R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
NL21-0098 Le 16/12/2021
DECISION
STATUANT SUR UNE DEMANDE EN NULLITE
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LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;
Vu le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ;
Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et notamment ses articles L.411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 711-1 à L.711-3, L. 714-3, L. 716-1, L.716-1-1, L.716-2 à L. 716-2-8, L.716-5, R. 411-17, R.714-1 à R.714-6, R. 716-1 à R.716-13, et R. 718-1 à R. 718-5 ;
Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 et notamment ses articles L.711-1 à L.711-4, L. 713-2, L.713-3 et L.714-3 ;
Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié par l’arrêté du 9 décembre 2019 relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu l’arrêté du 4 décembre 2020 relatif à la répartition des frais exposés au cours d'une procédure d'opposition à un brevet d'invention ou de nullité ou déchéance de marque ;
Vu la décision du Directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle n° 2020- 35 du 1er avril 2020 relative aux modalités de la procédure en nullité ou en déchéance d’une marque.
Siège 15 rue des Minimes - CS 50001 92677 COURBEVOIE Cedex Téléphone : +33 (0)1 56 65 89 98 Télécopie : +33 (0)1 56 65 86 00 www.inpi.fr –
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FAITS ET PROCEDURE
1. Le 5 mai 2021, la société de droit coréen IICOMBINED Co., Ltd. (le demandeur) a formé une demande en nullité enregistrée sous la référence NL21-0098 contre la marque complexe n°16/4260130 déposée le 27 mars 2016 ci-dessous reproduite :
L’enregistrement de cette marque, dont Monsieur V D est titulaire (le titulaire de la marque contestée), a été publié au BOPI 2017-11 du 17 mars 2017.
2. La demande en nullité est formée à l’encontre de la totalité des produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir :
« Classe 18 : Cuir ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs».
3. Le demandeur invoque un motif relatif de nullité et se fonde sur une atteinte à l’enregistrement international antérieur n°1295413 du 18 janvier 2016, en ce qu’il désigne l’Union européenne et dont l’octroi de protection a été publié à la Gazette 2017/12 du 6 avril 2017. Cette marque antérieure porte sur le signe complexe reproduit ci-dessous :
4. Un exposé des moyens a été versé à l’appui de cette demande en nullité. Le demandeur fait notamment valoir un risque de confusion entre la marque contestée et sa marque antérieure, résultant de la similarité des produits et services en cause et de la quasi-identité à tout le moins de la grande similitude entre les signes, la marque contestée apparaissant comme la déclinaison de sa marque antérieure. Il demande en outre à ce que les frais exposés au titre de la présente demande en nullité soient mis à la charge du titulaire de la marque contestée.
5. L’Institut a informé le titulaire de la marque contestée de la demande en nullité et l’a invité à se rattacher au dossier électronique par courriel ainsi que par courrier simple envoyé à l’adresse indiquée lors du dépôt.
6. Aucun rattachement n’ayant été effectué suite à cette invitation, la demande a été notifiée conformément à l’article
R.718-3 du code de la propriété intellectuelle au titulaire de la marque contestée par courrier recommandé en date du 22 juin 2021. Cette notification l’invitait à présenter des observations en réponse et produire toute pièce qu’il estimerait utile dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
7. Cette notification ayant été réexpédiée à l'Institut par la Poste, avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse indiquée », elle a été, conformément aux dispositions de l'article
R.718-4 du Code de la propriété intellectuelle, publiée dans le BOPI 21/30 du 30 juillet 2021 sous forme d'un avis relatif à l'opposition, la nullité et la déchéance.
28. Aucune observation n’ayant été présentée à l’Institut par le titulaire de la marque contestée dans le délai imparti, les parties ont été informées de la date de fin de la phase d'instruction à savoir le 30 septembre 2021.
9. La notification de fin de phase d’instruction a été reçue par le demandeur en date du 6 octobre 2021. Toutefois, la notification adressée au titulaire de la marque contestée a été réexpédiée à l'Institut par la Poste, avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse indiquée ». Elle a donc été, conformément aux dispositions de l'article
R.718-4 du Code de la propriété intellectuelle, publiée dans le BOPI 21/44 du 5 novembre 2021 sous forme d'un avis relatif à l'opposition, la nullité et la déchéance.
II.- DECISION
A. Sur le droit applicable
10. Comme le souligne le demandeur dans son exposé des moyens, la marque contestée a été déposée le 27 mars 2016, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, le 11 décembre 2019.
11. En conséquence, la disponibilité du signe doit être appréciée au regard de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée.
12. Ainsi, conformément à l’article
L.714-3 du code la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au jour du dépôt, est déclaré nul « l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à
L. 711-4».
13. A cet égard, l’article
L. 711-4 du même code dispose notamment que « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) A une marque antérieure enregistrée ».
314. Enfin, l’article L.713-3 du code précité précise que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : [...] b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
15. La présente demande en nullité doit être appréciée au regard de ces dispositions.
B. Sur le fond
16. En l’espèce, la demande en nullité de la marque française complexe GENTLEMONSTER n°16/4260130 est fondée sur l’existence d’un risque de confusion avec l’enregistrement international antérieur n°1295413, portant sur le signe complexe GENTLEMONSTER et désignant l’Union européenne.
17. Le risque de confusion, au sens des articles précités, s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion comprend le risque d’association.
18. L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de plusieurs facteurs pertinents et interdépendants, et notamment, la similitude des produits et services, la similitude des signes, le caractère distinctif de la marque antérieure et le public pertinent.
1. Sur les produits et services
19. Pour apprécier la similitude entre les produits et services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits et services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.
20. En l’espèce, la demande en nullité est formée à l’encontre de la totalité des produits de la marque contestée, à savoir : « Cuir ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs ».
21. La marque antérieure invoquée par le demandeur est enregistrée notamment pour les services suivants : « services d'intermédiaires commerciaux dans le domaine des sacs et portefeuilles; services d'intermédiaires commerciaux dans le domaine des accessoires; services de magasins de vente au détail à savoir sacs et portefeuilles ».
22. Il n’est pas contesté que les « portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs » de la marque contestée apparaissent similaires par complémentarité à certains services invoqués de la marque antérieure.
423. Les « services d'intermédiaires commerciaux dans le domaine des sacs et portefeuilles; services de magasins de vente au détail à savoir sacs et portefeuilles » de la marque antérieure ont pour objet des produits de maroquinerie, lesquels sont souvent composés ou associés au cuir. Ainsi, le « cuir » de la marque contestée apparait faiblement similaire à certains des services invoqués de la marque antérieure.
2. Sur les signes
24. La marque contestée porte sur le signe complexe reproduit ci-dessous :
25. La marque antérieure porte sur le signe complexe ci-dessous reproduit :
26. Pour apprécier l’existence d’un risque de confusion, il convient, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
27. Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.
L’impression d’ensemble produite par les signes
28. Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes que la marque contestée est constituée d’un élément verbal avec une police de caractère particulière. Il en va de même de la marque antérieure.
29. Les signes ont en commun la même dénomination GENTLEMONSTER, ce qui leur confère de très grandes ressemblances visuelles, ainsi qu’une identité phonétique et intellectuelle, cette dénomination pouvant être comprise du consommateur de référence comme la traduction anglaise de « gentil monstre ».
30. Comme le souligne le demandeur, les signes ne se distinguent que par une faible différence de calligraphie, laquelle n’altère pas le caractère immédiatement perceptible de la dénomination GENTLEMONSTER par laquelle ces marques sont lues et prononcées.
31. Les signes en présence présentent donc de très fortes similitudes visuelles, ainsi qu’une identité phonétique et conceptuelle générant des ressemblances d’ensemble.
5 Les éléments distinctifs et dominants des signes
32. Cette appréciation n’est pas remise en cause par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes, constitués chacun de la dénomination GENTLEMONSTER, distinctive au regard des produits et services en présence.
33. Ainsi, les grandes ressemblances entre les signes générées par les fortes similitudes visuelles et l’identité phonétique et intellectuelle précitées, n’apparaissent pas remises en cause par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
3. Autres facteurs pertinents
34. La perception des marques qu'a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue en outre un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Il convient ainsi de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.
35. En l’espèce, il n’est pas contesté que les produits et services des marques en cause s’adressent aussi bien au grand public qu’à des professionnels ayant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques dont le degré d’attention est plus élevé.
36. Le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits et services en cause.
37. En l’espèce, le caractère intrinsèquement distinctif de la marque antérieure GENTLEMONSTER, n’est pas discuté.
4. Appréciation globale du risque de confusion
38. L'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.
39. En l’espèce, la faible similarité entre les produits de la marque contestée visés au point 23 et certains des services invoqués de la marque antérieure se trouve compensée par les très grandes similitudes entre les signes en présence.
40. Ainsi, en raison de la similarité des produits et services cités au point 22, de la faible similarité des produits et services évoqués au point 23 mais compensée par les très grandes ressemblances d’ensemble entre les signes, et du caractère intrinsèquement distinctif de la marque antérieure, il
6existe un risque de confusion dans l’esprit du public, la marque contestée apparaissant comme la déclinaison de la marque antérieure sous une autre présentation.
41. Le fait que certains des services en présence fassent l’objet d’un degré d’attention plus élevé de la part d’une partie du public en cause n’est pas de nature à écarter le risque de confusion.
42. En conséquence, la marque contestée doit être déclarée nulle pour l’ensemble des produits pour lesquels elle est enregistrée.
C. Sur la répartition des frais
43. L’article
L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sur demande de la partie gagnante, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle met à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie dans la limite d’un barème fixé par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle ».
44. L’arrêté du 4 décembre 2020, pris pour l’application de la disposition susvisée, prévoit que « le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il est applicable aux procédures en cours ». Dans sa notice, il est en outre précisé que : « le présent arrêté fixe le barème applicable au paiement des frais exposés par les parties à une procédure d’opposition à un brevet d’invention ou de nullité ou déchéance de marque devant l’INPI, afin de prévenir les procédures abusives ».
45. Il prévoit en outre dans son article 2.II qu’ « Au sens de l’article
L. 716-1-1, est considéré comme partie gagnante : [...] c) le demandeur quand il est fait droit à sa demande pour l’intégralité des produits ou services visés initialement dans sa demande en nullité ou déchéance. »
46. Il précise enfin à l’article 2.III que « Pour l’application de l’article
L. 716-1-1, les montants maximaux des frais mis à la charge des parties sont déterminés conformément au barème en annexe ».
47. Le demandeur a sollicité la prise en charge des frais par la partie perdante en application de l’article
L.716-1-1 du code précité.
48. En l’espèce, le demandeur, représenté par un mandataire, doit être considéré comme partie gagnante, dès lors que la demande en nullité est reconnue bien fondée pour l’intégralité des produits attaqués par le demandeur.
49. Par ailleurs, la procédure d’instruction n’a pas donné lieu à des échanges entre les parties, le titulaire de la marque contestée, personne physique, n’ayant pas présenté d’observations en réponse à la demande en nullité.
50. Au regard de ces considérations propres à la présente procédure, il convient de mettre la somme de 550 euros à la charge du titulaire de la marque contestée (partie perdante à la présente procédure), correspondant à une partie des frais exposés par le demandeur au titre de la phase écrite (300 euros) et au titre des frais de représentation (250 euros).
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PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article 1 : La demande en nullité NL21-0098 est justifiée.
Article 2 : La marque n°16/4260130 est déclarée nulle pour l’ensemble des produits désignés à l’enregistrement.
Article 3 : La somme de 550 euros est mise à la charge de Monsieur V D au titre des frais exposés.
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