Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris (21e chambre civile, section A) 13 octobre 1999
Cour de cassation 06 février 2002

Cour de cassation, Chambre sociale, 6 février 2002, 99-46030

Mots clés société · préavis · salarié · mise à pied · congés payés · procédure civile · référendaire · rendez · employeur · indemnité · conservatoire · commissions · grave · démission · société anonyme

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 99-46030
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Paris (21e chambre civile, section A), 13 octobre 1999
Président : Président : M. CHAGNY conseiller
Rapporteur : M. Richard de la Tour
Avocat général : Mme Barrairon

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris (21e chambre civile, section A) 13 octobre 1999
Cour de cassation 06 février 2002

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Halbronn, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 13 octobre 1999 par la cour d'appel de Paris (21e chambre civile, section A), au profit de M. Jean-Marc X..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2001, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Halbronn, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X... était VRP au service de la société Halbronn depuis le 26 novembre 1994 ; que le 2 octobre 1996, une altercation s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise ; que le même jour, le salarié a adressé une lettre de démission ; que parallèlement, le salarié a été mis à pied puis a été licencié pour faute grave le 14 octobre 1996 en raison de cette altercation et au motif qu'il aurait annulé un rendez-vous avec un client le 4 octobre 1996 ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société Halbronn fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 1999) d'avoir constaté la présence du greffier alors, selon le moyen, que le délibéré est secret, le greffier ne pouvant assister qu'aux débats et au prononcé public de la décision ; qu'en énonçant sous la mention "composition de la juridiction lors du délibéré" celle de "greffier : Mlle Wisniewski", d'où il ressort que le greffier a assisté au délibéré, la cour d'appel a violé les articles 447, 448 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que le greffier, qui fait partie de la juridiction, ait assisté au délibéré ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que la société Halbronn fait encore grief à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et de l'avoir en conséquence condamnée à verser à M. X... une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents alors, selon le moyen :

1 / que constitue une faute grave justifiant son exclusion immédiate de l'entreprise le fait pour un salarié d'injurier violemment son employeur ainsi qu'un membre du personnel en les traitant de "voleurs", "tricheurs" et "truands" et ce sans se soucier de l'impact que de tels propos pouvaient produire auprès des autres membres du personnel et des fournisseurs présents ayant tous été les témoins de l'incartade, tout en refusant de sortir à la demande de son employeur ; qu'en décidant le contraire après avoir relevé que la crise de M. X... constituait un acte isolé, lorsqu'elle révélait en tout état de cause une impossible maîtrise par le salarié de ses émotions perturbant inévitablement le bon fonctionnement de l'entreprise et le refus de se soumettre à l'autorité hiérarchique, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 du Code du travail ;

2 / que la société Halbronn soutenait dans ses conclusions que le comportement de M. X... ne pouvait être justifié par le non paiement des commissions réclamées dans la présente instance par le salarié dès lors que ce dernier avait attendu d'être licencié pour en réclamer le paiement (conclusions d'appel de la société p. 14) ; qu'en justifiant dès lors le comportement du salarié par le non paiement des commissions dues par l'employeur au versement desquelles l'arrêt attaqué a cru devoir condamner la société Halbronn, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si M. X... avait jamais formulé la moindre réclamation concernant le rappel de ces commissions avant l'incident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

3 / que tout salarié démissionnaire est tenu de respecter un délai de préavis ; qu'en jugeant dès lors qu'il ne pouvait être reproché sérieusement à M. X... d'avoir décommandé le 3 octobre 1996 un rendez-vous postérieur au lendemain dès lors qu'il avait donné sa démission en date du 2 octobre 1996, sans constater que M. X... avait dispensé de tout préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-5 du Code du travail ;

4 / qu'en relevant encore que M. X... avait été mis à pied à titre conservatoire pour excuser le fait d'avoir décommandé le rendez-vous litigieux, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si M. X... avait déjà reçu la notification de sa mise à pied lorsqu'il avait décommandé le rendez-vous, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

Mais attendu d'abord que la notification par écrit de la mise à pied conservatoire est édictée dans le seul intérêt du salarié ; que l'employeur reconnaissant avoir prononcé la mise à pied conservatoire du salarié à la suite de l'altercation du 2 octobre 1996, n'est pas fondé à se prévaloir de la notification tardive de cette mesure ; que la cour d'appel qui a relevé que le salarié avait annulé un rendez-vous alors qu'il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire, a justement décidé, par ce seul motif, que ce grief ne pouvait être retenu ;

Et attendu ensuite que la cour d'appel, statuant tant par motifs propres qu'adoptés et appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a relevé que l'incident du 2 octobre 1996 était isolé, que les commissions n'étaient pas réglés dans les délais et que le salarié avait habituellement un comportement sérieux et assidu, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que les faits imputés au salarié ne constituaient pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais

sur le troisième moyen

:

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Halbronn à payer à M. X... une indemnité de préavis et une somme à titre de congés payés y afférents, la cour d'appel statuant par motifs adoptés, s'est référée à la moyenne des rémunérations perçues les trois derniers mois ;

Qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenait d'une part que cette indemnité devait être calculée sur la moyenne des 12 derniers mois et d'autre part que la base de calcul devait exclure l'indemnité compensatrice de congés payés versée au salarié lors de son départ de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Halbronn à payer à M. X... une somme de 139 900 francs à titre d'indemnité de préavis et 13 990 francs à titre de congés-payés y afférents, l'arrêt rendu le 13 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Halbronn et de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille deux.