VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 décembre 1989, présentée par M. Joseph Z..., demeurant Ville Oger, à LA FERRIERE (Côtes d'Armor) ;
M. Z... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 1989 par lequel le Tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 janvier 1991 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'
aux termes de l'article
72 du code général des impôts : "I. Le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application... applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel mais avec des règles et modalités adaptées aux contraintes et caractéristiques particulières de la production agricole... II. Des décrets précisent les adaptations résultant du I." ; qu'aux termes de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, pris sur le fondement des dispositions législatives précitées : "I. Lorsqu'un exploitant réalise un bénéfice supérieur à 50.000 F et excédant deux fois la moyenne des résultats des trois années précédentes, il peut demander que la fraction de ce bénéfice qui dépasse 50.000 F ou cette moyenne si elle est supérieure soit imposée selon les règles prévues à l'article 150 R du code général des impôts..." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts que celles-ci ne peuvent recevoir application que si l'exercice auquel correspond l'année d'imposition concernée ainsi que les trois exercices précédents sont chacun afférent à une période de douze mois consécutifs, comme le rappelle d'ailleurs à bon droit l'administration dans son instruction du 26 septembre 1986 ;
Considérant qu'il est constant que la durée de l'exercice de réalisation du bénéfice exceptionnel, clos le 31 août 1984, a été de 16 mois ; que celle de chacun des exercices clos de la période de référence, soit du 1er janvier 1981 au 30 avril 1983, a été respectivement de 7 mois, 12 mois et 7 mois ; qu'ainsi, M. Z... ne pouvait être imposé, en 1984, selon les modalités prévues par les dispositions précitées de l'article 38 sexdecies J ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé de lui accorder le bénéfice du système du quotient prévu à l'article 150 R du code général des impôts ;
Sur l'application des dispositions de l'article
L 80 A du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article
L 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a établi l'imposition primitive au titre de l'année 1984 conformément à la déclaration déposée par M. Z... et par laquelle celui-ci avait entendu se prévaloir des dispositions susmentionnées de l'article 38 sexdecies de l'annexe III au code général des impôts ; que le requérant soutient qu'elle aurait ainsi formellement admis l'interprétation qu'il avait donnée de ce texte fiscal et que, par suite, en lui notifiant le 7 mars 1986 un redressement au titre de l'année 1984, elle aurait méconnu les dispositions de l'article
L 80 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, le fait d'établir une imposition primitive conformément aux bases déclarées par le contribuable ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale ;
Considérant, en second lieu, que le requérant invoque une réponse du ministre du budget, en date du 6 mai 1980, à M. X..., sénateur ; que, si pour l'application de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III au code général des impôts, cette réponse admet la possibilité de retenir des exercices d'une durée inférieure ou supérieure à douze mois au cours de la période de trois années ouvrant droit au bénéfice des dispositions dudit article, elle n'écarte pas, toutefois, la condition requise pour l'octroi du bénéfice des mêmes dispositions selon laquelle les résultats imposés au titre des trois exercices de référence doivent, dans leur ensemble, couvrir la période de 36 mois précédant l'année d'imposition ; que cette condition n'était pas remplie en l'espèce ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir sur le fondement de l'article
L 80 A du livre des procédures fiscales de l'interprétation susmentionnée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'un contribuable ne peut utilement se prévaloir de l'interprétation donnée à un texte fiscal par l'administration que si l'acte par lequel celle-ci a formellement admis ou a fait connaître son interprétation est antérieur, soit à la première décision dans les cas visés au premier alinéa de l'article
L 80 A, soit à la date à laquelle le contribuable peut être réputé avoir fait application de cette interprétation, c'est-à-dire la date limite impartie pour souscrire la déclaration correspondante dans les cas visés dans son second alinéa ; que l'instruction ministérielle 5 E-7-87 du 11 mai 1987 invoquée par M. Z... est postérieure à la mise en recouvrement de l'imposition primitive et à plus forte raison à la date à laquelle le requérant était tenu de mentionner dans sa déclaration de résultats de l'année 1984 l'existence d'un bénéfice agricole exceptionnel ; que, par suite, M. Z... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction précitée ;
Considérant, enfin, que le rapport établi au mois de juillet 1981 par le comité d'études sur la fiscalité agricole présidé par M. Y..., inspecteur des finances, n'émane pas de l'administration fiscale ; qu'il ne peut, dès lors, être invoqué sur le fondement de l'article
L 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de RENNES a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984 ;
Article 1er
- La requête de M. Z... est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. Z... et au ministre délégué au budget.