis, de nature à le soustraire aux effets des injonctions antérieures ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué, qui n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales devant en résulter, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 4, 1147 et 1382 du Code civil" ;

Mais attendu

qu'abstraction faite d'un motif surabondant concernant la responsabilité délictuelle du maître de l'ouvrage à l'égard des tiers, en cas de sinistre, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, en retenant exactement que la SCI était recevable, comme y ayant un intérêt légitime, à exercer l'action en responsabilité contractuelle de droit commun contre les constructeurs, pour non-conformité de la construction au projet ayant fait l'objet du permis de construire visant la réglementation sur la protection des bâtiments d'habitation contre l'incendie, dès lors qu'elle avait reçu des mises en demeure de la Direction de la prévention et de la protection civile, avant la délivrance du certificat de conformité et qu'elle avait engagé les frais nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage avec cette réglementation, et en relevant que les défauts de conformité constatés avaient causé à la SCI un préjudice distinct de celui pouvant résulter de la non-délivrance du certificat de conformité et ayant subsisté après la délivrance de ce certificat ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois ; Condamne la société civile immobilière Erlanger Chanez à payer respectivement au Groupe Axa et à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme de huit mille francs et celle de trois mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SCI Erlanger-Chanez aux dépens du pourvoi principal ; Condamne, ensemble, M. X... et la MAF aux dépens du pourvoi incident ; Condamne, ensemble, la SCI Erlanger-Chanez, M. X... et la MAF aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.