COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 11 JANVIER 2011
Deuxième Chambre Comm. R.G. : 09/07261 et R.G. 09/02727
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller, entendu en son rapport
GREFFIER : MaFatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC : en présenceQnsieur QUINIO, entendu en ses observations et auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS : A l'audience publique du 16 Novembre 2010
ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 11 Janvier 2011, date indiquée à l'issue des débats.
DEMANDERESSE AU RECOURS : Société KERSAINT AUTO SARL
6 rue Paul Sabatier ZAC de Kergaradec 29850 GOUESNOU représentée par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués assistée Monsieur le Directeur de l'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
26 bis rue de St Pétersbourg 75800 PARIS CEDEX 08 représenté par Madame LE PELTIER, suivant pouvoir
Société RENAULT TRUCKS SAS
Le 23 mars 2009, la société Renault Trucks a formé opposition à l'enregistrement de cette marque en invoquant sa marque verbale antérieure PREMIUM déposée le 23 novembre 2005 pour désigner, notamment, les produits suivants : véhicules; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; camions, camionnettes, fourgons (véhicules) et fourgonnettes ; véhicules de transport de personnes et/ou de marchandises ; tracteurs ; remorques (véhicules) ; carrosseries; moteurs pour véhicules terrestres ; amortisseurs de suspensions pour véhicules, châssis de véhicules ; pare-chocs pour véhicules.Par décision du 23 septembre 2009 notifiée le même jour à maître Audrain, avocat de la société Kersaint Auto, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, considérant qu'il n'y avait pas lieu de clôturer la procédure en raison d'une déchéance de la marque antérieure pour défaut d'exploitation, que les produits désignés dans les deux dépôts étaient partiellement identiques ou similaires, et que le signe PREMIUM AUTO constituait une imitation de la marque antérieure PREMIUM, a statué en ces termes :
'L'opposition n° 09-1057 est reconnue partiellement justifiée en ce qu'elle porte sur les produits et services suivants : véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou par eau, moteurs pour véhicules terrestres, amortisseurs de suspensions pour véhicules, carrosseries, châssis ou pare-chocs de véhicules, véhicules électriques, vente de véhicules neufs ou d'occasions ;
La demande d'enregistrement n° 08 3 618 110 est par tiellement rejetée pour les produits et services précités'.
Par déclaration du 22 octobre 2009, la société Kersaint Auto a formé un premier recours contre cette décision, puis, alors que le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle avait soulevé une fin de non recevoir tirée du défaut de mention de l'organe représentant la personne morale requérante dans l'acte de recours, elle a déposé le 19 avril 2010 une seconde déclaration de recours.
Sur la recevabilité de cette seconde déclaration, elle fait valoir que le délai de recours n'aurait pas couru dès lors que la décision déférée n'a été notifiée qu'à son avocat, lequel ne pouvait légalement être son mandataire, et, sur le fond, elle invoque l'absence de preuve d'exploitation sérieuse par la société Renault Trucks de sa marque antérieure et l'absence de risque de confusion entre les deux signes en présence.
La société Kersaint Auto demande en conséquence à la Cour de:
'Statuer ce que de droit sur la recevabilité de la déclaration de recours en annulation déposée le 22 octobre 2009 ;
Constater en tout état de cause que la Cour est saisie d'une seconde déclaration en date du 19 avril 2010 ;
Ordonner la jonction des deux procédures ;
Dire et juger irrégulière la
notification de la décision de
l'Institut national de la propriété
industrielle faite à monsieurBertrand Audren le
23 septembre 2009 ; En conséquence, dire et juger recevable le recours en annulation formé par la société Kersaint Auto à l'encontre de la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle en date du23 septembre 2009 ;
Annuler la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle en date du 23 septembre 2009 en ce qu'elle a partiellement accueillie l'opposition précitée et, par conséquent, partiellement rejeté l'enregistrement de la marque PREMIUM AUTO pour les produits et services suivants : véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou par eau, moteurs pour véhicules terrestres, amortisseurs de suspensions pour véhicules, carrosseries, châssis ou pare-chocs de véhicules, véhicules électriques, vente de véhicules neufs ou d'occasion ;
Déclarer commune et opposable à la société Renault Trucks la décision à intervenir ;
Condamner l'Institut national de la propriété industrielle au paiement d'une indemnité de 5.000 euros au profit de la société Kersaint Auto sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile'.
