Vu, enregistré le 12 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la saisine par laquelle la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques lui a déféré, par application des dispositions de l'article
L. 52-15 du code électoral, le compte de M. Y... X..., candidat tête de liste à l'élection à laquelle il a été procédé les 11 et 18 juin 1995 dans la commune de Fourmies (Nord) pour la désignation des conseillers municipaux, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 871127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Que faut-il entendre, dans le cas d'un scrutin de liste, par "le candidat", lorsque l'article
L. 52-5 du code électoral prévoit que "le candidat ne peut être membre de sa propre association de financement électorale" ?
2°) En cas de composition irrégulière de l'association de financement électorale au regard dudit article
L. 52-5, le juge de l'élection est-il tenu de déclarer inéligible et, le cas échéant, démissionnaire d'office, le candidat tête de liste même non membre de l'association ? Doit-il également déclarer inéligibles et, le cas échéant, démissionnaires d'office, le ou les autres membres de la liste qui sont également présents au sein de l'association de financement électorale ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
électoral ;
Vu la loi du 1er juillet 1901, relative aux contrats d'association ;
Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 modifiée par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 et la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ollier, Auditeur,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
1°) L'article
L. 52-5 du code électoral interdit à un candidat à l'une des élections soumises aux règles instituées par les articles
L. 52-4 à
L. 52-18 du même code, relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales, d'être membre de sa propre association de financement électorale.
Or lesdites règles régissent aussi bien des élections au scrutin uninominal, comme celles des conseillers généraux, que des élections au scrutin de liste, comme celles des conseillers municipaux ou des conseillers régionaux. Dans le cas du scrutin de liste, caractérisé par la solidarité entre les membres d'une même liste, le candidat tête de liste a des responsabilités spécifiques. Il est notamment tenu, en vertu de l'article
L. 52-12 du code électoral, d'établir un compte de campagne, qui est unique pour l'ensemble de la liste. Il s'ensuit que, dès lors que ce candidat tête de liste est membre de sa propre association de financement électorale, il méconnaît la prohibition édictée par l'article
L. 52-5, mais qu'il en va de même toutes les fois qu'un autre candidat de la liste fait lui-même partie, soit de l'association de financement électorale soutenant la liste dans son ensemble, soit -lorsque la liste est soutenue par plusieurs associations de financement électorales- de sa propre association de financement. Les comptes de ces associations sont en effet, en vertu de l'article
L. 52-5 du code électoral, annexés au compte de campagne du candidat tête de liste lorsque les candidats qu'elles ont soutenus figurent sur cette liste. Dès lors, par "candidat", au sens des dispositions susmentionnées de l'article
L. 52-5, il convient d'entendre toute personne figurant sur la liste. Par "membre" de l'association, il convient d'entendre tout membre de ses organes d'administration et de direction, au sens des dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901.
2°) En raison de la finalité poursuivie par les dispositions susmentionnées de l'article
L. 52-5 du code électoral, l'interdiction qu'elles posent constitue une formalitésubstantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Par suite, dans les trois hypothèses susmentionnées, la méconnaissance de ces dispositions entraîne le rejet du compte de campagne par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui saisit le juge de l'élection conformément à l'article
L. 52-15 du même code.
En application des dispositions combinées des articles
L. 118-3 et
L. 234 du code électoral, le juge administratif, saisi par la commission nationale des comptes de campagne, est donc tenu de déclarer le candidat tête de liste inéligible pour un an et, si l'élection a été contestée et s'il a été proclamé élu, d'annuler l'élection de ce candidat, ou, s'il a été proclamé élu sans que son élection ait été contestée, de le déclarer démissionnaire d'office. Lorsque la commission a approuvé le compte, le juge de l'élection, saisi en application de l'article L. 248 d'une protestation ou d'un déféré invoquant la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article
L. 52-5, est également tenu, si ce grief lui apparaît recevable et fondé, de déclarer inéligible le candidat tête de liste et d'annuler son élection. Que ce candidat soit ainsi déclaré démissionnaire d'office ou que son élection soit annulée, le juge doit proclamer l'élection au siège vacant de la personne inscrite sur la liste immédiatement après le dernier élu de cette liste, conformément aux dispositions de l'article
L. 270 du code.
3°) En disposant que "le candidat ne peut être membre de sa propre association de financement électorale", le législateur, par l'article
L. 52-5 du code électoral, a entendu frapper d'inéligibilité tout candidat qui contreviendrait à cette interdiction. Par suite, la méconnaissance des dispositions précitées entraîne l'inéligibilité, et donc l'annulation de l'élection ou la démission d'office, selon le cas, non seulement du candidat tête de liste, mais de tout candidat faisant partie de sa propre association de financement électorale. Le remplacement des conseillers municipaux dont les sièges deviennent ainsi vacants doit être opéré dans les conditions fixées par l'article
L. 270 du code électoral.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Lille, au président de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. X... et au ministre de l'intérieur.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.