Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Dijon, 2ème Chambre, 13 juin 2023, 2300278

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Dijon
  • Numéro d'affaire :
    2300278
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : Mme Zeudmi Sahraoui
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Préfet de l'Yonne, 28 novembre 2022
  • Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Dijon
13 juin 2023
Préfet de l'Yonne
28 novembre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, Mme A B, représentée par la SAS ITRA Consulting, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 28 novembre 2022 par laquelle le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux ; 2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de faire droit à sa demande de regroupement familial ou, à défaut, de réexaminer sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors que le préfet a fondé sa décision sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors, qu'étant de nationalité algérienne, seules les stipulations de l'accord franco-algérien lui sont applicables ; - elle a été prise en méconnaissance de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que le préfet oppose des motifs non prévus par cet accord pour rejeter sa demande ; - en rejetant sa demande au motif de l'absence d'occupation effective du logement, le préfet de l'Yonne a commis une erreur de droit ; - il appartient au préfet d'apporter la preuve qu'elle aurait fait une fausse déclaration ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle occupe effectivement le logement dont elle s'est prévalu à l'appui de sa demande ; - elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il y a lieu de substituer aux dispositions de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien ; - la requérante ne produit qu'une attestation de déclaration de chiffre d'affaires et ne justifie pas de la stabilité de son activité ; les revenus déclarés au titre du mois d'avril 2022 s'élèvent à 854 euros ; - les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience sur cette affaire en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui, rapporteure.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme B, ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 21 janvier 2023, a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son époux. Par une décision du 28 novembre 2022, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : 2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco algérien : " () / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. () ". Est considéré comme normal le logement répondant aux caractéristiques définies par l'article R. 434-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 3. D'une part, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme B le préfet de l'Yonne a entendu fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables aux ressortissants algériens. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans l'article 4 précité de l'accord franco-algérien, qui prévoit des conditions analogues à celles posées par les articles L. 434-7 du code précité et qui accorde au préfet un même pouvoir d'appréciation. Il y a donc lieu de faire droit à la demande présentée par le préfet de l'Yonne dans son mémoire en défense et de substituer l'article 4 de l'accord franco-algérien à l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette substitution de base légale ne privant Mme B d'aucune garantie. 4. D'autre part, il résulte des stipulations précitées que l'autorité préfectorale doit seulement s'assurer que le demandeur dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France, c'est-à-dire présentant une surface habitable fixée par l'article R. 424-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et satisfaisant aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. 5. En l'espèce le préfet de l'Yonne, après avoir relevé que doit être regardée comme une fausse déclaration de logement constitutive d'une fraude, la circonstance que l'occupation dudit logement n'a été déclarée qu'en vue de satisfaire à une condition prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme B au bénéfice de son époux au motif que ses consommations d'électricité démontraient qu'elle n'occupe pas le logement déclaré à l'appui de sa demande de regroupement familial. 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B est locataire, en vertu d'un bail d'habitation prenant effet à compter du 5 juin 2021, d'un appartement situé rue du général Duchesne à Sens dont il n'est pas contesté par le préfet qu'il répond aux caractéristiques prévues à l'article R. 434-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il est établi que Mme B disposait de ce logement lors du dépôt de sa demande et il n'est pas contesté par le préfet de l'Yonne que ce logement sera toujours à sa disposition au moment de la date supposée d'arrivée en France de son époux. La circonstance que la requérante n'occupait pas le logement au cours de l'instruction de sa demande n'est pas, à elle seule, de nature à établir qu'elle aurait conclu un bail exclusivement en vue d'obtenir frauduleusement une mesure de regroupement familial au bénéfice de son époux. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir qu'en lui opposant l'absence d'occupation du logement déclaré à l'appui de sa demande, le préfet de l'Yonne a entaché sa décision d'une erreur de droit. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation de la décision du 28 novembre 2022 par laquelle le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de regroupement familial. Sur les conclusions à fin d'injonction : 8. Le présent jugement implique seulement que le préfet de l'Yonne procède au réexamen de la demande de regroupement familial présentée par Mme B au bénéfice de son époux. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le préfet de l'Yonne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 28 novembre 2022 par laquelle le préfet de l'Yonne a rejeté la demande de regroupement familial de Mme B est annulée. Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de procéder au réexamen de la demande de regroupement familial de Mme B dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : L'Etat versera à Mme B la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Yonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B et au préfet de l'Yonne. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient : M. Nicolet, président, Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère, M. Hugez, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023. La rapporteure, N. ZEUDMI SAHRAOUI Le président, Ph. NICOLET La greffière, L. CUROT La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, lc