Le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle a présenté des observations écrites de rejet développées oralement à l'audience par son représentant, et le Ministère public a été entendu à l'audience.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il y a lieu, dans un souci de bonne administration de la justice, de joindre les procédures afférentes aux deux recours successivement exercés par le même requérant contre la même décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.
Aux termes de l'article
R.411-21 du Code de la propriété intellectuelle, les recours formés contre les décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle doivent, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être formés par déclarations mentionnant la forme, la dénomination, le siège social et l'organe qui représente la personne morale requérante.
Or, il est constant que la société Kersaint Auto a, dans sa première déclaration de recours du 22 octobre 2009, omis de mentionner l'organe social habilité à la représenter légalement.
Le fait que le mémoire déposé le 19 novembre 2009 comporte cette mention, ne saurait avoir pour effet de régulariser la déclaration de recours, l'article
126 du Code de procédure civile étant inapplicable à ce vice de procédure sanctionné, non par une nullité, mais par une irrecevabilité d'office.Pour tenter d'échapper à cette irrecevabilité, la société Kersaint Auto a déposé le 19 avril 2009 une nouvelle déclaration de recours en faisant par ailleurs valoir que le délai de recours d'un mois édicté par l'article
R.411-20 du Code de la propriété intellectuelle n'aurait pas couru, faute de notification régulière de la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.
Toutefois, il résulte de l'article
R.718-3 du Code de la propriété intellectuelle que toute notification est réputée régulière si elle est faite soit au titulaire da la demande d'enregistrement, soit au mandataire de celui-ci.
Or, il ressort des pièces du dossier que, si la demande d'enregistrement de marque a été présentée par le gérant de la société Kersaint Auto, cette dernière s'est, au cours de la procédure d'opposition initiée par la société Renault Trucks, fait représenter par son avocat, maître Audrain, qui a, pour sa cliente, adressé au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle deux mémoires en défense les 25 mai et 12 août 2009.
La société Kersaint Auto ajoute aux dispositions des articles
R.712-2 et
L.422-4 du Code de la propriété intellectuelle en prétendant qu'elles institueraient un monopole de représentation devant l'Institut national de la propriété industrielle au profit des conseils en propriété industriel qui, partant, seraient seuls autorisés à intervenir à en qualité de mandataire du titulaire de la demande d'enregistrement, alors que le premier de ces textes énonce que le mandataire constitué en vue d'un dépôt de marque doit avoir la qualité de conseil en propriété industrielle sous réserve des exceptions prévues au second de ces textes, lequel prévoit que le monopole de représentation des conseil en propriété industrielle ne fait pas obstacle à la faculté de recourir aux services d'un avocat.
Dès lors, la notification de la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle du 23 septembre 2009 a été régulièrement faite à maître Audrain, peu important que celui exerce au sein d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, et a fait valablement courir le délai de recours, de sorte que la seconde déclaration de recours présentée au greffe de la Cour le 19 avril 2010 est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Joint les procédures enrôlées au greffe de la Cour sous les numéros 09/7261 et 10/2727 ; Déclare irrecevables les recours exercés les 22 octobre 2009 et 19 avril 2010 contre la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle du 23 septembre 2009 statuant sur l'opposition de la société Renault Trucks à l'enregistrement de la marque PREMIUM AUTO déposée par la société Kersaint Auto ;
Condamne la société Kersaint Auto aux dépens.