Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Grenoble 28 juin 1990
Cour administrative d'appel de Lyon 16 octobre 1997

Cour administrative d'appel de Lyon, 1ème chambre, 16 octobre 1997, 95LY00960

Mots clés marches et contrats administratifs · fin des contrats · resiliation · résiliation · centre · contrat · société · hospitalier · intérêts · préjudice · condamnation · solde · soutenir · mission · honoraires · marché · ouvrage

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro affaire : 95LY00960
Textes appliqués : Code civil 1154, Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1, Décret 65-29 1965-01-11 art. 1
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 28 juin 1990
Rapporteur : M. BOURRACHOT
Rapporteur public : M. BEZARD

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Grenoble 28 juin 1990
Cour administrative d'appel de Lyon 16 octobre 1997

Texte

Vu, sous le n 95LY00960, l'arrêt en date du 10 mai 1995, enregistré au greffe de la Cour, le 2 juin 1995, par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon n 90LY00663/731 en date du 27 décembre 1991, et a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu, sous le n° 90LY00731, la requête enregistrée au greffe de la cour, le 24 septembre 1990, présentée par Me A..., avocat, pour M. Y..., demeurant à SEVRIER (74230), BP 26, agissant tant en son nom personnel qu'en tant que mandataire de l'équipe ingénierie, M. X... demeurant ... (74130), M. Z... demeurant ... (74130), M. B... demeurant à BONNEVILLE, avenue Guillaume Fichet (74130) et la société SODETEG dont le siège social est au PLESSIS-ROBINSON, ... (92352) ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990, par lequel le tribunal administratif de Grenoble les a condamnés solidairement avec la SCP d'architectes MICHAUD-VALOGNES, appelante par ailleurs du même jugement, à payer au CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY la somme de 1.260.432 francs outre intérêts de droit ;
2°) de condamner ledit centre hospitalier à leur verser les sommes de 628 239,09 francs, outre intérêts de droit, au titre du solde de leurs honoraires, 1 720 000 francs au titre de dommages et intérêts à raison de la résiliation fautive du contrat et 20 000 francs au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 1997 :
- le rapport de M. BOURRACHOT, conseiller ;
- les observations de de Me BAGRANOF substituant Me BRAMBILLA, avocat du centre hospitalier de FAUCIGNY ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;


Considérant que

les requêtes de MM. Y..., X..., Z..., B..., de la société SODETEG et de la SCP MICHAUD-VALOGNES sont relatives au même marché ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que ces concepteurs d'un même ouvrage contestent le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, d'une part les a condamnés solidairement à payer au CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY la somme de 1 260 432 francs outre intérêts de droit à la suite de la résiliation du contrat en date du 2 avril 1985 par lequel l'établissement leur avait confié la réalisation de la première tranche fonctionnelle des travaux de rénovation de l'hôpital dont s'agit, d'autre part a rejeté leurs conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY à leur verser, outre intérêts de droits, les sommes de 628. 239,09 francs hors taxes au titre des facturations impayées, de 700.000,00 francs au titre de la rupture du contrat et de 2. 000. 000 francs au titre du préjudice commercial et moral;
Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles en première instance :
Considérant que les demandes reconventionnelles introduites devant les premiers juges par MM. Y..., X..., Z..., B..., la société SODETEG et la SCP MICHAUD-VALOGNES tendent à obtenir le versement par le centre hospitalier de différentes sommes au titre du solde de leurs honoraires et de dommages-intérêts pour la résiliation abusive du contrat et le non achèvement de leur mission ; qu'il ne ressort ni des dispositions de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 rendu applicable par l'article R. 89 du code des tribunaux administratifs dans sa rédaction en vigueur à la date des demandes reconventionnelles, ni d'aucune des stipulations contractuelles applicables audit marché que les contractants avaient l'obligation de soumettre leur contestation au maître d'ouvrage avant de recourir aux voies contentieuses ; qu'il suit de là que le moyen tiré d'une irrecevabilité de ces demandes reconventionnelles n'étant pas fondé, doit être écarté ;
Sur la résiliation :
Considérant qu'aux termes de l'article 12-3 du cahier des clauses administratives particulières auquel se réfère l'acte d'engagement signé par les parties le 14 mai 1985 :"Si la personne responsable décide de mettre fin à la mission du concepteur parce que ce dernier se montre incapable de remplir ses obligations contractuelles, ou commet des infractions à la protection du secret dans le cas de travaux intéressant la défense, le marché est résilié sans indemnité et la fraction de la mission déjà accomplie est alors rémunérée avec un abattement au moins égal à 10 %" ; que par lettre en date du 8 août 1986, le CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY a résilié l'acte d'engagement signé le 14 mai 1985 avec l'équipe d'ingénierie chargée des travaux de restructuration dudit établissement, en se fondant sur les stipulations précitées de l'article 12 du cahier des clauses administratives particulières ; que cette décision de résiliation était notamment motivée en ces termes : "( ...) nous mettons fin à votre mission pour votre incapacité à remplir vos obligations contractuelles et en raison des documents présentés de mauvaise foi pour voir votre projet retenu par le jury" ;

Considérant que le cahier des clauses administratives particulières imposait aux contractants la production, dans des délais déterminés, d'un avant-projet sommaire (A.P.S.) pour l'ensemble des travaux, ainsi que les documents suivants limités à la première tranche : avant-projet détaillé (A.P.D.), spécifications techniques détaillées (S.T.D.), plan d'exécution des ouvrages (P.E.O.), dossier de consultation des entreprises (D.C.E.) ; qu'il est constant que le groupe de maîtrise d'oeuvre a remis au maître d'ouvrage, qui les a acceptés, l'ensemble de ces documents ; que si, par la suite, celui-ci a refusé le devis estimatif prévisionnel, motif pris de son dépassement au regard de l'enveloppe budgétaire de la première tranche et de l'erreur qui avait eu pour effet d'en réduire l'importance, il résulte de l'instruction que, compte tenu des incertitudes inhérentes à une opération de construction publique dont la note de complexité a été fixée à 8,80 par l'article 5 du C.C.A.P. et de l'application d'un taux de tolérance de 15 % fixé par l'article 4 du même document et eu égard aux modifications du projet intervenues après l'élaboration du programme, qu'un tel dépassement ne révèle pas, en l'espèce, une incapacité des maîtres d'oeuvre à satisfaire à leurs obligations contractuelles ; qu'en ce qui concerne l'erreur incriminée, il n'est pas établi qu'elle ait été le résultat de manoeuvres frauduleuses de la part des contractants ; qu'en outre, le centre hospitalier, qui avait confié la conduite d'opération à la direction départementale de l'équipement, disposait de ce fait de moyens techniques lui permettant de s'assurer de la réalité des chiffres avancés par les architectes ;
Considérant qu'il suit de là que le dépassement du devis estimatif prévisionnel et l'erreur qui l'a entaché ne pouvaient être assimilés à un manquement aux obligations contractuelles d'une gravité de nature à justifier la résiliation du marché dont s'agit ; qu'ainsi, c'est à tort que le CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY a prononcé cette résiliation et, se fondant sur les stipulations précitées de l'article 12-3 du cahier des clauses administratives particulières a, d'une part, limité par un abattement, le droit à rémunération des concepteurs pour la fraction de leur mission déjà réalisée et, d'autre part, leur a demandé le remboursement des dépenses engagées ; qu'à l'inverse, le groupement de maîtrise d'oeuvre avait droit à la totalité de sa rémunération pour les prestations déjà effectuées ;
Sur les honoraires des maîtres d'oeuvre :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de ce qui a été dit plus haut sur la nature des prestations produites et acceptées par le maître d'ouvrage, les requérants sont fondés, d'une part, à demander l'annulation du jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble les a condamnés solidairement à payer au centre hospitalier du FAUCIGNY la somme de 1 146 320 francs représentant 50 % des honoraires qu'ils avaient déjà perçus et, d'autre part, à réclamer la condamnation du même centre à leur verser les sommes non contestées de 628 239,09 francs et 100 661,04 francs demandées en appel au titre des honoraires dues pour les prestations non réglées ;
Sur les conséquences de la résiliation :

Considérant, d'une part, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a mis à leur charge solidaire une somme de 114 112 francs représentant des dépenses qui auraient été engagées en pure perte par le centre hospitalier du fait de la résiliation du marché en litige ;
Considérant, d'autre part, que les requérants demandent, en appel, le versement des sommes de 1 720 000 francs et 280 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat ; que pour obtenir ces sommes à titre de réparation, les requérants se bornent à soutenir qu'ils ont subi un préjudice commercial, qu'ils ont exposé en pure perte des dépenses de réorganisation de leur agence et qu'ils ont subi un manque à gagner du fait de l'inachèvement de leur mission ; que toutefois, ces allégations ne sont assorties d'aucun élément de nature à emporter la conviction du juge ; que dès lors, faute d'être justifiés, ces différents chefs de préjudice ne peuvent être accueillis ;
Sur les intérêts :
Considérant que les requérants ont droit aux intérêts des sommes de 628 239,09 francs et de 100 661,04 francs, à compter du 8 juin 1988, date de leur demande reconventionnelle ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 avril 1991 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner le CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY à verser aux requérants les sommes de 20 000 francs et de 5 000 francs au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY doivent dès lors être rejetées ;


Article 1er

: Les articles 1 et 2 du jugement du 28 juin 1990 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY est condamné à verser globalement à l'équipe de maîtrise d'oeuvre composée de MM. Y..., X..., Z..., B..., et de la société SODETEG, la somme de 628 239,09 francs et à la SCP MICHAUD-VALOGNES la somme de 100 661,04 francs. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 juin 1988. Les intérêts échus le 17 avril 1991 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de MM. Y..., X..., Z..., B..., de la société SODETEG et de la SCP MICHAUD-VALOGNES est rejeté.
Article 4 : La demande du CENTRE HOSPITALIER DU FAUCIGNY et le surplus de ses conclusions sont rejetés.