Tribunal de grande instance de Paris, 25 janvier 2006, 2000/01687

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2000/01687
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : POILÂNE MAX ; MAX POILÂNE
  • Classification pour les marques : CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL42 ; CL43
  • Numéros d'enregistrement : 92424352 ; 93454998
  • Parties : POILANE SA ; P (Apollonia) ; P (Athéna) / P (Max) ; MAX POILANE (Sté)

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2011-09-14
Cour de cassation
2010-01-19
Cour de cassation
2009-07-07
Cour d'appel de Paris
2008-04-18
Tribunal de grande instance de Paris
2006-01-25

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 1ère sectionN°RG: 00/01687 JUGEMENT rendu le 25 Janvier 2006 DEMANDERESSE Société POILANE SA[...] représentée par Me Dariusz SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.17 INTERVENANTES VOLONTAIRES : Mademoiselle Apollonia P représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 2322 Mademoiselle Athéna P représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire M 2322 DÉFENDEURS Monsieur Max P représenté par Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire Cl357 Société MAX POILANE[...] représentée par Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire Cl357 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude A, Vice-Présidente Marie C. Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge assistées de Caroline LARCHE, Greffier, DEBATS A l'audience du 08 Novembre 2005 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publiqueContradictoireen premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

. La société POILANE a fait assigner, par actes des 30 décembre 1999 et 19 janvier 2000, la société MAX POILANE et M. Max P aux fins de voir interdire à ces derniers d'exploiter la dénomination "MAX POILANE" en vertu des dispositions de l'article L 713-6 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, de voir prononcer la nullité des marques n° 92.424.352 "P MAX" et n° 93.454.999 "Max P" en application des dispositions des articles 711-4 et L 714-3 du Code de la propriété intellectuelle. Par conclusions du 24 septembre 2001, monsieur Lionel P, gérant de la société demanderesse, est intervenu volontairement à la procédure. Par acte du 31 décembre 2003, l'unique actionnaire de la société POILANE (siège social [...]) à savoir la société POILANE CHERCHE MIDI (siège social [...]), a décidé de la dissolution anticipée sans liquidation de la société POILANE. Par application des dispositions de l'article 1844-5 du Code civil, la transmission universelle du patrimoine de la société a eu lieu entre les mains de l'associé unique, à savoir la société POILANE CHERCHE MIDI. Le même jour, la société POILANE CHERCHE MIDI a changé de nom pour devenir la société POILANE SA. Tous ces actes ont été inscrits au Registre National des Marques le 7 juin 2004 sous le numéro 394047. La société POILANE SA est intervenue volontairement à la procédure. Suite au décès de monsieur Lionel P, ses deux filles, Melles Apollonia et Athéna P, la seconde étant mineure à l'époque et représentée par son tuteur, sont intervenues volontairement à l'instance. Melle Athéna P devenue majeure le 27 décembre 2004 a repris l'instance en son nom par conclusions prises à l'audience avec l'accord des autres parties. Les deux marques contestées n° 92.424.352 "P MAX" e t n° 93.454.999 "Max P" ont été déposées par M. Max P les 26 juin 1992 et 12 février 1993. La société MAX POILÂNE est propriétaire d'un fonds de commerce de boulangerie situé Rue de Vaugirard où elle exerce sous la dénomination sociale MAX POILÂNE et est gérée par M. Max P. Plusieurs litiges ont déjà opposé certaines des parties et il est utile pour la compréhension des faits et des demandes de rappeler le litige tranché par la Cour d'Appel de Paris. Les parties opposées étaient la société POILÂNE DU CHERCHE MIDI et M. Pierre P, père de MM. Lionel et Max P d'une part, et M. Max P et sa société BOULANGERIE BRANCION devenue la S.A.R.L. MAX POILÂNE d'autre part. Il était demandé par la société POILÂNE DU CHERCHE MIDI et par monsieur Pierre P, la nullité de la marque "POILÂNE MAX" déposée le 2 février 1982 à l'INPI et enregistrée sous le numéro 1.196178, les demandeurs ayant été déboutés de leur demande par jugement de ce Tribunal en date du 23 janvier 1991. Par arrêt en date du 9 décembre 1992, la cour d'Appel de Paris a débouté la société POILÂNE CHERCHE MIDI de sa demande de nullité et a réglementé l'usage du signe POILÂNE en disant que M. Max P et la S.A.R.L. Max POILÂNE ne pourront employer pour un usage commercial le patronyme P à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne et dans leurs papiers d'affaires et publicités et emballages qu'en le faisant précéder immédiatement sur la même ligne du prénom MAX dans les mêmes caractères de mêmes dimensions, de même couleur et de même tonalité et en y ajoutant immédiatement en dessous en caractères lisibles l'adresse ou les adresses de leur(s) établissement(s). La marque déposée le 2 février 1982 est venue à expiration à l'été 1992 et n'a pas été renouvelée. La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société POILÂNE DU CHERCHE MIDI et M. Pierre P le 13 juin 1995.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2005, la société POILÂNE SA a soutenu que titulaire de la marque POILÂNE qui est notoire sur le marché de la boulangerie, elle a intérêt à demander la nullité des marques "Poilâne Max" et "Max P" et l'interdiction de la dénomination Max Poilâne car l'usage de ces marques et dénomination contenant le terme P crée une confusion certaine dans l'esprit des consommateurs. Elle a contesté que la décision de la Cour d'appel de Paris en date du 9 décembre 1992 ait l'autorité de la chose jugée à son égard car cette décision a été rendue entre la société BOULANGERIE BRANCION et M. Max P et la société POILÂNE CHERCHE MIDI et M. Pierre P et qu'elle n'était en aucun cas partie au litige. Elle a également argumenté que l'exception de forclusion par tolérance prévue à l'article L 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ne s'applique qu'aux marques déposées de bonne foi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de l'usage de la marque "Max POILÂNE" puisque celle-ci a été enregistrée sans tenir compte de la réglementation prévue dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle a ajouté que la forclusion par tolérance ne saurait intervenir pour l'usage d'un nom patronymique.Elle a développé les risques de confusion entre les signes en présence pour fonder ses demandes de nullité des marques et d'interdiction de l'usage du nom patronymique P par M. Max P, et subsidiairement a formé une demande de réglementation de la dénomination Max POILÂNE et des marques.Elle a indiqué qu'en tout état de cause la marque n°°92 424 352 "P Max" encourt la déchéance pour défaut d'exploitation. La société POILÂNE SA a demandé au tribunal de :Déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés la Société MAX POILÂNE et M. Max P en toutes leurs demandes, fins et conclusions, Les en débouter. Déclarer recevable la société POILÂNE SA en son intervention volontaire. Dire et juger que l'exploitation par la société MAX POILÂNE et par M. Max P de la dénomination MAX POILÂNE telle qu'elle est établie par les pièces versées aux débats et visées dans les dernières conclusions des demanderesses constitue une atteinte aux droits de la société POILÂNE sur la marque enregistrée notoire « POILÂNE » n° 1.299.199.

En conséquence

, interdire à la société MAX POILÂNE et à M. Max P d'utiliser sous quelque forme et à quelque titre que ce soit la dénomination MAX POILÂNE pour désigner notamment les produits de boulangerie, pâtisserie et confiserie et autres produits et activités similaires sous astreinte de 1500 € à compter de la signification du jugement à intervenir et cela en application de l'article L.713-6 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle. Dire et juger que les marques n°92/424 352 et n°93/ 454 998 portent atteinte aux droits de la société POILÂNE sur la marque enregistrée notoire «POILÂNE» n° 1.290.999 et en conséquence en prononcer la null ité en application de l'article L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle. En toute hypothèse, prononcer la déchéance de la marque n° 92.424.352 déposée le 26 juin 1992.avec effet au 26 juin 1997, et cela conformément aux dispositions de l'article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle. Subsidiairement, ordonner aux défendeurs de cesser d'utiliser pour désigner les produits de boulangerie et les produits et activités similaires la dénomination « MAX POILÂNE » dans la forme graphique (typographie, couleurs, présentation) identique ou similaire à celle sous laquelle est exploitée la marque « POILÂNE » par son titulaire, la société POILÂNE et cela sous astreinte de 1500 euros par infraction. Interdire à M. Max P en application de l'article L.713-6 du Code la propriété intellectuelle de céder à quiconque ses droits sur les marques enregistrées « MAX POILÂNE» et cela sous astreinte de 10.000.000 (dix millions) euros par infraction. Dire qu'une éventuelle transmission des droits sur les marques enregistrées « MAX POILÂNE » serait inopposable à la société POILANE. Très subsidiairement, saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes de la question préjudicielle en application des dispositions de l'article 234 du Traité de Rome suivante :« Une société qui est titulaire d'un droit antérieur consistant dans une marque enregistrée, est-elle recevable à agir à l'encontre du titulaire d'une marque postérieure non susceptible d'une action en nullité de marque en raison de la forclusion par tolérance pour demander la réglementation d'usage de cette marque postérieure de manière à éviter la confusion avec le droit antérieur ainsi que l'interdiction du transfert de la marque à un tiers, sans contrevenir aux dispositions de l'article 9 de la Directive Communautaire n°89/104 du 21 décembre 1988 ». Condamner in solidum les défendeurs à payer à la société POILÂNE une indemnité de 50.000 € en réparation du préjudice subi. Ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux au choix de la société demanderesse et aux frais in solidum des défendeurs. Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution. Condamner in solidum les défendeurs à une indemnité de 25.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Condamner in solidum les défendeurs en tous les dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Dariusz SZLEPER conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Dans leurs dernières conclusions du 8 novembre 2005, Melles Apollonia et Athéna P n'ont formé d'autres demandes que celles d'accueillir favorablement les demandes formées par la SA P et ont sollicité la condamnation de la société Max POILANE et M. Max P à leur payer la somme de 2.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dans leurs écritures récapitulatives du 4 octobre 2005, la société Max POILANE et M. Max P ont soulevé plusieurs exceptions d'irrecevabilité des demandes de la société POILANE SA. La première est fondée sur la forclusion de toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant 5 ans. Les marques "Poilâne Max" et "Max P" ayant été enregistrées les 26 juin 1992 et 12 février 1993 et l'action n'ayant été entreprise que le 30 décembre 1999. Ils ont contesté avoir déposé les marques de mauvaise foi en indiquant qu'il appartient à la société POILÂNE de démontrer cette mauvaise foi par des présomptions graves, précises et concordantes. La seconde est fondée sur l'autorité de la chose jugée, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992 devenu définitif depuis le rejet de la cour de cassation du 13 juin 1995, ayant une autorité erga omnes, ayant fait l'objet d'une publicité au registre national des marques. Subsidiairement, ils ont fait valoir qu'il n'existait aucune confusion possible auprès des consommateurs qui font parfaitement le distinguo entre les deux marques homonymes.Ils ont contesté l'intervention volontaire de monsieur Lionel P puis la reprise d'instance par ses filles au motif qu'aucun élément pertinent n'était soulevé au soutien de cette action et qu'au contraire, cette action n'était que le prétexte d'un rappel d'éléments familiaux douloureux dans des termes proches de la calomnie.Ils ont nié l'utilité de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle pour dire si le juge français peut organiser une restriction dans l'exploitation de marques lesquelles par ailleurs ne pourraient être contestées du fait de la forclusion de l'action en nullité. La société MAX POILÂNE et M. Max P ont sollicité du tribunal de :-dire que la société POILÂNE SA est irrecevable et, en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,-l'en débouter,-dire Mesdemoiselles Apollonia et Athéna P irrecevables et, en tout cas mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions,-les en débouter,-condamner la^société P SA à payer à la société MAX POILÂNE et à M. Max P la somme de 5.000 euros chacun par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La clôture a été prononcée à l'audience après la signification des conclusions de reprise d'instance d'Athéna P, cette dernière étant devenue majeure. SUR CE -sur l'intervention volontaire d'Apollonia et Athéna P. Il convient de constater qu'au titre de l'intervention volontaire formée par Melles Apollonia et Athéna P, aucune demande au sens juridique du terme n'est faite ; en effet, Melles Apollonia et Athéna P ne forment aucune demande personnelle consistant à trancher un litige les opposant à titre personnel aux défendeurs. Il est demandé au tribunal d' "accueillir la société POILANE en toutes ses demandes à l'encontre des défendeurs" ce qui démontre que Melles Apollonia et Athéna P n'ont aucun intérêt à agir en leur nom à l'encontre des défendeurs puisqu'elles ne forment aucune demande autre que celle de payer les frais engagés dans cette instance dans laquelle elles sont intervenues de leur propre chef. A défaut d'intérêt à agir démontré, l'action de Melles Apollonia et Athéna P sera déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 122 du nouveau Code de procédure civile et leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sera rejetée. -sur les exceptions d'irrecevabilité. *du fait de l'autorité de la chose jugée. L'article 122 du nouveau code de procédure civile dispose que "constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel... la chose jugée. " L'article 1351 du Code civil précise que "l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". Il convient donc de comparer la demande contenue dans l'assignation des 30 décembre 1999 et 19 janvier 2000 et dans les conclusions de la société POILÂNE du 17 octobre 2005 et la demande contenue et tranchée dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 1992. L'arrêt du 9 décembre 1992 a été rendu entre M. Pierre P et la société POILÂNE ([...]) demandeurs d'une part et M. Max P et la société Boulangerie BRANCION devenue la société MAX POILÂNE défendeurs d'autre part. Dans le présent litige, sont opposés la société POILÂNE SA, demanderesse d'une part, et M. Max P et la société MAX POILÂNE S.A.R.L., défendeurs d'autre part. En l'espèce, il y a identité entre les parties défenderesses qui sont les mêmes et il y a lieu de préciser que la société demanderesse était la société POILÂNE ([...]) seule titulaire du signe notoire POILÂNE à l'époque ; que la société POILÂNE SA dont le siège social est situé [...], est devenue l'ayant droit de la société POILÂNE (Boulevard de Grenelle) et la titulaire du signe notoire POILÂNE du fait d'opérations de liquidation et de changement de nom publiées dans un journal d'annonces légales et au Registre des Marques. De ce fait, les parties en cause sont les mêmes dans les deux litiges, les intervenantes volontaires ayant été déclarées irrecevables en leur action. La demande fondée sur 1 ' utilisation du nom et du prénom comme dénomination sociale a déjà été tranchée par la cour d'Appel et a autorité de la chose jugée, puisque le fondement invoqué est le même à savoir la confusion possible entre le signe notoire POILANE et la dénomination sociale. La société POILANE SA est donc irrecevable en ses demandes relatives à la dénomination sociale de la société MAX POILANE. L'arrêt du 9 décembre 1992 a déclaré valable la marque "POILANE MAX" déposée le 2 février 1982, marque qui n'a pas été renouvelée dans les délais et a déclaré que la société MAX POILANE avait un intérêt légitime à utiliser le nom et le prénom de M. Max P comme dénomination sociale, tout en limitant l'usage commercial qui pourra être fait du patronyme P à titre de marque, de dénomination sociale, nom commercial ou enseigne ... La demande relative à la marque a autorité de la chose jugée mais porte sur une marque déposée en février 1982 "P MAX" qui n'a pas été renouvelée. Il n'y a donc pas autorité de la chose jugée sur la marque déposée en 1993. *du fait de la forclusion de la demande en nullité des marques contestées. Aux termes de l'article L 711-4, " ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens del'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle,b) à une dénomination ou raison sociale s'il existe un risque de confusion dansl'esprit du public,c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoirenational s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public... " L'article L 714-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'"est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4. ... Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L 711-4. Toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans ". En l'espèce, les deux marques n° 92.424.352 "P Max" et n° 93.454.999 "Max P" ont été déposées par M. Max P les 26 juin 1992 et 12 février 1993. L'assignation en nullité des marques formée par la société POILÂNE SA date du 30 décembre 1999, soit plus de cinq ans après l'enregistrement des marques. Les défendeurs soulèvent la forclusion de la demande en nullité. La société POILÂNE^ doit démontrer, pour s'opposer à cette forclusion, que monsieur Max P n'a pas déposé ses marques de bonne foi. Pour ce faire, elle invoque que monsieur Max P, par le dépôt des deux marques contestées, tel qu'il a été effectué, n'a pas respecté les limites fixées par l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 9 décembre 1992, tout en déniant à cet arrêt l'autorité de la chose jugée. En tout état de cause, et avant même d'analyser cette exception d'irrecevabilité, il convient de constater que le dépôt n° 92.424.352 "P Max" enregistré par M. Max P le 26 juin 1992 ne pouvait respecter des dispositions judiciaires contenues dans une décision qui n'existait pas à la date du dépôt de la marque Pour ce qui est du dépôt de la marque "Max Poilâne" en date du 12 février 1993, la demanderesse soutient que l'absence de bonne foi s'infère du dépôt de la marque, lequel ne respecte pas, selon elle, les dispositions de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 9 décembre 1992 relatif à la réglementation à titre de marque du patronyme P Mais du fait de l'absence d'autorité de la chose jugée de cette décision s'agissant de la marque "Max Poilâne" déposée le 12 février 1993 d'une part, d'autre part du fait que cet arrêt n'annule en aucun cas un dépôt de marque ni ne déclare une marque illicite mais dit que la marque objet de l'arrêt ne pourra être utilisée qu'avec le prénom Max sur la même ligne , dans les mêmes caractères, de la même dimension et de mêmes couleur et tonalité que P, le dépôt ne peut qu'être déclaré de bonne foi ; Force est de constater, d'ailleurs, que monsieur Max P a respecté, lors du dépôt de la nouvelle marque en 1993, ces conditions, bien que l'arrêt n'ait pas autorité de chose jugée sur cette marque, le prénom et le nom étant sur la même ligne, dans les mêmes ^caractères de la même dimension et de la même couleur et tonalité que P ; La réglementation du patronyme " P" fixée par la Cour d'Appel de Paris ne s'applique pas au dépôt de marque, contrairement aux allégations de la société demanderesse, mais à l'usage commercial que doit faire monsieur P de sa marque, laquelle, lorsqu'elle est exploitée telle qu'elle a été déposée, doit être accompagnée de l'adresse ou des adresses des établissements propriété de monsieur POILÂNE; Par ailleurs, des pièces versées au débat, il ressort qu'aucune action n'a été intentée précédemment à rencontre de ces deux marques et que les procès-verbaux de constat ( en date des 2 février, 28 septembre et 22 décembre 1994, des 24 mars et 31 mai 1995, du 5 août 1996, de juillet 1997, du 18 mars 1998 et 30 décembre 1999) dressés pendant le délai écoulé entre le dépôt des marques et l'action introductive d'instance n'ont aucun caractère interruptif au sens de l'article 2244 du Code civil, aucune dénonciation de ces procès-verbaux, aucune citation en justice, aucune saisie n'étant justifiées, le défaut de tolérance devant se traduire par la manifestation positive et non équivoque par le titulaire de la marque de son intention de contester la marque seconde . Dès lors, la bonne foi de monsieur Max P, lors du dépôt des marques ne pouvant être contestée et aucune action n'ayant été formée dans le délai de cinq ans à compter du dépôt des marques, aucun acte interruptif d'instance n'étant survenu, la société POILÂNE SA doit être déclarée forclose en sa demande en nullité ; - sur la déchéance de la marque "Poilâne Max" n° 92.4 24.352. La société POILÂNE SA demande la déchéance de la marque "Poilâne Max" déposée le 26 juin 1992 sous le N° 92.424.352 pour défaut d'exploitation par application des dispositions de l'article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle avec effet au 26 juin 1997. M. Max P titulaire de la marque "Poilâne Max" ne verse au débat aucun élément relatif à l'exploitation de cette marque, dont il ne conteste pas l'inexploitation. Il sera fait droit à la demande de déchéance de la marque "Poilâne Max" formée par la société POILÂNE SA avec effet au 26 juin 1997. -sur la demande de réglementation de la dénomination et de la marque "Max POILÂNE " n° 93.454.999. La société POILÂNE demande, à titre subsidiaire, au Tribunal de réglementer l'exploitation de la dénomination sociale et des marques "POILÂNE Max" et "Max P" de manière à ce qu'elles cessent de porter atteinte aux droits antérieurs sur la marque notoire "POILÂNE". La demande subsidiaire, à la différence de la demande accessoire, est formulée pour le cas où la demande principale ne serait pas accueillie. Elle est donc recevable en l'espèce et est fondée sur les dispositions de l'article L 713-6 du Code de la propriété intellectuelle. M. Max P ayant été déchu de la marque "POILÂNE Max" N° 92 424 352, seules seront étudiées les demandes de réglementation de la dénomination sociale POILÂNE et de la marque Max POILÂNE. L'article L 713-6 invoqué n'est applicable que pour réglementer l'usage antérieur d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne, d'un nom patronymique employé de bonne foi opposés à une marque enregistrée. Il ne peut être appliqué pour réglementer l'usage d'une marque valide opposée à une autre marque valide, et ce sans qu'il soit utile de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes. En ce qui concerne la dénomination sociale, la société POILÂNE demande un renforcement de cette réglementation qui devrait porter sur toutes les conditions d'exploitation de la dénomination POILÂNE, après avoir relevé selon elle des manquements à la réglementation décidée par la cour d'appel de Paris. Elle ne tire toutefois aucune conséquence juridique précise des ces manquements invoqués, ni dans le corps de ses conclusions, ni dans son dispositif, si ce n'est une demande d'astreinte qui ne peut être étudiée^ son montant n'étant pas précisé, et qui ne serait d'ailleurs pas du ressort de ce tribunal s'agissant de l'exécution d'une décision de la cour d'appel de Paris. En revanche, elle a demandé qu'il soit ordonné aux défendeurs de cesser d'utiliser la dénomination Max POILÂNE dans l'a forme graphique (typographie, couleurs, présentation) identique ou similaire à celle sous laquelle est exploitée la marque "POILÂNE" par son titulaire la société POILÂNE. Or il convient de constater que la société Max POILÂNE reprend d'une part, à l'identique dans ses documents commerciaux (factures, papier à lettre), sur ses emballages, ses sacs à pain, la marque déposée par M. Max P en 1993, dont elle a l'usage, et non pas la marque "POILÂNE" qui elle est déposée sous forme de lettres bâton et d'autre part, en respectant la réglementation contenue dans l'arrêt du 9 décembre 1992. En conséquence, la société POILÂNE sera déboutée de ce chef. Elle a également demandé, et sur le même fondement, que soit interdit à M. Max P et à la société MAX POILÂNE de céder ou transférer la marque "Max Poilâne" à un tiers. Or, ainsi qu'il a été dit plus haut les dispositions de l'article L 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ne prévoient pas de réglementer l'usage d'une marque valide par rapport à une autre marque valide fut-elle notoire. La demande de la société POILANE est donc mal fondée et se heurte de surcroît aux dispositions de l'article L 714-1 du Code de la propriété intellectuelle pour lesquelles aucune restriction n'a été prévue. La société POILANE sera déboutée de ce second chef de demande. -sur les autres demandes.La demande de publication judiciaire du dispositif du jugement est sans objet.L'exécution provisoire n'est pas nécessaire, elle ne sera pas ordonnée. Les conditions sont réunies pour allouer la somme de 2.500 euros à M. Max P d'une part et à la société MAX POILANE d'autre part sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, -Déclare irrecevable l'intervention volontaire de Mesdemoiselles Apollonia et Athéna P. - Les déboute de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Déclare irrecevable la société POILANE SA en ses demandes portant sur l'atteinte portée à ses droits du fait de l'utilisation de la dénomination Max POILANE par les défendeurs. - Déclare irrecevables les demandes en nullité des marques N° 92.424.352 "P Max" et N° 93.454.999 "Max P" enregistrées par M. Max P les 26 juin 1992 et 12 février 1993, formées par la société POILÂNE SA sur le fondement de l'article L 716-5 du Code de la propriété intellectuelle. - Prononce la déchéance de la marque "Poilâne Max" déposée le 26 juin 1992 avec effet au 26 juin 1997 pour défaut d'exploitation par application des dispositions de l'article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle. - Déclare sans objet du fait de la déchéance prononcée, la demande de réglementation de la marque "POILÂNE Max" N° 92 424 352. - Déclare mal fondée la demande subsidiaire de réglementation complémentaire de la marque "Max POILÂNE' et d'interdiction de cession des droits sur la marque N° 93.454.999 "Max P" de M. Max P marque déposée le 12 février 1993. - Déboute la société POILÂNE du surplus de ses demandes. - Condamne la société POILÂNE à payer à la société MAX POILÂNE d'une part et à M. Max P d'autre part la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision. - -Déboute les parties du surplus de leurs demandes; - Condamne la société POILÂNE SA aux dépens dont distraction au profit de M° Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat par applic ation des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.