Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 11 mai 2021, Mme C A, représentée par Me Nolot, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 15 mars 2021 par laquelle la directrice de l'institut de formation d'aides-soignants (IFAS) du centre hospitalier de Thiers l'a exclue définitivement de de la formation d'aide-soignante ;
2°) d'enjoindre au centre hospitalier de Thiers et à l'IFAS du centre hospitalier de Thiers de la réintégrer sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter du jugement ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Thiers et à l'IFAS du centre hospitalier de Thiers de l'autoriser à suivre la formation sur deux ans afin qu'elle puisse bénéficier de l'intégralité de la formation ainsi que du stage de rattrapage du module 3, sous astreinte provisoire dont il plaira à la juridiction de céans de fixer le montant ainsi que la date d'effet ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au centre hospitalier de Thiers et à l'IFAS du centre hospitalier de Thiers de réexaminer sa situation en lui permettant d'être réévaluée sur le module 3 de chirurgie, et de compléter sa formation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Thiers et de l'IFAS du centre hospitalier de Thiers une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée de vices de forme dès lors qu'elle n'est pas datée et qu'elle n'est pas motivée en méconnaissance de l'article 39 de l'arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant ;
- elle est entachée de vices de procédure dès lors que le principe des droits de la défense a été violé ; qu'en méconnaissance de l'article 44 de l'arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant le délai de convocation et de réunion du conseil de discipline n'a pas été respecté ; que la convocation au conseil de discipline du 3 novembre 2020 a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision du 21 octobre 2020 la suspendant de ses fonctions a été signée par une autorité incompétente ;
- il existe une inexactitude ou une inexistante des faits ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits qui ne sauraient fonder une sanction ;
- la sanction est disproportionnée ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, le centre hospitalier de Thiers, représenté par la Selarl Pareydt-Gohon, Me Pareydt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de Mme A sont infondés.
Par une ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bollon,
- et les conclusions de M. Panighel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme C A a été admise à suivre une formation d'aide-soignante à l'institut de formation d'aides-soignants (IFAS) du centre hospitalier de Thiers. Le 21 octobre 2020, la directrice de l'IFAS du centre hospitalier de Thiers a prononcé à son encontre une mesure de suspension de stage, à titre conservatoire, dans l'attente de l'examen de sa situation par un conseil de discipline qui s'est réuni le 17 novembre 2020. Par une décision du 20 novembre 2020, Mme A a été exclue définitivement de la formation. Par une décision du 23 février 2021, la directrice de l'IFAS a retiré la décision du 20 novembre 2020. L'IFAS a décidé le 24 février 2021 d'engager une nouvelle procédure disciplinaire à l'encontre de la requérante et le conseil de discipline s'est réuni le 8 mars 2021. Par une décision du 15 mars 2021, dont Mme A demande l'annulation, la directrice de l'IFAS l'a exclue définitivement de la formation d'aides-soignants.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'absence de mention de la date sur la décision attaquée n'emporte pas, par elle-même, l'illégalité de l'acte en cause. Par suite, et alors qu'au demeurant la décision contestée est datée du 15 mars 2021, ce moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 de l'arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant alors applicable : " () La sanction est prononcée de façon dûment motivée par le directeur. Elle est notifiée à l'élève ou à son représentant légal si celui-ci est mineur. () ".
4. La sanction attaquée énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permettent à la requérante de comprendre et de critiquer les motifs qui la fondent. Dès lors, elle est suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article
L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article
L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article
L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / () ". Aux termes de l'article
L. 122-2 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article
L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant. ". Aux termes de l'article 41 de l'arrêté du 22 octobre 2005 : " L'élève reçoit communication de son dossier à la date de la saisine du conseil de discipline ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de Mme A ainsi que le rapport de saisine du conseil de discipline, qui s'est tenu le 8 mars 2021, étaient joints à la lettre du 24 février 2021 la convoquant à la réunion de ce conseil. Cette lettre ainsi que le rapport de saisine du conseil de discipline font mention des griefs formulés à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 44 de l'arrêté du 22 octobre 2005 susvisé : " En cas d'urgence, le directeur peut suspendre la formation de l'élève en attendant sa comparution devant le conseil de discipline. Ce dernier est toutefois convoqué et réuni dans un délai maximal de quinze jours à compter du jour de la suspension de la scolarité de l'élève. Le président du conseil de discipline est immédiatement informé par lettre d'une décision de suspension ".
8. D'une part, si Mme A soutient que la convocation du 26 octobre 2020 au conseil de discipline du 3 novembre 2020 a été signée par une autorité incompétente, cette circonstance, au demeurant non fondée dès lors que Mme B était agréée directrice de l'IFAS depuis le 1er septembre 2020, est sans incidence sur la légalité de la décision du 15 mars 2021 attaquée, cette convocation se rapportant à la première procédure disciplinaire ayant conduit à la sanction du 20 novembre 2020 et retirée par une décision du 23 février 2021.
9. D'autre part, si l'article 44 du décret du 22 octobre 2005 prévoit que le conseil de discipline est convoqué et réuni dans un délai maximal de quinze jours à compter du jour de la suspension de l'élève, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité. Dans ces conditions, la circonstance que le conseil de discipline se soit prononcé après expiration de ce délai n'est pas de nature à vicier la procédure au terme de laquelle a été prise la décision de sanction attaquée.
10. Enfin, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou si celui-ci en constitue la base légale.
11. Mme A doit être regardée comme invoquant, par voie d'exception, l'illégalité de la décision du 21 octobre 2020 par laquelle la directrice de l'IFAS l'a suspendue de la formation d'aides-soignantes. Toutefois, la décision attaquée du 15 mars 2021 excluant l'intéressée de ladite formation n'a pas été prise en application de la décision du 21 octobre 2020 qui n'en constitue pas davantage la base légale. Par suite, la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de suspension à l'encontre de la sanction qu'elle conteste.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 39 de l'arrêté du 22 octobre 2005 susvisé : " Le conseil de discipline émet un avis sur les fautes disciplinaires ainsi que sur les actes des élèves incompatibles avec la sécurité du patient et mettant en cause leur responsabilité personnelle. / Le conseil de discipline peut proposer les sanctions suivantes : / 1° Avertissement ; / 2° Blâme ; / 3° Exclusion temporaire de l'institut de formation ; / 4° Exclusion définitive de l'institut de formation. () ".
13. Pour exclure définitivement Mme A de la formation d'aides-soignants, la décision attaquée se fonde sur la circonstance que la requérante a, le 21 octobre 2020 lors de sa mise en situation professionnelle, commis une faute disciplinaire et un acte incompatible avec la sécurité du patient mettant en cause sa responsabilité personnelle en désadaptant en la dévissant une tubulure de perfusion d'un patient lors d'une aide à la toilette et en la rebranchant, après intervention du jury devant ce geste, sans aucune asepsie. La décision attaquée note que ce geste relevant de la compétence d'un infirmier et/ou d'un médecin a entrainé la présence d'air dans la tubulure nécessitant l'arrêt et l'enlèvement rapide de la perfusion afin d'éviter une embolie gazeuse et un risque infectieux.
14. D'une part, si Mme A soutient qu' " il existe une inexactitude ou une inexistante des faits " qui lui sont reprochés et notamment qu'elle n'a pas détaché volontairement la tubulure de perfusion, il ressort des pièces du dossier que ladite tubulure est constituée d'un pas de vis évitant tout débranchement accidentel et que Mme A a reconnu l'avoir rebranchée sans asepsie. Dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir que les faits ayant motivé la sanction ne sont pas matériellement établis.
15. D'autre part, Mme A soutient que ces faits ne sont pas de nature à justifier une sanction et que cette dernière est disproportionnée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le détachement de la tubulure, qui est un geste qui relève de la compétence du personnel infirmier ou d'un médecin, a entrainé la présence d'air dans la perfusion soumettant le patient à un risque d'embolie gazeuse et obligeant les membres du jury à intervenir en urgence afin de clamper et retirer la perfusion et que Mme A a rebranché la tubulure sans asepsie entrainant un risque infectieux pour le patient. Par ailleurs, il ressort du compte-rendu de la mise en situation du 21 octobre 2020 que la requérante n'a pas mesuré la gravité des actes qui lui ont été reprochés alors qu'il n'est pas contesté que la requérante a suivi dans le cadre de sa formation et avant sa mise en situation en présentiel un cours spécifique sur les perfusions. Il ressort également des bilans de compétence en stage, et ainsi que le relève la décision attaquée, que Mme A présentait des lacunes théoriques certaines et commettait des oublis de soins réguliers. Ainsi, compte tenu de ces éléments et de la gravité des faits reprochés à Mme A, ces derniers sont de nature à justifier une sanction d'exclusion définitive.
16. En dernier lieu, si la requérante soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un nombre d'heures suffisant lors de sa formation, que son stage en chirurgie n'a pas été complet et qu'elle n'avait pas été formée sur l'appareillage du patient auquel elle a dû faire face, ces allégations ne sont corroborées par aucune des pièces du dossier alors, au demeurant qu'elle ne conteste pas avoir suivi avant la mise en situation du 21 octobre 2020 un cours en présentiel relatif aux perfusions. Par ailleurs, aucune pièce du dossier n'accrédite la thèse selon laquelle Mme A aurait été discriminée en raison de son " identité " et n'aurait été sanctionnée qu'en raison de l'animosité présentée par une formatrice à son égard. S'il est effectivement noté dans un compte-rendu d'entretien que cette dernière a mis en évidence des difficultés d'écriture et de compréhension de la langue française de la part de l'intéressée, cet élément n'est pas de nature à caractériser une discrimination d'autant qu'il ressort de ce même document que Mme A a admis avoir conscience de ses difficultés et qu'il lui avait été demandé de venir voir les formatrices dès qu'elle se sentait en difficulté. Enfin, la seule circonstance qu'il ait été indiqué à Mme A après son échec à la mise en situation du 21 octobre qu'elle serait affectée dans un autre lieu de stage et devrait repasser son épreuve n'est pas de nature à révéler un détournement de procédure. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 15 mars 2021 par laquelle la directrice IFAS du centre hospitalier de Thiers l'a exclue définitivement de de la formation d'aide-soignante.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au sens des dispositions des articles
L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions de la requérante à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Thiers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme A la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par le centre hospitalier de Thiers en application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Thiers tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent jugement sera notifié à Mme C A, au centre hospitalier de Thiers et à l'institut de formation d'aides-soignants.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Caraës, présidente,
M. Jurie, premier conseiller,
Mme Bollon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.
La rapporteure,
L. BOLLON
La présidente,
R. CARAES La greffière,
F. LLORACH
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.