TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 24/55463 - N° Portalis 352J-W-B7I-C5Q2J
N° : 1/MC
Assignation du :
01 Août 2024
[1]
[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 août 2024
par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint
au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assisté de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSES
COMITE INTERNATIONAL OLYMPIQUE
[Adresse 6]
[Localité 1] - SUISSE
représentée par Maître Géraldine ARBANT de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS - #R0255
PARIS 2024 - COMITE D'ORGANISATION DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES (COJO)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS - #P0265
DEFENDERESSE
Société INNER MONGOLIA YILI INDUSTRIAL GROUP CO LTD
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
MONGOLIE INTERIEURE
REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
représentée par Maître Michael ZIBI de la SELEURL LAURENCE CARLES AVOCAT, avocat au barreau de PARIS - #L0262
DÉBATS
A l'audience du 06 Août 2024, tenue publiquement, présidée par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint, assisté de Marion COBOS, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le Comité international olympique (ci-après CIO) est une organisation internationale non gouvernementale qui détient la propriété exclusive des jeux olympiques. Les droits d'organisation des jeux olympiques et paralympiques 2024 sont détenus par [Localité 7] 2024 Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques (ci-après COJO), association créée suite à la désignation de la ville de [Localité 7] pour accueillir les jeux olympiques et paralympiques de l'été 2024 dont les épreuves se déroulent du 24 juillet au 08 septembre 2024. Le COJO dispose du droit de poursuivre les actes d'atteintes aux propriétés olympiques commis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024 et de protéger les marques olympiques.
Le CIO est titulaire des propriétés olympiques (emblème, hymne, devise, mascottes, etc.), et des marques suivantes :- la marque de l'Union européenne (UE) figurative n°002970366 déposée le 17 février 2004 pour désigner les produits et services des 45 classes, et plus particulièrement le lait et produits laitiers en classe 29, des services de publicité, location d'espaces publicitaires, location de matériel publicitaire en classe 35, et des services de télécommunications en classe 38 :
- la marque de l'UE figurative n°018808689 déposée le 14 décembre 2022 notamment pour désigner les produits et services suivants : le lait, fromage, beurre, yaourts et autres produits laitiers, les boissons lactées où le lait prédomine, produits laitiers et yaourt en classe 29, les services de publicité, conception de matériels publicitaires, location d'espaces publicitaires, location de panneaux d'affichage publicitaires en classe 35, les services de télécommunications, service d'affichage électronique, communication par terminaux informatiques, communications par réseaux de fibres en classe 38 :
- l'enregistrement international n°1527944 désignant notamment l'UE, déposé le 30 avril 2022 pour désigner les produits et services des 45 classes et plus particulièrement le lait, fromage, beurre, yaourt et autres produits laitiers en classe 29, les services de publicité; diffusion d'annonces publicitaires par tous médias, notamment sous forme de messages thématiques centrés sur les valeurs humaines, location d'espaces publicitaires de toutes natures et sur tout support, numérique ou non, affiches en classe 35, les services de télécommunications, communications par terminaux d'ordinateurs électroniques, par bases de données et par réseaux de télécommunication liés à l'internet en classe 38 :
Le COJO est pour sa part titulaire des marques françaises suivantes :- n°4693482 déposée le 20 octobre 2020 pour désigner les produits et services des 45 classes, et plus particulièrement le lait, fromage, beurre, yaourt et autres produits laitiers, ainsi que les boissons lactées où le lait prédomine, produits laitiers, et yaourt en classe 29, les services de publicité, affichage publicitaire, conception de matériels publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, location d'espaces publicitaires, location de panneaux publicitaires en classe 35, les services de télécommunications, services d'affichage électronique, communications par terminaux d'ordinateurs, communications par réseaux de fibres optiques, services de communication électronique en classe 38 :
- n°4702624 déposée le 18 novembre 2020 pour désigner les produits et services des 45 classes, et plus particulièrement le lait, fromage, beurre, yaourt et autres produits laitiers, ainsi que les boissons lactées où le lait prédomine, produits laitiers, et yaourt en classe 29, les services de publicité, affichage publicitaire, conception de matériels publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, location d'espaces publicitaires, location de panneaux publicitaires en classe 35, les services de télécommunications, services d'affichage électronique, communications par terminaux d'ordinateurs, communications par réseaux de fibres optiques, services de communication électronique en classe 38 :
- n°4862037 déposée le 15 avril 2022 pour désigner les produits et services des 45 classes, et plus particulièrement le lait, fromage, beurre, yaourt et autres produits laitiers, ainsi que les boissons lactées où le lait prédomine, produits laitiers et yaourt en classe 29, les services de publicité, affichage publicitaire, conception de matériels publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, location d'espaces publicitaires, location de panneaux publicitaires en classe 35, les services de télécommunications, services d'affichage électronique, communications par terminaux d'ordinateurs, communications par réseaux de fibres optiques, services de communication électronique en classe 38 :
La société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd (ci-après la société Yili) est une société agro-alimentaire constituée selon le droit chinois, qui produit et commercialise notamment des produits laitiers.
Le 28 août 2017, en vue des jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022, la société Yili a conclu un accord de licence avec le Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques de Pékin (ci-après Comité d'organisation de Beijing 2022). Cette licence, qui a permis à la société Yili de devenir partenaire officiel du Comité d'organisation de Beijing 2022, a été consentie :- jusqu'au 31 décembre 2024
- exclusivement sur le territoire de la République Populaire de Chine
- uniquement en association avec les jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022
- concernant les marques des jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022 et les marques du Comité national olympique chinois.
En juin 2024 le CIO et le COJO indique avoir découvert le lancement d'une opération de marketing par la société Yili consistant à faire circuler dans les rues de [Localité 7] des autobus portant des signes qu'ils estiment reproduire des propriétés olympiques et des droits de propriété intellectuelle leur appartenant. Selon eux, ces opérations ont été relayées sur les réseaux sociaux de la société Yili tout en faisant la promotion de leurs produits et reprennent dans l'entête de ses comptes certaines propriétés olympiques.
La recherche d'une solution amiable avec la société Yili pour faire cesser les agissements litigieux a été entreprise par l'intermédiaire du Comité national olympique chinois (ci-après CNO Chinois). Ainsi, les 24 et 25 juillet 2024 deux lettres de mise en demeure ont été adressées à la société Yili par le CIO et CNO Chinois. Un rappel des droits et propriétés olympiques appartenant au CIO y est fait. Il est ensuite demandé à la société Yili de cesser toute utilisation non autorisée des signes appartenant au CIO qui a averti la société Yili d'une possibilité d'action en justice si les agissements perdurent. Ces mises en demeure sont restées sans effet.
Dûment autorisés à cette fin, le CIO et le COJO ont fait assigner la société Yili en référé à heure indiquée à l'audience du 6 août 2024 de ce tribunal.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs demandes présentées oralement à l'audience du 6 août 2024, le CIO et le COJO demandent au président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé de : - les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes ;
- rejeter la demande d'annulation de l'assignation de la société Yili
- interdire à la société Yili de réitérer ses agissements consistant à faire circuler dans les rues de [Localité 7], et plus globalement sur le territoire français, des véhicules reproduisant les propriétés olympiques en association avec la marque de Yili dans le cadre d'une campagne de "street marketing", sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- ordonner le retrait de toutes les communications et/ou publications afférentes à la campagne de "street marketing", consistant à faire circuler dans les rues de [Localité 7] des autobus reproduisant les propriétés olympiques en association avec la marque de Yili, sur le territoire français et sur Internet, et notamment de l'ensemble de ses comptes de réseaux sociaux, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- ordonner le retrait de toute autre communication et/ou publication de l'ensemble de ses comptes de réseaux sociaux, et notamment Weibo et Weixin (WeChat), reproduisant et/ou imitant des propriétés olympiques et des droits de propriété intellectuelles dont sont titulaires le CIO et le COJO, sous réserve des seules utilisations expressément autorisées en vertu de l'accord conclu avec le Comité d'organisation de Beijing 2022, ainsi que toute publication portant sur les mascottes destinée à créer délibérément une association entre Yili et les jeux olympiques de [Localité 7] 2024, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- interdire à la société Yili de reproduire et de faire usage, immédiatement et pour l'avenir, dans le cadre de son activité commerciale y compris à des fins promotionnelles, plus particulièrement sur le territoire français et sur Internet, des marques suivantes :
> marque de renommée de l'Union Européenne n°002970366 du Comité international olympique,
> marque de l'Union Européenne n°018808689 du Comité international olympique,
> enregistrement international n°1527944 du Comité international olympique,
> marque française n°4693482 du Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques de [Localité 7] 2024,
> marque française n°4702624 du Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques de [Localité 7] 2024,
sous réserve des utilisations expressément autorisées en vertu de l'accord conclu avec le Comité d'organisation de Beijing 2022, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- interdire à la société Yili de distribuer ses mascottes ou tout autre objet de communication publicitaire (goodies) de la marque Yili à [Localité 7], et plus globalement sur l'ensemble du territoire français, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- interdire à la société Yili de reproduire et/ou imiter sans autorisation les propriétés olympiques du CIO et du COJO, et de réaliser tout nouvel acte de marketing parasitaire autour des jeux olympiques et Paralympiques de 2024 sur le territoire français et ce jusqu'au 8 septembre 2024 inclus, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- ordonner le retrait de tout support publicitaire, et notamment des affiches d'abribus, faisant la promotion de produits Yili sur l'ensemble du territoire français, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par infraction constatée, commençant à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ;
- condamner la société Yili à verser, sous astreinte de 500 euros par jour, dans un délai de huit jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir :
> une provision de 100 000 euros au CIO, et
> une provision de 100 000 euros au COJO ;
- se réserver la liquidation des astreintes ;
- condamner la société Yili à payer en application de l'article 700 code de procédure civile 25 000 euros au CIO, et 25 000 euros au COJO ;
- condamner la société Yili aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Géraldine Arbant et Me Julien Blanchard, avocats, en application de l'article
699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées le 6 août 2024 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la société Yili demande au juge des référés de :- la recevoir en ses présentes conclusions, l'y déclarer bien fondée,
- avant toute défense au fond
> dire et juger que l'assignation ne comporte pas l'objet des demandes du CIO et du COJO
> prononcer la nullité de l'assignation
- à titre principal,
> dire et juger que la procédure méconnaît le principe du contradictoire et viole ses droits de la défense
> prononcer la nullité de l'assignation
- à titre subsidiaire,
> dire et juger que ni l'urgence, ni un trouble manifestement illicite ne sont caractérisés,
> dire et juger que les demandes de provision se heurtent à une contestation sérieuse,
> renvoyer les demandeurs à se pourvoir au fond, compte tenu du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés
- en tout état de cause, condamner le CIO et le COJO à lui payer 10 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIVATION
1. Sur la nullité de l'assignation
Moyens des parties
La société Yili invoque la nullité de l'assignation, faute de lui avoir été transmise intégralement, en particulier du fait que manquait à la copie transmise trois pages contenant les demandes proprement dites contenues dans le dispositif de l'assignation. Selon elle, la nullité est de forme, mais lui cause grief compte tenu qu'elle n'a pas été en mesure avant le 5 août de déterminer les demandes précises qui lui sont adressées. Elle ajoute que les demandeurs ne démontrent pas que l'acte officiel d'assignation lui a été transmis de manière complète, ni qu'elle ait été touchée par cet acte officiel.
Elle soutient également n'avoir pas disposé d'un temps suffisant pour se défendre compte tenu que l'assignation lui a été délivrée le 1er août avec des pages manquantes tant dans sa version française que dans sa traduction en chinois et qu'aucune pièce ne démontre qu'elle a été informée des demandes présentées contre elle avant la date de l'audience. Elle estime que le caractère constitutionnel du principe de la contradiction prime sur l'urgence liée au déroulement des épreuves des jeux olympiques, outre qu'aucune urgence n'est établie, les faits reprochés étant anciens.
Le CIO et le COJO opposent que seules deux pages manquent à la communication de l'assignation en français faite entre avocats, antérieurement à la délivrance officielle de l'assignation par voie d'huissier, tandis que seule la page 22, qui est présente dans la version française, manque dans la version traduite en chinois. Ils ajoutent que l'acte de signification transmis aux autorités chinoises est complet, les documents involontairement transmis de manière incomplète n'étant que des communications de courtoisie opérées en amont de la procédure officielle.
Ils objectent que des échanges antérieurs à l'assignation permettaient à la société Yili de connaître les faits et arguments qui lui sont reprochés, que le délai maximal d'une semaine prévu pour la transmission des assignations à heure indiquée a été accordé à la société Yili compte tenu de l'urgence tenant aux faits se déroulant au cours des épreuves des jeux olympiques et qu'en conséquence la société Yili a disposé du temps nécessaire à la préparation de sa défense.
Réponse du juge des référés
1.1 S'agissant du moyen tiré de la nullité de l'assignation en raison de son caractère incomplet
L'article
54 du code de procédure civile prévoit que la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.A peine de nullité, la demande initiale mentionne : (…) 2° L'objet de la demande (…).
L'article 55 du même code définit l'assignation comme l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge.
L'article 56 du même code dispose que l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 : (…) 2° Un exposé des moyens en fait et en droit (…).
Par application des articles 485 et 750 du même code la demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés.Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d'assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés.
Aux termes de l'article 684 alinéa 1 du même code, l'acte destiné à être notifié à une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger est remis au parquet, sauf dans les cas où un règlement européen ou un traité international autorise le commissaire de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l'État de destination.
Selon l'article 3 de la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, applicable à la partie défenderesse établie en Chine, l'autorité ou l'officier ministériel compétents selon les lois de l'Etat d'origine adresse à l'Autorité centrale de l'Etat requis une demande conforme à la formule modèle annexée à la présente Convention, sans qu'il soit besoin de la légalisation des pièces ni d'une autre formalité équivalente.La demande doit être accompagnée de l'acte judiciaire ou de sa copie, le tout en double exemplaire.
Au cas présent, le CIO et le COJO ont remis, le 6 août à 11h37 par voie électronique et à l'ouverture de l'audience à 14h00, au greffe de la juridiction le second original délivré par l'huissier à l'autorité requise dont les coordonnées figurent en annexe à la Convention du 15 novembre 1965 précitée.
Cet acte permet de constater que les 49 pages de l'assignation en français, de même que les 41 pages de la traduction en chinois figurent à l'acte.
Dès lors, le moyen selon lequel l'assignation saisissant la juridiction et signifié à la société Yili serait incomplète manque en fait.
La circonstance qu'antérieurement à cette transmission le CIO et le COJO ait transmis à l'un des avocats identifiés par eux comme représentant la société Yili, un exemplaire incomplet de l'assignation est inopérant.
Le moyen tiré de la nullité de l'assignation en raison de son caractère incomplet sera, en conséquence, écarté.
1.2 S'agissant du moyen tiré de la nullité de l'assignation en raison du non respect du principe de la contradiction
L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Aux termes de l'article
15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En vertu de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Selon l'article 688 du même code, la juridiction est saisie de la demande formée par assignation par la remise qui lui est faite de l'acte complété par les indications prévues à l'article 684-1 ou selon le cas, à l'article 687-1, le cas échéant accompagné des justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire.S'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies :
1° L'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlement européen ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 à 687 ;
2° Un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ;
3° Aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis.
Le juge peut prescrire d'office toutes diligences complémentaires, notamment donner commission rogatoire à toute autorité compétente aux fins de s'assurer que le destinataire a eu connaissance de l'acte et de l'informer des conséquences d'une abstention de sa part.
Toutefois, le juge peut ordonner immédiatement les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires à la sauvegarde des droits du demandeur.
En l'occurrence, en premier lieu, les demandes du CIO et du COJO présentant un caractère provisoire et étant fondées sur l'urgence d'une atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle et sur les propriétés olympiques, la circonstance qu'ils n'établissent pas que la société Yili a été destinataire de l'assignation est inopérant.
En deuxième lieu, le bref délai entre la délivrance de l'assignation et l'audience se justifie compte tenu des allégations du CIO et du COJO relatives à des atteintes à leurs droits sur leurs marques et sur les propriétés olympiques commises par la société Yili au cours des premières épreuves des jeux olympiques s'étant déroulées entre le 24 et le 30 juillet 2024.
En troisième lieu, si la société Yili prétend ne pas avoir disposé d'un temps suffisant pour se défendre, force est de constater qu'elle est représentée à l'audience, qu'elle y a présenté une défense et qu'elle n'a fait état d'aucun empêchement que ce bref délai lui a causé pour s'opposer aux demandes ou produire des pièces.
Le moyen tiré de la nullité de l'assignation en raison du non respect du principe de la contradiction sera, en conséquence, écarté.
2. Sur les demandes au titre du trouble manifestement illicite et du dommage imminent
Moyens des parties
Le CIO et le COJO reprochent à la société Yili de porter atteinte à leurs marques et aux propriétés olympiques reproduites sans autorisation, de commettre des actes de parasitisme constitutifs de troubles manifestement illicites et de générer des dommages imminents qu'il convient de prévenir. Ils font valoir concernant les propriétés olympiques, que les anneaux olympiques du CNO Chinois sont reproduits dans l'entête des comptes des réseaux sociaux de la société Yili, que les affiches officielles des jeux olympiques sont imitées, ainsi que l'emblème officiel des Jeux de [Localité 7] 2024 sur le site de la société Yili dans des publications et vidéos. Ils estiment que ces utilisations, à des fins commerciales, constituent des troubles manifestement illicites, auxquelles il convient de mettre fin. Concernant l'utilisation des marques enregistrées, qui pour certaines constituent également des propriétés olympiques, ils estiment que la société Yili reprend les signes, notamment la marque de l'UE n°002970366 représentant les anneaux olympiques, sur des bus circulant dans [Localité 7] et sur des supports publicitaires publiés sur ses réseaux sociaux sans autorisation pour les produits et services identiques à ceux des institutions olympiques à savoir des produits laitiers. Ils soutiennent que les anneaux olympiques jouissent par ailleurs d'une renommée internationale du fait de la notoriété des jeux olympiques et que la société Yili tire indûment profit de la renommée de la marque européenne protégée.
En outre, les demandeurs reprochent à la société Yili certains agissements parasitaires par la réalisation de spectacles éphémères à proximité immédiate des boutiques officielles du COJO, des publicités et opérations promotionnelles à l'entrée des sites officiels des jeux olympiques, dans la rue et sur les réseaux sociaux ainsi que la distribution de goodies reproduisant le millésime des jeux olympiques.
La société Yili oppose qu'elle dispose d'un contrat de licence valable jusqu'au 31 décembre 2024 et portant sur les signes qu'elle utilise, le juge des référés n'étant pas compétent pour interpréter les dispositions contractuelles dont il est prétendu qu'elles seraient outrepassées.
Réponse du juge des référés
2.1 S'agissant du moyen tiré de l'incompétence du juge des référés
L'article
834 du code de procédure civile prévoit que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'interprétation des clauses d'un contrat suppose de trancher une contestation sérieuse qui n'est pas de la compétence du juge des référés (en ce sens Cour de cassation,
). Une contestation est sérieuse lorsque, pour justifier la mesure sollicitée, le juge est contraint de trancher une question de fond (voir en ce sens, par analogie, Cour de cassation,
).
En l'espèce, la société Yili fonde sa défense sur le contrat du 28 août 2017 qu'elle a conclu, en vue des jeux olympiques d'hiver de Pékin 2022, avec le Comité d'organisation de Beijing 2022.
Ainsi, tant le CIO que le COJO sont tiers à ce contrat, dès lors qu'ils sont l'un et l'autre des personnes juridiques distinctes du Comité précité.
La société Yili est, de ce fait, mal fondée à leur opposer une qulconque clause de ce contrat, totalement étranger aux jeux olympiques de [Localité 7] 2024.
Le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés sera, dès lors, écarté.
2.2 S'agissant de la vraisemblance des atteintes alléguées aux marques invoquées
L'article L.713-2, 1° du code de la propriété intellectuelle interdit sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée (…).
L'article
L.716-4-6 du même code dispose que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
L'article 9.2 du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.
L'article
L.717-1 du code de la propriété intellectuelle précise que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et
15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne.
En l'espèce, le CIO et le COJO établissent par plusieurs procès-verbaux de constat que la société Yili utilise les marques enregistrées détenues par le CIO et le COJO. En effet, la société Yili reproduit le signe des anneaux olympiques en cinq couleurs sur des bus circulant dans [Localité 7], mais également sur ses comptes de réseaux sociaux (pièce n°16, procès-verbal de constat du 13 juin 2024 ; pièce n°17, procès-verbal de constat du 14 juin 2024 ; pièce n°20, procès-verbal de constat du 19 juillet 2024). Ce signe reproduit à l'identique la marque de l'UE n°002970366 du CIO constituée par ces anneaux olympiques (pièce n°3).
Ce signe est utilisé par la société Yili pour promouvoir des produits et services identiques à ceux couverts par la marque n°002970366 dans les classes 29,35 et 38 c'est-à-dire les produits laitiers, des services de publicité, de diffusion d'annonces publicitaires et de télécommunications.
Ainsi, un risque de confusion existe entre les produits et services visés à l'enregistrement de la marque n°002970366 et ceux pour lesquels la société Yili utilise le même signe. Il en résulte la vraisemblance de contrefaçon de la marque de l'UE n°002970366.
La société Yili utilise le signe figuratif :
Elle en fait usage sur des bus circulant dans [Localité 7], mais également sur ses comptes de réseaux sociaux (pièce n°20 procès-verbal de constat du 19 juillet 2024). La comparaison des signes avec les marques invoquées fait apparaître une grande similitude sur les plans visuel et conceptuel avec les marques de l'UE figurative n°018808689, semi-figurative n°1527944 et française n°4702624 et n°4693482. Visuellement on retrouve les traits ronds et simples du visage des marques déposées, la couleur de la bouche identique à celle des cheveux et l'absence d'autres traits sur le visage. D'un point de vue conceptuel, le signe et les marques renvoient à un même visage féminin stylisé évoquant à la fois la flamme olympique et Marianne, la volonté d'utiliser un signe rappelant les jeux olympiques de [Localité 7] 2024 s'en déduisant pour la société Yili.
Ce signe est utilisé par la société Yili pour promouvoir des produits et services identiques à ceux couverts par les marques précitées dans les classes 35 et 38, c'est-à-dire les produits laitiers, des services de publicité, de diffusion d'annonces publicitaires et de télécommunications.
Ainsi, un risque de confusion existe entre les produits et services couverts par ces marques et ceux pour lesquels la société Yili utilise un signe similaire. Il en résulte la vraisemblance de contrefaçon des marques de l'UE figurative n°018808689, semi-figurative n°1527944 et françaises n°4702624 et n°4693482.
La société Yili utilise également le signe :
Elle en fait usage en arrière plan de supports promotionnels sur ses réseaux sociaux (pièce n°16 procès-verbal de constat du 13 juin 2024). La comparaison des signes en litige fait apparaître une similitude sur les plans visuel et conceptuel entre ce signe et les marques de l'UE figurative n°018808689, semi-figurative n°1527944 et française n°4702624 et n°4693482. Visuellement, l'utilisation de la flamme dans le logo de la société Yili est centrale tout comme dans les marques précitées. D'un point de vue conceptuel, le signe et les marques renvoient à la flamme olympique, la volonté d'utiliser un signe rappelant les jeux olympiques de [Localité 7] 2024 s'en déduisant pour la société Yili.
Ce signe est utilisé par la société Yili pour promouvoir des produits et services identiques à ceux couverts par les marques précitées dans les classes 35 et 38, c'est-à-dire des services de publicité, de diffusion d'annonces publicitaires et de télécommunications.
Ainsi, un risque de confusion existe entre les produits et services couverts par ces marques et ceux pour lesquels la société Yili utilise un signe similaire. Il en résulte la vraisemblance de contrefaçon des marques de l'UE figurative n°018808689, semi-figurative n°1527944 et françaises n°4702624 et n°4693482.
2.3 S'agissant des atteintes alléguées aux propriétés olympiques
L'article 7.4 de la Charte olympique prévoit que le symbole, le drapeau, la devise, l'hymne, les identifications (y compris, mais sans s'y restreindre, "Jeux Olympiques" et "Jeux de l'Olympiade"), les désignations, les emblèmes, la flamme et les flambeaux (ou les torches) olympiques, tels que définis aux Règles 8-14 ci-dessous, ainsi que toute œuvre musicale ou audiovisuelle, création ou objet commandes en relation avec les Jeux Olympiques par le CIO, les CNO et/ou les COJO pourront, par commodité, être collectivement ou individuellement désignés par l'expression "Propriétés Olympiques". L'ensemble des droits sur les Propriétés Olympiques, ainsi que tous les droits d'usage y relatifs, sont la propriété exclusive du CIO, y compris, mais sans s'y restreindre, en ce qui concerne leur usage à des fins lucratives, commerciales ou publicitaires. Le CIO peut céder une licence sur tout ou partie de ses droits aux termes et conditions fixes par la commission exécutive du CIO.
Selon l'article
L.141-5 du code du sport : I.- Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux. Il est également dépositaire :
1° Des emblèmes, du drapeau, de la devise et du symbole olympiques ;
2° De l'hymne olympique ;
3° Du logo, de la mascotte, du slogan et des affiches des jeux Olympiques ;
4° Du millésime des éditions des jeux Olympiques "ville + année", de manière conjointe avec le Comité paralympique et sportif français ;
5° Des termes "jeux Olympiques", "olympisme" et "olympiade" et du sigle "JO" ;
6° Des termes "olympique", "olympien" et "olympienne", sauf dans le langage commun pour un usage normal excluant toute utilisation de l'un d'entre eux à titre promotionnel ou commercial ou tout risque d'entraîner une confusion dans l'esprit du public avec le mouvement olympique.
II.- Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d'imiter, d'apposer, de supprimer ou de modifier les éléments et les termes mentionnés au I ou leurs traductions, sans l'autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles
L.716-9 à
L.716-13 du code de la propriété intellectuelle.
III.- Par exception au II et pour les faits commis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2024, les droits et actions découlant du présent article sont exercés par le comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques pour son propre compte. Toutefois, le Comité national olympique et sportif français peut se joindre à toute procédure ou instance afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.
Ce texte institue un régime de protection autonome (Com., 15 septembre 2009, n°08-15.418) et interdit notamment de reproduire ou modifier les emblèmes, devise, hymne, symboles et termes qu'il vise, des fins autres que d'information ou de critique, sans l'autorisation du comité national olympique sportif français et caractérise la qualité à agir du COJO dans la présente instance.
En l'espèce, un procès-verbal de constat du 13 juin 2024 (pièce n°16 des demandeurs) établit que la société Yili a diffusé sur ses réseaux sociaux des affiches imitant les affiches officielles des jeux olympiques de [Localité 7] 2024. Les photographies et images diffusées par la société Yili reprennent les mêmes codes visuels que l'affiche officielle avec un style festif, coloré, luxuriant, reprenant les symboles de la ville de [Localité 7] avec les grands monuments de la capitale représentés.
Ainsi, la société Yili, par l'imitation de l'affiche officielle des jeux olympiques de [Localité 7] 2024, a porté atteinte aux propriétés olympiques du CIO.
Un procès-verbal de constat du 14 juin 2024 (pièce n°17 des demandeurs) met en avant la diffusion de publications par la société Yili sur leurs réseaux sociaux reprenant la flamme olympique qui est elle-même intégrée à l'emblème officiel des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 (pièce n°7 des demandeurs).
La flamme de la société Yili, intégrée dans un cercle bleu, reprend la forme simple et schématique à l'identique de la flamme olympique, dans une couleur différente.
Ainsi, la publication de la société Yili fait référence par imitation à la flamme olympique qui est une propriété olympique alors qu'elle ne justifie pas y être autorisée.
Un procès-verbal de constat du 19 juillet 2024 (pièce n°20 en demande) relève qu'une publication de la société Yili reproduit l'emblème officiel des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 composé d'un dessin Marianne, des termes "[Localité 7] 2024" et des anneaux olympiques. De plus l'emblème est également imité de manière isolée (pièce n°20 en demande) ; le visage du dessin de Marianne est repris dans une autre publication pour être associé à un corps et ainsi représenter un personnage.
Cette publication de la société Yili reproduit ou imite l'emblème officiel des jeux olympiques de [Localité 7] 2024, alors qu'elle ne justifie pas y être autorisée.
Le procès-verbal de constat du 19 juillet 2024 (pièce n°20, vidéo) établit que la société Yili a également imité la Marianne qui fait partie de l'emblème officiel des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 dans une vidéo en la personnifiant. Cette vidéo qui promeut des produits et services de la société Yili, fait apparaître par la suite une nouvelle imitation du dessin de la Marianne avec des traits similaires : visage rond, petite bouche de même couleur que les cheveux.
Ainsi, la publication de la vidéo par la société Yili fait référence par imitation à une propriété olympique, alors qu'elle ne justifie pas y être autorisée.
L'ensemble constitue des atteintes vraisemblables aux propriétés olympiques dont les droits sont détenus par le CIO et la COJO.
2.4 S'agissant des actes allégués de concurrence déloyale
L'article
1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation,
).
La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (en ce sens Cour de cassation,
).
L'article
L.121-1 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles
L.121-2 à L.121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L.121-6 et L.121-7.
L'article
L.121-2 du code de la consommation précise qu'une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; […].
La violation de ces dispositions peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, car le non-respect d'une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent (en ce sens Cour de cassation,
).
L'article 3 alinéa 1 de la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française dispose que toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française.
Par ailleurs, le parasitisme est défini comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation,
).
Sur le fondement du parasitisme sont sanctionnées certaines pratiques de "marketing d'embuscade" qui se caractérisent par la concomitance entre des opérations commerciales et le déroulement des jeux olympiques, ainsi que l'utilisation de références aux symboles olympiques dans le cadre de celles-ci.
Au cas présent, la société Yili ne conteste pas la forte attractivité des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 et la valeur économique individualisée qu'ils représentent. Le choix de faire défiler des bus reproduisant les anneaux olympiques à [Localité 7] et pendant la période des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 en dehors de tout accord commercial avec le CIO ou le COJO relève du parasitisme.
De plus, le CIO et le COJO démontrent que des mascottes ont été présentées sur les réseaux sociaux de la défenderesse, avec comme fond la reprise des logos reproduisant les propriétés olympiques et l'exposition de ces mascottes devant les monuments historiques (pièce n°21 et 22 des demandeurs, procès-verbaux de constat des 19 et 23 juillet 2024), avant d'être distribuées aux abords des sites de compétition. En outre, des affiches publicitaires en langue chinoise ont été déployées dans les rues de [Localité 7] à l'effigie des athlètes de la délégation chinoise (pièce n°23 des demandeurs, procès-verbal de constat du 23 juillet 2024). Ces affiches ont été exposées dans des zones très touristiques telles que l'Opéra de [Localité 7], et n'ont pas respecté l'obligation légale d'employer la langue française.
Ces éléments démontrent une volonté de la société Yili de se placer dans le sillage des jeux olympiques de [Localité 7] 2024 et de bénéficier de leur notoriété sans bourse délier. Ces agissements doivent en conséquence être regardés comme constituant des pratiques commerciales déloyales et des actes de parasitisme.
3. Sur les mesures sollicitées
En application de l'article
L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
L'article
835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, la vraisemblance des atteintes aux droits du CIO et du COJO sur les marques invoquées, sur les propriétés olympiques, de même que les actes de parasitisme précédemment caractérisés justifient d'interdire à la société Yili la poursuite de l'usage de ces signes et le retrait des communications sur les réseaux sociaux accessibles depuis le territoire français. La poursuite de ces actes malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées justifie le prononcé d'une astreinte dans les termes du dispositif.
Afin d'évaluer le préjudice résultant de ces atteintes, il convient de tenir compte de leur nombre, de leur caractère réitéré malgré les mises en demeure, de la proximité temporelle des jeux olympiques, de leur commission aux abords des sites olympiques, de la banalisation de l'usage du symbole et du millésime des jeux faisant l'objet d'une protection et de la dilution de ses signes protégés. Au regard de ces éléments, le préjudice subi du fait des différentes atteintes relevées, doit être indemnisé par l'allocation d'une somme provisionnelle de 50 000 euros à chacun des demandeurs.
Ces mesures assurant suffisamment la protection des droits des demandeurs, le surplus des demandes sera rejeté.
4 - Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article
696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
Selon l'article 699 du même code, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.
L'article
700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
La société Yili, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens.
La société Yili, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer 10 000 euros au CIO et 10 000 euros au COJO à ce titre.
4.2 - S'agissant de l'exécution provisoire
En application de l'article
514-1 du code de procédure civile, par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en premier ressort :
Rejette la demande de la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd en nullité de l'assignation ;
Interdit à la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd de faire usage, à compter du 9 août 2024 et sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard, de quelque manière que ce soit, des signes litigieux visés dans la décision et constituant une contrefaçon vraisemblable des marques de l'UE figuratives n°002970366, n°018808689, semi-figurative n°1527944 et françaises figurative n°4702624 et semi-figuratives n°4693482 et n°4862037 ;
Interdit à la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd de faire usage, à compter du 9 août 2024 et sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard, de quelque manière que ce soit, des signes litigieux visés dans la décision et constituant une atteinte aux propriétés olympiques ;
Ordonne à la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd, à compter du 9 août 2024 et sous astreinte de 20 000 euros par infraction constatée, le retrait de toute communication, publicité ou produit, notamment les mascottes, reproduisant les signes litigieux visés dans la décision, en France ou accessible depuis le territoire français ;
Se réserve la liquidation des astreintes ;
Condamne la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd à verser 50 000 euros au Comité international olympique et 50 000 euros à l'association [Localité 7] 2024 Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques à titre provisionnel ;
Déboute le Comité international olympique et l'association [Localité 7] 2024 Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd aux dépens, avec droit pour Maîtres Géraldine Arbant et Julien Blanchard, avocats au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont ils ont fait l'avance sans recevoir provision ;
Condamne la société Inner Mongolia Yili Industrial Group Co., Ltd à payer 10 000 euros au Comité international olympique et 10 000 euros à l'association [Localité 7] 2024 Comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 08 août 2024
Le Greffier, Le Président,
Marion COBOS Jean-Christophe GAYET