Cour de cassation, Chambre sociale, 5 avril 2006, 04-45.205

Mots clés
contrat • société • préjudice • procès • qualification • pourvoi • pouvoir • réel • revirement

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
5 avril 2006
Cour d'appel de Versailles (5e chambre B)
8 avril 2004
Cour de cassation
10 juillet 2002

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    04-45.205
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au recueil Lebon - Inédit au bulletin
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour de cassation, 10 juillet 2002
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000007494857
  • Identifiant Judilibre :61372485cd58014677416306
  • Président : Mme MAZARS conseiller
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Résumé

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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que Mme X... a été engagée en qualité de responsable commerciale par la société Miller Freeman, devenue Reed organisation, qui exerce une activité internationale d'organisation de salons professionnels ; qu'elle était affectée depuis son embauche aux salons "Mode enfantine" et "Monde de l'enfant" ; que son contrat de travail contenait une clause de non-concurrence, non assortie d'une contrepartie financière, selon laquelle elle s'engageait à ne pas exercer des fonctions similaires dans une entreprise exerçant une activité similaire ou concurrente à celle des salons "Mode enfantine" et "Monde de l'enfant" ; que son employeur ayant cedé les fonds de commerce de ces deux salons, la société Miller Freeman a proposé à Mme X... un poste au sein d'une équipe chargée du lancement d'un salon du sport et de signer un avenant à son contrat de travail modifiant la clause de non-concurrence ; que Mme X... ayant fait valoir que la proposition était imprécise et sollicité des informations, a été licenciée le 6 avril 2000 pour faute grave pour avoir refusé de remplir les fonctions de son contrat de travail, mis en doute la validité du projet de l'employeur de créer un nouveau salon et refusé de signer l'avenant ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture alors, selon le moyen : 1 / que sauf abus ou intention dolosive de sa part, l'employeur n'est pas astreint à une obligation de fourniture de travail constante et régulière et qu'une suspension momentanée et justifiée de cette obligation ne constitue pas une faute ; qu'au cas présent, l'absence de fourniture de tâches précises à Mlle X... pour une durée limitée, et justifiée par l'existence d'une période de transition entre deux postes de travail, ne pouvait constituer une modification de son contrat de travail ni une faute de l'employeur ;

qu'en décidant

le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 120-4, L. 121-1 et L. 122-4 du Code du travail ; 2 / qu'une nouvelle affectation, dès lors qu'elle correspond à la qualification du salarié, ne caractérise pas une modification du contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail ressortissant du pouvoir de direction de l'employeur, de sorte que prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 121-1, L. 122-40 du Code du travail et 1134 du Code civil, la cour d'appel qui, tout en relevant que la qualification de Mlle X... était demeurée inchangée, s'abstient de préciser en quoi ses nouvelles fonctions n'entraient pas dans ses compétences ; 3 / qu'en se déterminant par la considération que le poste proposé à Mlle X... "ne recouvrait aucune réalité dans la mesure où le salon du sport n'était qu'au stade de projet" et que ce poste aurait eu un "caractère fictif", sans rechercher s'il n'entrait précisément pas dans les attributions de cette "responsable commercial" de participer à la conception dudit projet (cf lettre du 24 février 2000), ce qui lui interdisait d'opposer à l'employeur l'imprécision de son affectation sans se livrer à une exécution déloyale de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 121-1 et L. 122-4 du Code du travail ; 4 / que, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement, le juge doit se placer à la date dudit licenciement, de sorte qu'au cas présent, en se déterminant par la considération selon laquelle le projet litigieux n'avait en définitive "jamais été concrétisé", circonstance qui n'avait pu être vérifiée que postérieurement au licenciement de Mme X..., pour déclarer celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-14-2, L. 122-14-3 du Code du travail ; 5 / que l'avenant au contrat de travail proposé à Mme X... dont le seul objet et le seul effet était d'adapter le champ d'activité d'une clause de non-concurrence préexistante pour la faire correspondre au nouveau domaine d'activité de la salariée ne réalise aucune modification de son contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 120-4, L. 121-1 et L. 122-4 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que sans constater une simple suspension momentanée de la fourniture de travail, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que le poste proposé à Mme X... ne recouvrait aucune réalité et qui a exactement énoncé que l'extension du champ d'activité de la clause de non-concurrence constituait également une modification du contrat de travail, a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, légalement justifié sa décision sans avoir à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ;

Sur le second moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme X... une somme à titre d'indemnité pour respect d'une clause de non-concurrence illicite alors, selon le moyen : 1 / que l'application immédiate, à une instance en cours, d'une nouvelle règle jurisprudentielle, apparue pendant cette instance et dont la mise en oeuvre est susceptible de modifier l'issue du litige, porte atteinte au droit au procès équitable reconnu par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au cas d'espèce, a donc méconnu ce texte la cour d'appel qui a déclaré illégale une clause de non-concurrence stipulée dans un contrat de travail signé le 20 avril 1998 pour la seule raison que cette clause méconnaissait une règle issue d'un revirement de jurisprudence intervenu en 2002 ; 2 / qu'il en est d'autant plus ainsi que la clause de non-concurrence en cause, stipulée pour une durée de deux ans à compter du licenciement, intervenu en avril 2000, avait épuisé ses effets en avril 2002, de sorte que, sauf à méconnaître le droit à un procès équitable, la cour d'appel ne pouvait apprécier sa légalité à l'aune d'une jurisprudence nouvelle apparue après cette dernière date ; 3 / qu'est nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit pas de contrepartie financière ou qui ne précise pas le montant de la contrepartie financière ni les modalités de son versement ; que le contrat de travail de Mme X... contenait une clause de non-concurrence ne comportant aucune contrepartie financière ("Après cessation du présent contrat et pendant un délai de deux ans, Mme Patricia X... s'engage à ne pas exercer de fonctions similaires, à quelque titre que ce soit, dans une entreprise exerçant une activité similaire ou concurrente à celle des salons Mode enfantine, Monde de l'enfant. Cette clause est applicable sur l'ensemble de la France métropolitaine. en cas de non respect de cette clause, la société se réserve la faculté de demander le versement d'une indemnité au moins égale à la rémunération qui aurait été versée à Mme Patricia X... pendant la période, de non-concurrence définie au premier alinéa s'il avait, pendant cette période, travaillé pour la société") ; que si le salarié qui a respecté une clause de non concurrence nulle a droit à l'indemnisation du préjudice qu'il a pu subir de ce fait, viole les articles 1134 et 1146 et suivants du Code civil l'arrêt qui, au lieu d'une indemnisation de son préjudice, accorde à Mme X... une contrepartie financière non prévue au contrat et rendant a posteriori licite la clause de non-concurrence litigieuse ;

Mais attendu

, d'une part, que l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle ; que, loin de violer les textes visés au moyen et notamment l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel en a fait une exacte application en décidant que cette exigence était applicable même si la clause avait reçu application avant l'arrêt de la Cour de Cassation du 10 juillet 2002 ; Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a souverainement fixé le montant du préjudice subi du fait que l'employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Reed organisation anciennement dénommée Miller Freeman organisation aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.