Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2018, 2017/00133

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2017/00133
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : 001679317-0001 ; 001802513-0001
  • Parties : CÉLINE SA / FOREVER 21 FRANCE SAS ; F21 E- COMMERCE BV (Pays-Bas) ; FOREVER 21 INC (États-Unis)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 15 décembre 2016
  • Président : Monsieur David PEYRON
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2018-12-18
Tribunal de grande instance de Paris
2016-12-15

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS

ARRÊT

DU 18 décembre 2018 Pôle 5 - Chambre 1 (n°169/2018, 18 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00133 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2KCF Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/04859 APPELANTE La société CÉLINE SA Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 572 034 361, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [...] 75002 PARIS Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me Julien B de la SELARL CANDÉ - B - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265 INTIMÉES La société FOREVER 21 FRANCE, S.A.S., Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 533 942 835 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [...] 75008 PARIS Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assistée de Me Romain VIRET substituant Me Marina C de la LLP SIMMONS & SIMMONS avocats au barreau de PARIS, toque : J031 La société F21 E-COMMERCE BV, Société de droit des Pays Bas Immatriculée auprès de la chambre de commerce de BREDA sous le numéro 51000164 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Westbroek 64-66 4822 ZW BREDA PAYS-BAS Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assistée de Me Romain VIRET substituant Me Marina C de la LLP SIMMONS & SIMMONS avocats au barreau de PARIS, toque : J031 La société FOREVER 21 INC, Société de droit américain Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 3880 N. Mission Road LOS ANGELES - CALIFORNIE - CA 90031 ETATS UNIS D'AMÉRIQUE Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assistée de Me Romain VIRET substituant Me Marina C de la LLP SIMMONS & SIMMONS avocats au barreau de PARIS, toque : J031 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur David PEYRON, Président de chambre Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère M. François THOMAS, Conseiller qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRÊT : •contradictoire •par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. •signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE La société CELINE, immatriculée au registre du commerce de Paris, exerce principalement son activité dans le domaine de la création, la fabrication et la commercialisation de produits vestimentaires et de maroquinerie de luxe. Elle indique que depuis 2008, la direction artistique a été confiée à Madame Phoebe P, laquelle aurait radicalement renouvelé l'esprit de la Maison CÉLINE autour d'un minimalisme à la fois chic et moderne. FOREVER 21 est une chaîne de magasins de vêtements et accessoires d'origine américaine présente dans le monde entier. Les produits commercialisés par FOREVER 21 sont distribués dans le monde par la société américaine FOREVER 21 Inc. établie en Californie, aux États-Unis. En France, les produits FOREVER 21 sont distribués par la société FOREVER 21 FRANCE à travers un réseau de magasins. Le site Internet marchand www.forever21.com, sur lequel peuvent être achetés, notamment en France, les articles FOREVER 21, est exploité par la société de droit néerlandais F21 E-COMMERCE. Ces trois entités seront ci-après désignées les sociétés FOREVER 21. Le litige porte sur deux sacs pour lesquels la société CÉLINE est titulaire de modèles communautaires et sur trois autres sacs qu'elle commercialise mais sur lesquels elle ne revendique pas de droit de propriété intellectuelle : - le modèle communautaire portant sur le sac à main LUGGAGE, enregistré le 9 mars 2010, auprès de l'OHMI devenu EUIPO, sous le numéro 001679317-0001 dont la représentation se présente comme suit : - le modèle communautaire portant sur le sac à main TRAPEZE enregistré le 7 janvier 2011, auprès de l'OHMI devenu EUIPO, sous le numéro 001802513-0001 et dont une des reproductions se présente comme suit : Par ailleurs la société CÉLINE indique commercialiser trois sacs se présentant comme suit : - le sac CABAS commercialisé depuis sa collection printemps - été 2010 : - le sac TRIO commercialisé depuis sa collection printemps - été 2010 : - le sac LUGGAGE PHANTOM commercialisé depuis sa collection automne - hiver 2011 : La société CELINE reproche aux sociétés FOREVER 21, d'une part, la contrefaçon de ses deux modèles déposés LUGGAGE et TRAPEZE - chacun de ces deux modèles étant, selon elle, contrefait par deux sacs des sociétés FOREVER 21 - et, d'autre part, la copie de ses sacs CABAS, TRIO et LUGGAGE PHANTOM par quatre sacs des sociétés FOREVER 21 (dont deux sont aussi argués de contrefaçon de modèle), actes constitutifs, selon elle, de concurrence déloyale et parasitaire (soit au total, six sacs FOREVER 21 incriminés). La société CELINE a fait constater les faits reprochés par plusieurs constats d'achats effectués sur internet et en boutique entre le mois de septembre 2014 et le mois de février 2015. Le 19 février 2015, après avoir été autorisée par une ordonnance présidentielle rendue sur requête, la société CELINE a fait pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société FOREVER 21 FRANCE, sis [...] (8ème). L'huissier instrumentaire a constaté la vente d'un sac référencé 98608 avec une terminaison 031 pour le coloris taupe, 041 pour le coloris noir et 029 pour le coloris blanc et a procédé à l'achat d'un sac taupe et d'un sac noir pour le prix de 27,50 euros chacun. Par actes des 19 et 30 mars 2015, la société CELINE a fait assigner les sociétés FOREVER 21 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de dessins et modèles communautaires et en concurrence déloyale. Par jugement du 15 décembre 2016, le tribunal a notamment : •rejeté les demandes d'annulations des deux modèles de la société CELINE enregistrés à l'OHMI devenu EUIPO sous les numéros 001679317-0001 et 001802513-0001, •dit que les trois sociétés FOREVER 21 ont commis des actes de contrefaçon du modèle communautaire n°001802513-0001 (modèle TRAPEZE), en représentant sur leurs sites, en mettant sur le marché, en offrant à la vente et en vendant le sac FOREVER 21 référencé 82697, •débouté la société CELINE de ses autres demandes fondées sur la contrefaçon et sur la concurrence déloyale et parasitaire, • condamné in solidum les sociétés FOREVER 21 à payer à la société CELINE une somme totale de 9 000 euros en réparation de son préjudice pour les faits de contrefaçon retenus, • fait interdiction aux sociétés FOREVER 21 de poursuivre la commercialisation des sacs jugés contrefaisants et ce, sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée, 15 jours après la signification du jugement, •débouté la société CELINE de sa demande de publication et de ses autres demandes, •condamné in solidum les sociétés FOREVER 21 aux dépens ainsi qu'au paiement à la société CELINE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais de constats et de saisie-contrefaçon, •ordonné l'exécution provisoire. Le 27 décembre 2016, la société CELINE a interjeté appel de ce jugement. Dans ses dernières conclusions transmises le 7 mai 2018, la société CELINE demande à la cour : • d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il : • a rejeté les demandes d'annulation de ses modèles 001679317-0001 et 001802513-0001, • a jugé que les sociétés FOREVER 21 ont commis des actes de contrefaçon du modèle communautaire n°001802513-0001 (modèle TRAPEZE) en représentant sur leurs sites, en mettant sur le marché, en offrant à la vente et en vendant le sac FOREVER 21 n° 82697, • a fait interdiction aux sociétés FOREVER 21de poursuivre la commercialisation des sacs jugés contrefaisants et ce, sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée, 15 jours après la signification du jugement, • s'est réservé la liquidation de l'astreinte, • a condamné in solidum les sociétés FOREVER 21 aux dépens, • a ordonné l'exécution provisoire,

en conséquence

, statuant à nouveau et y ajoutant : • de juger qu'en représentant sur leur site internet, en mettant sur le marché, en offrant à la vente et en vendant les articles référencés 137541, 98608 et 102716, en quelque couleur que ce soit, les sociétés FOREVER 21 ont commis au préjudice de la société CÉLINE des actes de contrefaçon des modèles n° 001679317-001 et n° 001802513-0001, • de juger que les sociétés FOREVER 21ont en outre commis au préjudice de la société CÉLINE des actes de concurrence déloyale et parasitaire, • de leur faire interdiction de poursuivre de tels actes et ce sous astreinte de 5 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, • de leur ordonner de faire procéder, à leurs frais et sous contrôle d'huissier, à la destruction des produits litigieux encore en leurs stocks et ce, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, •de les condamner in solidum à lui verser les sommes suivantes : •2 163 901 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice économique subi du fait des actes de contrefaçon, • 300 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon, • 300 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, • 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère dilatoire de leur fin de non-recevoir formée pour la première fois en cause d'appel, et ce conformément aux dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, • d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en entier ou par extraits, avec reproduction des modèles litigieux, dans trois parutions de son choix et ce, aux frais des sociétés FOREVER 21 sans que le coût total de ces publications ne puisse excéder la somme de 20 000 € hors taxes, • d'ordonner la parution de l'arrêt, en entier ou par extraits, sur le site accessible à l'adresse www.forever21.com en page d'accueil en partie haute et immédiatement accessible sans lien hypertexte, avec reproduction des modèles en cause et ce pendant une durée de 30 jours, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard suivant la signification de l'arrêt à intervenir, • de condamner les sociétés FOREVER 21 à lui rembourser les frais de constats, de saisie-contrefaçon du 19 février 2015, de traduction et de signification des actes de procédure, soit la somme totale de 8 570,90 euros, • de condamner les sociétés FOREVER 21 à lui verser la somme de 40 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure, •de se réserver la liquidation des astreintes. Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, transmises le 8 juin 2018, les sociétés FOREVER 21 demandent à la cour : •de confirmer le jugement en ce qu'il a : •dit que les sacs FOREVER 21 n° 137541 et n° 98608 ne constituent pas la contrefaçon du modèle communautaire n° 001679317-0001 (LUGGAGE), •dit que le sac FOREVER 21 n°102716 ne constitue pas la contrefaçon du modèle communautaire n° 001802513-0001 (TRAPEZE), •débouté la société CÉLINE de ses demandes en contrefaçon portant sur les sacs FOREVER 21 n°137541, n° 98608 et n° 102716, •débouté la société CÉLINE de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire, • débouté la société CÉLINE de sa demande de publication et de ses autres demandes, • d'infirmer le jugement en ce qu'il : • a rejeté les demandes reconventionnelles en annulation des modèles communautaires n° 001679317-0001 et n° 001802513-0001, • a jugé qu'elles ont commis des actes de contrefaçon du modèle communautaire n° 001802513-0001 (TRAPEZE) en représentant sur leurs sites, en mettant sur le marché, en offrant à la vente et en vendant le sac FOREVER 21 n° 82697, •les a condamnées in solidum à payer à la société CÉLINE une somme totale de 9 000 euros en réparation de son préjudice pour les faits de contrefaçon retenus, •leur a fait interdiction de poursuivre la commercialisation des sacs jugés contrefaisants et ce, sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée, 15 jours après la signification du jugement, • les a condamnées in solidum aux dépens et au paiement à la société CÉLINE de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais de constats et de saisie-contrefaçon, • ordonné l'exécution provisoire, statuant à nouveau et y ajoutant, à titre principal : •de juger que la société CÉLINE est irrecevable en ses demandes nouvelles au titre des ventes des sacs FOREVER 21 n° 137541, n° 98608, n° 102716, n° 82697, n° 49258623 et n° 99043 réalisées dans les États membres de l'Union européenne autres que la France, •de juger que la société FOREVER 21 n'est pas responsable des ventes des sacs FOREVER 21 n° 137541, n° 98608, n° 102716, n° 82697, n° 49258623 et n° 99043 réalisées sur le territoire de l'Union européenne, • de juger que la société FOREVER 21 FRANCE n'est pas responsable des ventes des sacs FOREVER 21 n° 137541, n° 98608, n° 102716, n° 82697, n° 49258623 et n° 99043 réalisées dans les États membres de l'Union européenne autres que la France, • de juger que la société F21 E-COMMERCE n'est pas responsable des ventes des sacs FOREVER 21 n° 137541, n° 98608, n° 102716, n° 82697, n° 49258623 et n° 99043 réalisées dans les magasins situés sur le territoire de l'Union européenne, ainsi que des ventes en ligne desdits sacs à destination du Royaume-Uni, • de juger que les modèles communautaires n° 001679317-0001 et n° 001802513-0001 sont dépourvus de caractère individuel et de prononcer leur nullité, • de juger que le sac FOREVER 21 n° 82697 ne constitue pas la contrefaçon du modèle communautaire n° 001802513-0001, • de débouter la société CÉLINE de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon portant sur le sac FOREVER 21 n° 82697, à titre subsidiaire, •si la cour devait reconnaître la contrefaçon ou la concurrence déloyale et parasitaire, de juger que la société CÉLINE ne justifie ni de l'existence ni du quantum des préjudices qu'elle allègue que ce soit au titre des actes de contrefaçon ou au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés, à titre très subsidiaire, •si la cour devait reconnaître l'existence d'un préjudice au titre de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale et parasitaire, de réduire le quantum des sommes réclamées par la société CÉLINE, en tout état de cause : • de débouter la société CÉLINE de l'ensemble de ses autres demandes, • de condamner la société CÉLINE à leur verser la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture est du 4 septembre 2018. MOTIFS DE L'ARRET Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ; Sur la contrefaçon des modèles communautaires de la société CELINE Sur la validité des modèles Considérant que les sociétés FOREVER 21 soutiennent que les deux modèles communautaires revendiqués par la société CELINE ne répondent pas aux critères de protection des dessins et modèles communautaires tels qu'énoncés par le règlement n° 6/2002 et le livre V du code de la propriété intellectuelle ; qu'elles arguent que ces modèles sont dépourvus de caractère individuel en ce qu'ils reprennent des caractéristiques déjà connues de l'utilisatrice avertie - en l'espèce, une consommatrice de sacs haut de gamme, qui fait attention à tous les détails contribuant à l'élégance et au caractère luxueux du sac en justifiant le prix -, dont certaines sont de surcroît non protégeables comme étant exclusivement fonctionnelles (fond plat permettant au sac de tenir debout, soufflets latéraux lui permettant de s'ouvrir plus largement, deux anses lui permettant d'être porté à la main, bandoulière permettant d'être porté à l'épaule) ; Que la société CELINE oppose notamment que la plupart des pièces opposées ne sont pas datées ou postérieures à ses modèles, que les antériorités invoquées doivent être envisagées une par une et non globalement, que le caractère individuel d'un modèle peut découler de la combinaison d'éléments qui, pris isolément, pourraient ne pas être protégeables, notamment en raison de leur caractère fonctionnel, et que pour les rares modèles opposés dont l'antériorité est avérée, il s'en dégage une impression visuelle d'ensemble très différente de celle produite par ses deux modèles ; Considérant que l'article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; Qu'en application de l'article 6 § 1 b) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité ; que l'article 6 § 2 indique en outre que pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ; Que par ailleurs, l'article 8 § 1 du même règlement dispose qu'un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ; Considérant que comme en première instance, les