COMM.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10437 F
Pourvoi n° D 17-10.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'association Hospitalière Saint-Luc, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2016 par la cour d'appel de [...] chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme Sylvie Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
défenderesses à la cassation ;
La Société générale a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 juin 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. A..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme B..., avocat général référendaire, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'association Hospitalière Saint-Luc, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Société générale ;
Sur le rapport de M. A..., conseiller, l'avis de Mme B..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé au pourvoi principal, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Hospitalière Saint-Luc aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE
à la présente décision
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Hospitalière Saint-Luc
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'association hospitalière Saint-Luc de sa demande tendant à voir confirmer jugement du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare du 2 avril 2015 en ce qu'il a constaté que la Société Générale a manqué à son devoir de vigilance et de prudence relativement au fonctionnement du compte bancaire de Mme Sylvie Z... et, en conséquence, a condamné la Société Générale à lui verser la somme de 142 024,05 euros ;
AUX MOTIFS QU'il doit être rappelé que la Société Générale n'était pas la banque dépositaire des fonds de l'association Hospitalière Saint Luc, mais était gestionnaire du compte de Mme Z..., au profit duquel des sommes ont été détournées au préjudice de l'association ; que cette association qui agit sur un fondement délictuel contre la Société Générale, doit donc établir la faute qu'aurait commise cette dernière et le lien avec le préjudice financier qu'elle a subi, s'agissant en majeure partie de sommes représentant les frais mensuels d'hébergement de ses pensionnaires, ou de chèques tirés de son compte ; qu'en l'espèce, sur les 101 chèques détournés ou indûment tirés, 6 chèques, représentant un montant total de 8 975 euros comportent une anomalie apparente, dans le libellé du bénéficiaire ; que d'une écriture différente ou identique, est ajoutée en effet à côté de 'Maison Saint Martin ' ou Maison Saint Martin Lyon', la mention 'Mme Z... ' ou 'Sylvie Z...' ou 'Z...', anomalies apparentes qui auraient dû conduire la Société Générale, non gestionnaire d'un compte 'Maison Saint Martin Z...' à ne pas encaisser ces chèques sur le compte de sa cliente sans demander des explications à celle-ci et à l'autre bénéficiaire de ces chèques ; que la Société Générale, qui a ainsi commis une faute, doit indemniser l'association Hospitalière Saint Luc du préjudice qu'elle a subi au titre des frais d'hébergement détournés par chèques falsifiés, soit 8 975 euros, sans pouvoir invoquer un partage de responsabilité avec l'association en sa qualité d'employeur, dès lors que la banque ne caractérise pas la faute que celle-ci aurait commise en ne décelant pas la falsification de 6 chèques émis par des pensionnaires, dont elle ignorait précisément l'existence et qui sont en nombre limité et étalés sur 2 ans et demi ; qu'en revanche, les 95 autres chèques litigieux sont tous exactement libellés et ne comportent aucune anomalie grossière ou apparente, susceptible d'être décelée par un employé normalement diligent ; que même si sur certains d'entre eux, toutes les mentions ne sont pas écrites de la même main, cette circonstance ne caractérise pas une anomalie apparente, dès lors que ces mentions sont cohérentes et que les chèques étaient signés de leur titulaire, sur lequel, la banque, non gestionnaire du compte n'avait aucune raison ni moyen de s'interroger quant à leur âge ou à la cause des paiements, qui n'ont jamais fait l'objet d'une opposition ; que les chèques tirés du compte de l'association elle-même, sur lequel Mme Z... ne disposait pas de délégation de signature, selon les déclarations de son vice-président, M. C... , sont également signés de ce dernier, les sommes ou l'identité du destinataire ayant été ensuite ajoutées par Mme Z... ; que c'est ainsi qu'en l'absence d'opposition de la part des titulaires des chèques débités, la banque a pu créditer pendant près de trois ans ces chèques sur le compte de sa cliente, sans que sa responsabilité délictuelle puisse être engagée à ce titre ; qu'en tant que gestionnaire du compte bénéficiaire des chèques, celle-ci n'est en effet tenue à aucune obligation de vigilance vis à vis des tiers, ou de sa cliente, à l'égard de laquelle elle n'a pas de pouvoir d'ingérence ; que ni le montant des chèques en moyenne de 1400 euros, ni le fait qu'ils émanent de personnes physiques, pour des montants sensiblement identiques, ni encore moins leur régularité, ne caractérise une anomalie si apparente dans le fonctionnement du compte de Mme Z... qu'elle aurait dû alerter la banque sur de possibles opérations illicites ; que même si les salaires de celle-ci étaient virés tous les mois sur ce même compte et si les chèques détournés, augmentaient sensiblement ses revenus mensuels, ses comptes présentaient régulièrement une situation débitrice, ainsi qu'en justifie la Société Générale ; que le jugement qui a condamné la Société Générale à indemniser l'Association Hospitalière Saint Luc de l'intégralité des sommes détournées par Mme Z..., doit être partiellement infirmé, cette condamnation étant limitée à la somme de 8 975 euros pour laquelle sa responsabilité délictuelle est engagée ; que cette indemnisation ne peut porter intérêts au taux légal qu'à compter du jugement, confirmé dans cette limite, et non à compter d'une mise en demeure, sauf à indemniser un préjudice complémentaire qui n'est pas invoqué ;
1/ ALORS QUE la banque, tenue de relever les anomalies apparentes d'un chèque qui lui est présenté, doit assumer les conséquences du risque qu'elle prend en s'en abstenant ; qu'à ce titre engage sa responsabilité envers les tiers victimes de la fraude organisée par son client la banque qui ne fait preuve d'aucune vigilance particulière, en restant inactive alors que des chèques comportant une anomalie apparente lui ont été remis par ce client ; qu'en l'espèce, après avoir pourtant relevé que « 6 chèques, représentant un montant total de 8 975 euros comport[ai]ent une anomalie apparente dans le libellé du bénéficiaire » et qu'à ce titre la Société Générale avait « commis une faute » l'obligeant à indemniser l'association hospitalière Saint Luc du préjudice subi au titre des frais d'hébergement détournés par Mme Z... sa préposé, cliente de la Société Générale, la cour d'appel a retenu que cette dernière n'avait commis aucune faute en encaissant 95 autres chèques détournés par la même préposé au prétexte qu'ils étaient « tous exactement libellés et ne comport[ai]ent aucune anomalie grossière ou apparente susceptible d'être décelée par un employé normalement diligent » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée (écritures d'appel de l'exposante, p. 8 in fine et s.), si, à compter du moment où le premier des 6 chèques comportant une anomalie apparente lui avait été présenté par Mme Z..., la Société Générale n'avait pas manqué à son devoir de vigilance en s'abstenant de toute surveillance accrue pour les chèques présentés postérieurement par cette même cliente, et notamment sur ceux tirés sur les mêmes personnes que celles dont elle avait constaté que les chèques avaient été falsifiés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382, devenu
1240, du code civil ;
2/ ALORS QUE la banque, tenue de relever les anomalies apparentes de fonctionnement d'un compte, doit assumer les conséquences du risque qu'elle prend en s'en abstenant ; que l'existence de nombreux mouvements, sans justification apparente, consécutifs au dépôt répété sur le compte du client de chèques émis à l'ordre d'une personne morale avec indication d'un second bénéficiaire personne physique, caractérise une anomalie apparente de fonctionnement appelant une vigilance particulière de la banque ; qu'en l'espèce, en considérant, pour écarter tout devoir de vigilance à son endroit, que quatre-vingt-quinze des chèques présentés à la Société Générale par sa cliente Mme Z... ne présentaient en eux-mêmes aucune anomalie apparente ou grossière, tout en relevant par ailleurs, d'une part, que six autres chèques présentées par la même cliente à la Société Générale sur une période de deux ans et demi comportaient une telle anomalie dès lors qu'ils portaient, à côté du l'indication de la maison Saint Martin, l'indication d'un second bénéficiaire, à savoir Mme Z... et, d'autre part, que les quatre-vingt-quinze chèques détournés par Mme Z..., tirés sur des personnes physiques pour des montant presqu'identiques, augmentaient sensiblement ses revenus mensuels, virés tous les mois sur son compte, ce dont il s'inférait des anomalies de fonctionnement qui auraient dû appeler une vigilance particulière de la banque, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article
1382, devenu
1240, du code civil.