TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 31 mars 2016
3ème chambre 1ère section N°RG : 15/03632
DEMANDERESSE S.A. ICE IP [...] 88032 ROMBACH - LUXEMBOURG représentée par Maître Stéphane GUERLAIN de la SEP ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007
DÉFENDERESSE S.A. BPLUS [...] 75015 PARIS représentée par Maître Aurélie BUISSON de la SELARL ATEM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0050
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice-Présidente Julien R. Juge Aurélie J. Juge assistés de Léoncia B. Greffier
DEBATS À l'audience du 23 février 2016 tenue publiquement
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE La société ICE IP SA est une société luxembourgeoise qui se présente comme étant titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le modèle de montre ICE mis sur le marché à compter de janvier 2014 et commercialisé en France et dans le monde entier par la société ICE SA, qui n'est pas dans la cause.
Elle est ainsi titulaire des droits de propriété intellectuelle suivants :
Deux modèles communautaires enregistrés le 19 avril 2013 à l'OHMI, sous les numéros 002223834-0008 à 0009.Une marque communautaire tridimensionnelle n°013112222, déposée le 24 juillet 2014 et enregistrée le 14 novembre 2014. visant la classe 14 " Métaux précieux et leurs alliages; Joaillerie, bijouterie, pierres précieuses; Horlogerie et instruments chronométriques; Figurines, trophées en métaux précieux; Bagues, boucles d'oreilles, boutons de manchettes, bracelets, breloques, broches, chaînes, colliers, épingles de cravate, fixe-cravates, coffrets à bijoux, écrins; Pierres semi-précieuses (pierres fines); chronomètres, chronographes, horloges, montres, montres-bracelets, pendules, réveille-matins ainsi que parties et accessoires pour les produits précités, à savoir aiguilles, ancres, balanciers, barillets, boîtiers de montres, bracelets de montres, cadrans de montres, cadratures, chaînes de montres, mouvements d'horlogerie, ressorts de montres, verres de montres, écrins pour l'horlogerie, étuis pour l'horlogerie, étuis pour instrument économétriques et l'horlogerie; Emballages plastique spécialement adaptés aux produits d'horlogerie non compris dans d'autres classes ".
La société BPLUS, défenderesse, est spécialisée dans la conception et la distribution d'objets publicitaires tel que des montres à destination des professionnels. Elle commercialise notamment une montre dénommée " GLOPP ".sur le cadran de laquelle ses clients professionnels peuvent faire inscrire leur logo à des fins promotionnelles.
Estimant que ce produit contrefaisait ses droits de propriété intellectuelle sur les modèles et la marque communautaires sus-visés, la société ICE IP SA a sollicité du Président du tribunal de céans l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon sur le stand de la société BPLUS au salon CTCO du textile professionnel et de l'objet publicitaire de Lyon.La saisie-contrefaçon ayant été autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS en date du 2 février 2015, les opérations se sont déroulées le 5 février 2015 sur le stand de la société BPLUS. Un catalogue ainsi qu'un exemplaire de montre ont été saisis.
