Chronologie de l'affaire
Cour d'appel d'Amiens (2e chambre sociale) 17 juin 1993
Cour de cassation 31 mai 1995

Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 1995, 93-44337

Mots clés société · preuve · société anonyme · procédure civile · référendaire · grave · licenciement · employeur · personnelles · préjudice moral · pourvoi · production · qualités · siège · terme

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 93-44337
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel d'Amiens (2e chambre sociale), 17 juin 1993
Président : Président : M. LECANTE conseiller
Rapporteur : Mme Girard-Thuilier
Avocat général : M. Chauvy

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Amiens (2e chambre sociale) 17 juin 1993
Cour de cassation 31 mai 1995

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société anonyme TELEP Tableaux électriques de Picardie, dont le siège est ... (Aisne),

2 / M. Pierre, Honoré Z..., pris en qualité d'administrateur avec mission de surveillance des opérations de gestion de la société anonyme TELEP, demeurant 15, rue victor Hugo à Amiens (Somme),

3 / M. Vincent Y..., pris en qualité de représentant des créanciers de la société anonyme TELEP, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 17 juin 1993 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre sociale), au profit :

1 / de Mme Simone X..., demeurant ... (Aisne),

2 / de l'ASSEDIC de Saint-Quentin, dont le siège est rue Henri Dunant à Saint-Quentin (Aisne), défenderesses à la cassation ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 avril 1995, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Carmet, Boubli, Brissier, conseillers, Mme Brouard, conseiller référendaire, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Girard-Thuilier, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société TELEP Tableaux électriques de Picardie, de M. Z..., ès qualités et de M. Y..., ès qualités, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme X..., engagée par la société Gibert le 10 septembre 1951 en qualité de standardiste et occupant en dernier lieu la position de cadre, assistante de direction dans la société filiale TELEP, a été licenciée par lettre du 25 juillet 1991 ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société TELEP reproche à l'arrêt attaqué (Amiens, 17 juin 1993) de l'avoir condamnée au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que de première part, le juge appréciant le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties, sans faire supporter la charge de la preuve plus particulièrement par l'une d'elle, la preuve de l'exception tirée du caractère tardif du licenciement ne saurait incomber à l'employeur ;

qu'en décidant que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu du fait que la société TELEP ne rapportait pas la preuve de la date exacte de la survenance des faits imputés à la salariée, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;

alors que, de deuxième part, l'exigence de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement s'entend seulement d'un libellé clair des reproches formulés au salarié sans que l'employeur ne soit tenu à un exposé exaustif des griefs ;

qu'en l'espèce la société TELEP avait reproché à Mme X... dans la lettre de licenciement d'avoir dénigré publiquement l'équipe dirigeante de la société, accusant notamment le dirigeant du groupe d'avoir bidouillé la comptabilité ou annonçant devant les membres du personnel qu'elle avait décidé de tout faire pour avoir "la peau de l'empereur", d'avoir utilisé à des fins personnelles les comptes bancaires de la société et d'avoir utilisé un compte interne de l'entreprise en règlement d'opérations personnelles et conservant à ce jour par devers elle des sommes d'argent ;

qu'en décidant que l'employeur n'avait pas formulé de motifs suffisamment précis au prétexte que les éléments rapportés n'étaient pas situés dans le temps, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;

alors que, de troisième part, le fait pour un salarié de porter devant le commissaire aux comptes une accusation injurieuse visant la personne de son supérieur hiérarchique est constitutif en lui-même d'une faute grave sans que le juge ait à s'interroger sur le bien-fondé de l'accusation ;

qu'en se bornant à relever d'une part que le terme "bidouiller" ne revêtait que le sens familier de "bricoler" et d'autre part que le défaut de production de l'écriture comptable ne lui permettait pas de vérifier le bien-fondé de l'accusation, pour décider que l'accusation lancée devant le commissaire aux comptes par Mme X... à l'encontre de M. Chémery, président du groupe auquel appartenait la société TELEP, d'avoir bidouillé la comptabilité ne constituait pas une injure, sans rechercher si, appliqué à une comptabilité, le terme "bricoler" ne revêtait pas un caractère injurieux que la production de l'écriture comptable n'aurait pas été de nature à lui retirer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;

alors que, de quatrième part, en omettant de répondre aux conclusions de la société TELEP qui faisait valoir que Mme X... avait commis une faute grave en annonçant à différents membres du personnel son intention d'avoir "la peau de l'empereur" à propos de M. Chémery, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, de cinquième part, que, en décidant que les manquements imputables à Mme X... étaient connus de ses supérieurs hiérarchiques et avaient été tolérés ce qui excluait qu'ils puissent être qualifiés de fautes graves sans viser ni analyser, ne fût-ce que sommairement, les pièces du dossier dont elle déduisait la connaissance des fautes par l'employeur et leur tolérance, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, de sixième part, que le simple fait pour un salarié d'emporter des documents purement internes à l'entreprise constitue en soi un manquement à son obligation de loyauté s'analysant en une faute grave ;

qu'en décidant que la société TELEP ne rapportait pas la preuve qu'elle avait formellement interdit à ses salariés de sortir les documents de l'entreprise et qu'elle ne prouvait pas que ces documents aient été communiqués à des tiers, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil ;

alors, de septième part, que l'utilisation par le salarié d'un compte de l'entreprise à des fins purement personnelles constituent une faute grave ;

qu'en décidant, pour débouter la société TELEP de sa demande que Mme A... n'avait pas utilisé le compte à des fins exclusivement personnelles, ce dont il résultait que pour partie au moins, le compte n'avait pas été utilisé dans le seul intérêt de la société TELEP et que la salariée avait ainsi commis une faute grave que ne pouvaient excuser ses remboursements partiels, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;

alors que, enfin, en omettant de répondre aux conclusions de la société TELEP qui soutenait que Mme A... avait en outre utilisé les comptes bancaires de son employeur pour régler ses achats personnels et abusé à cet effet de la délégation de signature dont elle était titulaire, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu d'une part que les juges du fond ont pu décider que le comportement de la salariée n'était pas de nature à rendre impossible le maintien de cette dernière dans l'entreprise pendant le durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ;

Attendu, d'autre part, qu'abstraction faite au motif erroné mais surabondant relatif à la rédaction de la lettre de licenciement, la cour d'appel, exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail et sans encourir les griefs du moyen, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;

Que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

Sur le second moyen

:

Attendu que la société TELEP reproche encore à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice moral de la salariée, alors que, selon le moyen, le juge ne peut accorder au salarié une indemnité pour licenciement abusif que s'il relève à la charge de l'employeur une faute constitutive d'abus ;

qu'en se fondant, pour réparer le préjudice moral de Mme X..., sur la circonstance que Mme X... comptait 40 ans d'ancienneté dans l'entreprise et y exerçait des fonctions importantes, motifs impropres à établir un abus imputable à la société TELEP dans l'exercice de son droit de congédier une salariée qui s'était rendue coupable de faute grave, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérents et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a caractérisé le préjudice particulier subi par la salariée par la seule évaluation qu'elle en a faite ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs, envers Mme X... et l'ASSEDIC de Saint-Quentin, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente et un mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.