Cour d'appel de Versailles, 29 septembre 2020, 2019/01666

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    2019/01666
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : JUVEDERM
  • Classification pour les marques : CL10
  • Numéros d'enregistrement : 3061345
  • Parties : DERMAVITA COMPANY (anciennement dénommée DERMAVITA COMPANY PARSEGHIAN & PARTNERS, Liban) / ALLERGAN HOLDINGS FRANCE SAS ; ALLERGAN INDUSTRIE
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Nanterre, 21 février 2019
  • Président : Monsieur Alain PALAU
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2020-09-29
Tribunal de grande instance de Nanterre
2019-02-21

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES ARRÊT DU 29 septembre 2020 1ère chambre 1ère sectionN° RG 19/01666 N° Portalis DBV3-V-B7D-TBBS Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE N° Chambre : N° Section : N° RG : 17/01904 La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant qui a été prorogé les 23 juin, 16 juillet, 8 et 22 septembre 2020, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre : Société DERMAVITA COMPANY, anciennement dénommé DERMAVITA COMPANY PARSEGHIAN & PARTNERS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège […] représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20190233 APPELANTE Société ALLERGAN HOLDINGS FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège […] Société ALLERGAN INDUSTRIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège […] représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 -N° du dossier 2190539 INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR

: En application de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, les avocats ont été autorisés à déposer leurs dossiers au greffe de la cour, l'affaire ne requérant pas de plaidoiries. Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargé du rapport, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de: Monsieur Alain PALAU, Président, Madame Anne LELIEVRE, Conseiller, Madame Nathalie LAUER, Conseiller, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Vu le jugement rendu le 21 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué ainsi : Déclare irrecevables la pièce 25 « ordonnance du tribunal civil d'Istanbul statuant en référé » et la pièce 40 « décision de l'Office norvégien des marques du 1er mars 2018 » ainsi que ses traductions en langues anglaises et françaises produites par la société Dermavita Company Parseghian et Partners ; Rejette la demande de la société Dermavita Company Parseghian et Partners tendant à l'écartement des débats des pièces 2, 10, 13, 15, 24, 31 et 32 produites par la SAS Allergan Holdings France et la SAS Allergan Industrie ; Déclare irrecevables les demandes de nullité et d'inopposabilité présentées par la société Dermavita Company Parseghian et Partners relatives à la cession du 7 janvier 2010 et à la déclaration de renouvellement de la marque « Juvederm » n° 3061345, aux contrats de cession des 9 novembre 2009, 7 juillet 2010 et 16 mai 2017 et aux contrats de licence du 18 mai 2017 ; Rejette les fins de non-recevoir opposées par la SAS Allergan Holdings France tirées de l'Estoppel et du défaut d'intérêt à agir en déchéance ; Prononce à l'encontre de la SAS Allergan Holdings France la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque « Juvederm » n° 3061345 déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10 ; Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 8 décembre 2005 ; Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative du greffe ou de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ; Rejette la demande de déchéance de la société Dermavita Company Parseghian et Partners pour les autres produits visés à l'enregistrement de la marque « Juvederm » n° 3061345 de la SAS Allergan Holdings France ; Rejette la demande additionnelle indemnitaire de la société Dermavita Company Parseghian et Partners ; Rejette la demande reconventionnelle de la SAS Allergan Holdings France au titre de la procédure abusive ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Rejette les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SAS Allergan Holdings France à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Me Gala P conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement. Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Dermavita Company Parseghian & Partners le 6 mars 2019 et ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2020 par lesquelles elle demande de : Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 21 février 2019, en ce qu'il a : Rejeté les fins de non-recevoir opposées par la société Allergan holdings France tirées de l'Estopel et du défaut d'intérêt à agir en déchéance, Prononcé à l'encontre de la société Allergan holdings France la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque « Juvederm » n° 3061345 déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10, Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 8 décembre 2005, Rejeté la demande reconventionnelle de la société Allergan holdings France au titre de la procédure abusive, Condamné la SAS Allergan holdings France à supporter les entiers dépens de l'instance, Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 21 février 2019, en ce qu'il a : Déclaré irrecevable la pièce 40 « décision de l'Office norvégien des marques du 1er mars 2018 » ainsi que ses traductions en langues anglaises et françaises produites par la société Dermavita», Rejeté la demande de la société Dermavita tendant à l'écartement des débats des pièces 2, 10, 13, 15, 24, 31 et 32 produites par la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Rejeté la demande de déchéance de la société Dermavita pour les autres produits visés à l'enregistrement de la marque « Juvederm » n° 3061345 de la société Allergan holdings France, Rejeté la demande additionnelle indemnitaire de la société Dermavita, Rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Et, statuant à nouveau, de : Déclarer la société Dermavita recevable dans son action en déchéance contre la marque Juvederm n° 306 1345, Juger irrecevables les pièces 2, 10, 13, 24, 32 et 36, Juger au titre de preuves d'usage, irrecevables l'ensemble des pièces versées en première et deuxième instance, n'étant pas datées ou étant datées hors période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016. Rejeter au titre de preuves d'usage, l'ensemble des pièces faisant référence aux marques de la société Allergan INC suivantes : « Juvederm Forma », « Juvederm Refine », « Juvederm Ultra », « Juvederm Ultra Smile » « Juvederm Volite », « Juvederm Voluma », « Juvederm Vybrance », « Juvederm hydrate », « Juvederm Volbella », « Juvederm Volift », Rejeter au titre de preuves d'usage, l'ensemble des pièces émanant de la société Allergan France, Constater l'absence de caractère sérieux de l'ensemble des preuves d'usage de la marque Juvederm revendiqué par la société Allergan pour la période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016, Constater que la marque Juvederm n° 3061345 n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux et réel pour la période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016, ni par son titulaire, ni par un tiers valablement autorisé, Constater que la société Allergan holdings France ne prouve pas l'usage de la marque contestée Juvederm n° 3061345 pour, « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10,

En conséquence

, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Prononcer la déchéance totale de la marque Juvederm n° 3061345 à compter de la date de publication de son enregistrement, Dire que la décision définitive à intervenir sera inscrite au registre national des marques sur réquisition du greffier ou sur requête de l'une des parties, en application de l'article R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, Débouter la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie de l'ensemble de leurs demandes, Condamner la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie à verser à la société Dermavita la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile. Vu les dernières conclusions notifiées le 9 mars 2020 par la société Allergan holdings France et la société Allergan industrie qui demandent de : Confirmer le jugement du 21 février 2019 en ce que le Tribunal de grande instance de Nanterre a : Déclaré irrecevables la pièce 25 « ordonnance du tribunal civil d'Istanbul statuant en référé » et la pièce 40 « décision de l'Office norvégien des marques du 1er mars 2018 » ainsi que ses traductions en langues anglaises et françaises produites par la société Dermavita Company Parseghian & partners ; Rejeté la demande de la société Dermavita Company Parseghian & Partners tendant à l'écartement des débats des pièces 2, 10, 13, 15, 24, 31 et 32 produites par la SAS Allergan holdings France et la SAS Allergan Industrie ; Déclaré irrecevables les demandes de nullité et d'inopposabilité présentées par la société Dermavita Company Parseghian & partners relatives à la cession du 7 janvier 2010 et à la déclaration de renouvellement de la marque « Juvederm » n° 3061345, aux contrats de cession des 9 novembre 2009, 7 juillet 2010 et 16 mai 2017 et aux contrats de licence du 18 mai 2017 ; Ordonné la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative du greffe ou de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ; Rejeté la demande de déchéance de la société Dermavita Company Parseghian & partners pour les produits « Appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI en classe 10 visés à l'enregistrement de la marque Juvederm » n° 3061345 de la SAS Allergan holdings France ; Rejeté la demande additionnelle indemnitaire de la société Dermavita Company Parseghian & partners ; Faire droit à l'appel incident et Infirmer le jugement du 21 février 2019 en ce que le Tribunal de grande instance de Nanterre a : Rejeté les fins de non-recevoir opposées par la SAS Allergan holdings France tirées de l'Estoppel et du défaut d'intérêt à agir en déchéance ; Prononcé à l'encontre de la SAS Allergan holdings France la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque « Juvederm » n° 3061345 déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10 ; Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 8 décembre 2005 ; Rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Allergan holdings France au titre de la procédure abusive ; Rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamné la SAS Allergan holdings France à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Me Gala P conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; En tout état de cause : Rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Dermavita company (limited partnership) parseghian & partners ; Condamner la société Dermavita company (limited partnership) Parseghian & partners à payer à la société Allergan holdings France la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ; EXPOSÉ DU LITIGE Les parties et leurs droits La société de droit libanais Dermavita Company Parseghian & Partners, ci-après la société Dermavita, créée le 5 mars 2007, se Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI présente comme exerçant une activité de marketing et de distribution de produits de soins pour la peau dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur des marques constituées du signe « Juvederm » déposées en 2007 au Liban puis en 2015 hors de l'Union Européenne pour désigner des produits et services des classes 3, 35 et 44 avec une revendication d'antériorité d'usage sur ces territoires remontant à l'année 1999 ainsi que d'une marque verbale de l'Union européenne « Juvederm » déposée le 30 avril 2015 et enregistrée le 3 novembre 2015 sous le numéro 014016737 pour désigner des produits et services des classes 3, 35 et 44. Ses marques sont exploitées par ses licenciés qui, seuls, conçoivent, développent et commercialisent les produits cosmétiques sur leurs territoires propres. La SAS Allergan Holdings France, immatriculée le 24 novembre 2006 au RCS de Nanterre, exerce une activité de holding. Elle précise appartenir au groupe Allergan, dirigé par les sociétés de droit américain Allergan PLC et Allergan INC, dont elle décrit ainsi la structure en France : La SAS Allergan Holdings France détient les titres du groupe en France et les participations dans les sociétés françaises Allergan Industrie et Allergan France. Elle est, en vertu d'une cession du 7 janvier 2010 inscrite au Registre national des marques le 13 avril 2010, titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque verbale française « Juvederm » déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour désigner en classe 10 les « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèse », marque qu'elle présente comme appartenant à une famille de marques renommées constituées autour du signe « Juvederm » déposées dans le monde entier et plus particulièrement dans l'Union européenne en classes 3, 5 et 10 entre 2007 et 2016. Dans cette optique : La société Allergan Inc a cédé à la SAS Allergan Holdings France les droits de propriété intellectuelle qu'elle détenait sur la marque de l'Union européenne « Juvederm » n° 005807169 par acte du 7 juillet 2010, sur les marques de l'Union européenne « Juvederm Voluma » n° 6547301, « Juvederm Ultra » n° 6295638, « Juvederm Ultra Smile » n° 8792863, « Juvederm Volite » n° 13413406, « Juvederm Forma » n° 6547053, « Juvederm Refine » n° 6547277 et « Juvederm Vybrance » n° 13541594 par acte du 16 mai 2017 ; La SAS Allergan Industrie a cédé à la SAS Allergan Holdings France ses droits sur la marque de l'Union européenne « Juvederm » n° 00219682 par acte du 9 novembre 2009 ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La SAS Allergan Industrie fabrique en France les produits de la gamme « Juvederm » pour le monde entier ; La SAS Allergan France promeut et commercialise en France ces produits dans son fonds de commerce situé à Pringy (74370) et sur son site internet juvederm.fr qu'elle édite. Par acte du 18 mai 2017 inscrit au Registre national des marques le 22 mai 2017, la SAS Allergan Holdings France lui a consenti une licence exclusive pour la France portant sur la marque « Juvederm » n° 3061345 pour tous les produits visés à l'enregistrement. Par acte du même jour, elle lui accordait également une licence sur les marques de l'Union européenne qu'elle avait acquises le 16 mai 2017. La naissance du litige et les procédures parallèles A l'occasion de l'expansion de l'activité de la société Dermavita Company Parseghian et Partners hors du territoire libanais dans le courant de l'année 2015, le conflit d'abord régional né en 2008 au Liban entre cette dernière et la société Allergan Inc. sur l'usage du signe « Juvederm », s'est étendu à d'autres sociétés se réclamant du groupe Allergan et a dégénéré en de multiples contentieux en France et à l'étranger. Ainsi, ont notamment été introduits sur le territoire européen des litiges croisés en nullité ou déchéance devant l'EUIPO et en France des instances : en référé d'heure à heure devant le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris qui a, par ordonnance du 2 juin 2017, prononcé, notamment sur le fondement de la marque n° 3061345 opposée pour tous les produits visés à l'enregistrement par la SAS Allergan Holdings France agissant conjointement avec la SAS Allergan France, en particulier contre la société Dermavita Company Parseghian et Partners des mesures d'interdiction provisoire d'usage du signe « Juvederm » en France pour des produits cosmétiques destinés à l'hydratation de la peau et à la réduction des rides. Cette ordonnance est définitive, l'appel interjeté ayant été radié. Un litige demeure toutefois pendant en appel sur la liquidation de l'astreinte ordonnée par l'ordonnance du 2 juin 2017 et liquidée par ordonnance du 13 juillet 2018 ; Au fond par assignation des 22, 27 et 28 juin 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris délivrée par la SAS Allergan Holdings France et la SAS Allergan France notamment contre la société Dermavita Company Parseghian et Partners et certains licenciés, instance en contrefaçon notamment fondée sur la marque n° 3061345. Cette procédure est toujours pendante et le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans la présente instance par ordonnance du 25 mai 2018. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI L'instance et les prétentions des parties Entre temps, par acte d'huissier de justice du 9 février 2017, la société Dermavita Company Parseghian & partners a assigné la SAS Allergan Holdings France devant le tribunal de grande instance de Nanterre en déchéance de ses droits sur sa marque verbale française « Juvederm » n° 3061345 à compter du 6 avril 2006. Puis par acte d'huissier des 12 et 22 mai 2017, la société Dermavita Company Parseghian et Partners a assigné la SAS Allergan Holdings France et la SAS Allergan Industrie devant le même tribunal sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil et R. 712-24 du code de la propriété intellectuelle en nullité de la cession des droits de propriété intellectuelle sur la marque « Juvederm » n° 3061345 au profit de la SAS Allergan Holdings France et en nullité consécutive de la déclaration de renouvellement de cette marque en date du 17 septembre 2010 et en indemnisation. Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 8 mars 2018. En cours d'instance et en réaction aux cessions et concessions de licence des 16 et 18 mai 2017, la société Dermavita Company Parseghian et Partners a ajouté, dans ses écritures successives notifiées postérieurement aux assignations, des demandes de nullité de ces actes ainsi que des cessions des 9 novembre 2009 et du 7 juillet 2010. Par ailleurs, par ordonnance du 12 juillet 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la demande d'expertise comptable sollicitée par la société Dermavita Company Parseghian et Partners.

MOYENS DES PARTIES

Les fins de non-recevoir soulevés par la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie Sur le fondement de l'estoppel À l'appui de leur appel incident sur ce point, les sociétés Allergan font valoir que la demande en déchéance de la société Dermavita est irrecevable dans son intégralité par application du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Elles soutiennent en effet que la société Dermavita ne peut, sans se contredire, reconnaître devant l'EUIPO que les marques UE n° 2196822 et FR n° 3061345 (celle en cause dans la présente procédure) d'Allergan holdings France sont exploitées pour les produits visés en classe 10, raisonnement repris devant le président du tribunal de grande instance de Paris, tout en contestant leur usage ultérieurement devant le tribunal de grande instance de Nanterre et désormais devant la cour pour des raisons purement tactiques. En ce Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI sens, elles invoquent l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 27 février 2009 qui pourrait signifier d'après elles que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui peut s'analyser en une fin de non-recevoir. La société Dermavita sollicite la confirmation du jugement sur ce point en s'en appropriant les motifs. Elle ajoute que l'intimée s'évertue à polluer les débats dans l'optique de détourner l'attention de la cour d'appel de Versailles de la seule et unique question à trancher dans la présente procédure : celle de savoir si la marque Juvederm n° 3061345 de la société Allergan Holdings France a fait l'objet d'un usage réel et sérieux par l'intimée au cours de la période de référence. Elle estime que batailler pour tenter de dénicher une éventuelle contradiction dans les démonstrations faites par la société Dermavita - au demeurant dans des procédures distinctes -, revient à inverser la charge de la preuve qui pèse sur la société Allergan holdings France. Le défaut d'intérêt à agir en déchéance pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical et prothèse en classe 10 de la marque Juvederm n° 3061345 Au soutien de leur appel incident sur ce point, les sociétés Allergan font valoir que la demande en déchéance de la société Dermavita est irrecevable pour ces produits dès lors que la marque en cause ne lui est pas opposée au titre de la contrefaçon pour ces produits et qu'elle ne démontre pas qu'elle exploite le signe Juvederm en France pour ces produits ni même qu'elle en a le projet. Elles précisent que la marque Juvederm n° 3061345 est opposée à la société Dermavita au titre de la contrefaçon seulement sur le fondement des autres produits visés dans le libellé, à savoir « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques et substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » La société Dermavita réplique que ce que soutient la société Allergan est complètement faux. Elle affirme que la marque contestée lui est, au contraire, opposée au titre de la contrefaçon pour la totalité de ses produits dans différentes procédures qui l'opposent à la société Allergan Holdings France. La demande de déchéance À l'appui de sa demande de déchéance de la marque Juvederm n° 3061345, la société Dermavita fait valoir que la société Allergan holdings France ne justifie pas de l'usage sérieux de cette marque au cours de la période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016. En premier lieu, elle considère que de nombreuses pièces produites par celle-ci ne sont pas recevables. Elle affirme qu'il n'est pas justifié d'un usage par le titulaire de la marque ou par un tiers autorisé. Elle estime que les liens étroits entre les sociétés ne sont pas rapportés ; que la prétendue existence d'un groupe de sociétés n'est Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI en tout état de cause pas suffisante à démontrer l'existence d'une autorisation du titulaire de la marque ; que la preuve de l'existence de flux financier relatifs à l'usage par la société Allergan France de la marque Juvederm n'est pas rapportée ; que la conclusion du contrat de licence du 18 mai 2017 entre les sociétés Allergan holdings France et Allergan France constitue un aveu imparable de l'inexistence d'une quelconque autorisation d'usage antérieure à cette date. Elle affirme que la société Allergan holdings France n'a pas autorisé l'usage de la marque par la société Allergan France, pas plus qu'elle n'a autorisé l'usage des marques composées JuvederM. Elle considère que les motifs du jugement déféré sont contradictoires et ambigus. Elle estime que la conclusion des contrats de cession et de licence des 16 et 18 mai 2017 constitue un aveu imparable de l'inexistence d'une quelconque autorisation d'usage des marques composées Juvederm par la société Allergan France, antérieure à cette date. En tout état de cause, elle soutient que le premier juge a mal appliqué les règles régissant les marques modifiées. Elle soutient en outre qu'il n'y a pas d'identité entre le signe dont l'usage est revendiqué et le signe de la marque contestée. Elle affirme que la société Allergan holdings France ne peut se prévaloir ni de l'usage du signe Juvederm dans des ensembles complexes déposés à titre de marque par un autre titulaire ni de l'usage des marques Juvederm composées dès lors qu'elle revendique l'existence d'une famille de marques. Elle fait valoir ensuite qu'il n'y a pas d'usage de la marque contestée Juvederm n° 3061345 pour les produits visés dans son libellé en classe 10. À cet effet, elle se prévaut des décisions rendues en Europe sur la déchéance de la marque Juvederm en classe 10 et de la contradiction entre le jugement entrepris et les décisions de l'EUIPO. Elle relève que le produit de l'intimée n'est pas une seringue relevant de la catégorie des appareils et instruments médicaux et chirurgicaux visés par le libellé de la marque contestée. Elle souligne que ni le titulaire de la marque contestée, ni les autorités réglementaires n'identifient le produit pour lequel un usage est revendiqué sous la marque contestée Juvederm comme une seringue pouvant relever de l'intitulé général « d'appareils et instruments médicaux et chirurgicaux » de la classe 10 ; que le produit pour lequel l'intimée revendique un usage n'est pas une seringue pouvant relever de la catégorie des appareils ou instruments médicaux ou chirurgicaux selon la classification de Nice ; que le produit pour lequel l'intimée revendique un usage n'est pas perçu par les consommateurs comme une seringue pouvant relever de la catégorie des appareils ou instruments médicaux ou chirurgicaux. Elle précise que le produit dont l'usage est revendiqué par l'intimée n'est pas un implant dermique ; qu'il n'est pas non plus une substance biocompatible à usage médical destinée au comblement de la ride en classe 10 tel que visé par le libellé de la marque contestée. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La société Allergan holdings France et la société Allergan France répliquent en substance que la marque litigieuse fait l'objet d'un usage intensif et que les contestations soulevées par la société Dermavita ne sont pas sérieuses et ont déjà été rejetées à de multiples reprises. La demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés Allergan A l'appui de cette demande, les sociétés Allergan invoquent la mauvaise foi évidente selon elles de Dermavita, qui a pleinement connaissance du fait que la marque Juvederm n° 3061345 est largement exploitée pour les produits qu'elle désigne et connue tant des professionnels de santé tels que les médecins et cliniques que du grand public. Elles ajoutent qu'il s'agit pour Dermavita de complexifier la procédure et gagner du temps, comme le confirme sans conteste sa demande reconventionnelle devant le Tribunal de grande instance de Paris, en déchéance de la même marque française Juvederm n° 3061345, identique à celle déjà rejetée par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans son jugement du 21 février 2019 dont elle a pourtant fait appel. Elles en déduisent que le comportement de Dermavita peut sans conteste être qualifié d'abus dans l'exercice du droit d'agir et que seule une sanction exemplaire pourra avoir un effet dissuasif sur un tel comportement. Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux écritures des parties pour un exposé détaillé de leurs moyens. SUR CE, LA COUR Les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Allergan Sur le fondement de l'estoppel C'est aux termes de justes motifs adoptés par la cour et en appliquant exactement les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile telles qu'interprétées par l'assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 février 2009 que le premier juge a écarté cette fin de non-recevoir. Il suffit de rappeler que le changement de position critiqué porte sur un argument sans remise en cause du moyen tiré du défaut d'usage sérieux et que les sociétés Allergan évoquent des procédures distinctes de l'actuelle instance au cours de laquelle la société Dermavita n'a pas varié. Le jugement est ainsi confirmé sur ce point. L'intérêt à agir Les premiers juges ont une fois encore fait une exacte application des dispositions des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI d'une part et de l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle en écartant les prétentions des sociétés Allergan sur ce point au juste motif qu'il ressortait des pièces produites, à savoir ordonnance du 2 juin 2017, conclusions, pages 41 et 42, déposées par les sociétés Allergan lors de l'audience du 19 mai 2017 devant le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris et ordonnance du 25 mai 2018 rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris dans le cadre de l'instance au fond, que tous les produits visés à l'enregistrement de la marque « Juvederm » n° 3061345 étaient opposés à la société Dermavita si bien que cette dernière avait intérêt à solliciter la déchéance pour ces produits, en ce compris les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse ». Le jugement déféré est ainsi confirmé sur ce point. La demande de déchéance de la marque Juvederm n° 3061345 La recevabilité de certaines pièces produites par les sociétés Allergan La société Dermavita demande de juger irrecevables les pièces n° 2, 10, 13, 24, 32 et 36 des intimées. À l'appui, elle fait valoir d'une part que les pièces d'Allergan ne sont pas datées ou datées hors période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016 et d'autre part sont dépourvues de force probante au titre de l'usage réel et sérieux de la marque Juvederm n° 3061345. Toutefois, selon les articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Or, devant la cour comme en première instance, la société Dermavita Company Parseghian et Partners pour fonder sa demande d'irrecevabilité des pièces adverses 2, 10 et 24, invoque l'absence de date certaine et le défaut de pertinence des pièces 10, 13 15, 31 et 36. Néanmoins, ainsi que l'a très exactement relevé le premier juge, les moyens soulevés ne tiennent qu'à la portée probatoire des pièces au fond et non à leurs conditions de production et de communication si bien qu'une telle prétention ne s'analyse pas, en application de l'article 12 du code de procédure civile, en une demande touchant à la recevabilité de ces pièces. Il est tout aussi exact que seule leur pertinence probatoire étant déniée, le moyen opposé est une défense au fond dont l'examen est commun à celui de la teneur et de la pertinence de toute pièce invoquée à titre de preuve. Faute de moyen nouveau d'irrecevabilité des pièces soulevé devant la cour, le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Les contestations relatives à l'usage sérieux Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La société Dermavita soutient que le prétendu usage des marques composées ne constitue pas une preuve sérieuse d'usage de la marque JuvederM. Elle observe qu'il ressort des constatations des premiers juges que la société Allergan holdings France ne rapporte pas avoir fait un usage de la marque Juvederm seule. Elle estime toutefois que les motifs des premiers juges ne résistent pas à l'examen. Elle ajoute qu'au cours de la période de référence retenue du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016, ces marques appartenaient à la société américaine Allergan Inc sans que la société Allergan holdings France ne puisse justifier d'un quelconque transfert à son profit pour la période précitée. Elle relève que pendant la période de référence, la marque européenne Juvederm Ultra appartient à la société américaine Allergan Inc, cette marque ayant en tout état de cause fait l'objet d'une annulation pour défaut d'usage, pour la totalité de la classe 10 par décision de l'EUIPO du 31 juillet 2018, soit antérieurement au jugement rendu par les premiers juges. Elle en déduit que c'est à tort que ceux-ci ont pu retenir comme preuve d'usage de la marque Juvederm par la société Allergan holdings France des marques appartenant à un tiers. Elle ajoute qu'il ne pouvait pas échapper au tribunal que si la société Allergan holdings France faisait effectivement usage de la marque française contestée Juvederm, cette dernière n'aurait pas eu recours à ce montage en cours de procédure. Elle considère donc que le tribunal aurait dû constater que les marques supposément cédées par la société Allergan Inc. à la société Allergan holdings France l'ont été postérieurement à la période de référence ; que celle-ci ne pouvait donc pas se prévaloir de droits de propriété postérieurs pour justifier d'un prétendu usage de la marque française Juvederm pendant une période ininterrompue de cinq ans et notamment entre le 9 novembre 2011 et le 9 novembre 2016. Elle précise que la société Allergan holdings France n'a jamais revendiqué un quelconque usage de sa propre marque Juvederm à la différence de la société américaine Allergan Inc., qui elle revendique de manière explicite la propriété de ses marques. Elle invoque en ce sens un constat d'huissier qu'elle a fait réaliser dans une pharmacie parisienne. Elle ajoute que les factures produites à titre de preuve d'usage concernent des marques européennes associant le signe Juvederm à d'autres signes et qui, de surcroît, ont été ou sont en cours d'annulation par l'EUIPO. Elle prétend que les produits Juvederm, contrairement à ceux visés à l'enregistrement en classe 10, ne sont ni des dispositifs médicaux, ni des implants, ni des substances biocompatibles. Elle invoque en ce sens diverses décisions de l'EUIPO et la définition de ces produits selon les catégories réglementaires. La société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie répliquent que la marque « Juvederm » n° 3061345 fait l'objet d'une exploitation intensive par la société Allergan France notamment sur la période de référence du 9 février 2011 au 9 février 2017 et ainsi que le démontrent les ventes réalisées en France qui s'élèvent, selon chiffres certifiés par un commissaire aux comptes indépendant, à Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI environ 130 millions d'euros. Elles invoquent également l'importance des dépenses de marketing et l'exploitation du site Internet www.juvederm.fr. Elles font valoir que le produit présente une nature mixte puisqu'il s'agit d'un produit pharmaceutique, le gel d'acide hyaluronique étant présenté dans des seringues pré-remplies avec aiguilles de sorte que, d'après elles, sa nature de dispositif médical au sens de la classe 10 est incontestable quand bien même il relève également des produits pharmaceutiques visés en classe 5 par les autres marques Juvederm qui ne sont pas en cause dans la présente procédure. Elles soulignent d'ailleurs que la concurrence enregistre également ce type de produits en classe 5 et en classe 10. Elles soutiennent que les contestations de la société Dermavita ne sont pas sérieuses et ont déjà été rejetées à plusieurs reprises par les juridictions. La société Allergan holdings France affirme que la société Allergan France et la société Allergan industrie ont fait usage de la marque litigieuse avec son assentiment et comme le permet l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle souligne que cet assentiment peut être tacite et résulter de présomptions comme l'a retenu le premier juge. Elle ajoute que la licence mise en place le 18 mai 2017 n'a fait que formaliser l'autorisation d'usage qui existait déjà depuis plusieurs années, et a permis notamment à Allergan France d'intervenir à ses côtés. Elle se prévaut de l'usage de la marque au sein du groupe Allergan qui comprend de nombreuses filiales dont elle est elle-même la holding pour la France de sorte que, d'après elle, l'absence de flux financiers n'a pas à entrer en ligne de compte pour apprécier le caractère sérieux de l'usage de la marque. Elle ajoute que la jurisprudence de la cour de justice de l'union européenne admet que les preuves d'usage puissent être relatives aux marques composées et souligne que celle invoquée par la société Dermavita est dépassée. Les intimées observent que les qualifications réglementaires ne s'imposent pas dans la rédaction des libellés des marques. Elles précisent que le déposant est libre de rédiger lui-même ses libellés de produits et que les libellés de la classe 10 ne sont qu'indicatifs et ne revêtent pas de caractère obligatoire. Elles considèrent que les décisions de l'EUIPO citées par la société Dermavita, dont elles ont d'ailleurs fait appel, ne sont pas pertinentes, certaines étant même contradictoires avec celles rendues par la chambre des recours. Conformément à l'article L. 714-5 du code de propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. Comme le rappelle le jugement déféré, cette disposition doit être interprétée à la lumière de l'article 10 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (désormais les articles 16§1 et 19 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques), qui fixe pour point de départ du délai de 5 ans la date à laquelle la procédure d'enregistrement est terminée, soit à la date de la publication de l'enregistrement de la marque conformément à l'article R 712-23 du code de propriété intellectuelle. À défaut, en cas d'interruption de l'usage sérieux, la reprise ou le commencement de cet usage visé par l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle est privé d'effet utile s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. Par ailleurs, pour être considéré comme sérieux, l'usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses. Ainsi, il doit être tourné vers l'extérieur et public et non interne à l'entreprise ou au groupe auquel elle appartient. La SAS Allergan Holdings France est, en vertu d'une cession du 7 janvier 2010 inscrite au Registre national des marques le 13 avril 2010, titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque verbale française « Juvederm » déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour désigner en classe 10 les « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèse ». À titre de preuve de l'usage sérieux de la marque verbale française n°3061345 « Juvederm », la société Allergan holdings France et la société Allergan industrie produisent : un rapport du 20 novembre 2017 du cabinet Ernst & Young, commissaire aux comptes des sociétés Allergan Holdings France, Allergan Industrie et Allergan France (extraits Kbis en pièces 1, 51 et 52), commandé par la société Allergan Inc relatif « aux ventes nettes facturées Juvederm et aux frais de vente et de marketing Juvederm pour les années civiles 2012 à 2016, incluses, et engagées par les entités du groupe Allergan basées en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Pologne », les « entités françaises » y étant définies comme la SAS Allergan Holdings France et la SAS Allergan France désignée comme celle « vendant les produits Juvederm en France ». Aux termes de ce document, dont, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, il importe peu qu'il ait été établi à la demande de la société Allergan INC puisqu'il concerne également les ventes en France de la SAS Allergan France': les ventes en France des produits de la gamme « Juvederm », soit « Juvederm Hydrate », « Juvederm Ultra », « Juvederm Volbella », « Juvederm Volift », « Juvederm Voluma » et « Juvederm Volite », s'élèvent sur la période 2012 à 2016 à un montant total de 153 784'188 USD, les dépenses promotionnelles et publicitaires engagées en France pour la commercialisation de ces produits atteignent sur la période de référence 37 029 939 USD (5 369 134 USD en 2012, 7 263 021 USD en 2013, 9 488137 USD en 2014, 6 950 411 USD en 2015 et 7 959 236 USD en 2016) ; les pièces suivantes qui corroborent ces chiffres et ces usages : des factures émises par la SAS Allergan France entre, pour la période pertinente, le 15 mai 2012 et le 7 avril 2016 portant sur un montant global de 243 052,36 euros au titre quasi exclusif de la vente de produits de la gamme « Juvederm » (ultra, ultra 2, 3, 4 ou smile, hydrate, voluma avec lidocaïne, volbella, volift avec lidocaïne) à des praticiens ou des pharmacies 'uvrant sur le territoire français (pièce 8) ; des emballages datés de 2014 ou 2016 (pour une boîte « Juvederm volite », un emballage « Juvederm hydrate » n'étant pas daté mais comportant une date de fabrication de janvier 2012) contenant les produits commercialisés qui comportent toutes le signe « Juvederm », en haut dans une police de caractère distincte et généralement plus grande accompagné du logotype ®, et sous ce dernier les signes ultra, ultra 2, 3, 4 ou smile, voluma, volbella, volift, volite et hydrate. Elles Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI mentionnent l'adresse de la société Allergan Inc, désignée systématiquement comme le titulaire des marques apposées (« ® marks owned by Allergan Inc. ») et le logo de la SAS Allergan France identique à celui visible sur les brochures de présentation pour l'identifier. Elles contiennent une ou plusieurs seringues et leurs aiguilles associées ainsi que la substance à y insérer, désignée dans la notice fournie comme un « implant injectable indiqué pour le comblement des dépressions cutanées » ; des plaquettes promotionnelles datées, pour la période de référence, d'avril 2012, de mai 2013, de juillet 2014, d'avril 2016 et de septembre 2016 (pièce 32). Elles présentent les produits « Juvederm Voluma with Lidocaine » ou « Juvederm Volift Retouch » (2012, 2013 et avril 2016) ou « Juvederm » utilisé seul, le signe étant alors pris comme désignant une gamme de produits de comblement (2014 et 2016 pour « volbella », « volift » et « voluma »). Sur chacune d'elle, la SAS Allergan Industrie est présentée comme le fabricant, identifiable ici par la correspondance entre l'adresse mentionnée et celle figurant sur son extrait Kbis en pièce 51, et la SAS Allergan France comme le distributeur. Le signe « Juvederm », lorsqu'il n'est pas utilisé seul, est placé en exergue dans une police distincte du signe qui l'accompagne et qu'il surplombe, chacun étant accompagné du logotype TM qui renvoie, pour la seule brochure de 2012 à la titularité de la société Allergan Inc (« TM Marques propriétés d'Allergan Inc »). Les consommateurs sont par ailleurs renvoyés à la consultation des sites juvedermultra.fr (2012) et juvederm.fr (2014 et septembre 2016, soit dans les deux documents visant « Juvederm » seul) ; o une revue de presse (pièce 15) composée, pour la période pertinente, d'articles publiés entre mars 2013 et septembre 2016 dans des magazines destinés à un public plutôt féminin ou mixte et de grande audience (Femme Actuelle, Votre Beauté, Voici, Le Journal du Dimanche, Biba, Gala, Elle, Vanity Fair, Marie Claire') qui mentionnent, dans leur rubrique destinée aux soins du corps, les produits marqués « Juvederm », publicité indirecte qui révèle la visibilité des signes employés et leur connaissance par le public cible et traduit les efforts promotionnels engagés pour valoriser le signe seul ou accompagné des différents éléments d'identification au sein de la gamme. La société Dermavita, au cours d'une période de référence du 9 novembre 2011 au 9 novembre 2016, qui n'est pas contestée par la société Allergan holdings France et la société Allergan industrie, oppose à celles-ci d'une part l'absence d'usage de la marque Juvederm seule et d'autre part l'absence d'usage par le titulaire de la marque, les preuves d'usage concernant par surcroît des marques européennes déchues ou en cours d'annulation. Quand bien même les dépenses de marketing constituent pour leur part des préparatifs d'usage, il résulte des autres pièces produites aux débats, à savoir montant des ventes et factures, que la marque est utilisée sur le marché des produits de comblement de la ride où elle Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI génère un chiffre d'affaires d'environ 130 millions d'euros sur la période de référence. L'usage sous une forme modifiée Selon les termes exprès de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ci-dessus rappelé, l'usage de la marque peut être sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. En l'espèce, la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie communiquent des pièces associant le signe Juvederm à un autre signe, telles que « ultra », « voluma », «volift », «refine'» ou encore «'hydrate'» » pour n'en citer que quelques-uns. L'utilisation du signe Juvederm garantit aux yeux du consommateur l'origine du produit et respecte donc la fonction essentielle de la marque qui est précisément de garantir au consommateur la provenance des produits ou services tandis que les signes adjoints permettent de l'identifier au sein d'une gamme en suggérant quelles en sont les indications précises. Ainsi, l'on peut comprendre par exemple que le signe «voluma » permet d'identifier un produit qui, en plus de sa fonction de comblement des creux cutanés, est plus précisément destiné à restaurer les volumes de la peau. En bref, l'adjonction d'un autre signe à celui représenté par la marque verbale française « Juvederm » n° 3061345 quand bien même des marques européennes associant le signe Juvederm à d'autres signes ont elle-même été enregistrées n'est pas de nature à démontrer l'absence d'usage sérieux de la première. Si dans un premier temps (TPICE, 23 févr. 2006, aff. T-194/03, Bainbridge'-'CJCE, 13 sept. 2007, aff. C-234/06, Il Ponte Finanziaria c/ OHMI), le juge de la marque de l'Union européenne avait considéré que lorsque plusieurs marques, même proches, ont été déposées, chacune devait être utilisée (famille de marques). La Cour de justice de l'Union européenne est revenue sur cette interprétation de l'article 10 paragraphes 1 et 2 sous a) de la directive 89/104/CEE. La cour de justice de l'union européenne a en effet, comme le rappelle la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juin 2014, n° 13-17.769, dit pour droit dans une affaire du 25 octobre 2012, aff. C-553/11, […] rendue sous l'empire de la directive n° 89/104/CEE, que l'usage d'une marque sous une forme modifiée permet à son propriétaire d'échapper à la déchéance de ses droits nonobstant le fait que la forme différente sous laquelle la marque est exploitée est elle-même enregistrée en tant que marque. Depuis, cette solution a également été adoptée par la Cour de cassation française à plusieurs reprises, voir par exemple Cass Comm 3 juin 2014 n° 13-17. 769, la cour de justice de l'union européenne ayant, de son côté, réaffirmé cette solution dans l'arrêt Colloseum Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Holding AG c/ Levi Straus, aff C-12/12 du 18 avril 2013 cité à juste titre par les parties intimées. L'arrêt Rintisch est unanimement interprété comme un revirement par rapport à l'arrêt Bainbridge. Il en découle que l'exploitation d'une marque sous une forme modifiée peut constituer la preuve d'exploitation d'une marque qui permette d'échapper à la déchéance tandis que les avantages conférés par la jurisprudence européenne aux familles de marques ne peuvent quant à eux être revendiqués à défaut d'usage effectif d'un nombre suffisant de versions, ainsi qu'il en résulte de l'extrait des motifs de cet arrêt cité par la société Dermavita. La cour relève en tout état de cause que la société Allergan holdings France ne se prévaut pas, pour justifier de l'usage sérieux de sa marque, d'une telle famille de marques déposées, l'expression étant utilisé, par commodité de langage, pour illustrer la renommée des produits « Juvederm » du groupe Allergan. Sur ces entrefaites, la solution inaugurée par l'arrêt Rintisch a d'ailleurs été inscrite dans le code de la propriété intellectuelle français suite à la transposition par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 de la directive UE 2015/2436 du 16 décembre 2015. Ainsi, l'article L. 714-5 alinéa 2 3° dispose aujourd'hui expressément qu'est assimilé à l'usage sérieux de l'alinéa premier l'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée. La solution jurisprudentielle, contemporaine du présent litige, est donc aujourd'hui expressément consacrée par le droit positif. Si la société Dermavita fait valoir que cette solution n'est applicable que lorsque le titulaire de la marque enregistrée est également le titulaire des marques enregistrées sous forme différente, la logique en impose l'application au sein d'un même groupe dont une ou des sociétés se sont vu autoriser à faire usage de la marque, point qui sera débattu ci-après. La preuve de l'usage sous une forme modifiée n'altérant pas le caractère distinctif de la marque étant acquise, que la société Allergan holdings France indique dans ses écritures que la marque européenne « Juvederm ultra » fasse l'objet d'un contentieux spécifique ne constitue pas un aveu de ce que cette marque ne peut constituer une preuve d'usage de la marque française « Juvederm » n° 3061345. Quant à la circonstance que certaines marques européennes Juvederm composées aient fait l'objet de décisions d'annulation ou aient été déchues par l'EUIPO, il y a lieu de rappeler que cet organisme rend des décisions de nature administrative dont le juge ne Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI s'estime pas lié, le régime des marques de l'Union européenne étant au demeurant considéré par la Cour de justice de l'Union comme un système autonome poursuivant des objectifs spécifiques. Le cadre d'appréciation est donc différent de celui dans lequel s'inscrit le présent litige qui concerne une marque verbale française. Il y a d'ailleurs lieu d'observer que les sociétés Allergan produisent des décisions de l'EUIPO en sens inverse qui laissent suggérer que la position de l'organisme n'est pas clairement tranchée. En définitive, c'est à bon droit et sans contradiction, que le tribunal a retenu que la SAS Allergan holdings France, titulaire de la marque « Juvederm » n°3061345 pouvait se prévaloir de l'usage du signe « Juvederm » dans des ensembles complexes eux-mêmes déposés à titre de marque par la société Allergan Inc dès lors que la modification formelle n'en altérait pas le caractère distinctif. L'auteur de l'usage L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle assimile à l'usage visé par le premier alinéa, l'usage fait par le titulaire ou avec son autorisation dont les premiers juges ont retenu aux termes de motifs précis et circonstanciés adoptés par la cour qu'elle était démontrée par un faisceau d'indices précis et concordants, la preuve pouvant en être rapportée par tout moyen. Il suffit de rappeler que l'existence du groupe Allergan, composé de Allergan, Inc., Allergan Sales LLC, Allergan Holdings France SAS Allergan France SAS et Allergan Industrie SAS est démontrée par l'extrait 10-K américain. Le fait que le titulaire de la marque soit la société holding, qui par définition n'a pas d'activité opérationnelle, explique l'absence de flux financiers entre la holding et la société Allergan France qui elle l'exploite au sein de son fonds de commerce, la société Allergan industrie étant elle-même le fabricant du produit. En résumé, les liens capitalistiques entretenus entre les diverses sociétés du groupe Allergan, dont la société de droit américain « Allergan Inc » constituent l'un des éléments qui démontrent l'autorisation d'usage délivrée par le titulaire de la marque. Il est donc indifférent que soit apposée sur les produits la mention « mark owned by Allergan Inc. En outre, l'absence de toute protestation à l'exploitation de la 'marque' en France laisse également présumer que la société Allergan holdings France a consenti à l'exploitation de celle-ci alors qu'il est démontré par les nombreuses procédures intentées par celle-ci, en particulier contre la société Dermavita, que la société Allergan holdings France n'hésite pas à engager les actions nécessaires à la préservation des intérêts qu'elle estime être les siens. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Il est donc justifié par un faisceau d'indices précis et concordants que la société Allergan holdings France a autorisé l'usage, par la société Allergan France, de la marque déposée « Juvederm » n° 3061345. Cet accord implicite a ensuite été corroboré par l'acte du 18 mai 2017 portant concession, par la société Allergan holdings France à la société Allergan France, de licence exclusive de la marque Juvederm n° 3061345. Contrairement à ce que soutient la société Dermavita, ce contrat de licence est donc loin de démontrer l'inexistence d'une autorisation d'usage antérieure à cette date, quand bien même ces deux sociétés ont ensuite souhaité sécuriser leur accord tacite par un contrat formel. Le même raisonnement doit être suivi pour le contrat de cession intervenu le 16 mai 2017 entre la société Allergan Inc et la société Allergan holdings France. La cour retient au passage qu'en ne formant pas appel de la disposition du jugement rejetant sa demande de nullité des contrats susdits, la société Dermavita a exclu du débat devant la cour ses propres critiques du jugement déféré quant aux allégations de comportement frauduleux des sociétés Allergan. L'usage pour les produits visés à l'enregistrement La société Dermavita soutient en substance que le produit de la société Allergan holdings France ne correspond pas au libellé de la classe 10 de la classification de Nice. La cour observe en préambule que le comportement procédural récent de la société Allergan ne saurait prêter à conséquence et encore moins emporter aveu de ce qu'elle reconnaîtrait l'usage indu de la classe 10 pour les produits visés à l'enregistrement dès lors que celle-ci le réfute et s'en explique en indiquant en particulier avoir voulu sécuriser ses procédures en les limitant aux marques qui ne font pas l'objet de contestations. Le tribunal a exactement rappelé que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle exige un usage « pour les produits et services visés dans l'enregistrement » l'usage pour des produits simplement similaires n'étant pas efficace. Il a également souligné à juste titre que la seule exigence en matière d'identification des produits et services était qu'elles soient suffisamment claires et précises pour que les autorités compétentes et les acteurs du marché puissent déterminer sur sa seule base l'étendue de la protection demandée et ce en se fondant sur l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne Chartered Institute of Patent Attorney c/ Registrar of Trade Marks du 19 juin 2012. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La marque Juvederm n° 3061345 vise à son enregistrement les produits suivants : « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèse ». La classe 10 de la classification de Nice est libellée de la manière suivante : « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires ; membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques; matériel de suture; dispositifs thérapeutiques et d'assistance conçus pour les personnes handicapées; appareils de massage ; appareils, dispositifs et articles de puériculture ; appareils, dispositifs et articles pour activités sexuelles. Sa notice explicative précise que : « la classe 10 comprend essentiellement les appareils, instruments et articles chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires généralement utilisés pour le diagnostic, le traitement ou l'amélioration des fonctions ou de l'état de santé d'individus et d'animaux. La notice du produit « Juvederm Ultra 2 » le définit comme un : « implant injectable indiqué pour la restauration des volumes ». Elle précise également qu'il est composé d'un : « gel stérile, apyrogène et physiologique d'acide hyaluronique réticulé d'origine non animale » et qu'il est présenté en seringue pré-remplie, à usage unique. Indépendamment de la portée juridique de la classification de Nice, il ne peut sérieusement être soutenu que le produit n'appartient pas à la classe 10 qui vise pourtant expressément les seringues et ce au motif que la seringue du produit Juvederm serait pré-remplie. En effet, que cette seringue soit déjà remplie ne saurait lui retirer sa nature de dispositif médical, le premier juge ayant également justement souligné que le gel d'acide hyaluronique lui-même constitue un dispositif médical puisqu'il est destiné à améliorer la qualité de la peau et donc à améliorer les fonctions ou l'état de santé des individus, conformément au libellé lui-même de la classe 10. Les décisions de l'EUIPO invoquées par la société Dermavita ne sont pas de nature à infirmer la décision entreprise au motif d'une part que la société Allergan holdings France souligne qu'elles ont été rendues dans des espèces différentes dont il n'est pas démontré qu'elles soient comparables, mais surtout que cet organisme a lui-même rendu des décisions en sens contraire. Ainsi, la cour note que dans une décision du 11 décembre 2017, la chambre des recours de l'EUIPO a reconnu la nature mixte d'un auto-injecteur d'adrénaline utilisé pour le traitement des réactions allergiques pouvant être correctement classé tant dans la classe 5 que dans la classe 10. Or, un auto-injecteur d'adrénaline n'est rien moins qu'une seringue pré-remplie, en l'espèce d'adrénaline même s'il permet en plus que le patient se l'auto- injecte. Le cas de figure est donc absolument identique à celui de la seringue Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI pré-remplie de gel d'acide hyaluronique des produits « Juvederm » et en particulier du produit « Juvederm Ultra 2 ». Ainsi, quand bien même la société Allergan holdings France a également enregistré ces produits en classe 5, il n'est pas démontré que cette circonstance soit de nature à faire obstacle à leur enregistrement en classe 10. La société Dermavita soutient ensuite que les produits visés à l'enregistrement ne sont pas des implants au sens de la classification de Nice. Néanmoins, le produit est bien destiné à être implanté dans le derme, de sorte que sa nature d'implant dermique ne saurait être contestée. Il n'est pas non plus démontré qu'il ne puisse être enregistré en classe 10 dès lors que la notice explicative de cette classe indique que celle-ci comprend notamment (emphase ajoutée par la cour) : « les articles et dispositifs thérapeutiques et prothétiques en matériaux artificiels ou (emphase ajoutée par la cour) synthétiques pour implantation, par exemple : les implants chirurgicaux composés de matériaux artificiels, les seins artificiels, les stimulateurs cérébraux, les implants biodégradables pour fixation osseuse ». La notice explicative de la classe 10 précise ensuite ce que cette classe ne comprend pas : « notamment les implants chirurgicaux composés de tissus vivants ». Il résulte de cette notice que la liste des produits susceptibles d'être classés en classe 10 n'est qu'indicative et que, s'agissant des implants, seuls sont exclus les implants chirurgicaux composés de tissus vivants. Il s'en déduit qu'aucun élément n'est de nature à faire obstacle à l'enregistrement en classe 10 des « implants dermiques » de gel d'acide hyaluronique réticulé, étant observé que si certes, comme le souligne l'une des décisions de l'EUIPO, l'acide hyaluronique est à la base un polysaccharide produit naturellement par le corps humain, le gel d'acide hyaluronique contenu dans les seringues pré-remplies n'est assurément pas de cette nature, un tel produit pouvant être facilement reproduit par biotechnologie et, la seule indication pouvant être tirée de la notice du produit étant qu'il n'est pas d'origine animale. Il répond ainsi parfaitement à la notice explicative de la classe 10 qui range dans celle-ci, certes les articles et dispositifs thérapeutiques et prothétiques en matériaux artificiels, mais aussi synthétiques. Enfin, le jugement a exactement retenu que le gel étant destiné à demeurer sous la peau pour combler les rides, sa nature de substance biocompatible à usage médical destinée au comblement de la ride ne saurait être contestée. Par ailleurs, la seule exigence, rappelée par la cour de justice de l'Union européenne, étant celle de précision et de clarté des libellés Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI des produits ou services enregistrés, la société Dermavita ne démontre pas le caractère obligatoire des catégories techniques et réglementaires au regard de l'enregistrement d'une marque. En revanche, c'est d'une manière tout aussi exacte que le jugement a retenu qu'injecté dans le derme, il ne constituait pas une « peau artificielle » faute d'en avoir la nature et les propriétés fonctionnelles. Sauf à contester l'intérêt à agir de la société Dermavita, point sur lequel la cour s'est déjà exprimée ci-dessus, la société Allergan holdings France et la société Allergan Industrie ne soumettent à la cour aucun moyen d'infirmation de fond de la disposition du jugement ayant prononcé la déchéance des droits de la société Allergan holdings France sur la marque « Juvederm » n° 3061345 déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point. En définitive, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions relatives à l'action en déchéance. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés Allergan Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Le dispositif des conclusions des sociétés Allergan est rédigé de la manière suivante: « FAIRE DROIT À L'APPEL INCIDENT ET Infirmer le jugement du 21 février 2019 en ce que le Tribunal de grande instance de Nanterre a : Rejeté les fins de non-recevoir opposées par la SAS Allergan holdings France tirées de l'Estoppel et du défaut d'intérêt à agir en déchéance ; Prononcé à l'encontre de la SAS Allergan holdings France la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque « Juvederm » n° 3061345 déposée le 30 octobre 2000 et enregistrée le 8 décembre 2000 sous le numéro 3061345 pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » en classe 10 ; Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 8 décembre 2005 ; Rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Allergan holdings France au titre de la procédure abusive ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamné la SAS Allergan holdings France à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Gala P conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; En tout état de cause : Rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Dermavita COMPANY (LIMITED PARTNERSHIP) PARSEGHIAN & PARTNERS ; Condamner la société Dermavita COMPANY (LIMITED PARTNERSHIP) PARSEGHIAN & PARTNERS à payer à la société Allergan holdings France la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens » ; Ainsi, il en résulte qu'il ne comporte aucune demande de condamnation à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. La cour ne peut donc que constater qu'elle n'est saisie d'aucune demande chiffrée à ce titre de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. Les demandes accessoires Selon l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Au terme du présent litige, la société Allergan holdings France n'est déchue de ses droits sur la marque Juvederm n° 3061345 que pour les produits « peau artificielle à usage chirurgical, prothèse » de sorte que la société Dermavita succombe en l'essentiel de son action en déchéance et sera donc condamnée aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point. En conséquence, la société Dermavita sera déboutée de sa propre demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et versera à la société Allergan holdings France et à la société Allergan Industrie la somme de 5 000 € sur ce même fondement dès lors qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de celles-ci les frais irrépétibles d'instance.

PAR CES MOTIFS

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ; CONFIRME le jugement rendu le 21 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre sauf en ce qu'il a statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, Et, statuant à nouveau, CONDAMNE la société Dermavita aux dépens de première instance, Et, y ajoutant, DÉBOUTE la société Dermavita de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, La CONDAMNE à payer à ce titre à la société Allergan holdings France et à la société Allergan Industrie la somme de 5 000 €, CONDAMNE la société Dermavita aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha B, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI