Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Lyon (chambre sociale) 16 janvier 2006
Cour de cassation 10 juillet 2007

Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2007, 06-41619

Mots clés société · contrat · procédure civile · SCI · rapport · licenciement · commis · grave · manquement · amnistie · reprochés · banque · chèque · licenciement disciplinaire · mandat

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 06-41619
Dispositif : Cassation partielle sans renvoi
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon (chambre sociale), 16 janvier 2006
Président : Président : M. BAILLY conseiller

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Lyon (chambre sociale) 16 janvier 2006
Cour de cassation 10 juillet 2007

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., fonctionnaire mis à la disposition de la société Compagnie nationale du Rhône (CNR) à compter du 1er juillet 1988, y a occupé les fonctions de directeur des services administratifs et financiers, puis, en dernier lieu, celles de directeur général adjoint, directeur des services administratifs et financiers ; qu'il a été nommé président du conseil d'administration de la Société internationale de réhabilitation et d'aménagement des sites (SIRAS), tout en exerçant les fonctions de directeur général de la Société de prise de participation financière du Rhône et de président de la STEREX, filiales de la CNR ; qu'il a été mis à la retraite d'office le 18 mars 1996 pour faute grave ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le premier moyen :

1 / que le licenciement disciplinaire doit être fondé sur des éléments constituant un manquement aux obligations qui résultent d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était reproché à M. X... dans la lettre de licenciement d'avoir conclu une convention avec la société SIRAS, ayant pour objet la cession de 50 % des droits de propriété attachés à la marque Fleurs sauvages de France et ce, moyennant la somme de 1 franc, de ne pas avoir soumis cette convention pour autorisation préalable au conseil d'administration de la société SIRAS et d'avoir, sur la base de cette convention, facturé à la société SIRAS des redevances pour un montant total de 42 486 francs ;

qu'il résulte de ces constatations que les faits reprochés à M. X... avaient été commis, non dans l'exécution de son contrat de travail, mais à l'occasion de l'exercice de son mandat social à la tête de la société SIRAS, filiale de la CNR ; qu'en considérant pourtant, pour retenir que M. X... avait commis une faute grave, que les faits qui lui étaient reprochés constituaient un manquement grave à son obligation de loyauté vis à vis de son employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

2 / que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne faisait nullement état d'un détournement de procédure commis par M. X... à l'occasion de l'assemblée générale de la société SIRAS du 19 mai 1995 ; que dès lors en se fondant, pour considérer que le salarié avait commis une faute grave, sur les motifs du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 5 mars 1998, relatifs à la tenue fictive le 19 mai 1995 d'une assemblée générale de la société SIRAS, pour en déduire qu'un tel détournement de procédure effectué dans l'intérêt de M. X... constituait nécessairement un manquement à la probité et à l'honneur et ne lui permettait pas de bénéficier de la loi d'amnistie du 3 août 1995, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du code du travail ;

3 / que le juge statuant sur l'amnistie ne peut que se prononcer sur les faits retenus comme motifs de sanction par l'employeur ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que le détournement de procédure reproché à M. X... à l'occasion de l'assemblée générale de la société SIRAS du 19 mai 1995 constituait un manquement à la probité et à l'honneur ne lui permettant pas de bénéficier de la loi d'amnistie du 3 août 1995, la cour d'appel, qui s'est prononcée sur d'autres faits que ceux invoqués à l'appui du licenciement, a violé les articles 14 et 15 de ladite loi d'amnistie ;

4 / qu'en omettant de rechercher, comme il lui était demandé, si les faits invoqués à l'appui du licenciement concernant la convention de cession de droits relatifs à la marque Fleurs Sauvages de France étaient amnistiés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 14 et 15 de la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;

5 / que pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non pas voie de référence à des causes déjà jugées ; que dès lors en l'espèce, en se référant, pour retenir que M. X... avait commis un détournement de procédure, aux motifs du jugement du 5 mars 1998 du tribunal de grande instance de Lyon rendu dans le litige opposant ce dernier à la société SIRAS, motifs qui de surcroît n'avaient pas été adoptés par l'arrêt confirmatif du 5 octobre 2000 de la cour d'appel de Lyon, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, violant ainsi ledit article ;

6 / que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous et qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; qu'en l'espèce, dans son arrêt correctionnel du 28 avril 2004, la cour d'appel de Lyon a relaxé M. X... des fins de poursuite des chefs de faux et d'usage de faux, en retenant que l'assemblée générale du 19 mai 1995 n'était pas fictive, que les actionnaires avaient pu consulter le rapport spécial du commissaire aux comptes avant de voter et que M. X... n'avait pas commis de faux en signant le procès-verbal et la feuille de présence de cette assemblée générale ; qu'en considérant pourtant que M. X... avait commis un détournement de procédure, qui constituait un manquement à l'honneur et à la probité, en retenant qu'il résultait du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 5 mars 1998 que "l'assemblée générale de SIRAS du 19 mai 1995 n'avait pas eu lieu et que la feuille de présence et le procès-verbal d'assemblée générale avaient été établis fictivement après l'assemblée générale, que l'ordre du jour prévoyait "la lecture du rapport du conseil d'administration et du rapport général du commissaire aux comptes" ainsi que "la lecture du rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions visées aux articles 101 et suivant de la loi du 24 juillet 1966 et approbation des opérations en cause", sans que ces rapports qui pouvaient seulement être consultés sur place par les actionnaires aient été joints", la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

et selon le deuxième moyen :

1 / que le licenciement disciplinaire doit être fondé sur des éléments constituant un manquement aux obligations qui résultent du contrat de travail ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le second grief invoqué dans la lettre de licenciement vise l'acquisition de la SCI Psoralee en vue de l'acquisition de locaux pour la société SIRAS et la conclusion d'un bail avec cette dernière société, la cour d'appel, pour considérer que M. X... avait commis une faute grave, a retenu que "cette opération réalisée, alors que M. Christian X... était à la fois président de SIRAS et de STEREX, a été faite sans que le conseil d'administration de SIRAS en ait été préalablement avisé, dans un manque total de transparence" et lui avait permis de réaliser un profit personnel ; qu'en se fondant à nouveau sur des faits qui avaient été commis par M. X... à l'occasion de l'exercice de son mandat social à la tête de la société SIRAS, filiale de la CNR, et qui n'étaient pas liés à l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

2 / que dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il n'était nullement reproché à M. X... d'avoir utilisé sa position hiérarchique de directeur des services administratifs et financiers de la CNR pour obtenir un chèque de banque tiré sur la société SIRAS ; que dès lors, en se fondant, pour considérer que M. X... avait commis une faute grave, sur le fait que ce dernier avait utilisé sa position hiérarchique de directeur des services administratifs et financiers de la CNR pour obtenir un chèque de banque tiré sur la société SIRAS afin de le remettre au notaire pour l'acquisition des locaux au profit de la SCI Psoralee entretenant l'illusion des services comptables et du notaire sur le réel destinataire des fonds, à savoir la SCI et non la société SIRAS, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du code du travail ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, la CNR, qui faisait valoir que la SCI Psoralee avait procédé au remboursement des frais d'adjudication le 6 février 1996, avait ainsi reconnu que les sommes litigieuses avaient été remboursées à la société SIRAS, avant le licenciement le 18 mars 1996 de M. X... ; qu'il s'ensuit qu'en retenant que les sommes litigieuses "(avaient) été par la suite, mais postérieurement au licenciement de Christian X..., restituées avec intérêt à SIRAS", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

4 / qu'en omettant de répondre aux conclusions récapitulatives et responsives de M. X... faisant valoir que l'opération litigieuse n'avait préjudicié en rien aux intérêts de la société SIRAS, ainsi qu'en attestaient les conclusions de l'expert Y... sur ce point, selon lesquelles " nous retenons que SIRAS a bénéficié d'un bail favorable et que d'ailleurs SIRAS est restée plusieurs années dans les locaux. Il n'y a donc pas de préjudice financier pour SIRAS", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que la matérialité des faits reprochés à M. X... dans la lettre de licenciement n'était pas contestée et que celui-ci avait joué sur l'ambiguïté de ses fonctions, a fait ressortir que ses agissements fautifs étaient liés à l'exécution de son contrat de travail et que ceux relatifs à la convention de cession de droits sur une marque étaient contraires à la probité ; que, par ces seuls motifs, elle a pu décider que ces faits n'étaient pas amnistiés et que, eu égard à sa position hiérarchique au sein de la CNR, le comportement du salarié, qui avait manqué à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur, rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ;

que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Mais

sur le troisième moyen

:

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à la CNR une somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, par motifs adoptés, la persistance du salarié à tirer argument de tous faits pour retarder la procédure par lui-même engagée, la gravité des faits reprochés, le peu de solidité des arguments présentés pour sa défense et la multiplicité des actions volontairement et inutilement complexifiées, puis retardées ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une faute commise par M. X... faisant dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à verser à la CNR la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 16 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la CNR de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille sept.