Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 21 septembre 2004, 02-20.250

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2004-09-21
Cour d'appel de Lyon (1re chambre civile)
2002-09-05

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Donne acte aux époux X... de leur désistement envers la BECM, le Crédit agricole Indosuez et le Crédit commercial de France ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les époux X... que sur le pourvoi incident provoqué formé par M. Y... ; Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif déféré (Lyon, 5 septembre 2002), que pour acquérir des titres de la société Union financière de France (l'UFF), qui s'introduisait en bourse, les époux X... ont emprunté le 7 juillet 1987 auprès de la Banque de l'économie Crédit mutuel (BECM) une somme de 1 000 000 francs, garantie par le nantissement des actions ; que ce nantissement n'a pas été notifié à l'UFF par M. Y..., notaire, qui en était chargé ; que le 10 juillet 1987, M. X... a donné l'ordre à l'UFF de transférer ses actions à la Banque Indosuez et que le 19 octobre 1987, il a donné l'ordre de les virer en compte au Crédit commercial de France (CCF) ; que le 25 novembre 1988, il a donné les titres en garantie d'un découvert d'un mois de 2 000 000 francs au CCF ; que la BECM, qui n'a pu obtenir le remboursement du prêt consenti aux époux X..., a assigné M. Y... en réparation du préjudice subi ; que celui-ci a appelé les époux X... en garantie ;

Sur le premier moyen

du pourvoi provoqué et incident :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt

d'avoir dit qu'il avait commis une faute préjudiciable à la BECM, alors, selon le moyen, que la faute de la victime en relation causale avec le dommage est de nature à exonérer le notaire de sa responsabilité ; que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions que la BECM, professionnel du crédit, avait contribué à son préjudice dès lors qu'informée régulièrement des difficultés rencontrées, elle n'avait pris aucune mesure contre les époux X... ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'officier public, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'après avoir retenu, par motifs adoptés, que le notaire avait commis quatre fautes et qu'en l'absence de l'une quelconque de ces fautes, le nantissement aurait pu être pris en compte par le CCF et ce jusqu'à la date de la demande de conversion au porteur des actions, l'arrêt retient, par motifs propres, que le préjudice causé par l' absence de la garantie ne constitue que la perte d'une chance de recouvrer facilement la créance par la mise en jeu d'une sûreté efficace et rapide ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du même pourvoi, pris en ses deux branches : Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir limité la condamnation des époux X... à le relever et garantir au tiers des condamnations prononcées contre lui, alors, selon le moyen : 1 ) que le notaire condamné envers le créancier à qui il a fait perdre une sûreté est subrogé dans ses droits à l'encontre de l'emprunteur dont la dette était garantie et qui doit en supporter intégralement la charge finale ; qu'en limitant néanmoins à un tiers la garantie des époux X... envers M. Y... bien qu'en leur qualité d'emprunteurs qui avaient reçu les fonds dont ils devaient remboursement, ils aient été tenus de supporter seuls la charge finale de la dette, la cour d'appel a violé l'article 1251-3 du Code civil ; 2 ) que le notaire condamné envers le créancier à qui il a fait perdre une sûreté dispose d'un recours intégral en garantie à l'encontre de l'emprunteur dont la dette était garantie et qui doit en supporter la charge finale ; qu'en limitant néanmoins à un tiers la garantie des époux X... envers M. Y... bien qu'en leur qualité d'emprunteurs qui avaient reçu les fonds dont ils devaient remboursement, ils aient été tenus de supporter seuls la charge finale de la dette, la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1214 du Code civil ;

Mais attendu

, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. Y... que celui-ci ait invoqué à son profit le bénéfice de la subrogation ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ; Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient, par un motif non critiqué, que le préjudice de la BECM n'est pas constitué par le montant de la dette des époux X... mais par la perte d'une chance de recouvrer facilement la créance ; qu'il retient encore que ce préjudice résulte des fautes du notaire et des époux X... qui ont concouru dans des proportions inégales à sa réalisation ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen

unique, pris en ses deux branches du pourvoi principal : Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt d'avoir dit qu'ils devront garantir M. Y... des condamnations prononcées contre lui au profit de la BECM dans la proportion d'un tiers, alors, selon le moyen : 1 ) que le débiteur qui a donné des actions qu'il détient en nantissement n'est pas tenu de veiller à la notification de ce nantissement à la société concernée ; qu'ainsi, en considérant que M. X... avait fait preuve de mauvaise foi en disposant en novembre 1988 des titres qu'il avait donnés en nantissement en août 1987, sans répondre aux conclusions de celui-ci qui soutenaient que constatant que les titres étaient libres, il avait pu légitimement penser que la BECM avait renoncé à sa garantie au regard des circonstances de l'introduction en bourse de l'UFF et des accords qui ont pu exister entre elle, la BECM et la banque Indosuez, l'un de ses actionnaires de référence, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) qu'en retenant la responsabilité de Mme X... pour avoir, en novembre 1988, librement disposé de titres donnés en nantissement à la BECM en août 1987, sans répondre aux conclusions de celle-ci qui soutenait que les ordres de transfert des titres au CCF l'ont été par le seul M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

, d'une part, que l'arrêt retient que les époux X... avaient librement disposé des titres, alors qu'ils ne pouvaient avoir oublié qu'ils les avaient donnés en gage quinze mois plus tôt ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations, a apprécié souverainement l'absence de bonne foi des emprunteurs ; Attendu, d'autre part, que Mme X..., qui était propriétaire des titres avec son mari, s'était engagée solidairement avec lui et les avait donnés en garantie, ne prétendant pas qu'elle avait ignoré ou s'était opposée à ce qu'ils soient donnés en garantie au CCF, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions dès lors inopérantes ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident et provoqué ; Fait masse des dépens, dit qu'ils seront supportés par moitié par les époux X... et par M. Y... ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y.... Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille quatre.