sociétés FOREVER 21 ne précisent pas pour chacun des sacs qu'elles invoquent pour demander la nullité des deux modèles de la société CELINE s'ils sont opposés au modèle LUGGAGE ou au modèle TRAPEZE qui ont pourtant une apparence très différente ; Que par ailleurs les sacs opposés par les sociétés FOREVER 21, tels que reproduits en page 19 (sac MICHAEL K) et 20 (5 sacs présentés sous le titre 'Le gang des sacs à oreilles !) de ses écritures, ne sont pas datés ; que ces produits sont donc inopérants pour combattre le caractère individuel de ces modèles enregistrés ; Qu'en l'absence d'éléments nouveaux invoqués en appel, c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a jugé que le modèle communautaire n° 001099220-001 déposé le 6 mars 2009, les modèles français n° 094327-0004 et 094260 déposés respectivement le 14 septembre 2009 et le 8 septembre 2009 et le sac émanant du catalogue des Trois Suisses de la collection automne/hiver 2008-2009 ne provoquent pas une impression globale identique pour la consommatrice avertie, soit une femme (ou, plus rarement, un homme souhaitant offrir un sac à une femme) sensible aux détails des produits de maroquinerie de luxe, que les modèles LUGGAGE et TRAPEZE de la société CELINE et ne sont donc pas destructeurs du caractère individuel, ni de la nouveauté, de ces deux modèles ; Qu'il sera ajouté que, comme le souligne la société CELINE, les caractéristiques des modèles LUGGAGE et TRAPEZE tenant à la forme à fond plat, aux soufflets latéraux, aux deux anses permettant un porté main et à la bandoulière permettant un porté épaule, ne sont pas exclusivement imposées par la fonction technique d'un sac - laquelle est de permettre le transport d'effets personnels et n'est donc nullement affectée par la présence de ces éléments - et ne sont donc pas exclues du champ de la protection conférée par les modèles enregistrés ; Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu la validité des deux modèles communautaires invoqués et débouté les sociétés FOREVER 21 de leurs demandes d'annulation de ces modèles ; Sur les actes de contrefaçon Considérant que les sociétés FOREVER 21 contestent toute contrefaçon des deux modèles de la société CELINE par les sacs qu'elles commercialisent sous les références 137541, 98608, 82697 et 102716 ; qu'elles font valoir que les modèles litigieux en cause produisent sur l'utilisatrice avertie une impression globale différente de celle produite par les deux modèles LUGGAGE et TRAPEZE, dès lors que les caractéristiques de ces deux modèles qui sont reprises par leurs sacs appartiennent au fonds commun de la création et s'inscrivent dans les tendances de la mode, ou encore sont exclusivement fonctionnelles (fond plat, soufflets latéraux...), alors qu'à l'inverse, les caractéristiques esthétiques essentielles et déterminantes des deux modèles CELINE ne sont pas reprises ; Que la société CELINE répond que pour l'utilisatrice avertie, eu égard au degré élevé de liberté du créateur dans le domaine considéré et au fait que la contrefaçon s'apprécie de façon globale au regard de l'impression d'ensemble visuelle d'ensemble, la contrefaçon est caractérisée du modèle LUGGAGE par les sacs FOREVER 21 n° 137541 et n° 98608 et du modèle TRAPEZE par les sacs FOREVER 21 n° 102716 et n° 82697 ; Considérant que l'article 10 du règlement communautaire n° 6/2002 dispose que la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente et qu'il est tenu compte, pour apprécier l'étendue de la protection, du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ; Que l'article 19 § 1 du même règlement prévoit que le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement, l'utilisation s'entendant en particulier de la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins ; En ce qui concerne la contrefaçon du modèle LUGGAGE Considérant que le sac FOREVER 21 n° 137541 présente, comme le modèle LUGGAGE, un fond plat, des faces parallélépipédiques pratiquement carrées, une bande de cuir rectangulaire surpiquée bordant le haut du sac, deux soufflets latéraux s'évasant vers l'extérieur, deux anses fixées à l'extérieur des faces du sac, des empiècements en cuir en sur-épaisseur dans lesquels sont fixés les anses ; Que cependant, c'est à juste raison que le tribunal a jugé que la contrefaçon du modèle LUGGAGE par le sac FOREVER 21 n° 137541 n'était pas caractérisée, ce dernier ne comportant pas plusieurs éléments caractéristiques du modèle revendiqué - les deux lignes sinusoïdales verticales placées en miroir de part et d'autre de la face du sac ; la fixation des extrémités des poignées en cuir sur des empiècement en cuir de forme ogivale en sur-épaisseur ; la fermeture éclair pouvant se clipser sur le côté du sac -, ces différences essentielles, nécessairement perçues par l'utilisatrice ou l'utilisateur averti(e), donnant aux deux sacs en présence une impression visuelle globale différente ; Que la société CELINE argue qu'un sac peut contrefaire son modèle LUGGAGE même en l'absence des deux lignes sinusoïdales latérales qui ne sont qu'une caractéristique parmi d'autres et qu'elle commercialise des modèles LUGGAGE qui ne comportent pas ces lignes sinusoïdales mais qui présentent des lignes droites ; que cependant, la contrefaçon doit être appréciée par rapport au modèle déposé qui comporte de telles lignes sinusoïdales qui en sont une caractéristique très apparente - comme la forme ogivale des empiècements en cuir sur lesquels sont cousues les poignées ou le dispositif permettant d'accrocher la fermeture éclair sur le côté du sac - et non par rapport aux déclinaisons que la société CELINE a pu créer et commercialiser d'après le modèle communautaire ; Considérant que si le sac FOREVER 21 n° 98608 présente, comme le modèle LUGGAGE, un fond plat, des faces parallélépipédiques pratiquement carrées, deux soufflets latéraux s'évasant vers l'extérieur, un empiècement en cuir constituant une poche disposée à mi-hauteur de la face du sac et fermée par une fermeture éclair, deux anses fixées à l'extérieur de chaque face frontale du sac, des empiècements en cuir en sur-épaisseur dans lesquels sont fixés les anses, le sac litigieux diffère du modèle du fait de la non reprise des trois caractéristiques précitées du modèle revendiqué ; que, de plus, le sac litigieux possède une lanière attachée à la fermeture éclair qui est absente du modèle déposée ; que le sac litigieux ne comporte pas de bande de cuir rectangulaire surpiquée bordant le haut du sac ; qu'en outre, les anses sont différentes, celles du sac litigieux, significativement plus grandes, permettant visiblement un porté bras, voire épaule, qui n'est pas permis par les petites poignées du modèle qui n'autorisent qu'un porté main ; qu'enfin, si les différences de dimensions n'ont pas à être prises en compte puisque les dimensions ne sont pas revendiquées, le sac litigieux ne présente pas les mêmes proportions que le modèle LUGGAGE, plus haut, plus élancé, ce qui affecte son apparence qui, elle, est protégée ; qu'ainsi, l'impression visuelle d'ensemble produite par le sac litigieux diffère de celle générée par le modèle et la contrefaçon n'est pas caractérisée ; Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société CELINE de ses demandes en contrefaçon de son modèle communautaire n° 001679317-0001 LUGGAGE ; En ce qui concerne la contrefaçon du modèle TRAPEZE Considérant que le sac FOREVER 21 n° 102716 présente, comme le modèle TRAPEZE, un fond plat, un rabat fermé par un fermoir carré et doré et deux soufflets latéraux s'évasant vers l'extérieur ; qu'il s'en différencie cependant, comme les premiers juges l'ont retenu, par : une face de forme trapézoïdale avec une base plus large que le sommet, alors que le modèle CELINE présente une face rectangulaire ; des soufflets moins larges et moins hauts, ceux du sac CELINE partant du bas du sac et donnant une impression de souplesse absente sur le sac litigieux ; une allure de petit cartable avec un haut présentant une surface plane sur laquelle s'attache une petite poignée comme sur un cartable, allure qui ne se retrouve pas sur le sac CELINE dont le dessus est arrondi et supporte une large anse ; que de plus, le rabat du sac litigieux est sensiblement différent puisqu'il ne recouvre qu'un peu plus de la moitié de la face avant du sac et que sa bordure inférieure est droite alors que le rabat du sac CELINE recouvre plus des 3/4 de la face avant du sac et possède une bordure inférieure légèrement incurvée ; qu'en outre, le sac litigieux ne comporte pas de bandoulière permettant le porté épaule contrairement au modèle de la société CELINE, différence qui n'est pas que de détail dès lors que cette bandoulière est parfaitement visible sur 6 des 7 représentations du dépôt ; qu'il importe peu que la société CELINE ait pu créer et commercialiser des sacs TRAPEZE sans bandoulière, la contrefaçon s'appréciant, comme il a été dit, par rapport au modèle déposé qui comporte une bandoulière, très apparente sur 6 des 7 représentations que comporte le modèle, et non par rapport aux déclinaisons que la société CELINE a pu créer et commercialiser d'après le modèle ; qu'ainsi, l'impression visuelle d'ensemble produite par le sac litigieux diffère de celle générée par le modèle et la contrefaçon n'est pas caractérisée ; Considérant en revanche que, comme le modèle TRAPEZE, le sac FOREVER 21 n° 82697 se présente sous la forme d'un sac à main : • à fond plat de forme rectangulaire vu de face et trapézoïdale vu de côté, se fermant par un rabat recouvrant la majeure partie de sa face avant, • avec un rabat ayant une forme légèrement incurvée et comportant un fermoir métallique, • se portant soit par une large anse destinée au porté main, mais également une bandoulière destinée à son porté épaule, •comportant deux soufflets de taille importante dépassant de chaque côté du sac formant ainsi des sortes 'd'oreilles' ; Qu'il est sans emport que les soufflets du sac FOREVER 21 soient en cuir lisse alors que ceux du modèle CELINE seraient en cuir velours, le modèle invoqué protégeant une forme et non une matière ; Que même si le rabat du sac litigieux est moins large que le rabat du modèle CELINE et même si le fermoir est différent, l'impression visuelle d'ensemble produite par le sac FOREVER 21 sur l'utilisatrice avertie n'est pas différente de celle générée par le modèle TRAPEZE de la société CELINE ; Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la contrefaçon du modèle communautaire 001802513-0001 TRAPEZE de la société CELINE par le sac FOREVER 21 n° 82697 mais non par le sac FOREVER 21 n° 102716 ; Sur la concurrence déloyale et parasitaire Considérant que la société CELINE soutient que les sociétés FOREVER 21 ont volontairement commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale et parasitaire en cherchant à créer dans l'esprit du public un risque de confusion avec ses modèles et en se plaçant dans son sillage en profitant indûment de sa notoriété et de ses investissements ; qu'elle fait valoir que la commercialisation de six modèles on ne peut plus proches des siens ne peut être attribuée au hasard mais traduit une recherche de confusion et une volonté manifeste de se placer dans son sillage, les sociétés FOREVER 21 ayant de toute évidence cherché à proposer une fausse collection CÉLINE et à profiter de ses investissements consacrés à la promotion de ses modèles de sacs et de leur succès ; Que les sociétés FOREVER 21 contestent les actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés, faisant valoir que quatre des six sacs FOREVER 21 incriminés (les sacs n° 137541, 98608, 102716 et 82697) présentent de très nombreuses différences avec les sacs LUGGAGE, LUGGAGE PHANTOM et TRAPEZE de la société CÉLINE, leurs quelques ressemblances portant sur des éléments fonctionnels ou usuels (fond plat permettant au sac de tenir debout et soufflet latéraux permettant au sac de s'ouvrir plus largement) et ne sont même plus proposés à la vente ; qu'elles arguent que les sacs incriminés n'ont fait que suivre les tendances du moment en reprenant des formes libres de droit, ordinaires, habituelles et largement utilisées par l'ensemble des acteurs du secteur des accessoires de mode, ce qui exclut tout parasitisme ; Considérant que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ; que ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce ; Considérant qu'en l'espèce, la société CELINE justifie qu'elle proposait, à l'époque des faits litigieux (2015), douze modèles de sacs (CLASSIC, LUGGAGE, TRAPEZE, BELT BAG, EDGE, CABAS, RING, LUGGAGE PHANTOM, CABAS PHANTOM, TRIO, RING, TIE) ; Que l'imitation est avérée du sac TRAPEZE par le sac FOREVER 21 n° 82697 qui a été reconnu contrefaisant du modèle 001802513-0001 déposé par la société CELINE ; que le sac FOREVER 21 reprend en outre sans nécessité, dans un secteur où la liberté du créateur est large, l'effet bi-matière du sac CELINE dont les soufflets sont en velours alors que le reste du sac est en cuir lisse ; que les sociétés FOREVER 21 ne démontrent pas, en produisant des modèles de la seule société CHLOE, que l'utilisation d'une double texture cuir lisse / cuir velours serait courante pour des sacs à main ; que cette reprise constitue un acte distinct de la contrefaçon et révèle la recherche d'un risque de confusion et la volonté de profiter des efforts créatifs de la société CELINE et du succès du sac TRAPEZE attesté par les pièces aux débats (pièces 9.3.1 et 9.4 de l'appelante); Que par ailleurs, l'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif ; que l'originalité d'un produit n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale à raison de sa copie ; Qu'en l'occurrence, l'imitation du sac LUGGAGE PHANTOM par le sac FOREVER 21 n° 98608 est indéniable et résulte de la reprise à l'identique, à la fois, des proportions du sac, de la poche intérieure frontale dotée d'une fermeture éclair posée sur un empiècement rectangulaire surpiqué (factice sur le modèle FOREVER 21) dont la fermeture à glissière est munie d'une double lanière tressée, des empiècements en cuir en sur-épaisseur dans lesquels sont fixés les anses et des soufflets dépassant largement du sac ; Que le modèle n° 99043 de FOREVER 21 est la reprise quasi-servile du modèle TRIO de CELINE qui est un sac constitué de trois pochettes rectangulaires zippées d'égale dimensions fixées l'une sur l'autre au moyen d'un bouton pression et détachables ; Que, de même, le sac n°49258623 de de FOREVER 21 est la reprise quasi-servile du modèle CABAS de CELINE qui est un sac à fond plat de forme parallélépipédique et rectangulaire muni de deux anses plates fixées à l'intérieur du sac présentant, au niveau de leur point d'attache, une surpiqûre en forme de I majuscule ; Que la mise sur le marché par les sociétés FOREVER 21, concomitamment, de quatre modèles constituant la contrefaçon ou la copie de quatre sacs d'une collection qui en compte douze ne peut être fortuite et révèle la volonté de créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur et de profiter des investissements créatifs et promotionnels de la société CELINE - justifiés par l'attestation de son directeur administratif et financier qui fait état de frais de promotion des deux modèles de sacs LUGGAGE et TRAPEZE de 1 045 651 € en France pour les années 2014/2017 -, ainsi que de sa renommée, et de se placer ainsi dans son sillage ; Que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté la société CELINE de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Sur les réparations Sur l'imputabilité des actes de contrefaçon aux trois sociétés FOREVER 21 Considérant que les intimées soutiennent que la société FOREVER 21 n'est pas responsable des ventes des sacs incriminés qui ont été réalisées sur le territoire de l'Union européenne, et ce, nonobstant la mention 'DISTRIBUTED BY FOREVER 21 INC' figurant sur les étiquettes, expliquant que les sacs FOREVER 21 sont distribués par des sociétés différentes en fonction des zones géographiques et que rien ne permet d'établir que les sacs incriminés sont distribués en Europe, notamment en France, par la société américaine ; qu'elles plaident également que la société FOREVER 21 FRANCE n'est pas responsable des ventes des sacs litigieux réalisées dans les États membres de l'Union européenne autres que la France et que la société F21 E-COMMERCE, qui n'exploite aucun magasin, n'est pas responsable des ventes des sacs réalisées dans les magasins situés sur le territoire de l'Union européenne, ainsi que des ventes en ligne desdits sacs à destination du Royaume-Uni, lesquelles sont gérées par une autre entité ; Que la société CELINE oppose que les demandes de mise hors de cause présentées par les sociétés FOREVER 21 pour la première fois devant la cour ne sont pas fondées et ont un caractère purement dilatoire justifiant la condamnation des intimées à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ; Considérant que les sacs litigieux sont commercialisés en France sous la marque 'FOREVER 21" qui appartient sans conteste à la société de droit américain FOREVER 21 Inc., titulaire, ainsi qu'il en est justifié, de la marque verbale de l'Union Européenne n° 5853015 ; que chacun de ces sacs est en outre pourvu d'une étiquette portant, avant toute autre indication, la mention 'DISTRIBUTED BY FOREVER 21 INC. 3880 N [...]", ce dont il se déduit que les produits FOREVER 21 sont distribués, en France notamment, par la société américaine, nonobstant le fait que d'autres sociétés importatrices, situées dans d'autres pays que les Etats Unis, soient également mentionnées sur ces étiquettes ; qu'enfin, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées au siège de la société FOREVER 21 FRANCE à Paris, le représentant de la société française déclaré à l'huissier de justice que 'la gestion de l'ensemble des facturations monde et des achats se trouve aux États-Unis à Los Angeles au siège mondial de Forever 21 3880 N [...] USA ' ; Que les sacs proposés à la vente sur le site www.forever21.com exploité par la société hollandaise F21 E-COMMERCE peuvent être achetés, notamment, en France ; que la société CELINE justifie que plusieurs articles ont pu être achetés sur ce site internet, qui contient pour partie des informations rédigées en français, et ont été livrés en France ; Qu'il n'est pas contesté que la société FOREVER 21 FRANCE intervient bien dans la distribution, en France, des sacs litigieux ; Que les trois sociétés intimées, qui ont donc chacune contribué au même dommage causé à la société CELINE, doivent être chacune condamnées à le réparer entièrement ; Considérant que même mal fondées, les demandes de mise hors de cause présentées en défense ont pu être valablement formulées pour la première fois en appel et ne révèlent pas de caractère dilatoire ayant causé un préjudice particulier à la société CELINE qui verra sa demande indemnitaire à ce titre rejetée ; Sur les demandes indemnitaires Sur la recevabilité des demandes de la société CELINE tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait des ventes des sacs FOREVER 21 dans les pays de l'Union européenne autres que la France Considérant que les sociétés FOREVER 21 soulèvent l'irrecevabilité des demandes présentées pour la première fois en appel par la société CELINE au titre des ventes des sacs litigieux réalisées dans les États membres de l'Union européenne autres que la France ; Que la société CELINE objecte qu'il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que ne sont pas nouvelles des prétentions qui tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, qu'une augmentation en cause d'appel des dommages- intérêts réclamés en première instance ne constitue pas une demande nouvelle et que les droits sur lesquels elle fonde ses demandes indemnitaires en cause d'appel sont strictement identiques à ceux qu'elles invoquaient en première instance ; Considérant qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l 'intervention d'un tiers, ou de la survenance on de la révélation d'un fait ; Que les sociétés intimes relèvent à juste titre que la société CÉLINE a saisi les premiers juges d'une demande d'indemnisation d'un préjudice subi du fait des ventes des sacs FOREVER 21 en France et qu'elle forme pour la première fois devant la cour une demande tendant à obtenir également l'indemnisation d'un préjudice subi du fait des ventes des sacs litigieux sur le territoire des autres États membres de l'Union européenne, de sorte qu'elle invoque des faits nouveaux (d'autres ventes de sacs litigieux), au demeurant parfaitement connus de la société CELINE dès la première instance ; Que les demandes en réparation formées par la société CELINE du fait d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis dans les États membres de l'Union européenne autres que la France constituent donc des demandes nouvelles, partant irrecevables en application du texte précité ; Sur le montant des dommages et intérêts Au titre de la contrefaçon Considérant que les sociétés FOREVER 21 s'opposent aux demandes indemnitaires formées par la société CELINE, faisant valoir que les différents chefs de condamnation prévus par ce texte ne peuvent se cumuler, que les demandes sont disproportionnés eu égard au manque à gagner réellement subi par l'appelante et aux bénéfices qu'elles même ont pu retirer de la vente des sacs litigieux, que le préjudice moral invoqué n'est pas justifié, d'autant que la société CELINE a déjà obtenu l'allocation d'une somme de 6 000 € à ce titre dans une autre instance du fait de la contrefaçon de ses deux modèles communautaires ; Considérant qu'en application de l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, 2° le préjudice moral causé à cette dernière et 3° les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon, la juridiction pouvant, toutefois, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n'étant pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ; Considérant que le nombre de sacs référencés 82697 contrefaisants vendus en France est de 87 selon l'attestation de la chef du service comptable et financier de la société hollandaise FOREVER 21 GLOBAL, ce qui représente un chiffre d'affaire HT de 1990 €, soit une marge brute de 1090 €, chiffres confirmés par le cabinet ERNST & YOUNG ; Que les gains manqués par la société CELINE doivent être appréciés en tenant compte du fait que le nombre de clients qui auraient acheté un sac TRAPEZE en l'absence des faits de contrefaçon (taux de report) est nécessairement faible eu égard à la très grande différence de prix entre les sacs en présence (prix de vente de 27,45 € pour le sac FOREVER 21 (prix de revente non communiqué) / environ 2000 € pour le sac TRAPEZE) ; Que la cour dispose ainsi des éléments lui permettant d'allouer à la société CELINE la somme de 6 000 € en réparation du préjudice économique subi du fait de la contrefaçon du modèle de sac TRAPEZE ; Qu'en outre, la commercialisation d'un sac contrefaisant vendu à un prix bien moindre et dans un environnement en rien comparable avec celui, luxueux, des points de vente de l'appelante, a causé à cette dernière un préjudice moral résultant de la banalisation et donc de la dépréciation du sac TRAPEZE et de l'atteinte ainsi portée à son image de marque ; que ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, les intimées ne pouvant se prévaloir d'une précédente indemnisation allouée en 2016 par le tribunal de grande instance de Paris à l'occasion d'un litige distinct ; Que les trois sociétés FOREVER 21 seront condamnées in solidum à payer ces sommes à la société CELINE ; Que le jugement sera réformé en ce sens ; Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire Considérant que les intimées contestent également le préjudice invoqué au titre de la concurrence déloyale et parasitaire qui n'est, selon elles, pas démontré, la société CELINE ne démontrant pas le report de sa clientèle sur d'autres produits qui serait induit par les pratiques reprochées ; Considérant que si le taux de report est faible, la commercialisation par les sociétés FOREVER 21 d'une gamme de 4 sacs imitant plusieurs sacs de la collection 2015 de la société CELINE a entraîné une banalisation et donc une dépréciation des produits proposés par l'appelante ; qu'en outre, les sociétés FOREVER 2 ont ainsi indûment tiré profit des investissements engagés par l'appelante pour créer et promouvoir ses produits comme de son prestige ; Qu'une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts sera, par conséquent, allouée à la société CELINE en réparation du préjudice découlant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; que les sociétés FOREVER 21 seront condamnées in solidum à payer cette somme à la société CELINE ; Sur les autres mesures Considérant qu'il sera fait droit aux demandes de la société CELINE tendant à ce qu'il soit fait interdiction aux sociétés FOREVER 21 de poursuivre les actes délictueux et à ce qu'il leur soit ordonné de détruire les produits litigieux susceptibles de rester en leurs stocks, sous astreinte, et dans les conditions fixées au dispositif de cet arrêt ; Que la cessation des actes délictueux étant ainsi suffisamment garantie, la demande de publication sera rejetée ; Qu'il n'y a lieu pour la cour de se réserver la liquidation des astreintes ; Sur les dépens et les frais irrépétibles Considérant que les sociétés FOREVER 21 qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ; Que la somme qui doit être mise à la charge des sociétés FOREVER 21, in solidum, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société CELINE peut être équitablement fixée à 20 000 €, en ce compris les frais de constats, de saisie-contrefaçon, de traduction et de signification des actes de procédure, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, Confirme le jugement déféré si ce n'est en ce qu'il a : • débouté la société CELINE de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, • condamné in solidum les sociétés FOREVER 21 à payer à la société CELINE les sommes de 3 000 € et 6 000 € en réparation, respectivement, de son préjudice économique et de son préjudice moral résultant des actes de contrefaçon de son modèle communautaire 001802513-0001 de sac TRAPEZE, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne in solidum les sociétés FOREVER 21 à payer à la société CELINE les sommes de 6 000 € et 10 000 € en réparation, respectivement, de son préjudice économique et de son préjudice moral résultant des actes de contrefaçon de son modèle communautaire 001802513-0001 de sac TRAPEZE, Dit que les sociétés FOREVER 21 ont commis à l'encontre de la société CELINE des actes de concurrence déloyale et parasitaire, Condamne in solidum les sociétés FOREVER 21 à payer à la société CELINE la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, Y ajoutant, Déboute la société CELINE de sa demande indemnitaire fondée sur les demandes de mise hors de cause présentées en appel par les sociétés FOREVER 21, Déclare irrecevables, comme nouvelles en appel, les demandes en réparation de la société CELINE du fait d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis dans les États membres de l'Union européenne autres que la France, Fait interdiction aux sociétés FOREVER 21 de poursuivre les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire sanctionnés par le présent arrêt, et ce, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours après la signification de cet arrêt, Ordonne aux sociétés FOREVER 21, à leurs frais et sous contrôle d'huissier, de procéder à la destruction des produits litigieux qui seraient encore en leurs stocks, et ce, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours après la signification de cet arrêt, Déboute la société CELINE de ses demandes de publication, Condamne in solidum les sociétés FOREVER 21 aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement à la société CELINE de la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constats, de saisie-contrefaçon, de traduction et de signification des actes de procédure.