ARRET
No
R. G : 11/ 04920
Requête en récusation
A...
C/
Y...
COUR D'APPELDE LYON
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 29 JUILLET 2011
DEMANDEUR A LA REQUETE EN RECUSATION DE MADAME Y... Evelyne :
Monsieur Thierry A...
assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A...
...
...
69270 SAINT-ROMAIN-AU-MONT-D'OR
assisté de Me
Emmanuel PIERRAT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats tenus en chambre du conseil le 27 juillet 2011 et du délibéré désignée par ordonnance de monsieur le Premier Président du 1er juillet 2011 :
Mme Nicole BURKEL, Président de chambre
Madame Catherine PAOLI, Conseiller
Madame Nelly PRADEL, Conseiller
GREFFIER :
Madame Anita RATION, Greffier,
La décision rendue publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel le 29 juillet 2011 a été signée par Nicole BURKEL, président de chambre et par Anita RATION, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Thierry A..., né le 13 mars 1962, fait l'objet depuis le 22 octobre 2003 d'une mesure de curatelle renforcée.
Madame Nadège Z..., née le 3 mai 1960, son épouse, a été désignée en qualité de curatrice.
Le 19 avril 2010 le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Lyon en charge du dossier de monsieur Thierry A... a initié d'office une procédure de réexamen de cette mesure et procédé à diverses mesures d'instruction, notamment la désignation d'un médecin psychiatre et l'audition, le 30 mai 2011, du majeur protégé et de sa curatrice.
L'examen au fond a été fixé à l'audience du 28 juin 2011.
Par acte du 23 juin2011, déposé et enregistré au greffe du juge des tutelles le 27 juin 2011, monsieur Thierry A... assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A..., a présenté une requête en récusation concernant madame Evelyne Y..., juge des tutelles.
Le juge des tutelles, a fait connaître les motifs de son opposition à cette demande de récusation, par ordonnance du 4 juillet 2011.
Par application des dispositions de l'article
349 du code de procédure civile, la cour d'appel de Lyon a été saisie de l'examen de la recevabilité et du bien fondé de la requête en récusation, transmise le 6 juillet 2011 et enregistrée au greffe de la cour le 8 juillet 2011.
Par courrier adressé au premier président de la cour d'appel le 8 juillet 2011, monsieur Thierry A... assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A... ont indiqué maintenir les termes de leur requête du 23 juin 2011.
Monsieur Thierry A..., sa curatrice Mme Nadège Z... épouse A..., leur conseil et monsieur le procureur général près la cour d'appel de Lyon ont été avisés de l'examen de la requête le 27 juillet 2011 et de la date de délibéré, fixée au 29 juillet 2011 à 14 heures par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la saisine de la Cour
L'article
350 du code de procédure civile dispose que le secrétaire communique la demande de récusation avec la réponse du juge ou mention de son silence, au premier président.
La cour a été régulièrement saisie par monsieur le premier président, auquel le tribunal d'instance a transmis l'entier dossier de fond, avec la demande de récusation et la réponse faite à cette demande.
Bien que l'article
346 du code de procédure civile dispose que le juge, dès qu'il a communication de la demande, doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation, c'est, par voie d'ordonnance, que le juge, objet de la demande de récusation, a rejeté la demande de récusation présentée, faisant connaître les motifs pour lesquels il s'y oppose.
Les explications écrites ainsi données par le juge, peu important la formalisation adoptée, doivent s'analyser comme l'expression du refus du juge de se déporter.
Sur la recevabilité de la requête
L'article
342 du code de procédure civile dispose que la partie qui veut récuser un juge doit, à peine d'irrecevabilité, le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation.
En aucun cas la demande de récusation ne peut être formée après la clôture des débats.
En l'espèce, la requête a été présentée par monsieur Thierry A..., majeur protégé assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A....
Elle est accompagnée du pouvoir spécial donné par ces derniers à leur conseil et indique le nom du magistrat à récuser.
Elle comporte les motifs de la demande et énumère les pièces sur lesquelles elle se fonde.
Elle est enfin intervenue préalablement à l'audience au fond initialement fixée le 28 juin 2011.
Elle est donc régulière en la forme et recevable.
Sur le bien fondé de la requête
Monsieur Thierry A..., assisté de sa curatrice Mme Nadège Z... épouse A..., au visa des dispositions des articles 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et
341 du code de procédure civile, fonde son action en récusation de madame Evelyne Y..., juge des tutelles, sur sa partialité qu'il tire de la violation par celle-ci du principe du contradictoire.
Il soutient également ne pas avoir eu connaissance de tous les éléments du dossier susceptibles d'être retenus contre lui ce qui est de nature à porter atteinte à son droit de se défendre en toute connaissance de cause.
Il se déduit tout d'abord du soit transmis du juge des tutelles du 13 mai 2011, conforté en cela par les nombreuses pièces produites à l'appui de la requête et notamment de multiples correspondances adressées au juge des tutelles, que le majeur protégé comme sa curatrice ou leurs conseils respectifs ont non seulement eu accès au dossier mais aussi communication de l'ensemble des pièces demandées, figurant au dossier à la date de consultation.
En tout état de cause, aucun élément n'est produit de nature à permettre à la cour de considérer que des pièces aient pu être délibérément occultées par le juge.
En application de l'article
425 du code de procédure civile, « le ministère public doit avoir communication des procédures relatives..... à l'ouverture ou à la modification des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs ».
Aucune conséquence sur la partialité du juge des tutelles en charge du dossier ne peut, en conséquence, être tirée de la communication de la procédure au procureur de la République, qui constitue une obligation légale.
Si le procureur de la République doit émettre un avis, la loi n'enferme celui ci dans aucune forme particulière. Il peut être écrit ou oral, la contradiction dans cette dernière hypothèse se formant alors à l'audience.
Aussi, faute pour le requérant d'établir que le parquet aurait rendu un avis écrit qui lui aurait été délibérément dissimulé par le juge lors de la consultation du dossier ou de la communication des pièces, aucune violation par ce dernier du principe du contradictoire et/ ou des droits de la défense, de nature à établir sa partialité, n'est, sur ces points, démontrée.
La requête en récusation présentée par monsieur Thierry A... assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A..., est essentiellement fondée sur le fait que maître C..., conseil d'un de leurs adversaires dans des procédures judiciaires, ait été reçu par le juge des tutelles.
Ils en tirent pour conséquence que ce rendez-vous a permis à ce dernier non seulement d'apporter au magistrat des informations dont ils ne connaissent pas la teneur mais aussi d'accéder au dossier confidentiel du majeur protégé ce qui constitue selon eux une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense du majeur protégé caractérisant la partialité du juge à l'égard de monsieur Thierry A....
Il convient tout d'abord de rappeler que le juge des tutelles à pour mission générale d'assurer la protection de la personne même du majeur tout autant que celle de ses biens, telle que définie aux articles
425 et suivants du code civil et
1220 et suivants du code de procédure civile.
Pour assurer au mieux la préservation des droits et intérêts de la personne à protéger il doit donc procéder à toutes mesures d'instruction utiles afin de recueillir les informations notamment d'ordre médical, financières ou juridiques, nécessaires au choix de la mesure de protection la plus adaptée à la préservation des intérêts du majeur à protéger.
Le juge des tutelles n'a, par contre, pas à trancher des litiges pouvant exister entre des personnes sous protection judiciaire et des tiers.
Aussi, en recevant le 10 mai 2011, rendez-vous obtenu après d'incessantes pressions de la part de maître C..., conseil d'un des créanciers du majeur protégé, et alors que les requérants indiquent eux même dans leur courrier du 8 juillet 2011 qu'il s'agit « d'une partie avec qui ils sont ouvertement en conflit depuis des années », le juge des tutelles n'a pas outrepassé sa mission, sauf à considérer que le majeur et son curateur aient souhaiter dissimuler au juge l'existence des procédures en cours opposant monsieur Thierry A... à des créanciers.
Il est en outre observé que monsieur Thierry A... assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A..., assistés eux-mêmes de leurs conseils respectifs, ont pour leur part été entendus par le juge des tutelles le 30 mai 2011 et qu'ils n'établissent pas plus qu'ils ne soutiennent n'avoir pu faire entendre leurs moyens et arguments lors de leur audition.
La teneur des nombreux courriers adressés par maître C... tant au juge qu'à leur conseil est telle que les requérants qui en ont régulièrement eu communication (Cf. le soit transmis du juge des tutelles du 13 mai 2011), ont été en mesure d'appréhender le nature et le contenu des informations données au juge par cet auxiliaire de justice et, en tant que de besoin, de faire valoir en réponse leurs moyens de droit ou de fait, en lien avec la mesure de protection envisagée, lors de l'audition du 30 mai 2011, ou ultérieurement lors de la tenue de l'audience de jugement.
Enfin, contrairement aux affirmations du requérant, rien dans les pièces et documents communiqués par monsieur Thierry A... assisté de sa curatrice madame Nadège Z... épouse A..., au soutien de la requête, ne permet de déduire ou conclure que maître C... ait eu accès au contenu du dossier du majeur protégé.
En effet, dans les conclusions déposées par ce dernier, il n'est fait état que de la nature et de l'étendue de l'incapacité frappant monsieur Thierry A... à l'exclusion des causes de celle-ci.
A cet égard, il convient de rappeler que les mesures de protection peuvent faire l'objet d'une publicité restreinte et qu'en application des dispositions de l'article
1223-2 du code de procédure civile, toute personne y ayant un intérêt légitime, peut, sur autorisation du juge des tutelles, en obtenir un extrait notamment s'agissant de la nature et de l'étendue juridique de la protection.
La décision du juge autorisant ou refusant cette délivrance d'extraits de délibération ou de décision de justice est une mesure d'administration judiciaire qui n'est donc soumise à aucun formalisme pas plus qu'elle n'est susceptible d'appel (article
1224 du code de procédure civile).
Enfin, les nouvelles contestations d'ordre procédurales développées dans la lettre du requérant du 8 juillet 2011, outre qu'elles sont postérieures à la requête en récusation n'entrent pas dans le champ des circonstances de fait ou de droit susceptibles de fonder une action en récusation d'un magistrat.
L'auteur de la demande de récusation ne justifie, en conséquence, d'aucune des causes de récusation de l'article
341 du code de procédure civile ni d'une quelconque atteinte à l'exigence d'impartialité prévue par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'absence de toute violation du principe du contradictoire et/ ou des droits de la défense du majeur protégé susceptible d'être imputée à madame Evelyne Y..., juge de tutelles, caractérisant la partialité alléguée, la requête en récusation formalisée le 27 juin 2011 par monsieur Thierry A... majeur protégé sous curatelle, assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A..., doit donc être rejetée.
La charge des dépens de la présente instance doit être laissée monsieur Thierry A... majeur protégé sous curatelle, assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A....
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Reçoit en la forme la requête en récusation formalisée le 27 juin 2011 par monsieur Thierry A... majeur protégé sous curatelle, assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A...
Au fond la rejette
Laisse la charge des dépens de la présente instance en récusation à la charge de monsieur Thierry A... majeur protégé sous curatelle, assisté de sa curatrice, madame Nadège Z... épouse A....
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
ANITA RATION NICOLE BURKEL