AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Papeete, 20 novembre 1997) que M. X..., gérant de la société GMP, s'est porté, envers la banque Socredo (la banque), caution solidaire des concours consentis à la société ; qu'à la suite de la procédure collective de la société GMP, la banque a été condamnée par une décision passée en force de chose jugée, en raison de la rupture fautive du contrat d'avance en compte courant conclu avec la société, à l'indemniser, entre les mains du liquidateur, du préjudice résultant de la perte d'une chance de rester à la tête de ses biens ; que M. X... a poursuivi la banque en réparation du préjudice personnel subi en sa double qualité de caution et de gérant de la société ;
Sur le premier moyen
, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en réparation du préjudice qu'il a personnellement subi en sa qualité de caution de la société GMP en liquidation judiciaire à la suite de l'interruption brutale et injustifiée de ses concours par la banque, alors, selon le moyen :
1 / qu'en exigeant que la faute de la banque ait été la cause exclusive du préjudice subi par la caution, la cour d'appel a violé l'article
1147 du Code civil ;
2 / que la caution est recevable à mettre en oeuvre la responsabilité du créancier lorsqu'elle intente à son encontre une action en réparation d'un dommage dont elle se prévaut en raison des conditions dans lesquelles une banque créancière a accordé puis retiré des moyens de financement au débiteur principal ; qu'en décidant, pour exclure tout droit à réparation de la caution que, en raison du caractère accessoire du cautionnement, le préjudice subi par la caution ne peut qu'être indirect, la cour d'appel a derechef violé l'article
1147 du Code civil ;
3 / que le préjudice subi par la caution consistait en l'espèce dans la perte d'une chance, du fait de la procédure collective ouverte à l'égard du débiteur principal, de ne pas être poursuivie par le créancier ;
qu'en retenant que la caution a directement bénéficié de la condamnation prononcée en faveur du débiteur puisque par suite de l'allocation de la somme de 10 000 000 francs CFP cette société a été replacée dans la situation patrimoniale antérieure à la commission de la faute, alors qu'une telle condamnation n'a pas eu pour effet d'anéantir le jugement de liquidation judiciaire du débiteur et a donc fait subsister la menace d'une poursuite du créancier à l'encontre de la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1174 du Code civil ;
4 / que le jugement du 21 septembre 1991 confirmé par l'arrêt du 15 avril 1993 avait retenu qu'à la date de la rupture des crédits par la banque, la situation de la société GMP n'apparaissait pas irrémédiablement compromise puisqu'elle avait quatre gros chantiers en cours et que les rentrées financières attendues étaient susceptibles sinon d'éteindre du moins de diminuer la dette envers la banque ; qu'il s'ensuit que la société cautionnée aurait dû normalement, si elle n'avait pas été placée en liquidation judiciaire par la faute de la banque, apurer ou tout au moins régler une part importante de la dette cautionnée par M. X... ;
que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la caution avait des chances de ne pas être inquiétée en l'absence de faute de la banque, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas exigé que la faute de la banque fût la cause exclusive du préjudice subi par la caution ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que la société a été replacée dans la situation patrimoniale antérieure à la commission de la faute de la banque ayant entraîné la perte d'une chance de demeurer à la tête de ses biens et en déduit que la caution n'est pas fondée à imputer à la banque la responsabilité de la procédure collective de la société dont les conséquences ont été réparées ; que par ce seul motif, la cour d'appel qui a répondu, en les écartant, aux conclusions dont fait état la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et
sur le second moyen
, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en réparation du préjudice qu'il a personnellement subi en sa qualité de dirigeant de la société GMP placée en liquidation judiciaire à la suite de l'interruption brutale et injustifiée de ses concours par la banque alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel, qui constate l'existence d'un lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi par le dirigeant et qui reconnaît que la faute de la banque a fait perdre à la société GMP une chance de ne pas faire l'objet d'une procédure collective, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article
1382 du Code civil ;
2 / que comme le faisait valoir M. X... dans ses conclusions d'appel, la rupture fautive par la banque de ses concours à la société GMP a été la cause immédiate, déterminante et directe du dépôt de bilan de cette dernière puisqu'à cette date, la situation de la société était loin d'être irrémédiablement compromise étant donné qu'elle avait quatre gros chantiers en cours et que les rentrées financières attendues étaient susceptibles sinon d'éteindre du moins de diminuer sa dette envers la banque ; qu'en retenant que cette faute n'avait eu qu'un rôle causal "minime", la cour d'appel a violé l'article 1382 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la liquidation judiciaire était due à une mauvaise gestion, des retards de paiements de l'administration, une rentabilité insuffisante des marchés et des retards importants dans l'exécution d'un marché et constaté que la faute de la banque n'avait pas été la cause déterminante de la liquidation judiciaire de la société, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la preuve d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué par le dirigeant n'était pas établie, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la banque Socredo ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du neuf juillet deux mille deux.