Cour d'appel de Paris, Chambre 6-8, 19 mai 2022, 19/06680

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    19/06680
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Conseil de Prud'hommes de Paris, 29 avril 2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/62873322c1d4e9057d612e34
  • Président : Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2022-05-19
Conseil de Prud'hommes de Paris
2019-04-29

Texte intégral

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 8

ARRET

DU 19 MAI 2022 (n° , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06680 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADF2 Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/04764 APPELANTE Madame [F] [E] [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1094 INTIMÉE Société ARC EN CIEL SANTÉ [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE Mme [F] [E] a été engagée, en qualité d'agent qualifié de service, par la société Arc-en-ciel Environnement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en date du 24 juin 1987 qui a été transféré à la SARL Arc-en-ciel Santé à compter du 1er décembre 2016. Elle a été victime d'un accident du travail 12 octobre 2016, puis placée en arrêt de travail à compter du 28 août 2017 avant d'être déclarée inapte à tout poste de nettoyage par le médecin du travail le 2 mai 2018. Mme [E] a été licenciée pour inaptitude le 30 mai 2018. Contestant cette mesure et soutenant qu'elle avait été victime de harcèlement moral et sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, la salariée a, par acte du 26 juin 2018 , saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire valoir ses droits. Par jugement en date du 29 avril 2019, notifié aux parties par lettre en date du 9 mai 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens. Par déclaration en date du 27 mai 2019, Mme [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 juillet 2019, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et : - à titre principal, de constater que le licenciement de Mme [E] est nul ; - à titre subsidiaire de constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; En tout état de cause : * condamner la société Arc-en-ciel santé à verser à Mme [E] les sommes de : ° 42 868,80 euros titre de l' indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ; ° 4 286,88 euros au titre de l' indemnité compensatrice de préavis ; ° 428,68 euros au titre de l' indemnité compensatrice des congés payés sur préavis ; ° 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel ; °15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l' obligation de formation ; ° 3 000 euros au titre de l' article 700 du CPC ; * dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal ; * ordonner la remise d'un solde de tout compte, de l'attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire d'août 2017 à janvier 2018 avec une astreinte journalière de 50 euros par jour de retard et par document ; * condamner la société Arc-en-ciel santé aux dépens. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 août 2019, la société Arc-en-ciel Santé demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes. L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2021 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 28 février 2022. Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

I- Sur le harcèlement Le harcèlement moral s'entend, aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. De plus, l'article L. 1153-1, dans sa version applicable à l'espèce, énonce qu'aucun salarié ne doit subir des faits : 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. Par ailleurs, aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par la salariée figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser. À l'appui de sa demande, l'appelante soutient avoir été victime de 'propos répétés de Monsieur [I] , de nature sexuelle ou agressifs' qui ont dégradé son état de santé. Pour corroborer ses affirmations, Mme [E] s'appuie sur les faits suivants : - le 19 septembre 2016, elle a été victime d'«une grosse crise d'angoisse» à la suite d'une 'agression' par Monsieur [I] ; - consécutivement, elle a été reconnue comme victime d'un accident du travail ; - à compter du 28 août 2017, choquée par l'absence de prise en considération de sa situation difficile sur son lieu de travail par son l'employeur, elle a été placée en arrêt de travail. Toutefois, les pièces versées au débat ne permettent pas de considérer que sont présentés à l'appui de la demande des faits précis et constants. Les pièces 18, 19 et 21 du dossier de la salariée, ne font pas référence à des faits permettant de laisser présumer l' 'agression' de Monsieur [I],peu important en revanche qu'elles ne répondent pas aux prescriptions de l'art. 202 cpc, dès lors que la preuve est libre en matière prud'homale. De plus, il résulte des pièces 3, 5, 9 et 15 de la société Arc-en-ciel Santé qu'elle a convoqué, tant la salariée pour l'entendre sur les faits allégués, que Monsieur [I] dès qu'elle a eu connaissance des doléances contre lui et qu'elle a également immédiatement saisi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui a établi un rapport le 26 septembre 2016. De l'enquête ainsi menée il apparaît que Mme [E] n'a donné aucune précision sur les accusations portées à l'encontre de Monsieur [I], indiquant seulement que cela faisait trois ans qu'elle avait 'des problèmes' avec lui. Il est aussi établi que la salariée a adopté pendant l'entretien avec un membre du CHSCT un comportement inadéquat en se mettant à crier malgré les paroles rassurantes de l'interlocutrice, Mme [U]., qui précise que Mme [E] 's'est agitée et levée et a ouvert la porte dans le but que d'autres personnes présentes à l'étage puissent entendre ses cris' ( pièce 4 : rapport du CHSCT). Mme [U]. formule la conclusion que « l'entretien n'a pas permis d'obtenir des éléments concrets sur la situation ». S'agissant de l'accident du travail du 12 octobre 2016, il résulte de la fiche de déclaration (pièce 11 du dossier de l'employeur) que Madame [X] a entendu Mme [E] dire à Monsieur [I] qui sortait de l'ascenseur 'qu'est ce que tu fais ici ' ' puis elle l'a vue 'se jeter de sa propre initiative' sur le sol. Ce comportement ne permet pas de relever une quelconque agression, ni physique ni verbale de l'intéressé. Au surplus du procès-verbal de plainte de la salariée, dont elle ne fait pas état dans ses écritures mais qu'elle verse au débat (pièce 3 de son dossier), il n'a résulté aucune poursuite Au surplus, Mme [E] ne mentionne aucun fait concernant le harcèlement sexuel dont elle aurait été victime. Enfin, il y a lieu de rappeler que le harcèlement n'est pas caractérisé au seul constat d'une dégradation de l'état de santé du salarié alors en l'espèce que le certificat médical du médecin psychiatre du 4 juin 2020 (pièce 17) ne formule aucune autre observation que le fait que le médecin rencontre Mme [E] régulièrement depuis son hospitalisation du 11 novembre 2017 au 23 janvier 2018. Les pièces en cause de l'appelante s'avèrent en conséquence insuffisantes à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande au titre du harcèlement moral et de sa demande subséquente de nullité du licenciement. II- Sur le reclassement Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail. C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue. En l'espèce, il ressort des pièces 21, 23, 24, que l'employeur a sollicité, dans le cadre de sa recherche de reclassement de Mme [E], l'ensemble des société du groupe T2MC dont il fait partie mais que les réponses ont été négatives. De plus, ce point a régulièrement été soumis à l'avis des représentants du personnel lors de la réunion du 18 mai 2018, lesquels ont conclu, à l'unanimité, à un avis favorable au licenciement de la salariée pour inaptitude en l'absence de possibilité de reclassement, ce qui a été confirmé le 23 mai par la responsable des ressources humaines du groupe qui mentionne, dans sa réponse cironconstanciée, l'ensemble des sociétés sollicitées (pièce 25 de l'employeur ). Dans ces circonstances, l'impossibilité de reclassement à l'issue d'une recherche sérieuse et loyale étant justifiée, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes subséquentes. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé. III- Sur l'absence de formation En vertu des dispositions de l'article L 6321-1 du code du travail, l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a correctement exécuté son obligation à ce titre, obligation qui doit être appréciée au regard de l'ancienneté et des caractéristiques de l'emploi occupé. En l'espèce, si Mme [E] avait une ancienneté importante qui doit être considérée depuis 1987, son emploi d'agent qualifié de service ne justifiait pas de formation particulière afin de lui permettre de l'exercer dans les meilleures conditions alors qu'elle ne justifie d'aucun préjudice lié à cette absence de formation, le médecin du travail ayant émis un avis d'inaptitude à tout poste de nettoyage. Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a débouté Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts présentée de ce chef. IV- Sur les frais et l'application de l'article 700 du code de procédure civile Le jugement est confirmé quant à ses dispositions sur les dépens et le débouté des demandes présentées au titre des frais irrépétibles. Mme [E] est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel .

PAR CES MOTIFS

La Cour, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE Mme [F] [E] aux dépens d'appel, DÉBOUTE Mme [F] [E] du surplus de ses prétentions. LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE