Chronologie de l'affaire
Tribunal judiciaire de Nantes 21 août 2020
Cour d'appel de Rennes 21 septembre 2022

Cour d'appel de Rennes, 9ème Ch Sécurité Sociale, 21 septembre 2022, 20/04351

Mots clés A.T.M.P. : Demande relative à la faute inexcusable de l'employeur · société · préjudice · sécurité sociale · travail · sécurité · réparation · accident · rapport · procédure civile · rente · temporaire · victime · faute inexcusable de l'employeur · risques

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 20/04351
Dispositif : Décision tranchant pour partie le principal
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nantes, 21 août 2020
Président : Madame Elisabeth SERRIN

Chronologie de l'affaire

Tribunal judiciaire de Nantes 21 août 2020
Cour d'appel de Rennes 21 septembre 2022

Texte

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/04351 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q5EM

[S] [R]

C/

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Société [13]

Société [11]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 21 Août 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social

Références : 19/01818

****

APPELANT :

Monsieur [S] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant, assisté de Me Etienne BOITTIN, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉES :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée par Madame [D] [G] en vertu d'un pouvoir spécial

LA SOCIÉTÉ [13]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Fabienne MICHELET, avocat au barreau de RENNES

LA SOCIÉTÉ [11]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Fabienne PALVADEAU, avocat au barreau de NANTES

****

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 8 avril 2010, la société [13] a déclaré un accident du travail en date du 7 avril 2010 concernant M. [S] [R], salarié intérimaire et mis à disposition de la société [11], précisant que 'selon les dires de l'entreprise utilisatrice, M. [R] découpait une cloison en acier avec un chalumeau. Puis le témoin a dit que "les vêtements se sont enflammés". Brûlure tête, cou, mains droite et gauche, bras droit et gauche, dos'.

La caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le 28 novembre 2011, M. [R] a tenté de mettre fin à ses jours, lui occasionnant de nouvelles blessures, une partie de son visage a été arrachée et il a perdu la vue.

Le 17 janvier 2013, la caisse a reconnu le lien de causalité entre la tentative de suicide de M. [R] et son accident du travail du 7 avril 2010.

La consolidation de son état de santé a été fixée au 2 mars 2015 et un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 100% lui a été attribué.

Le 11 mai 2015, M. [R] a formé auprès de la caisse une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 19 juin 2015.

Le 15 août 2015, M. [R] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes.

Parallèlement, par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire du 9 juin 2015, la société [11] a été relaxée du chef de blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail.

Par arrêt du 24 mars 2017, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rennes a constaté le désistement d'appel de M. [R] à I'encontre de la société [11].

Par jugement du 21 août 2020, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, a :

- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [R] aux entiers dépens de l'instance ;

- débouté la société [11] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration faite par communication électronique le 14 septembre 2020, M. [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 28 août 2020.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 13 décembre 2021, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [R] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses conclusions ;

- débouter les sociétés [11] et [13] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- réformer le jugement objet de l'appel en toutes ses dispositions, en ce qu'il a rejeté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable et l'a débouté de ses demandes subséquentes ;

- dire que les faits subis par lui le 7 avril 2010 revêtent la qualification d'accident du travail au sens du code de la sécurité sociale ;

- dire que l'accident du travail a pour origine une faute inexcusable de l'employeur ;

- dire qu'il pourra prétendre à la majoration de rente prévue à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale ;

- ordonner une expertise médicale confiée à tel médecin expert qu'il plaira, avec la mission habituelle, comprenant notamment :

* quantifier en les spécifiant les préjudices au titre des postes :

' déficit fonctionnel temporaire ;

' souffrances endurées ;

' assistance tierce personne avant consolidation ;

' préjudice esthétique temporaire et permanent ;

' préjudice d'agrément ;

' incidence professionnelle ;

' préjudice sexuel ;

* dire que l'expert pourra s'adjoindre les services d'un sapiteur ;

- lui allouer une indemnité provisionnelle de 20 000 euros ;

- dire que les sommes allouées en réparation de ces différents chefs de préjudice seront versées directement par la caisse ;

- dire que les sommes dues seront productives d'intérêts depuis le 7 avril 2010 et que les intérêts échus seront eux-mêmes intégrés au principal et produiront intérêts ;

- condamner solidairement les sociétés [13] et [11] à verser à

M. [R] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures visées à l'audience, auxquelles s'est référé et qu'a développées oralement son conseil, la société [13] demande à la cour de :

À titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes le 21 août 2020 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter M. [R] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable et de toutes ses autres demandes ;

- débouter toutes les parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à infirmer le jugement et reconnaître la faute inexcusable de l'employeur :

- déclarer que la société [13], entreprise de travail temporaire dispose d'une action récursoire intégrale à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, la société [11] ;

En conséquence,

- condamner la société [11] à la relever et garantir indemne de l'intégralité des conséquences financières de l'accident et de la faute inexcusable recouvrant tant les indemnisations versées en réparation des préjudices subis que les éventuelles augmentations de cotisations sociales et le capital représentatif de la rente, les frais d'expertise médicale ainsi que toute autre condamnation dont au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sous le bénéfice de cette nécessaire garantie,

- limiter la mission de l'expert aux postes de préjudices suivants : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, assistance tierce personne avant consolidation, préjudice esthétique temporaire et permanent et préjudice sexuel ;

- réduire la demande de provision de M. [R] à de plus justes proportions,

- déclarer que l'indemnisation, y compris provisionnelle, sera versée à M. [R] par la caisse, qui devra en faire l'avance, conformément aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;

- débouter M. [R], et, en tant que de besoins toute autre partie, du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société [11] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures n°2 parvenues par RPVA le 28 mars 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société [11] demande à la cour de :

À titre principal :

- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nantes pôle social le 21 août 2020 qui a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes;

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire :

- lui décerner acte de ce qu'elle forme toutes protestations et réserves s'agissant de la demande d'expertise judiciaire pour l'évaluation des postes de préjudices énumérés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;

- limiter la mission de l'expert quant aux incidences professionnelles à la réparation de l'unique préjudice résultant de la perte ou de la diminution des chances de promotion professionnelle de M. [R] en raison de l'accident qu'il a subi ;

- déclarer que l'indemnisation y compris provisionnelle sera versée à M. [R] par la caisse, qui devra en faire l'avance conformément aux termes de

l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ;

En tout état de cause :

- condamner M. [R] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par son courrier parvenu au greffe le 24 février 2022, auxquelles s'est référé et qu'a repris oralement son représentant à l'audience, la caisse s'en rapporte à justice quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [13] et demande à la cour de condamner cette dernière à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'elle sera amenée à verser à M. [R] en application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.


MOTIFS DE LA DÉCISION :


1 - Rappel sur les circonstances de l'accident :

M. [R] était salarié de la société [13] et mis à disposition de la société [11].

Le 7 avril 2010, il a été victime d'un accident sur le navire militaire G33 en cours de construction dans les chantiers navals de la société [12].

Dans une alvéole de la coque, dans le cadre d'une opération d'oxycoupage, M. [R] était occupé à découper au chalumeau une ouverture dans une cloison lorsque le feu a pris à l'intérieur de ses vêtements.

Brûlé aux avant-bras et dans le dos, il a été transporté au service des grands brûlés à [Localité 9] par hélicoptère.

De l'examen médico-légal du 9 avril 2010, il ressort que les brûlures couvrent 40 % de la surface corporelle (poignet et doigts de la main droite, thorax, dos, les membres supérieurs et la face), évaluées à un second degré intermédiaire à profond.

L'enquête a révélé que le jour des faits l'un des boyaux alimentant le chalumeau en oxygène était percé à quatre endroits, sur environ 1 cm à chaque fois, la présence de ces trous ayant été identifiée en mettant le flexible sous pression dans une bassine remplie d'eau ; que la fuite d'oxygène est à l'origine de l'accident dont a été victime M. [R].

Il n'est pas contesté que l'accident subi par M. [R] est un accident du travail.

2 - Sur la présomption de faute inexcusable :

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 231-3-1 et L. 231-8, devenus L. 4154-2 et L. 4154-3, du code du travail que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail alors, qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

La liste de ces postes de travail est établie par l'employeur, après avis du médecin du travail et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.

A défaut, il appartient au salarié de caractériser son affectation à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité pour pouvoir bénéficier de la présomption.

En l'espèce, M. [R] fait valoir qu'au moment de l'accident, il occupait un poste à risques dès lors qu'il travaillait dans un espace confiné ; qu'il ne résulte de la décision du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire du 9 juin 2015 ayant relaxé la société [11] aucune autorité de chose jugée sur l'appréciation de l'existence d'un espace confiné dès lors que les conditions relatives à l'identité de parties, de cause et d'objet ne sont pas réunies ; qu'il n'est en outre en rien concerné par l'appréciation des faits de la cour d'appel statuant sur les intérêts civils.

Il est constant que l'espace de travail où l'accident s'est produit n'était pas répertorié comme une zone confinée par la société [12].

Il ressort du rapport de l'inspection du travail que selon une définition communément admise et tirée d'une publication de l'INRS, un espace confiné est un volume creux totalement ou partiellement fermé qui n'a généralement pas été conçu pour être occupé en permanence par du personnel ; qu'il se caractérise par un rapport volume/dimension d'ouverture telle que les échanges naturels de l'air intérieur avec l'atmosphère extérieure sont particulièrement réduits et peuvent entraîner des risques d'asphyxie, d'intoxication, d'incendie et d'explosion ; que dans ces espaces, les risques peuvent être aggravés par une arrivée accidentelle de gaz.

La jurisprudence de la Cour de cassation a consacré le principe de l'autorité

absolue de la chose jugée au pénal sur le civil ce qui signifie que toutes les personnes qui figurent au procès civil sont concernées par cette autorité, quand bien même elles n'étaient pas parties au procès pénal.

Ce principe d'autorité absolue à l'égard de tous interdit au juge civil de remettre en question ce qui a été définitivement, irrévocablement, nécessairement et certainement jugé par le juge pénal sur l'existence du fait incriminé qui forme la base commune de l'action publique et civile, sur la qualification et la culpabilité ou l'innocence de celui à qui ce fait est imputé.

Il s'impose relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale et s'étend donc aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif.

Les relaxes au bénéfice du doute sont assimilées à des constatations certaines (Civ. 2e, 8 févr. 2006, pourvoi n° 05-10.384).

Ainsi, des considérations de fait venant au soutien d'une décision irrévocable de relaxe s'imposent au juge du contentieux général de la sécurité sociale.

Il n'en est pas de même des décisions pénales statuant sur intérêts civils qui n'ont d'autorité de chose jugée qu'entre les parties.

Devant le tribunal correctionnel, la société [11] était renvoyée pour avoir à Saint-Nazaire, le 7 avril 2010, dans le cadre d'une relation de travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en

l'espèce, notamment :

- [...]

- en ne veillant pas à mettre à disposition des salariés un équipement de travail équipé (sic), installé, utilisé, réglé et maintenu de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, en l'espèce un chalumeau,

- en faisant exécuter des travaux de soudure et d'oxycoupage dans un espace réduit dont le faible volume, la difficulté d'accès et les modalités d'aération l'assimilaient à un espace confiné sans évaluer correctement les risques auxquels les salariés étaient exposés, ni prendre les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs en agissant sur l'installation des équipements de travail, l'organisation du travail ou des procédés de travail,

- en faisant exécuter des travaux de soudure et d'oxycoupage, présentant des risques spécifiques, dans un local présentant lui-même des risques spécifiques, en l'espèce un navire en construction, sans mettre en place au bénéfice des salariés d'actions particulières de formation à la sécurité pour la prévention des accidents et la lutte contre l'incendie,

- et en affectant M. [R], salarié temporaire, à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, en l'espèce des travaux de soudure et d'oxycoupage, dans un local présentant des risques spécifiques, en l'espèce un navire en construction, sans organiser de formation renforcée à la sécurité,

involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, en l'espèce six mois, sur la personne de M. [S] [R].

Dans les motifs du jugement du tribunal correctionnel du 14 avril 2015, il est mentionné sur ce point :

« Le compte rendu du CHSCT de la société [11] en date du 14 avril 2010 faisait état d'un travail dans un environnement exigu et d'accès difficile.

De même dans le procès-verbal de l'inspection du travail en date du 26 janvier 2011, l'inspecteur du travail reprochait à la société [11] notamment de faire exécuter les travaux à la découpe d'une cloison longitudinale dans un espace confiné alors que ces travaux auraient pu être réalisé en amont en phase de pré-montage.

Pour autant l'examen des plans et les photographies font apparaître que si l'orifice d'entrée dans l'alvéole où l'accident avait eu lieu était étroit, à l'intérieur de l'alvéole il y avait un espace relativement grand et aéré par un trou réalisé dans le pont du navire.

D'ailleurs le procès-verbal en date du 7 avril 2010 de M. [I] [L], brigadier-chef de police, écartait la thèse de l'endroit confiné. Il mentionnait : « nous précisons que cette alvéole, bien que difficile d'accès et très exiguë, ne fait pas partie des endroits confinés car une ouverture dans le sol du pont supérieur laisse entrer de l'air et de la lumière ».

Dans la mesure où en matière pénale les déclarations de culpabilité ne peuvent être assises que sur des certitudes, force est de constater en l'espèce qu'il existe un doute tant sur l'origine des trous affectant le boyau d'oxygène qui alimentait le chalumeau que sur le caractère confiné du lieu où M. [R] travaillait. La réglementation afférente au milieu confiné n'apparaît donc pas avec certitude devoir être appliquée en l'espèce ».

Ce tribunal a renvoyé la société [11] des fins de la poursuite.

Les dispositions pénales n'ayant pas fait l'objet d'un appel, cette décision est irrévocable.

Eu égard à la prévention, le tribunal correctionnel se devait d'apprécier le caractère confiné ou non de l'endroit où s'est produit l'accident pour parvenir à sa décision, ce qu'il a fait.

Les motifs sus rappelés sont donc bien le soutien nécessaire de la décision de relaxe intervenue.

L'absence de caractère confiné a dès lors été irrévocablement tranchée par le tribunal correctionnel et cette appréciation s'impose à la cour, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges.

M. [R] définissant son poste comme étant à risques uniquement en rapport avec le caractère confiné de son lieu de travail au moment de l'accident, la présomption de faute inexcusable ne peut s'appliquer en l'espèce. Le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] sur ce fondement.

3 - Sur la faute inexcusable prouvée :

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 8-25.021; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683).

L'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale dispose :

« Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable ».

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l'employeur de rapporter « la preuve que celui-ci... n'a pas pris les mesures nécessaires pour [la] préserver du danger auquel elle était exposée ».

Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur aurait dû prendre.

M. [R] n'impute aucune faute à la société [13].

Etant rappelé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, il y a lieu d'analyser les éléments développés par M. [R] au regard de la prévention pénale et de la décision correctionnelle intervenue.

Sur l'information renforcée à la sécurité :

L'article L. 4142-2 du code du travail énonce :

« Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et les salariés temporaires affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité, dans les conditions prévues à l'article L. 4154-2.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4141-4, le financement de ces actions de formation est à la charge de l'entreprise utilisatrice ».

Par ailleurs, les dispositions du décret du n°77-1321 du 29 novembre 1977 fixant les prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure sont invoquées par M. [R]. Si elles ont été abrogées par le décret 92-158 du 20 février 1992, sauf en ce qui concerne les travaux relatifs à la réparation navale, il apparaît qu'elles ont en l'espèce été mises en oeuvre, les sociétés [12] et [11] ayant bien établi un plan particulier « hygiène - Sécurité - Environnement » sur le fondement de ce texte (pièce n°B32 de M. [R]), lequel a pour seul but de définir les mesures de sécurité particulières résultant de l'activité simultanée de plusieurs sociétés en un même lieu.

Pour autant, dès lors qu'il a été jugé que l'espace de travail de M. [R] le jour de l'accident, qu'il ne partageait pas avec d'autres entreprises, n'était pas une zone confinée et que ce dernier n'était pas affecté sur un poste à risques, la société utilisatrice n'était pas tenue de lui délivrer une formation renforcée à la sécurité.

Il est justifié au surplus par la société [11] que M. [R] a bénéficié d'une formation intitulée « accueil - information sécurité- chantiers de l'atlantique » dispensée par l'organisme [8] lors de sa première mission sur le site en 2007 (ses pièces n°11 et 12) ainsi que d'un accueil sécurité le 8 mars 2010 par la société [11] (sa pièce n°21).

Ce moyen sera en conséquence écarté.

Sur la fourniture, l'entretien et le contrôle du matériel mis à disposition:

M. [R] indique que les investigations menées dans le cadre de la procédure pénale ont démontré que la société [11] n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de l'absence de dangerosité de l'équipement ; que la traçabilité de l'usage de l'outil et de sa vérification sont gravement défaillantes ; qu'aucun processus de contrôle systématique n'avait été mis en 'uvre ; que la société [11] n'a jamais justifié avoir vérifié le matériel avant de le mettre à sa disposition ; qu'elle n'a pas non plus pris les mesures de mise en sécurité lorsque le chalumeau n'était pas utilisé par ses préposés : des tiers ont ainsi pu en faire usage au risque de le détériorer et sans lui signaler ou à ses collègues une éventuelle défectuosité ; que les carences de la société [11] sont à l'origine de l'accident du travail par lui subi puisque si le matériel mis à sa disposition avait été vérifié, il n'aurait pas été grièvement brûlé ; qu'un contrôle visuel de l'état du matériel par ses soins est à l'évidence insuffisant pour détecter une fuite ; que la fiche d'accueil signé par ses soins ne contient aucune information relative à l'utilisation du matériel ; que selon une documentation de l'INRS relative à la soudure et au coupage au chalumeau, le contrôle du flexible doit s'effectuer par immersion dans de l'eau savonneuse afin de détecter d'éventuelles fuites ; que c'est ce test qui a été effectué en présence des gendarmes pour les besoins de l'enquête ; que le contrôle visuel journalier n'est efficace que pour les altérations visibles ; qu'au moment de l'accident, il n'existait pas de traçabilité ni de processus de contrôle des boyaux.

Il a été évoqué supra que la société [11] était renvoyée devant le juge pénal pour avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, notamment :

- en ne veillant pas à mettre à disposition des salariés un équipement de travail équipé (sic), installé, utilisé, réglé et maintenu de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, en l'espèce un chalumeau.

Pour aboutir à la relaxe, le tribunal a motivé ainsi sa décision :

« De surcroît aucun élément du dossier ne fait apparaître que le chalumeau et les boyaux d'approvisionnement de celui-ci en oxygène étaient endommagés lorsqu'ils ont été confiés à M. [R] par la société [11]. Au contraire il apparaît que celle-ci était assez rigoureuse dans ses pratiques de remise et de contrôle de ce type de matériel.

M. [R] - comme la plupart des professionnels interrogés au cours de l'enquête - reconnaissait que la réparation de fortune du boyau d'oxygène litigieux n'était pas conforme aux règles minimales de sécurité. Par conséquent et dans la mesure où M. [R] avait reçu une information et une formation (certes rapide) en matière de sécurité, on ne peut de façon certaine imputer l'accident à un manque de connaissance de la victime en matière de sécurité, mais plutôt à une imprudence grossière commise par une personne demeurée indéterminée.

En tout état de cause aucun lien de causalité certaine est prouvée entre les manquements énoncés dans la citation et les blessures subies par M. [R].

Dans ces conditions la société [11] doit elle aussi être relaxée ».

La prévention et les motifs au soutien de la relaxe sont relatifs à la question de la fourniture d'un chalumeau en bon état de fonctionnement et de la maintenance de celui-ci par l'employeur. L'autorité de la chose jugée s'applique ici pleinement.

En revanche, les modalités de contrôle du chalumeau et des boyaux après leur remise au salarié ne figurent pas dans la prévention.

Selon M. [H] [X], magasinier au sein de la société [11], dans son audition devant les services de police, « avant de donner le boyau, on le teste dans l'eau en le mettant en pression pour voir s'il y a des fuites » ; « ils [les boyaux] sont contrôlés tous les ans » et « les boyaux utilisés aux chantiers de l'atlantique font deux ou trois ans grand maximum ».(pièce B1 de M. [R])

M. [E] [J], chef de chantier au sein de la société [11], confirme dans son audition le fait qu'avant l'attribution des flexibles au personnel, un contrôle est opéré « chez nous ([11]), en atelier » et qu'une fois le matériel attribué, il incombe à l'utilisateur de le contrôler. (Pièce B4 de M. [R])

Le boyau à l'origine de l'accident porte mention de l'année 2009. Il avait été attribué à l'équipe dont faisait partie M. [R] trois semaines auparavant et non à ce dernier particulièrement.

Des auditions des salariés de la société [11], il apparaît que des salariés d'autres entreprises étaient également susceptibles d'utiliser le chalumeau en question.

Il ressort des consignes de sécurité (SOF SE 028 - pièce n°9 de la société) qu'avant de commencer à travailler, le salarié se doit de :

- vérifier visuellement l'état de son matériel ainsi que des EPI (câbles électriques, boyaux, harnais...) ;

- regarder la validité de l'équipement sur l'étiquette ;

- avertir le responsable quand :

' apparaît un doute sur la sécurité,

' le matériel est défectueux,

' le matériel n'est plus valide.

Cependant, les critères permettant de considérer que le boyau est impropre et dangereux ne sont pas définis.

S'il a été trouvé sur le boyau litigieux un morceau de chaterton rouge sous lequel un trou était présent, ce qui pouvait indiquer qu'une réparation de fortune avait été opérée par un utilisateur, il demeure que l'enquête a pu déterminer que le boyau était en réalité affecté de quatre trous.

Les nombreux documents du CHSCT des chantiers de l'atlantique produits par M. [R] démontrent que plusieurs accidents du même type se sont produits au cours des années précédentes et que revient de manière récurrente la question de la fréquence et des modalités de contrôle des boyaux, pas seulement visuel, dès lors qu'ils se détériorent à la lumière et à l'utilisation.

La société [11] ne pouvait ignorer l'existence de ces accidents et de ces questionnements.

Elle ne peut se contenter de renvoyer à l'utilisateur la responsabilité de la vérification du bon état de son matériel, au surplus sans qu'elle justifie en avoir défini les modalités, et ce alors que seule la mise en pression du boyau plongé dans l'eau permet de détecter une fuite éventuelle outre qu'il n'est pas établi qu'elle avait mis à la disposition du salarié les moyens de procéder à cette vérification.

Sachant que le risque est démultiplié dans les zones exiguës qui ne sont pas pour autant des zones confinées, elle ne justifie pas davantage des mesures qu'elle a prises pour veiller au respect, par les salariés, des consignes qu'elle dit avoir données en cette matière.

Ces manquements de la société ont contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage. Ce faisant, elle a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer.

Il s'ensuit que la preuve est rapportée qu'elle a commis une faute inexcusable et que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions.

4 - Sur les conséquences de la faute inexcusable :

En application des articles L.452-1 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime a droit, indépendamment de la majoration du capital ou de la rente qu'elle reçoit, de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de demander à l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés, à la condition que ses préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

S'agissant de la majoration du capital, l'article L. 452-2 du même code précise en son alinéa 3 que « Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale ».

M. [R] s'étant vu attribuer par la caisse un taux d'incapacité de 100 % par décision du 10 mars 2015, la majoration de la rente ne peut en conséquence être ordonnée.

Seule peut lui être allouée l'allocation forfaitaire. Il convient d'inviter les parties à conclure sur ce point.

Une expertise médicale sera en revanche diligentée pour déterminer les préjudices de M. [R] selon les modalités indiquées dans le dispositif ci-après.

Il sera dès lors sursis à statuer sur la réparation des préjudices jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

La cour trouve en la cause les éléments suffisants pour allouer à M. [R] la somme de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices.

En application des dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse avancera les sommes allouées à M. [R] dont elle récupérera le montant sur la société [13], en ce compris les frais d'expertise.

5 - Sur l'action récursoire de la société [13] envers la société [11] :

Il résulte de la combinaison des articles L.241-5-1, L.412-6 et L.452-3, R.242-6-1 et R.242-6-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident du travail survenu à un travailleur intérimaire et imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue en sa qualité d'employeur envers l'organisme social du remboursement des indemnités complémentaires prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir de celle-ci le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail.

Il ressort des développements précédents qu'aucune faute n'est reprochée à la société de travail temporaire [13].

En conséquence, il y a lieu d'accueillir l'action récursoire de la société [13] à l'encontre de la société [11] qui devra la garantir intégralement des conséquences financières de la faute inexcusable ainsi que des frais d'expertise, des dépens et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

6 - Sur les mesures accessoires :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [R] les frais irrépétibles engagés.

La société [13] sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de surseoir à statuer sur le surplus des demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

PAR CES MOTIFS

:

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe :

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] sur le fondement de la présomption de faute inexcusable ;

Statuant à nouveau :

DIT que l'accident du travail survenu le 7 avril 2010 à M. [S] [R] est dû à la faute inexcusable de la société [11] substituée dans la direction de la société [13] ;

DÉBOUTE M. [R] de sa demande de majoration de rente ;

INVITE les parties à s'expliquer sur l'attribution de l'allocation forfaitaire ;

ALLOUE à M.[R] une provision de 20.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale ;

DIT que cette somme sera avancée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique et renvoie M.[R] devant celle-ci pour le paiement ;

Avant dire droit sur la liquidation du préjudice :

ORDONNE une expertise et commet pour y procéder le docteur [T] [C], [Adresse 10], ([Courriel 14]), lequel aura pour mission, la date de consolidation étant acquise au 2 mars 2015 et le taux d'incapacité étant de 100%, de :

- convoquer l'ensemble des parties et leurs avocats, recueillir les dires et doléances de la victime, se procurer tous documents, médicaux ou autres, relatifs à la présente affaire et procéder en présence des médecins mandatés par les parties, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

- à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation, la nature des soins ;

- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nature (garde des enfants, soins ménagers, assistance temporaire d'une tierce personne, adaptation temporaire du véhicule ou du logement.....) ;

- donner son avis sur les points suivants :

- le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux de celles-ci;

- les besoins en aide humaine : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et dans l'affirmative s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle (étrangère ou non à la famille), si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; en indiquer la nature et la durée quotidienne;

- les souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice esthétique : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif ; évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice d'agrément : si M. [R] allègue une gêne ou une impossibilité, du fait des séquelles de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisirs, temporaire ou définitive, donner un avis médical sur la gêne ou l'impossibilité invoquée, sans se prononcer sur sa réalité ;

- le préjudice sexuel : donner un avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

- le préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle : donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

- les frais de véhicule adapté : dire si l'état séquellaire de la victime lui permet la conduite d'un véhicule automobile et dans cette hypothèse, si son véhicule doit comporter des aménagements, les décrire ;

- les frais d'adaptation du logement : indiquer si, compte tenu de l'état séquellaire, il y a nécessité d'envisager un aménagement du logement et, si c'est le cas, sans anticiper sur la mission qui pourrait être confiée à un homme de l'art, préciser quels types d'aménagements seront indispensables au regard de cet état ;

- faire toutes observations utiles ;

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de solliciter le versement d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert devra :

- communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

- adresser son rapport définitif à chacune des parties ainsi qu'à la cour dans les six mois de sa saisine ;

Dit que le rapport devra être accompagné de son mémoire de frais avec justification de ce que ledit mémoire a été communiqué aux parties ;

Rappelle les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile :

« L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées ».

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise et le coût prévisible de l'expertise ;

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique qui devra consigner la somme de 1 500 euros auprès du régisseur de la cour dans les 30 jours de la notification du présent arrêt ;

Désigne le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction des affaires pour surveiller les opérations d'expertise ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

FAIT droit à l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique à l'encontre de la société [13] et la condamne en conséquence à lui rembourser l'ensemble des sommes dont elle est tenue de faire l'avance ;

CONDAMNE la société [11] à garantir la société [13] de l'ensemble des sommes mises à sa charge, en ce compris les frais d'expertise, les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [13] à verser à M. [R] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SURSOIT A STATUER sur la liquidation des préjudices, le surplus des demandes d'indemnité pour frais de procédure et les dépens, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris à la demande de la partie la plus diligente, sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable aux parties adverses.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT