Vu la procédure suivante
:
La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner toutes mesures qu'il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au sein du centre pénitentiaire de la Guyane et de prononcer diverses injonctions à l'égard de l'Etat. Par une ordonnance n° 1900211 du 23 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a enjoint à l'administration pénitentiaire, dans les meilleurs délais :
- de garantir l'effectivité de l'accès à des sanitaires intérieurs en état satisfaisant de propreté aux détenus ne souhaitant pas utiliser les douches extérieures,
- de proscrire les fouilles intégrales dans les douches et d'aménager des locaux à cet effet,
- d'équiper d'interphones les cellules du centre de détention n° 4,
- d'aménager dans chaque cellule un cloisonnement partiel des toilettes permettant d'éviter les angles morts qui échappent à la surveillance du personnel tout en préservant l'intimité des occupants,
- de prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d'hébergement dans les quartiers disciplinaire et d'isolement et d'entreprendre la rénovation des cours de promenade de ces quartiers,
-et d'adresser dans un délai de 6 mois à compter de la notification de l'ordonnance, puis un second 6 mois plus tard, à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au contrôleur général des lieux de privation de liberté un bilan actualisé des mesures prises en vue de l'exécution de son ordonnance et de certaines mesures que l'Etat a prises unilatéralement.
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la requête présentée par la Section française de l'Observatoire international des prisons.
Elle soutient que :
- le juge des référés a excédé son office en prononçant des injonctions tendant à la réalisation de mesures structurelles telles que l'aménagement de cloisonnement des toilettes en cellule, la rénovation des cours de promenade dans les quartiers disciplinaire et d'isolement et l'aménagement de locaux de fouille ;
- le juge des référés a excédé son office en prononçant une injonction tendant à ce que soit adressé à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) un bilan actualisé des mesures prises en vue de l'exécution de son ordonnance, alors que l'état actuel du droit permet déjà d'assurer le suivi de l'exécution des ordonnances de référés et que ni l'association, ni le CGLPL n'en avaient fait la demande ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction visant à garantir l'effectivité de l'accès à des sanitaires intérieurs en état satisfaisant de propreté aux détenus ne souhaitant pas utiliser les douches extérieures, alors que les mesures nécessaires ont déjà été entreprises par l'administration pénitentiaire ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction visant à proscrire les fouilles intégrales dans les douches et à aménager des locaux à cet effet, alors qu'une phase d'étude d'exécution a déjà été entreprise par l'administration pénitentiaire ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction visant à équiper d'interphones les cellules du centre de détention n° 4, alors que des interphones sont déjà installés et sont tous fonctionnels depuis novembre 2018 ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction visant à aménager dans chaque cellule un cloisonnement partiel des toilettes, alors qu'un projet visant à la mise en place de tels cloisonnements a été mis en place par l'administration pénitentiaire et que des prototypes sont en phase d'essai ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction de prendre toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d'hébergement dans les quartiers disciplinaires et d'isolement et d'entreprendre la rénovation des cours de promenade dans ces quartiers, alors qu'un marché public a déjà été notifié afin d'améliorer les conditions de détention des personnes détenues hébergées au sein de ces quartiers et que les travaux débuteront en mars 2019 ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le juge des référés a prononcé une injonction visant à la transmission d'un bilan actualisé des mesures prises en vue de l'exécution de l'ordonnance attaquée précisant, en outre, la fréquence des mesures prises pour la lutte contre les rats, insectes et autres nuisibles et la réduction des nuisances occasionnées par les hirondelles, l'avancement du " plan peinture ", l'état d'avancement de la réalisation des prescriptions de la commission départementale de sécurité et de lutte contre les risques d'incendie et les bilans des fouilles intégrales et des injections sous contrainte, alors que ces mesures ont déjà été entreprises par l'administration pénitentiaire ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie du fait des mesures déjà prises par l'administration ;
- la condition tenant à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est pas remplie du fait des mesures déjà prises par l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars, la Section française de l'Observatoire international des prisons conclut au rejet de la requête, à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse également droit à ses conclusions de première instance tendant au prononcé de mesures de sauvegarde envers les femmes enceintes et les jeunes mères détenues, à ce qu'il s'assure de la portée des mesures prises pour prohiber les injections de sédatif sans consentement et sans suivi médical et à ce qu'il mette la somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la garde des sceaux, ministre de la justice ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la garde des sceaux, ministre de la justice, d'autre part, la Section française de l'Observatoire international des prisons ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 28 mars 2019 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Section française de l'Observatoire international des prisons ;
- le représentant de la Section française de l'Observatoire international des prisons ;
- les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au mardi 2 avril à 14 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 avril 2019, avant la clôture de l'instruction, par lequel la Section française de l'Observatoire international des prisons maintient ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit
:
1. Ouvert en 1998, le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane) rassemble un quartier pour mineurs, des quartiers de maison d'arrêt pour hommes et pour femmes, des quartiers de centre de détention pour hommes et pour femmes et un quartier de semi-liberté pour les hommes. La Section française de l'Observatoire international des prisons a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner différentes mesures afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales qu'elle estimait portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au sein de ce centre pénitentiaire. Par une ordonnance n°1900211 du 23 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a fait droit à certaines conclusions aux fins d'injonction et rejeté le surplus des conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de cette ordonnance et la Section française de l'Observatoire international des prisons forme un appel incident.
Sur le cadre juridique du litige :
2. Aux termes de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. "
3. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et lorsque la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2 précité, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
4. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles
L. 511-1,
L. 521-2 et
L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en oeuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article
L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.
5. La garde des sceaux, ministre de la justice soutient qu'en enjoignant à l'Etat d'aménager des locaux spécifiquement destinés à la fouille intégrale des détenus, de procéder à un cloisonnement partiel des toilettes dans les cellules et de rénover les cours de promenade dans les quartiers disciplinaire et d'isolement, le juge des référés aurait prescrit des mesures présentant un caractère structurel ne relevant pas de l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Il résulte toutefois de l'instruction que ces mesures, dont l'administration ne conteste pas qu'elles sont nécessaires pour mettre fin à des atteintes graves à la dignité des personnes détenues, peuvent soit être réalisées à bref délai, sans exiger de travaux lourds de nature structurelle, soit donner lieu à des aménagements provisoires dans l'attente de solutions pérennes. Le juge des référés n'a donc pas excédé son office en enjoignant à l'administration de les mettre en oeuvre.
6. La garde des sceaux, ministre de la justice, soutient en outre qu'en enjoignant à l'administration d'adresser à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans un délai de six mois à compter de son ordonnance puis à nouveau après six mois supplémentaires, deux rapports présentant l'avancement des mesures prises pour assurer l'exécution de cette ordonnance ainsi que de plusieurs autres mesures que l'administration a prises unilatéralement, le juge des référés a excédé son office. Il résulte de ce qui est indiqué au 4. ci-dessus qu'il ne relève pas de l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu'il a prononcé des injonctions à l'égard de l'administration, de mettre également à sa charge une telle obligation d'information. La garde des sceaux, ministre de la justice est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a enjoint à l'administration de communiquer à l'association requérante et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté des rapports sur les mesures qu'il lui est enjoint de prendre par l'ordonnance attaquée ainsi que sur les mesures qu'elle a prises unilatéralement au titre de la lutte contre les nuisibles, l'avancement du " plan peinture ", la réalisation des prescriptions de la commission départementale de sécurité et de lutte contre l'incendie et les bilans des fouilles intégrales et des injections sous contrainte.
Sur le bien-fondé des injonctions prononcées :
7. La validité des injonctions prononcées par le juge des référés doit être examinée au regard, d'une part, de la gravité des atteintes à la dignité humaine qui sont constatées et de la possibilité d'y remédier à court délai et, d'autre part, des moyens dont dispose l'administration et des mesures qu'elle a déjà prises à cette fin.
8. Il résulte de l'instruction que la défectuosité des interphones des cellules du centre de détention n° 4, qui entraînait l'isolement des détenus la nuit entre les rondes, a été réparée dès le mois de novembre 2018 et que l'administration a omis de mentionner cette circonstance dans ses écritures en défense devant le juge des référés. Il en résulte que l'ordonnance attaqué doit être annulée en tant qu'elle prononce une injonction sur ce point.
9. L'injonction visant à ce que les détenus qui le souhaitent aient accès à des douches intérieures en état satisfaisant de propreté est justifiée par la circonstance que certains détenus, qui refusent de se rendre dans les cours de promenades, ne peuvent utiliser les douches situées dans ces cours et ne peuvent recourir qu'aux sanitaires intérieurs. La circonstance que le centre pénitentiaire ait entrepris des travaux de réhabilitation d'ensemble et un " plan peinture ", dont les effets ne se feront sentir que progressivement, est sans incidence sur la nécessité de permettre à ces détenus, par des instructions en ce sens au personnel de surveillance et, dans un premier temps, par un nettoyage plus fréquent et plus approfondi des sanitaires intérieurs, d'accéder dans les meilleurs délais à des locaux sanitaires intérieurs répondant à des conditions suffisantes d'hygiène et de salubrité.
10. Les fouilles intégrales, qui en raison de l'atteinte à l'intimité qu'elles impliquent ne sont, en vertu de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 visée ci-dessus, " possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes ", doivent faire l'objet d'une attention particulière de façon à être menées dans le respect de la dignité des personnes détenues. La réalisation de ces fouilles dans les locaux des douches de l'établissement ne garantit pas ce respect. Il appartient ainsi à l'administration, qui n'a pas sérieusement établi dans ses écritures ni à l'audience qu'aucune solution ne pourrait être trouvée dans les locaux existants de l'établissement, de consacrer spécifiquement un local à cette activité, dans l'attente de la construction éventuelle de nouveaux équipements à cette fin, sur laquelle elle indique " qu'une phase d'étude (...) a déjà été entreprise par l'administration pénitentiaire ".
11. De la même façon, l'absence de cloison séparant dans chaque cellule les toilettes du reste de la cellule est particulièrement attentatoire à la dignité des détenus. Il appartient à l'administration, qui dispose déjà de solutions existantes dans d'autres établissements, de remédier dans les meilleurs délais à cette situation, le cas échéant par des mesures transitoires dans l'attente de solutions pérennes.
12. Si le quartier d'isolement et le quartier disciplinaire offraient, selon les recommandations du 17 décembre 2018 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, " des conditions d'hébergement déplorables ", caractérisées par des " coupures d'eaux (...) fréquentes ", des " nuisibles nombreux " et des cours de promenade " dans un état de dégradation très avancé ", il résulte de l'instruction que, ainsi que l'a relevé le juge des référés, le problème des coupures d'eau a été résolu, que les opérations de dératisation sont mensuelles et que la fréquence des opérations de désinsectisation a été doublée. Il résulte par ailleurs de pièces produites pour la première fois devant le juge d'appel que l'administration a conclu en octobre 2018, avant l'intervention de l'ordonnance attaquée, un marché public de rénovation de ces quartiers incluant une réfection de leurs cours et que les travaux correspondants doivent débuter au printemps 2019 pour une durée de quatre mois. Compte tenu des mesures ainsi prises par l'administration et qui produiront des effets à bref délai, l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle prononce une injonction relativement à l'amélioration des conditions d'hébergement dans les quartiers disciplinaire et d'isolement et à la rénovation de leurs cours de promenade.
13. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a enjoint à l'administration pénitentiaire, en premier lieu, d'équiper d'interphones les cellules du centre de détention n° 4, en deuxième lieu, de prendre toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d'hébergement dans les quartiers disciplinaires et d'isolement, en troisième lieu, d'entreprendre la rénovation des cours de promenade de ces quartiers, et en quatrième lieu, de communiquer à l'association requérante et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté des rapports sur les mesures qu'il lui est enjoint de prendre par l'ordonnance attaquée ainsi que sur les mesures qu'elle a prises unilatéralement au titre de la lutte contre les nuisibles, l'avancement du " plan peinture ", la réalisation des prescriptions de la commission départementale de sécurité et de lutte contre l'incendie et les bilans des fouilles intégrales et des injections sous contrainte.
Sur l'appel incident de la Section française de l'Observatoire international des prisons :
14. Le juge des référés a rejeté les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons tendant à ce qu'il soit mis fin aux incarcérations de mères avec nourrisson en cellule ordinaire. La Section française de l'Observatoire international des prisons demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit à ces conclusions, en raison des conditions sanitaires et surpopulation qui caractérisent ces cellules. L'administration a toutefois soutenu à l'audience, sans être sérieusement contredite, que si les trois cellules équipées en nurserie étaient souvent insuffisantes, les femmes accompagnées de nourrissons placées en cellule ordinaire y étaient seules, sauf si elles émettaient le voeu de ne pas l'être, et qu'elles pouvaient accéder à tout moment à leur demande aux cellules et sanitaires de nurserie, pour bénéficier notamment d'équipements sanitaires en meilleur état.
15. Le juge des référés a rejeté les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons tendant à ce qu'il soit mis fin à la pratique des injections de sédatifs sans le consentement des personnes ou sans suivi médical au motif qu'une note de service du 13 février 2019 du directeur de l'établissement avait imposé l'abandon de cette pratique. Il résulte des termes de cette note, confirmés par les propos de l'administration à l'audience, que les personnels de surveillance de l'établissement ne prêtent plus leur concours à la pratique de l'administration de sédatifs sans consentement, qui est du ressort de la seule équipe médicale, et n'interviennent dans ces situations qu'en cas de transfèrement du détenu pour une hospitalisation.
16. Il résulte de ce qui précède que la Section française de l'Observatoire international des prisons n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a rejeté ses conclusions visées aux points 14. et 15.
17. L'Etat étant, eu égard notamment aux motifs figurant aux points 8. et 12., la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à la Section française de l'Observatoire international des prisons au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er :L'ordonnance du 23 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est annulée en tant qu'elle enjoint à l'administration pénitentiaire d'équiper d'interphones les cellules du centre de détention n° 4 du centre pénitentiaire de la Guyane, de prendre toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d'hébergement dans les quartiers disciplinaire et d'isolement, d'entreprendre la rénovation des cours de promenade de ces quartiers et de communiquer à l'association requérante et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté des rapports sur les mesures qu'il lui est enjoint de prendre par cette ordonnance ainsi que sur les mesures qu'elle a prises unilatéralement au titre de la lutte contre les nuisibles, l'avancement du " plan peinture ", la réalisation des prescriptions de la commission départementale de sécurité et de lutte contre l'incendie et les bilans des fouilles intégrales et des injections sous contrainte.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l'Etat et les conclusions d'appel incident de la Section française de l'Observatoire international des prisons sont rejetés.
Article 3 : L'Etat versera à la Section française de l'Observatoire international des prisons la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la Section française de l'Observatoire international des prisons.
Copie en sera adressée au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.