N° RG 21/03160 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRXR
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 07 avril 2021
RG : 18/10868
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON
LA PROCUREURE GENERALE
C/
[J]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET
DU 06 Juillet 2022
APPELANTS :
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
67 rue Servient
69003 LYON
Mme LA PROCUREURE GENERALE
1 rue du Palais de Justice
69005 LYON
représentés par Laurence CHRISTOPHLE, substitut général
INTIME :
M. [V] [J]
né le 28 Février 1944 à MOSTAGANEM (Algérie)
2 montée de la Rochette
69300 CALUIRE ET CUIRE
Représenté par Me Sophie HASSID, avocat au barreau de LYON, toque : 1347
******
Date de clôture de l'instruction : 28 Avril 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mai 2022
Date de mise à disposition : 06 Juillet 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Anne-Claire ALMUNEAU, présidente de chambre
- Georges PÉGEON, conseiller
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
A l'audience, Isabelle BORDENAVE a fait le rapport, conformément à l'article
804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] [J], se présentant comme né le 28 février 1944 à Mostaganem, en Algérie, de [W] [J], né le 27 février 1912 à Mostaganem, et de [T] [S], née le 17 février 1921 à Mostaganem, s'est installé en 1958 dans la Loire, où il s'est maintenu jusqu'en 1964.
Il a épousé, le 21 septembre 1966, à Mostaganem, Mme [L] [Z].
Il a entrepris, en 2005, des démarches auprès du Consulat général de France à Alger pour se voir délivrer un certificat de nationalité française, soutenant être français de par son arrière grand-mère maternelle, [O] [G].
Son recours gracieux auprès du ministère de la justice a été rejeté et, installé à Caluire et Cuire, il a réitéré sa demande auprès du tribunal d'instance de Lyon.
Le 19 novembre 2013, le greffier en chef du tribunal d'instance de Lyon a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française.
M. [V] [J] a contesté l'absence de nouveaux documents, par recours gracieux adressé au ministère de la Justice, le 3 décembre 2013, indiquant qu'il justifiait du lien de parenté avec son arrière-grand-mère.
Le 30 mai 2014, le ministère de la Justice a confirmé l'avis de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française.
Par acte d'huissier du 11 octobre 2018, M. [V] [J] a fait assigner M. le procureur de la République du tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de voir dire qu'il est de nationalité française, et de voir ordonner la mention du jugement à intervenir en marge des registres de l'état civil.
Le procureur de la République s'est opposé à cette demande.
Par jugement du 7 avril 2021, auquel il est référé, le tribunal judiciaire de Lyon a dit que M. [V] [J], né le 28 février 1944 à Mosteganem en Algérie, est de nationalité française, ordonné la transcription du jugement conformément à l'article
28 du code civil,
débouté M. [J] de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile, et a condamné le Trésor Public aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 28 avril 2021, M. le procureur de la République de Lyon a relevé appel de ce jugement, en ce qu'il a dit que M. [V] [J] était de nationalité française.
MOYENS
ET PRETENTIONS
Aux termes de ses conclusions, notifiées le 7 janvier 2022, Mme la procureure générale demande de constater que le récépissé prévu à l'article
1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement de première instance, statuant à nouveau de juger que M. [V] [J], né le 28 février 1944 en Algérie, n'est pas français et d'ordonner la mention prévue à l'article
28 du code civil.
Le ministère public rappelle qu'en application des dispositions des articles
30 et
30-1 du code civil, il appartient à M. [V] [J], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve de cette nationalité.
Il est rappelé les dispositions applicables pour l'Algérie avant le 1er janvier 1963, et le ministère public soutient que le jugement déféré a mal appliqué les règles de la loi de nationalité dans le temps, en retenant que l'intéressé est français au regard de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973.
Le ministère public indique que, né en 1944, l'intimé voit sa situation d'attribution de la nationalité française régie par les dispositions de l'article 17 du code de la nationalité dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, et précise par ailleurs qu'ayant appliqué à tort des dispositions de l'article 17 dans sa rédaction de 1973 les premiers juges n'ont pas constaté que M. [W] [J] était français, alors que le demandeur ne produisait pas l'attestation du service militaire de son père allégué.
Il est par ailleurs reproché au tribunal d'avoir considéré l'état civil du demandeur comme probant, alors même que la copie de l'acte de naissance, telle que produite ne respecte pas la législation algérienne, en violation des dispositions de l'article
47 du code civil, et au regard de l'article 36 du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962.
Le ministère public précise que les références des imprimés d'état civil, actuellement en vigueur en Algérie, sont fixées par le décret exécutif numéro 14-75 du 17 février 2014, qu'en cohérence avec la loi algérienne du 9 août 2014, a été institué le registre national automatisé de l'état civil, que l'arrêté du 29 décembre 2014 fixe les caractéristiques techniques des documents d'état civil, lesquels, en application de l'article 4, doivent comporter un code-barres et, en application de l'article 5, doivent comporter le lieu et la date de leur délivrance.
En l'espèce, le ministère public reprend les pièces produites par M. [V] [J] pour justifier de son état civil pour contester la régularité de ces documents.
Si l'intimé venait à démontrer qu'il était de nationalité française, par application des dispositions de l'article 17-1 du code de la nationalité, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, pour être né enfant légitime d'un père français, le ministère public s'interroge sur la conservation de la nationalité française postérieurement au 1er janvier 1963, que M. [V] [J] réclame par application de l'article
32-1 du code civil.
Mme la procureure générale soutient que, pour bénéficier de ces dispositions, l'intéressé doit démontrer l'existence d'un lien de filiation entre chaque génération, depuis l'ascendant de droit commun allégué, Mme [X] [G], dont il est constant qu 'elle est née le 14 octobre 1880 à Mostaganem, qu'elle a été légitimée par le mariage célébré le 26 février 1887 entre M. [R] [G], né le 11 octobre 1857 en Vendée, et Mme [H] [D] [U], née le 24 février 1851 à Mosteganem.
Il est indiqué que la situation de l'arrière-grand-mère alléguée de l'intimé est régie par les dispositions de l'article
8 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juin 1889, relative à la nationalité, que la situation de cette dernière relève incontestablement du statut civil de droit commun, que M. [V] [J] n'a produit aucun acte de mariage qui aurait été établi avant la naissance de Mme [A] [E] [C] [B], laquelle est présumée être une enfant naturelle, sa filiation légale ayant été établie en premier lieu à l'égard de son père, déclarant de la naissance.
Mme la procureure générale soutient ainsi qu'en l'absence de filiation maternelle légitime ou naturelle à l'égard de Mme [O] [G], le statut civil de droit commun de cette dernière n'a pas été transmis à Mme [A] [E] [C] [B].
Pour contrer l'absence de transmission du statut civil de droit commun qui, en l'absence de déclaration recognitive de la nationalité française peut seul lui permettre d'avoir conservé la nationalité française à compter du 1er janvier 1963, le ministère public fait observer que M. [V] [J] a seulement produit le jugement rendu le 7 janvier 2003 par le tribunal de Mosteganem, et le livret de famille établi de manière subséquente, en s'abstenant de communiquer l'acte de mariage référencé, soutenant qu 'il lui incombe de verser aux débats l'acte de mariage de ses arrière-grands-parents maternels allégués.
Le ministère public reproche au jugement déféré d'avoir considéré comme recevable en France le jugement algérien rendu le 7 janvier 2003, alors même que cette décision est contraire à l'ordre public français, se référant à l'article premier de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, relative à l'exequatur et à l'extradition et estimant que c'est à tort que les premiers juges ont écarté ce texte.
Mme la procureure générale soutient que l'efficacité des jugements étrangers concernant l'état des personnes est reconnue en France, sous réserve du contrôle de leur régularité internationale, et qu'en l'espèce le jugement du 7 janvier 2003 retient que Mme [A] [E] [C] [B], née le 29 mai 1898 à Oran, est la fille légitime de Mme [O] [G] et de M. [F] [E] [C] [B] par ouï dire de l'existence d'un mariage, alors qu'il ne peut être toléré en droit français qu'un plaideur puisse prétendre faire produire des effets juridiques à des témoignages dépourvus de toute fiabilité et de toute objectivité.
Le ministère public remet par ailleurs en cause la fiabilité de ces témoignages, faisant observer que les témoins n'ont pu, compte-tenu de l'écoulement du temps, assister au mariage, et ainsi attester de la réalité de cet événement, soutenant ainsi un mode de preuve interdit en droit français, contraire à l'ordre public international de procédure.
Le ministère public fait observer que la copie de l'acte de décès de Mme [O] [G], produite à l'appui de la demande de certificat de nationalité française, la présente comme célibataire, et la déclaration de décès faite par M. [F] [E] [C] [B] présente ce dernier comme un ami de la défunte, et non comme son époux.
Il soutient ainsi le caractère frauduleux du jugement du 7 janvier 2003, faisant observer que le nom du procureur de la République n'y est pas mentionné, et retenant ainsi que l'acte de mariage mentionné dans le livret de famille ne peut être considéré comme probant, et que la preuve d'un mariage coutumier n'est ainsi pas rapportée.
Il rappelle que les dispositions de l'article
311-25 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005, sont applicables en matière de filiation à compter du 1er juillet 2006, pour tous les individus nés ou déjà nés, l'article 91 de la loi du 24 juillet 2006 prévoyant que les dispositions de cette ordonnance n'ont pas d'effet en matière d'attribution sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur, soit le 1er juillet 2006, indiquant dès lors que Mme [A] [E] [C] [B] n'est pas concernée par les dispositions de cet article, et concluant que la déclaration de naissance de cette dernière a été faite par son père, que la filiation maternelle de celle-ci à l'égard de Mme [O] [G] n'est pas légalement établie, de sorte que le statut civil de droit commun n'a pas été transmis.
Par conclusions en réponse, notifiées le 25 octobre 2021, M. [V] [J] demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner Mme la procureure générale à lui verser la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, de la condamner aux dépens.
M. [V] [J] rappelle que ses démarches auprès du Consulat de France à Alger pour se voir délivrer un certificat de nationalité française n'ont pas abouti en janvier 2006, alors que lui ont été opposées l'absence de preuve du lien de filiation avec un parent français, et notamment son arrière-grand-mère maternelle, et l'absence de valeur probante des pièces produites.
Il précise que le recours gracieux exercé par lui a été rejeté pour les mêmes raisons et que c'est également pour des motifs similaires que le tribunal d'instance et a refusé la délivrance de certificat de nationalité française le 19 novembre 2013, cette décision étant confirmée par le ministère de la Justice le 30 mai 2014.
Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article
32-1 du code civil, et de l'article 17 du code de la nationalité, en retenant que son arrière-grand-mère était française, relevant du statut civil de droit commun, comme ayant été légitimée par le mariage de sa mère avec M. [G] ressortissant français.
Il précise que son arrière-grand-mère a donné naissance à Mme [A] [E] [C] [B], laquelle s'est ainsi vue transmettre la nationalité française en application de l'article
8 du code civil, qui disposait, dans sa version en vigueur à compter du 26 juin 1889, qu'est français tout individu né d'un français en France ou à l'étranger.
Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal a retenu que le jugement supplétif d'acte de mariage était suffisant pour prouver le mariage des parents, que Mme [A] [E] [C] [B] étant française, par application de l'article
8 du code civil, s'étant mariée à M. [Y], dont est issue Mme [T] [Y], cette dernière est de nationalité française pour être née enfant légitime d'une mère française.
M. [V] [J] expose qu'il a produit, devant le tribunal judiciaire de Lyon, les actes d'état civil valables au jour de l'assignation, et soutient que l'examen des documents est conforme à la loi du 9 août 2014, et au décret d'application du 17 février 2014 de même qu'à l'arrêté du 29 décembre 2014.
Il indique qu'aucune conséquence ne devra être tirée du fait que les dispositions de l'article 17 du code de la nationalité issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 devaient trouver application.
Il soutient que, contrairement aux allégations du ministère public, les actes d'état civil produits sont probants, conformément aux dispositions de l'article
47 du code civil et précise qu'il a produit un second acte de naissance, délivré le 20 août 2019, et que l'absence, sur cet acte, de la date de naissance de ses parents, ne peut entraîner aucune conséquence, alors que les deux actes de naissance présentent une cohérence générale, et que les mentions manquantes ne sont pas substantielles.
Concernant la chaîne des filiations, il conteste l'application des dispositions de l'article 1er de la Convention franco-algérienne ; il soutient par ailleurs qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que les juges ne peuvent substituer leur propre appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve à celle des juges étrangers, indiquant que le mode de preuve retenu par le juge n'est en rien contraire à l'ordre public français, et que le parquet ne démontre pas une fraude à la loi.
Il reprend par ailleurs la chaîne de filiation, pour soutenir sa nationalité française au regard de la nationalité de son arrière-grand-mère maternelle.
Il rappelle que la loi qui lui est applicable est celle du 27 février 1965, soit le code de la nationalité issu de l 'ordonnance de 1945, reprenant les dispositions des articles 17 et 19 de ce code, soutient que sa propre mère est de nationalité française, en application de la loi du 10 août 1927, que sa grand mère, Mme [A] [E] [C] [B] est de nationalité française, par application de la loi du 26 juin 1889, alors qu'elle est la fille de Mme [O] [G], elle même française pour être née d'un père français.
M. [J] soutient la régularité du jugement supplétif d 'acte de mariage de cette dernière avec M. [E] [C] [B], au regard de l'ordre public français, concluant ainsi que la chaîne des filiations est régulière.
En application des dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
La clôture a été prononcée le 28 avril 2022, l'affaire a été plaidée le 11 mai 2022, et mise en délibéré ce jour.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Il convient de constater que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article
1043 du code de procédure civile a été délivré.
Au soutien de sa demande, M. [V] [J] expose :
- qu'il est né le 28 février 1944 de Mme [T] [Y], née le 7 février 1921, mariée le 8 juillet 1936 avec M. [W] [J],
- que Mme [T] [Y] est née de l'union contractée le 7 décembre 1919, entre [M] [Y], né le 7 mai 1896, et [A] [E] [C] [B],
- que [A] [E] [C] [B] est née le 27 mai 1898, de [F] [E] [C] [B], et de [N] [P] [O] [U], devenue [G],
- que [N] [O] [U], née le 14 octobre 1880 à Mostaganem, a été légitimée par le mariage, célébré le 26 janvier 1887, entre [R] [G], né le 11 octobre 1857 en Vendée, et [H] [D] [U], née le 24 février 1851 à Mostaganem,
- qu'en application des dispositions de l'article 32-1 du code de la nationalité il a conservé la nationalité française, pour relever du statut de droit commun transmis par son arrière grand mère, [O] [G].
Pour s'opposer à cette demande Mme la procureure générale fait valoir :
- que le jugement a appliqué à tort les dispositions de l'article
17 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, alors que sa situation devait être régie par les dispositions de l'article 17 du code de la nationalité, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945,
- que l'acte de naissance de l'intéressé produit n'est pas probant, comme ne respectant pas la législation algérienne, ce à quoi les premiers juges n'ont pas répondu,
- que M. [V] [J] doit rapporter la preuve d'un lien légal de filiation depuis l'ascendant commun, [O] [G],
- que la situation de cette dernière est régie par l'article
8 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juin 1889, relative à la nationalité, de même que celle de [A] [E] [C] [B],
- qu'en l'absence de filiation légale maternelle légitime ou naturelle établie à l'égard de [O] [G], le statut civil de droit commun ne peut avoir été transmis à [A] [E] [C] [B],
- que le jugement supplétif de mariage, rendu le 7 janvier 2003 par le tribunal de Mostaganem, est contraire à l'ordre public français, comme retenant un mode de preuve interdit en droit français, de sorte que l'acte de mariage ne peut être considéré comme probant.
Aux termes de l'article
30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause.
Il appartient en conséquence à M. [V] [J], qui ne dispose pas d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve, d'une part de la nationalité française de l'un au moins de ses auteurs, et également de l'existence d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de celui-ci.
En application des dispostitions de l'article
17-1 du code civil, les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquent aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur, sans préjudicier aux droits acquis par des tiers et sans que la validité des actes passés antérieurement puisse être contestée pour cause de nationalité.
C'est dès lors à bon droit que Mme l'avocat générale conclut que, M. [V] [J] étant né le 28 février 1944, seules les dispositions du code de la nationalité dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 ( articles 17 et 19 ) auraient vocation à s'appliquer.
Le demandeur doit rapporter les différentes preuves qui lui incombent en produisant des actes d'état civil probants, au sens de l'article
47 du code civil, lequel dispose que 'tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger, et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pieces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.'
Sur le caractère probant de l'acte de naissance de M.[V] [J]
En application de l'article 36 du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962, les documents publics algériens revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer sont admis en France sans légalisation.
En l'espèce, M. [V] [J] a communiqué la copie intégrale de l'acte de naissance N° 190, délivré le 28 février 2013, que le ministère public demande de considérer comme non valide, comme établi plus d'un an avant que l'intéressé ne fasse la demande de certificat de nationalité, et a, de ce fait, communiqué une nouvelle copie intégrale de l'acte de naissance N° 190, délivrée le 20 août 2019, qui, selon le ministère public n'est pas probante, comme ne comportant pas les dates ou âges des parents ni le lieu de naissance de ces derniers.
Les références des imprimés d'état civil actuellement en vigueur en Algérie sont fixées par le décret 14-75 du 17 février 2014, par la loi du 9 aôut 2014, et par l'arrêté du 29 décembre 2014, lequel précise, en son article 4, que les documents d'état civil comportent un code barre.
En l'espèce, la première copie intégrale d'acte de naissance N° 190, délivrée le 28 février 2013 par le service d'état civil de Mostaganem, présente M. [V] [V] [J] comme né à Mostaganem, le 28 février 1944, à 21 heures, de [W] [J], né le 27 février 1912 à Mostaganem, et de [T] [M] [Y], née le 17 février 1921 à Mostaganem, l'acte ayant été dressé sur la déclaration du père.
Cet acte ayant été établi plus d'un an avant que M. [V] [J] ne fasse sa demande de certificat de nationalité française, ce dernier a communiqué devant les premiers juges une seconde copie intégrale de l'acte de naissance N°190, dressé par le service d'état civil de Mostaganem, le 20 août 2019, le présentant comme né le 28 février 1944 à 21 heures, à Mostaganem, de [W] et [T] [Y], l'acte ayant été dressé sur déclaration du père.
S'il est effectif que ce second acte ne comporte pas la date de naissance, l'âge ou le lieu de naissance des parents, comme le prévoient les dispositions des articles 30 et 63 de l'ordonnance du 19 février 1970, contrairement au premier acte délivré, il ne saurait être pour autant considéré qu 'il ne serait pas probant, alors qu'il comporte les mêmes mentions que le premier acte délivré, et, comme nécessité par l'article 4 de l'arrêté du 29 décembre 2014, porte un code barre pour conforter sa véracité, étant noté que l'extrait de son acte de mariage N° 335, délivré le 24 mars 2013 par le service d'état civil de Mostaganem, le présente également comme né de [W] [J] et de [T] [Y].
Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'état civil probant de M. [V] [J] sera rejeté.
Sur la nationalité française à compter du 1er janvier 1963
Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sont régis par l'ordonnance N°62-825 du 21 juillet 1962, et par la loi N°66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles
32-1 et
32-2 du code civil.
Il résulte de ces textes que les Français, originaires d'Algérie, ont conservé la nationalité française de plein droit le 1er janvier 1963, date d'effet sur la nationalité de l'accession à l'indépendance de l'Algérie, s'ils étaient de statut civil de droit commun.
M. [V] [J] se prévaut de la nationalité française par filiation maternelle, en soutenant que son arrière grand mère maternelle, [O] [G], était française, et qu'il a conservé cette nationalité française, comme étant de statut civil de droit commun.
Il n'est pas contesté par le ministère public que [O] [U], devenue [G], née le 14 octobre 1880 à Mostaganem, présentée par M.[V] [J] comme son arrière grand mère maternelle, était française, en application des dispositions de l'article
8 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, issue de la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité, comme ayant été légitimée par le mariage, célébré le 26 janvier 1887, entre [R] [G], né le 11 octobre 1857 en Vendée, et [H] [D] [U], née le 24 février 1851 à Mostaganem, ainsi qu'en attestent les éléments d'état civil communiqués aux débats.
Il appartient dès lors à M. [V] [J] de rapporter la preuve d'un lien légal de filiation entre chaque génération, depuis cet ascendant de droit commun, [O] [G].
M. [V] [J] soutient que cette dernière a donné naissance, le 29 mai 1898, à Oran, à [A] [E] [C] [B], et, au regard des dispositions de l'article
17-1 du code civil susvisé, que la situation de cette dernière, en termes de nationalité, est régie par l'article
8 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juin 1889, aux termes duquel est français (1°) tout individu né d'un français en France ou à l'étranger.
Sans contester que l'article
8 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juin 1889, soit applicable à [A] [E] [C] [B], le ministère public soutient préalablement que la filiation de cette dernière n'est pas établie à l'égard de [O] [G], alors que M. [V] [J] n'a produit aucun acte de mariage dressé avant sa naissance, et que la déclaration de naissance a été faite par le père.
Il ressort de l'examen de la copie intégrale de l'acte de naissance N° 026 de [A] [E] [C] [B], établie le 6 août 1989 par l'officier d'état civil de Mazagran, que cette dernière est née le 27 mai 1898, de [F] [E] [I], âgé de 26 ans, et de [G] [O], âgée de 16 ans, l'acte de naissance ayant été établi le 29 mai 1898, sur déclaration de naissance faite par le père.
Il n'est pas contesté qu'un tel acte ne suffit effectivement pas à établir la filiation maternelle, en l'absence de mariage, ou de reconnaissance maternelle, au regard des règles en matière de filiation alors applicables.
Pour établir la filiation maternelle de [A] [E] [C] [B], présentée comme sa grand mère maternelle, M. [V] [J] communique un jugement, rendu par le tribunal de Mostaganem, le 7 janvier 2003, le livret de famille ensuite établi, l'extrait de registre matrice 0792, établi le 28 août 2019, par l'officier d'état civil de Mazagran, portant mention du mariage [F] [E] [I], le 31 décembre 1897, avec [O] [G].
Le ministère public conclut que l'efficacité de ce jugement est reconnue en France sous réserve du contrôle de la régularité internationale de celui-ci, et soutient que le jugement produit est irrégulier alors :
- que pour établir la réalité du mariage de [I] [E] [C] [B] et de [O] [G] le jugement se réfère à des ouï dire, les témoins ne pouvant avoir assisté à ce mariage,
- qu'il s'agit là d'un mode de preuve qui n'est pas admis en droit français,
- que ce jugement a été obtenu en trompant la religion du juge, alors que la copie de l'acte de décès de Mme [G] la présente comme célibataire, et que la déclaration de décès a été faite par [E] [C] [B], qui s'est présenté comme ami de la défunte et non comme son époux,
- que le nom du procureur de la République n'est pas mentionné sur le jugement.
En application des dispositions de l'article 1er de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, relative à l'exéquatur et à l'extradition en matière civile, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siegeant en France et en Algérie ont de plein droit l'autorité de chose jugée sur le territoire de l'autre Etat, si elles réunissent un certain nombre de conditions :
a) la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence dans l'Etat où la décision doit être exécutée,
b) les parties ont été légalement citées, représentées, ou déclarées défaillantes, selon la loi de l'Etat où la décision a été rendue,
c) la décision est, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution,
d) la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat, et possédant à son égard l'autorité de chose jugée.
Au regard de ces dispositions, il apparaît que l'efficacité de la décision prononcée le 7 janvier 2003 par le tribunal de Mostaganem suppose qu'un contrôle soit opéré sur sa régularité internationale.
Si l'absence de l'identité du procureur de la République, dont la présence est cependant actée sur la décision, est effective, cette situation ne saurait conduire à remettre en cause la régularité internationale du jugement, alors que les noms du juge et du greffier y sont mentionnés, et qu'il est par ailleurs fait mention des observations recueillies auprès du procureur de la République.
Pour le surplus, le ministère public remet en cause la teneur de ce jugement, en faisant observer que les témoins rapportent des éléments qu'ils n'ont pu constater, alors qu'ils attestent, en 2003, d'un mariage qui aurait été célébré plus de 100 années auparavant.
La décision qui a été prononcée par le tribunal de Mostaganem le 7 janvier 2003 a été rendue au visa de différents articles, des pièces du dossier, des dispositions du code de la famille, de l'ordonnance 70-20 concernant l'état civil, et après enquête menée par le tribunal, lequel a entendu deux témoins, nommément cités, qui ont prêté serment et indiqué, pour le premier, né le 9 décembre 1918, que [O] [G] avait épousé [E] [C] [B] [F] vers l'an 1900, pour le second, qu'il avait entendu de ses parents dire que [O] [G] avait épousé [E] [C] [B] [F] en 1897, et que [A] était née en 1898.
Le tribunal de Mostaganem, après avoir confronté ces éléments à l'acte de naissance de [A] [E] [C] [B], lequel portait le nom de ses deux parents, [O] [G] et [E] [C] [B] [F], a validé le mariage célébré à Mazagran en 1897.
Il apparaît que les modes de preuve qui ont été retenus par le tribunal de Mostaganem pour valider le mariage ne sauraient remettre en cause sa régularité internationale, et qu'apprécier ces modes de preuve, comme le demande le ministère public reviendrait à procéder à une révision de fond de cette décision, en lui substituant sa propre appréciation.
Dès lors, le moyen tiré de l'absence de régularité internationale de ce jugement validant le mariage de [O] [G] et [E] [C] [B] [F] sera rejeté.
S'il est effectif que l'acte de décès de [O] [G], établi le 11 février 1906, la présente comme célibataire, et que [E] [C] [B] s'est présenté comme ami de la défunte et non comme son époux, cette situation ne saurait suffire à remettre en cause la teneur du jugement.
Il convient en conséquence de retenir que M. [V] [J] établit la chaine de filiation entre [O] [G] et [A] [E] [C] [B], elle même française, en application des dispositions de l'article
8 du code civil, dans sa version alors applicable.
Il est justifié par les pièces d'état civil produites que cette dernière s'est mariée en Algérie le 7 décembre 1919, avec M. [Y], que le couple a donné naissance, le 17 février 1921, à Mostaganem,à [T] [Y], mère de M. [V] [J], laquelle a en conséquence conservé la nationalité française, comme étant enfant légitime née d'une mère française.
Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. [V] [J] établissait tant la chaine de filiation avec [O] [G], que la nationalité française de celle-ci depuis lors transmise de sorte que le jugement déféré sera confirmé.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile et les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré,
Constate que le récépissé prévu à l'article
1043 du code de procédure civile a été délivré,
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE