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Tribunal administratif de Paris, 7 mars 2024, 2401660

Mots clés
contrat • société • référé • pouvoir • recours • publicité • requête • publication • signature • discrimination • harcèlement • nullité • rapport • ressort • qualification

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Paris
  • Numéro d'affaire :
    2401660
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Ordonnance
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23, 31 janvier 2 et 7 février 2024, la société Allodiscrim, représentée par Me Delarue, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures des 2 et 7 février 2024 : 1°) d'annuler le contrat signé le 23 janvier 2024 entre les ministères sociaux et le groupement conjoint d'entreprises constitué de la société NH Concept RSE, mandataire, et de Me Samba-Sambeligue, portant sur des prestations de recueil et d'analyse des signalements en cas de discrimination et de harcèlement de la part des agents des ministères sociaux ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'administration a signé le contrat pendant le délai de suspension prévu à l'article L. 551-4 du code de justice administrative, ce qui entraîne la nullité du contrat, en application de l'alinéa 3 de l'article L. 551-18 du même code ; -en ne prévoyant pas l'intervention d'un professionnel du droit habilité à réaliser des prestations de consultation juridique, l'administration a méconnu les dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et entaché d'irrégularité le marché ; en effet, les prestations de traitement constituant entièrement des prestations de consultation juridique, le marché ne pouvait être attribué qu'à un professionnel du droit au sens de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 ; -la candidature du groupement attributaire est irrégulière car il ne s'agit pas d'un groupement conjoint et aucune répartition des taches n'est indiquée entre le cabinet d'avocat et la société NH Concept RSE ; - son offre a été dénaturée, s'agissant du sous-critère de la qualité du traitement des signalements et du critère de la composition des équipes. Par des mémoires en défense, enregistré les 31 janvier et 6 février 2024, les ministères sociaux concluent au rejet de la requête. Ils soutiennent que : - les conclusions présentées au titre du référé précontractuel sont irrecevables, le marché ayant été signé le 23 janvier 2024 ; - l'offre de la société Allodiscrim n'a pas été dénaturée ; - les autres moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Beugelmans-Lagane pour statuer sur les demandes de référés. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique tenue le 7 février 2024 en présence de M. Fadel, greffier d'audience, Mme Beugelmans-Lagane a lu son rapport et entendu les observations : - de Me Delarue représentant la société Allodiscrim ; - et de Mme A et MM. Sauvêtre et Alfandari, représentant les ministères sociaux. A l'audience, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 551-21 du code de justice administrative, que le juge est susceptible de fonder son ordonnance sur l'application des dispositions de l'article L. 551-20 du même code. La clôture de l'instruction a été reportée le 8 février à 17h. Une note en délibéré produite par la société Allodiscrim, a été enregistrée le 8 février 2024 à 17h23.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 9 septembre 2023, les ministères sociaux ont lancé une consultation, dans le cadre d'une procédure adaptée avec négociation, pour la passation d'un accord-cadre en vue de l'attribution d'un marché public de prestations de services ayant pour objet la mise en place d'une ligne d'écoute et d'alerte dont l'objet est le recueil, l'analyse et le bilan des signalements en matière de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des faits constitutifs d'agissements sexistes. La société Allodiscrim, qui a remis une offre pour l'attribution de ce marché public, a été avisée, par un courrier du 18 janvier 2024, du rejet de cette offre. Par sa requête le 23 janvier 2024, elle a introduit un référé précontractuel sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative pour contester la régularité de la procédure d'attribution de ce marché. Informée en cours d'instance, par un mémoire en défense des ministères sociaux communiqué le 1er février 2024, de la signature du marché le 23 janvier 2024, la société Allodiscrim a répliqué à ce mémoire en saisissant le juge des référés d'un référé contractuel. Sur la fin de non-recevoir opposée par les ministères sociaux s'agissant du référé précontractuel : 2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, (). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ". 3. Il résulte de ces dispositions que les pouvoirs conférés au juge des référés en vertu de la procédure spéciale instituée par l'article L. 551-1 du code de justice administrative, ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat. 4. Les ministères sociaux font valoir que les conclusions présentées par la société Allodiscrim dans sa requête présentée sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont irrecevables, le marché ayant été signé. S'il résulte des dernières écritures en demande ainsi que des propos tenus par elle lors de l'audience publique que la société Allodiscrim a entendu requalifier son recours en référé contractuel, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle les ministères sociaux ont rejeté l'offre de la société Allodiscrim et attribué le marché au groupement conjoint d'entreprises constitué de la société NH Concept RSE, mandataire, et de Me Samba-Sambeligue, qui ne peuvent qu'être regardées comme relevant de l'office du juge du référé précontractuel en application des dispositions de l'article L. 551-1 précité, sont irrecevables et doivent être écartées. Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative : 5. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section. ". En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par les ministères sociaux : 6. Les ministères sociaux soulèvent une fin de non-recevoir des conclusions à fin d'annulation du référé contractuel aux motifs d'une part, qu'ils n'avaient pas été informés de l'introduction du référé précontractuel, en méconnaissance de l'article L. 551-1 du code de justice administrative et d'autre part, que le contrat avait déjà été signé au moment de l'introduction de la requête. 7. Aux termes de l'article L. 551-4 du code de justice administrative : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code relatif aux référés contractuels : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 () dès lors que le pouvoir adjudicateur () a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 () " Aux termes de l'article R. 551-1 du même code : " Le représentant de l'Etat ou l'auteur du recours est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur. Cette notification doit être faite en même temps que le dépôt du recours et selon les mêmes modalités. Elle est réputée accomplie à la date de sa réception par le pouvoir adjudicateur. " 8. En vertu de l'article L. 551-14 du code de justice administrative, le recours contractuel demeure ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours. Il en va toutefois différemment lorsque le recours contractuel, présenté par un demandeur qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel, est dirigé contre un marché signé durant la suspension prévue à l'article L. 551-4 alors que le pouvoir adjudicateur était dans l'ignorance du référé précontractuel en raison de la méconnaissance, par le demandeur, de ses obligations de notification prévues à l'article R. 551-1. 9. Il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 23 janvier 2024 envoyé à 11h17, que les ministères sociaux ne contestent pas avoir reçu, la société Allodiscrim les a informés, que, conformément à l'article R. 551-1 du code de justice administrative, elle venait de déposer une requête en référé précontractuel contre le marché relatif à la ligne d'écoute et d'alerte mise en place au sein de ces ministères. La requête introductive d'instance était jointe, en version PDF, à ce courriel. La requête en référé précontractuel a été enregistrée au greffe du tribunal le même jour à 11h06. Si les ministères sociaux soutiennent que le contrat a été signé le 23 janvier " au matin ", le seul tampon à date du 23 janvier 2024 figurant sur le contrat ne permet pas d'établir que le contrat a été signé avant qu'ils n'aient été prévenus de l'introduction de la requête en référé précontractuel. Dans ces conditions, faute de justifier de l'heure à laquelle le contrat a été signé, les ministères sociaux doivent être regardés comme n'ayant pas respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 du code de justice administrative. Dès lors, la fin de non-recevoir qu'ils ont opposée à la société requérante doit être écartée. En ce qui concerne l'absence d'information par le pouvoir adjudicateur de la signature du contrat : 10. Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 551-15 du code de justice administrative : " Le recours régi par la présente section ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité. " Aux termes de l'article R. 551-7-1 du même code : " Pour pouvoir se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article L. 551-15, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice publie au Journal officiel de l'Union européenne un avis, conforme au modèle fixé par le règlement de la Commission européenne établissant les formulaires standard pour la publication d'avis en matière de marchés publics et de contrats de concession, relatif à son intention de conclure un contrat. Il respecte un délai d'au moins onze jours entre la date de publication de cet avis et la date de conclusion du contrat.() " 11. En application des dispositions des article L. 551-14 du code de justice administrative citées au point 7 et L. 551-15 du même code, cité au point 10, un candidat évincé qui a engagé un référé précontractuel postérieurement à la signature d'un marché passé selon une procédure adaptée alors que le pouvoir adjudicateur n'a pas rendu publique son intention de conclure le contrat dans les conditions prévues par l'article R. 551-7-1 du code de justice administrative et n'a pas observé, avant de le signer, un délai d'au moins onze jours entre la date de publication de l'avis prévu par cet article et la date de conclusion du contrat est recevable à saisir le juge du référé contractuel d'une demande dirigée contre ce marché, quand bien même le pouvoir adjudicateur lui aurait notifié le choix de l'attributaire et aurait respecté un délai avant de signer le contrat. 12. Il ressort des pièces du dossier que les ministères sociaux n'ont pas fait application du premier alinéa de l'article L. 551-15 du code de justice administrative et n'ont pas rendu publique leur intention de conclure le contrat dans les conditions prévues par l'article R. 551-7-1 du même code. La société Allodiscrim, qui était dans l'ignorance de la signature du marché lorsqu'elle a présenté un référé précontractuel, n'a été informée de la conclusion du contrat que par le mémoire en défense des ministères sociaux enregistré au greffe du tribunal le 31 janvier 2024 dans le cadre de l'instance en référé précontractuel. Les ministères sociaux se sont bornés, dans leur courrier de rejet de l'offre de la société Allodiscrim, daté du 18 janvier 2024, à lui communiquer le nom de la société attributaire et à indiquer que la date à compter de laquelle le marché est susceptible d'être signé " dans le respect des dispositions de l'article 2182-1 ", inapplicable aux marchés à procédure adapté, est le 23 janvier 2024. Elle a ensuite informé la société requérante par courrier du 25 janvier 2024, de l'attributaire du marché. Ce faisant, elle n'a pas respecté les obligations de publication ni le délai prévu par dispositions de l'article R. 551-7-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, pour ce motif également, en sa qualité de concurrent évincé de la procédure, la société requérante, qui a un intérêt à conclure le contrat, entre donc dans le champ des personnes habilitées à agir en référé contractuel. En ce qui concerne l'office du juge du référé contractuel : 13. Aux termes de l'article L. 551-18 du code de la justice administrative : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. () Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " Aux termes de l'article L. 551-20 de ce code : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " 14. Les manquements susceptibles d'être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du code de justice administrative. S'agissant des marchés passés selon une procédure adaptée, qui ne sont pas soumis à l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551 18, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Le juge des référés contractuel doit également annuler un marché à procédure adaptée, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18, ou prendre l'une des autres mesures mentionnées à l'article L. 551-20 dans l'hypothèse où, alors qu'un recours en référé précontractuel a été formé, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé. En ce qui concerne les obligations de publicité et de mises en concurrence : 15. En premier lieu, aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : / 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66. / Les personnes mentionnées aux articles 56, 57 et 58 sont réputées posséder cette compétence juridique. / Pour les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée mentionnées à l'article 59, elle résulte des textes les régissant. / Pour chacune des activités non réglementées visées à l'article 60, elle résulte de l'agrément donné, pour la pratique du droit à titre accessoire de celle-ci, par un arrêté qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes exerçant cette activité et souhaitant pratiquer le droit à titre accessoire de celle-ci () ". Aux termes de l'article 56 de la même loi : " Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats inscrits à un barreau français, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires et les mandataires- liquidateurs disposent concurremment, dans le cadre des activités définies par leurs statuts respectifs, du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé pour autrui ". L'article 60 ajoute : " Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ". 16. Il appartient au pouvoir adjudicateur, dans le cadre de la procédure de passation d'un marché public portant sur des activités dont l'exercice est réglementé, de s'assurer que les soumissionnaires remplissent les conditions requises pour les exercer. Tel est le cas des consultations juridiques et de la rédaction d'actes sous seing privé qui, ainsi qu'il a été dit au point 15, ne peuvent être effectuées à titre habituel que par les professionnels mentionnés par l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971. Lorsque les prestations qui font l'objet du marché n'entrent qu'en partie seulement dans le champ d'activités réglementées, les opérateurs économiques peuvent présenter leur candidature et leur offre sous la forme d'un groupement conjoint, dans le cadre duquel l'un des cotraitants possède les qualifications requises. Ainsi, pour un marché relatif à des prestations ne portant que partiellement sur des consultations juridiques, il est loisible à un opérateur économique ne possédant pas ces qualifications de s'adjoindre, dans le cadre d'un groupement conjoint, en tant que cotraitant, le concours d'un professionnel du droit, à la condition que la répartition des tâches entre les membres du groupement n'implique pas que celui ou ceux d'entre eux qui n'a pas cette qualité soit nécessairement conduit à effectuer des prestations relevant de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971. 17. D'une part, il résulte de l'instruction et, notamment, du règlement de la consultation que l'accord-cadre visé par la procédure de publicité et mise en concurrence en cause a pour objet " la mise en place d'une ligne d'écoute et d'alerte dont l'objet est le recueil, l'analyse et le bilan des signalements en matière de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des faits constitutifs d'agissements sexistes ", pour les agents des ministères sociaux. Le dispositif répond aux besoins de recueil, d'analyse et de bilan de ces signalements. Le traitement des signalements se divise en deux types : le traitement simple qui ne nécessite qu'une écoute attentive et bienveillante ainsi qu'une information ou un conseil et peut impliquer un travail de médiation, une mission d'information et d'orientation le cas échéant vers un autre interlocuteur au sein de l'administration. Le titulaire doit également examiner, dans le cadre d'une étude de recevabilité, si le signalement relève du traitement approfondi. Le traitement approfondi consiste à caractériser juridiquement les faits de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des faits constitutifs d'agissements sexistes, à organiser des échanges contradictoires entre les parties concernées au cours d'une phase d'instruction et à émettre un avis définitif. Ainsi, si certaines de ces prestations peuvent constituer des consultations juridiques au sens de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, d'autres, en particulier les tâches de collecte, d'écoute, de traitement et de suivi des signalements, ne sont pas assimilables à de telles consultations. Dès lors, l'accord-cadre est relatif à des prestations ne portant que partiellement sur des consultations juridiques. 18. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'accord-cadre a été attribué à un groupement conjoint, composé de la société NH Concept RSE et du cabinet d'avocat Wilfried Samba Sambeligue. Or il résulte de la répartition des tâches figurant dans la lettre de candidature du groupement attributaire que l'avocat du groupement prendra en charge le traitement approfondi contradictoire et que la société NH Concept RSE se chargera de la gestion du dispositif, du traitement simple et examinera si le traitement simple doit faire l'objet d'un traitement approfondi, dans le cadre d'une étude de recevabilité. Il ressort également du bordereau des prix unitaires qu'une rémunération distincte est prévue pour la réalisation de ses prestations par le cabinet d'avocat. Dans ces conditions, d'une part, l'accord-cadre signé avec le groupement conjoint répond aux exigences de l'appel d'offres et du cahier des clauses techniques particulières et d'autre part, dès lors que le marché ne portait que partiellement sur des consultations juridiques, le groupement conjoint composé par la société NH Concept RSE et Me Wilfried Sambeligue, professionnel du droit qui assure les consultations juridiques requises, est conforme à l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 . 19. En second lieu, il n'appartient pas au juge du référé contractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats. 20. S'agissant des délais de traitement, la circonstance que la société Allodiscrim ait été, lors de la phase de négociation, interrogée sur le délai moyen des traitements " par comparaison notamment au ministère de l'agriculture pour lequel le candidat est prestataire " ne signifie nullement que l'offre de la société Allodiscrim ait été évaluée en fonction de l'exécution d'un marché dont elle est titulaire auprès d'une autre personne publique. En outre, il ne ressort pas du critère " qualité du traitement des signalements " que le délai de traitement des signalements aurait été pris en compte. Les ministères sociaux indiquent également que dès lors que la société propose, dans son offre, plusieurs prestations qui ne sont pas sollicitées dans le CCTP, son offre ne permet pas de s'assurer de la bonne compréhension des attentes. Ils considèrent à juste titre que le fait qu'elle prévoit le même appelant pendant toute la procédure de signalement ne permet pas de se prémunir contre le biais émotionnel de ce signalant. Le rapport d'analyse des offres précise que le candidat ne semble pas avoir non plus bien compris la différence entre les deux dispositifs de signalement, interne et externe, seul ce dernier faisant l'objet du marché. Il n'est donc pas établi que la note attribuée au sous-critère de la qualité du traitement des signalements aurait dû être supérieure à 7/10. S'agissant de la composition de l'équipe l'article 5.2.4 du CCTP prévoit que les intervenants sont des professionnels expérimentés sur les questions relevant du champ d'intervention de la ligne d'écoute et d'alerte. Ils justifient de compétences en matière de remédiation, de gestion des situations sensibles intéressant les ressources humaines, notamment dans le secteur public. Dès lors que les intervenants prévus par la société Allodiscrim sont des avocats, les ministères sociaux se sont interrogés pour savoir s'ils avaient des compétences en psychologie, ce qui ne signifie pas, contrairement à ce que soutient la requérante, qu'il doit s'agir de psychologues. Certes, comme le reconnaissent les ministères sociaux, des compétences dans le domaine psycho-social n'étaient pas requises, mais, d'une part, ils font également remarquer à bon droit que la méthodologie proposée par la société Allodiscrim, qui prévoit un unique appelant pour chaque signalement ne permet pas de bien définir, au stade de l'analyse des offres, la qualité de l'intervenant qui sera associée au traitement d'un dossier. D'autre part, le rapport d'analyse des offres précise que l'offre concernant l'équipe pressentie pour l'exécution de la prestation est jugée très suffisante et le pouvoir adjudicateur lui attribue un point de plus sur ce critère, sans erreur manifeste d'appréciation. Il n'est donc pas établi que la note attribuée à la société Allodiscrim sur ce sous-critère aurait dû être supérieure à 7/10. Enfin, il résulte des précisions apportées par le rapport d'analyse des offres que la note globale de la société requérante est passée de 3,17 avant négociation à 4 après négociation. Dès lors, l'administration n'a pas dénaturé l'offre de la société Allodiscrim ni méconnu le principe de l'égalité de traitement. 21. Il résulte de tout ce qui précède que les obligations de publicité et de mise en concurrence n'ont pas été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. En ce qui concerne l'application de l'article L. 551-20 du code de justice administrative : 22. Pour déterminer la sanction à prononcer en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative, il incombe au juge du référé contractuel qui constate que le contrat a été signé prématurément, en méconnaissance des obligations de délai rappelées dans ce même article, d'apprécier l'ensemble des circonstances de l'espèce, en prenant notamment en compte la gravité du manquement commis, son caractère plus ou moins délibéré, la plus ou moins grande capacité du pouvoir adjudicateur à connaître et à mettre en œuvre ses obligations ainsi que la nature et les caractéristiques du contrat. 23. Il résulte de l'instruction que les ministères sociaux, qui ne pouvaient ignorer les conditions dans lesquelles un marché peut être signé lorsque le juge du référé précontractuel a été saisi, n'établissent pas avoir signé le contrat avant d'avoir eu connaissance de l'existence d'un référé précontractuel, qui leur avait été notifié, le contrat ayant été signé le même jour que l'introduction du référé précontractuel, le 23 janvier 2023, ainsi qu'il a été dit au point 9. Il y a lieu, dans ces conditions, de leur infliger une pénalité financière d'un montant de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Allodiscrim présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Article 2 : Les ministères sociaux sont condamnés à verser au Trésor public une pénalité financière d'un montant de 10 000 € (dix mille euros). Article 3 : Les conclusions de la requête de la société Allodiscrim présentées sur le fondement des articles L. 551-13 et L.551-18 du code de justice administrative ainsi que celles tendant au versement de frais irrépétibles sont rejetées. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Allodiscrim, aux ministères sociaux, à la société NH Concept RSE et à Me Samba-Sambeligue. Fait à Paris, le 7 mars 2023. Le juge des référés, N. BEUGELMANS-LAGANE La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2/3-3

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