C’est dans ces conditions que par acte d'huissier en date du 5 mars 2015, la société ICE IP SA a assigné la société BPLUS en contrefaçon de modèles communautaires, de marque communautaire ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 1er février 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la société ICE IP SA demande au tribunal, au visa des articles L 521-6, L515-I. 1.522-1. 1.713-3. 1.717-1 du code de la propriété intellectuelle. 19 du règlement (CE) 6/2002. 9 du règlement (CE) 207/2009 et
1382 du code civil, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de : - Débouter la société BPI.l 'S de ses demandes en nullité de la marque communautaire n°013112222 et des modèles communautaires n°002223834-0008 et n o 002223834-()()()09. - Dire que la société BPLUS s'est rendue coupable au préjudice de la société ICE IP SA d'actes de contrefaçon en détenant et en offrant en vente les modèles de montre reproduisant les caractéristiques des modèles communautaires ICE"n°002223834-0008 et n o 002223834- 0009 et de la marque communautaire n°013112222. - Dire que la société BPLUS s'est également rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société ICE IP En conséquence. - Faire interdiction à la société BPLUS de détenir, fabriquer, offrir en vente et vendre tout modèle identique ou similaire aux modèles communautaires 002223834-008 à 009 et/ou à la marque communautaire n°013112222, notamment sur son site Internet jettime.fr et ce, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir. - Voir condamner la société BPLUS à verser à la société ICE IP SA la somme de 30 000€ de dommages et intérêts au titre de l'atteinte aux modèle communautaires "ICE" n°002223834-0008 et n°002223834-00009 et 20 000 € au titre de l'atteinte à la marque communautaire n°013112222. - Voir condamner la société BPLUS à verser à la société ICE IP SA la somme de 10 000 € de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme - Voir autoriser la société ICE IP SA à faire publier le dispositif de la décision à intervenir dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société BPLUS et ce, à hauteur de 5.000 € hors taxes par insertion, si besoin est à titre de complément de dommages et intérêts.- Voir ordonner sous la même astreinte et dans les mêmes délais la suppression de la représentation du modèle incriminé de tous supports commerciaux des sociétés BPLUS. en ce compris le site Internet www.bplus.fr. - Voir condamner la société BPLUS à payer à la société ICE IP SA la somme 10.000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, comprenant notamment la partie des frais de saisie- contrefaçon qui ne serait pas incluse dans les dépens. - Débouter la société BPLUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. - Voir condamner la société BPLUS en tous les dépens de l'instance.
En réplique, dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 11 janvier 2016. auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la société BPLUS demande au tribunal, au visa du règlement n°207/2009 du 26 février 2009.du le Règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001, des livres V et VII du code de la propriété intellectuelle, des articles
6 et
9 du code de procédure civile, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de: À titre principal : - Dire et juger que la marque communautaire n°013112222 est dépourvue de caractère distinctif en relation avec les produits qu'elle vise : - Dire et juger que les modèles communautaires n°002223834-008 et 002223834-009 sont dépourvus de nouveauté et de caractère propre au jour de leur dépôt; En conséquence. - Prononcer la nullité de la marque communautaire n°000377580 enregistrée par la société ICE IP : - Prononcer la nullité des modèles communautaires n°002223834-008 et 002223834-009 enregistrés par la société ICE IP : - Ordonner à cet effet la notification du Jugement à intervenir à l'OHMI en vue de son inscription aux Registres des Marques et des Modèles Communautaires ; A titre subsidiaire : - Dire et juger que la contrefaçon alléguée de la marque CTM n°0l3112222 et des modèles communautaires n°002223834-008 et 002223834-009 n'est pas constituée ; En conséquence, - Débouter la société ICE IP de ses demandes en contrefaçon ; - Ordonner la publication du communiqué de presse suivant dans 2 revues ou journaux spécialisés ou généralistes aux frais de la société ICE IP sans que ces insertions n'excèdent le prix global de 8.000 euros : " Par jugement du... , le Tribunal de Grande Instance de Paris a rejeté les demandes de la société ICE visant à faire interdire la commercialisation du modèle de montre GLOPP de la société BPLUS. La société ICE a été condamnée à verser la somme de à la société BPLUS ".En tout état de cause : - Dire et juger que la société B PLUS n'a commis aucun acte de concurrence déloyale en commercialisant des montres en plastiques de couleur. - Dire et juger qu'ICE IP ne démontre aucun préjudice subi ; - Débouter ICE IP de toutes ses demandes ; - Condamner la société ICE à IP à verser la somme de 8.000 euros à la société B PLUS pour procédure abusive ; - Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; - Condamner la société ICE IP à verser à la société B PLUS la somme de douze mille euros (12.000€) sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par la Selarl ATEM. en application de l'article
699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2016.
MOTIFS
1 -Sur la validité des modèles communautaires
La société BPLUS soutient que les deux modèles communautaires dont se prévaut la demanderesse sont nuls pour défaut de nouveauté et de caractère individuel en raison de l'existence d'antériorités reproduisant l'intégralité des caractéristiques revendiquées. Elle précise qu'une action en nullité des deux modèles invoqués est actuellement en cours devant l'OHMI.
La société ICE IP SA répond que ses modèles répondent bien aux exigences de nouveauté en ce que les antériorités qui lui sont opposées ne sont pas de toutes pièces et qu'ils sont dotés d'un caractère individuel en raison de la combinaison particulière de leurs caractéristiques produisant sur l'utilisateur averti une impression d'ensemble différente de celle dégagée par les autres modèles qui lui sont opposés.
Sur ce
En application de l'article 1§3 du règlement (CE) No 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, le dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire et produit les mêmes effets clans l'ensemble de la Communauté. Sauf disposition contraire du règlement, il ne peut être enregistré, transféré, faire l'objet d'une renonciation ou d'une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l'ensemble de la Communauté.
Conformément à l'article 4 " Conditions de protection " de ce règlement, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il estnouveau et présente un caractère individuel. À cet égard, en vertu de l'article 5 " Nouveauté " : 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois: b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
En outre, aux ternies de l'article 6 " Caractère individuel " du Règlement : 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première Ibis: b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle.
Et, en application de l'article 7§ 1 " Divulgation " du règlement, aux fins de l'application des articles 5 et
6, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s'il a été publié à la suite de l'enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l'article 5, paragraphe 1, point a).
et à l'article 6. paragraphe 1, point a), ou à l'article 5, paragraphe 1, point b), et à l'article 6, paragraphe 1, point b), selon le cas, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public s'il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.
En outre, conformément à l'article 85§ 1 du règlement " Présomption de validité - Défense au fond ", dans les procédures résultant d'actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d'un dessin ou modèlecommunautaire enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide, la validité ne pouvant être contestée que par une demande reconventionnelle en nullité.
Ainsi, la nouveauté d'un modèle communautaire, notion distincte de l'originalité qui est indifférente à sa validité, est objective. Elle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément. Seule l'identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté, la similitude des modèles ne l'excluant en revanche pas. La divulgation peut porter sur toute antériorité sans limite spatio-temporelle dès lors que, dans la pratique normale des affaires, les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans la Communauté pouvaient raisonnablement en avoir connaissance. Il appartient dans ce cadre à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose et au titulaire des droits sur le modèle de démontrer que sa connaissance n'était pas raisonnablement accessible pour les professionnels du secteur considéré.
En l'espèce, la société ICE IP est titulaires de deux modèles communautaires enregistrés le 19 avril 2013 à l'OHMl sous les numéros 002223834-0008 et 002223834 -0009 qui reprennent une représentation graphique identique des modèles de montre ICE, l’une en blanc et l'autre en noir. Ces modèles présentent les caractéristiques suivantes: - un bracelet en matière d'apparence plastique ou silicone entoure le cadran en un seul tenant, de manière uniforme sans qu'aucune démarcation ne soit visible, le cadran de la montre y paraissant enchâssé. - le bracelet, plus fin que le cadran, est de la même couleur que le fond du cadran (blanc pour le modèle 002223834-009 et noir pour le modèle 002223834-008) - la tranche du boîtier est extra-fine, le dos de celui-ci étant apparent et de couleur métallisée; - une bague est insérée dans la profondeur du cadran. - les heures sont indiquées par des traits sur le cadran de la montre, dans une couleur tranchant avec celle du fond du cadran et du bracelet (noir pour le modèle 002223834-009 et argenté pour le modèle 002223834-008) - le sigle ICE est apposé comme élément décoratif sur le cadran à 3 heures dans la même couleur que les aiguilles et les traits.La société B PLUS oppose l'existence des antériorités suivantes, dont la date de divulgation et leur accessibilité aux professionnels du secteur ne sont pas contestés: - la montre CARTIER-cavalier dame (1940) - la montre HARNAIS de HERMES (1996) - les montres STARK/FOSSIL (2004) - les montres SISMEEK (2011/2012) - les montres ZIIRO (mars 2010) - les montres SLAP-IT (2010/2011) - les modèles français 042596-004 et 042596 -006 enregistrés par M. Sébastien J en 2004 - un modèle de montre KDT eommercialisé par la société B PLUS en 2008.
La comparaison des caractéristiques de ces antériorités avec celles des modèles litigieux, démontre que si certaines peuvent comporter des éléments communs avec le modèle de montre ICE, notamment le fait que le bracelet soit d'un seul tenant dans tous ces modèles, aucune ne constitue un précédent de toutes pièces.
Ainsi, le modèle CARTIER est distinct dans ses proportions et sa forme, le cadran étant significativement plus petit que celui des modèles ICE. Dans le modèle HERMES, le boîtier est serti à l’aide d'une large bague qui surplombe le bracelet alors que les modèles ICE présentent un cadran entièrement enchâssé dans le bracelet. Les deux modèles de montres STARK/FOSSIL comme le modèle ZIIRO sont notamment dépourvus d'aiguilles, les montres SISMEEK ont un boîtier extractible épais et entouré d'une bague extérieure. Le bracelet des montres SLAP IT est singulièrement plus large, sans le rétrécissement caractéristique du modèle ICE au niveau du poignet, et le cadran est plus étroit et protubérant. Les modèles enregistrés par M. J en 2004 sont encore distincts par la proportion du boîtier et la présence, pour le premier modèle, d'une bague entourant le cadran. Quant au modèle KDT commercialisé par la société B PLUS en 2008, il est doté d'un bracelet strié ainsi que d'une couronne qui ne se retrouvent pas dans les modèles ICE.
En l'absence d'antériorité de toutes pièces opposées aux modèles litigieux, la validité de ces derniers au regard du critère de nouveauté est établie. Pour apprécier leur caractère individuel, également contesté par la société B PLUS, il convient de se référer à l'impression visuelle d'ensemble que ces derniers produisent sur un observateur averti, et par conséquent doté d'une vigilance particulière liée à sa connaissance de la catégorie de produits concernés par les modèles et du degré de liberté du créateur dans l'élaboration de ceux-ci. L'observateur averti est ici un acheteur de montres sensible aux détails de forme et de proportion du modèle.
Force est de constater qu'en l'espèce, les modèles de montre ICE présentent une combinaison de caractéristiques particulières, liées àl'association d'un bracelet en matière plastique ou silicone d'un seul tenant avec un cadran large et plat doté d'aiguilles et de traits lins pour marquer les heures, ainsi que d'une bague en perspective l'entourant dans sa profondeur, et qui semble englobé dans le bracelet, l'ensemble étant également marqué par le choix d'une teinte identique pour le bracelet et le fond du cadran conférant aux aiguilles ainsi qu'aux traits un caractère très apparent. La combinaison de ces éléments, qui ne se retrouve dans aucune des antériorités opposées en défense, est de nature à produire auprès de l'amateur de montres attentif aux détails une impression visuelle d'ensemble distincte de celle produite par les modèles antérieurement divulgués et confère aux modèles en cause le caractère individuel nécessaire à leur validité.
Par conséquent, les modèles communautaires enregistrés le 19 avril 2013 à l’OHMI sous les numéros 002223834-0008 et 02223834 -0009 sont bien valables et la société défenderesse sera déboutée de sa demande reconventionnelle en nullité.
2 - Sur la validité de la marque communautaire
La société BPLUS soutient, au visa de l'article 7.1 du règlement 207/2009 que la marque est nulle car dépourvue de caractère distinctif comme n'étant que la représentation usuelle et banale de la forme du produit qui ne différerait pas de manière significative des normes habituelles du secteur.
La société ICE IP SA réplique que sa marque est distinctive car non exclusivement constituée de la forme de la montre dès lors que la dénomination "ICE" est apposée sur la cadran à 3 heures et le sigle "ICE WATCH" figure sur le passant du bracelet. Elle en déduit que le consommateur normalement avisé et raisonnablement attentif sera en mesure de distinguer le produit de celui d'autres entreprises. Elle ajoute qu'en toutes hypothèses, le caractère distinctif a été acquis par l'usage du signe invoqué au sens de l'article 7.3 du règlement 207/209.
Sur ce
En vertu de l'article 7.1 du Règlement (CE) N° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire, sont notamment refusés à l'enregistrement: a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 visant les signes susceptibles de représentation graphique et propres à distinguer les services ou les produits d'une entreprise de ceux d'une autre entreprise; b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif; c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenancegéographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci; d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce; e) les signes constitués exclusivement: i) par la forme imposée par la nature même du produit. ii) par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique. iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit:
Ainsi, pour remplir sa fonction essentielle d'identification, une marque doit être distinctive qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu'elle désigne et soient perçus par le consommateur comme pouvant identifier l'origine du produit.
Sont exclus de la protection conférée par le droit des marques les signes constitués exclusivement par la tonne imposée par la nature même du produit, nécessaire à l'obtention d'un résultat technique, ou qui confère au produit sa valeur substantielle, l'objet de cette exclusion étant d'éviter que le droit exclusif et permanent conféré par une marque puisse servira protéger de telles formes qui relèvent par nature de droits de propriété intellectuelle à caractère temporaire.
En l'espèce, la marque communautaire tridimensionnelle litigieuse est déposée en classe 14 comprenant notamment les montres et produits associés, sous forme d'une représentation graphique en noir et blanc du modèle de montre ICE, de trois quart et de dos, caractérisé par un bracelet d'un seul tenant, enchâssant le cadran sur lequel est apposé en noir à trois heures l'élément verbal ICE. Sur le passant du bracelet est apposé le signe ICE Watch. Aucune description n'est jointe au dépôt.
Si force est de constater que le signe en cause comprend, outre une forme de montre, l'élément verbal "ICE" apposé sur le cadran de la montre, il n'en reste pas moins que l'élément dominant est constitué par la forme du produit qui confère sa valeur substantielle à celui-ci. en témoigne le fait que les campagnes promotionnelles dont la société ICE IP justifie mettent exclusivement en valeur le design de la montre à l'exclusion de tout autre élément et que la description du modèle ICE par le demandeur correspond en tous points au signe déposé à titre de marque: " une bague en perspective entoure le cadran. - le bracelet en silicone entoure et rejoint le cadran en un seul tenant, de manière uniforme sans qu'aucune démarcation ne soit visible, le cadran de la montre y paraissant enchâssé, - le bracelet plus fin que le cadran est de la même couleur que le fond du cadran.- la tranche du boîtier est extra-fine, le dos de celui-ci étant apparent et de couleur métallisée. - les heures sont indiquées par des traits dans le cadran de la montre"
De plus, le signe ICE WATCH reproduit sur le passant du bracelet n'est pas lisible au dépôt et celui reproduit sur le cadran est d'une taille insignifiante en rapport avec celle de la montre. Il en résulte que le caractère distinctif de cet élément verbal n'est pas de nature à conférer à l'ensemble du signe une distinctivité susceptible d'assurer à la marque sa fonction essentielle d'identification de l'origine du produit et de distinction sans confusion possible avec ceux d'une autre provenance auprès du public pertinent qui est en l'espèce l'acheteur de montre d'attention moyenne.
En outre, chacun des motifs de refus d'enregistrement énumérés à l'article 7, paragraphe 1, du règlement susvisé doit être interprété à la lumière de l'intérêt général qui le sous-tend (CJCE. 12 janvier 2006. Deutsche SiSi-Werke & Betriebs. C-l 73/04 P, point 59). S'agissant de l'exclusion des marques de forme, l'intérêt général commande d'éviter l'appropriation perpétuelle par un opérateur économique d'une forme nécessaire à ses concurrents pour leurs propres produits, au détriment de la liberté du commerce et de l'industrie.
En l'espèce, la forme déposée à titre de marque par la société ICE IP, caractérisée principalement par un bracelet d'un seul tenant enchâssant un cadran large et plat, sans démarcation visible entre le boîtier et le bracelet, ne diverge pas de manière significative des habitudes du secteur au vu des antériorités produites en défense, notamment les modèles HERMES , SARK ou SISMEEK, mais est au contraire une forme de montre classique et insusceptible à ce titre d'être appropriée par un seul opérateur par le biais du droit des marques.
Il s'en suit qu'en déposant à titre de marque un signe se confondant avec le produit qu'elle désigne, la société ICE IP n'a pas entendu disposer d'une marque lui permettant de distinguer ses produits de ceux de ses concurrents mais a cherché à assurer à son modèle de montre, par le biais du droit des marques, une protection potentiellement perpétuelle lui permettant de s'opposer à tout usage par ses concurrents d'une forme identique ou similaire à celle que revêt son produit.
Il est à cet égard éclairant de relever que la représentation graphique de la marque telle qu'elle figure au dépôt utilise les mêmes codes de présentation que pour un modèle en représentant la montre vue de dos et de trois-quart. Il est également particulièrement significatif de constater que la représentation graphique des modèles est identique à celle figurant au dépôt de la marque. Il est encore révélateur de constater que dans le cadre de la présente procédure, la demanderesse reproche précisément à la société B PLUS, sur lefondement de sa marque, une imitation de la forme, à l'exclusion de celle du signe ICE.
La distinctivité d'une marque de forme ne pouvant s'acquérir par l'usage selon l'article 7.3 du règlement CE n°207/209, les développements de la société ICE IP à ce titre sont inopérants.
En application de l'article 52 dudit règlement, la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon: a) lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7; b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. 2. Lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement à l'article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.
3. Si la cause de nullité n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés.
La marque litigieuse ayant été enregistrée en contrariété avec les dispositions de l'article 7.1 e) iii), il convient d'en prononcer l'annulation pour les produits de la classe 14 suivants: "Horlogerie et instruments chronométriques, montres, montres-bracelets, ainsi que parties et accessoires pour les produits précités, à savoir aiguilles, ancres, balanciers, barillets, boîtiers de montres, bracelets de montres, cadrans de montres, cadratures, chaînes de montres, mouvements d'horlogerie, ressorts de montres, verres de montres, écrins pour l'horlogerie, étuis pour l'horlogerie, étuis pour instruments chronométriques et l'horlogerie."
La présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l’OHMI pour inscription sur les registres.
En conséquence, les demandes de la société ICE IP en contrefaçon de marque seront déclarées irrecevables.
3- Sur les actes de contrefaçon de modèles
La société ICE IP SA soutient que l'aspect d'ensemble des montres GLOPP de la société B PLUS produit une impression globale identique à celle de ses modèles en ce que les deux présentent un aspect épuré et loger. Elle précise que ces montres présentent, connue les siennes, une bague en perspective qui entoure le cadran, un bracelet en silicone qui entoure et rejoint le cadran de manièreuniforme sans qu'aucune démarcation ne soit visible, le cadran de la montre y paraissant enchâssé, un bracelet plus lin que le cadran et de la même couleur que le fond de celui-ci. une tranche de boîtier extra-line dont le dos apparent est de couleur métallisée. Elle précise, s'agissant de la bague entourant le cadran, que dans certaines déclinaisons de ses modèles elle est de couleur vive ce qui la rend encore plus apparente et la rapproche encore plus de celles apposées sur les montres GLOPP.
En réplique, la société B PLUS fait valoir les différences notables entre les deux modèles qui excluent tourte impression visuelle d'ensemble similaire. Elle souligne notamment que les index des montres GLOPP sont la plupart du temps constitués de seulement 4 traits ou bien de chiffres alors que les modèles ICE présentent 12 traits légers. Elle ajoute que toutes les montres GLOPP portent une bague métallique apparente qui encercle en surface le cadran et que, par définition, s'agissant d'objet publicitaires, le signe ICI.: n'est jamais reproduit.
Sur ce
En vertu de l'article 19 du Règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001, le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui- ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes lins.
Conformément aux articles
L 515-1 et
L 522-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du Règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur, les dispositions des articles L 521-1 à 19 du même code régissant le contentieux des dessins ou modèles nationaux étant applicables au contentieux des dessins ou modèles communautaires.
Et, conformément à l'article
L 513-4 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle. L'article
L 513-5 du même code étend cette protection à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. Cette disposition, qui transpose l'article 9 de la directive CE n° 98/71 du 13 octobre 1998 doit être interprétée conformément à celle-ci, l'étendue de la protection devant ainsi être appréciée en tenant compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du modèle au sens de l'article 9§2 de la directive.Dans ce cadre, la détermination de l'impression visuelle d'ensemble par un observateur averti, et par conséquent doté d'une vigilance particulière liée à sa connaissance de la catégorie de produits concernés par le modèle et du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du modèle, s'opère par comparaison du produit argué de contrefaçon et de la reproduction graphique du modèle telle qu'elle figure au dépôt, sans égard pour les éventuels éléments complémentaires apposés dans le produit commercialisé.
L'observateur averti au sens de l'article
L 513-5 du code de la propriété intellectuelle est, comme indiqué plus haut, l'amateur de montres, attentif aux détails de forme et aux proportions de l'ensemble.
Les montres GLOPP de la société B PLUS arguées de contrefaçon présentent, comme les modèles ICE, un bracelet plastique d'un seul tenant venant englober un cadran large et plat, le bracelet et le fond du cadran étant de la même couleur. Cependant, des différences notables confèrent aux deux modèles une impression visuelle d'ensemble distincte. Ainsi, les index marquant les heures sont différents: tandis que ceux des modèles ICE IP sont constitués de traits fins dans la même couleur que les aiguilles, ceux des montres GLOPP sont pour la plupart réduits au nombre de 4 (situés à 15, 30, 45 et pile) ou constitués de chiffres. Surtout, toutes les montres GLOPP présentent au niveau du cadran un cercle métallique proéminent en leur pourtour alors que les montres IP sont précisément caractérisés par l'absence de démarcation entre le silicone du bracelet et le verre du cadran. Enfin, les montres GLOPP étant des objets publicitaires destinés à recevoir sur le fond du cadran le logo ou la marque des sociétés clientes de la société B PLUS, le signe ICE n'y est jamais reproduit.
Ainsi, les seuls points communs entre les modèles en cause tiennent au fait que les bracelets en matière plastique sont d'un seul tenant et de la même couleur que le fond du cadran. Ces ressemblances ne suffisent toutefois pas à produire chez l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble similaire au regard des différences notables rappelées ci-dessus. À cet égard, s'agissant en particulier de la bague métallique entourant le cadran des modèles GLOPP Ie demandeur est particulièrement malvenu à soutenir que cette bague proéminente produit une impression similaire à celle insérée dans la profondeur du cadran de ses modèles alors même que le caractère extérieur ou surplombant des bagues figurant dans certains modèles opposés à titre d'antériorités (notamment les modèles HERMES ou SISMEEK) est souligné par elle pour exclure toute impression visuelle similaire avec ses modèles.
Enfin, les développements liés à l'existence de bagues de couleur vive dans certains modèles ICE CRAZY, ICE GLAM ou ICE FLOWER sont inopérants dès lors que l'appréciation de la contrefaçon s'opère, ainsi qu'il a été dit, par comparaison avec la reproduction graphique du modèle telle qu'elle ligure au dépôt, sans prendre en compte leséventuels éléments complémentaires apposés dans le produit commercialisé.
Aucun fait de contrefaçon de modèles n'étant établi, la société ICE IP sera déboutée de l'ensemble de ses demandes de ce chef.
4- Sur la concurrence déloyale
La société ICE IP SA soutient que la société B PLUS a commis à son égard des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon et des actes de parasitisme en déclinant ses modèles en six coloris identiques à ceux des montres ICE, cherchant ainsi à créer un effet de gamme et à profiter sans bourse délier de ses investissements publicitaires. Elle affirme subir de ce fait un préjudice du fait de la dévalorisation de ses modèles et de sa marque et de la captation indue de ses efforts promotionnels.
La société BPLUS réplique en soutenant d'une part, qu'elle n'est pas en situation de concurrence avec la demanderesse, ses clients étant des professionnels et non des consommateurs, et ses produits à vocation publicitaire n'étant par définition pas destinés à être vendus dans les mêmes points de vente, et d'autre part qu'aucun effet de gamme ne peut lui être reproché en raison de la déclinaison de ses modèles selon 6 couleurs communes alors même que les montres ICE sont déclinées en plus d'une trentaine de teintes. Elle ajoute que la société ICE IP ne justifie d'aucun préjudice, n'étant pas chargée de la commercialisation des montres ICE.
Sur ce
En vertu des dispositions des articles
1382 et
1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'élément copié.
Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution esttoutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Le tribunal relève en premier lieu que les déclarations de la demanderesse comme l'ensemble des pièces produites aux débats relatives aux investissements publicitaires consacrés aux montres ICE démontrent que ceux-ci sont le fait de la société ICE SA qui n'est pas dans la cause et non de la société ICE IP. Ainsi, la demanderesse, qui a reconnu dans ses écritures au sens de l’article
1356 du code civil, ne pas distribuer ce produit, ne peut prétendre subir un préjudice du fait d'une captation indue d'investissements publicitaires qu'elle n'a pas exposés.
De plus, à supposer même que la société ICE IP commercialise également les montres ICE, elle ne se trouverait pas en situation de concurrence avec la société défenderesse dont les produits sont exclusivement destinés à un public professionnel et donc distribués dans des circuits dédiés et distincts de ceux utilisés pour la vente au consommateur. Le risque de confusion susceptible de résulter d'un éventuel effet de gamme serait nécessairement réduit. Au demeurant, un effet de gamme ne peut résulter de la déclinaison d'un modèle de montre en six couleurs particulièrement banales (blanc, noir, bleu, rose, orange et rouge) et ce d'autant que la gamme ICE contient quant à elles plus de trente références.
Faute de démonstration d'une faute de la société B PLUS et d'un préjudice en résultant, les demandes de la société ICE IP au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées.
5 - Sur la procédure abusive
Tandis que la société ICE IP soutient que la saisie-contrefaçon opérée sur son stand lors d'un salon professionnel a jeté le discrédit sur elle et témoigne du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre sans aucun fondement sérieux, ce qui justifie une mesure de publication et l'allocation de dommages et intérêts à son profit, la société B PLUS s'oppose à ces demandes en l'absence d'intention malicieuse de sa part et de preuve du préjudice subi du fait de la saisie-contrefaçon, laquelle a été judiciairement autorisée.
Sur ce
En application de l'article
1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
En l'espèce, l'irrecevabilité ou le rejet de l'action de la société ICE IP en contrefaçon de marque et de modèles ne suffit pas à établir de sa part l'intention malicieuse que lui prête la défenderesse en l'absence de tout autre élément propre à la démontrer. De plus, la défenderesse ne justifie pas du préjudice prétendument subi du fait des opérations de saisie-contrefaçon, lesquelles constituent un moyen de preuve judiciairement autorisé. Elle ne se prévaut ainsi d'aucun préjudice distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice, lequel sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme au titre de l'article
700 du code de procédure civile. Il ne peut non plus être fait droit à la mesure de publication laquelle supposerait la démonstration d'une faute de la part de la société ICE IP. Ses demandes reconventionnelles seront en conséquence rejetées.
6 - Sur les demandes accessoires
La société ICE. IP, qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande de ne pas laisser à la charge de la société B PLUS les frais qu'elle a dû engager dans le cadre de cette procédure. La société demanderesse sera en conséquence condamnée à lui verser la somme globale de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Les demandes de la société ICE IP au titre de ces dispositions seront rejetées.
L'exécution provisoire de la présente décision n'apparaît pas nécessaire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
Prononce la nullité de l'enregistrement de la marque communautaire tridimensionnelle enregistrée à l’OHMI le 14 novembre 2014 au nom de la société ICE IP sous le n°013112222 pour les produits de la classe 14 suivants : "Horlogerie et instruments chronométriques, montres, montres-bracelets, ainsi que parties et accessoires pour les produits précités, à savoir aiguilles, ancres, balanciers, barillets, boîtiers de montres, bracelets de montres, cadrans de montres, cadratures, chaînes de montres, mouvements d'horlogerie, ressorts de montres, verres de montres, écrins pour l'horlogerie, étuis pour l'horlogerie, étuis pour instruments chronométriques et l'horlogerie"Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'OHMl, par le greffe, pour inscription sur leurs registres ;
Rejette la demande reconventionnelles de la société B PLUS en nullité des modèles enregistrés au nom de la société ICE 1P le 19 avril 2013 à l'OHMl sous les numéros 002223834-0008 et 02223834 -0009 ;
Déclare irrecevables les demandes de la société ICE IP en contrefaçon de marque communautaire;
Déboute la société ICE 1P de ses demandes au titre de la contrefaçon de modèles communautaires.
Déboute la société B PLUS de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour procédure abusive et de publication judiciaire.
Rejette la demande de la société ICE IP au titre des frais irrépétibles :
Condamne la société ICE IP à payer à la société B PLUS la somme de 10. 000 euros (dix mille euros) au titre de l'article
700 du code de procédure civile:
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement:
Condamne la société ICE IP aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Aurélie BUISSON conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.