Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 10 juillet 2012, 11-20.367

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2012-07-10
Cour d'appel de Bastia
2011-03-30

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Bastia, 30 mars 2011) et les productions, que la société Hôtelière du Campo Dell'Oro a accepté un devis de la société Corse déco concept portant sur la rénovation de salles de bains ; que le 7 octobre 2009, la première a assigné la seconde aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes ; que par jugement du 5 juillet 2010, le tribunal a déclaré la société Hôtelière du Campo Dell'Oro irrecevable en sa demande et l'a condamnée à payer à la société Corse déco concept une certaine somme ; que les 9 novembre 2009 et 25 octobre 2010, la société Corse déco concept a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. X... (le liquidateur) étant nommé liquidateur ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société Corse déco concept et son liquidateur font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté leur fin de non-recevoir et fixé à la somme de 80 000 euros la créance de la société Hôtelière du Campo Dell'Oro au passif de la liquidation judiciaire, alors, selon le moyen, que les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement prononçant la liquidation judiciaire doivent la déclarer ; qu'ils ne sont dispensés de cette déclaration que lorsque l'ouverture de la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de sauvegarde et que leur créance y était inscrite ; qu'en jugeant que la société Hôtelière du Campo Dell'Oro n'avait pas à renouveler sa déclaration au passif de la société Corse Déco Concept après le prononcé de la liquidation judiciaire de cette société, sans qu'il résulte de ses constatations que le prononcé de la liquidation judiciaire était effectivement intervenu dans des circonstances exonérant la société hôtelière de son obligation de renouveler sa déclaration de créance, la cour d'appel a violé les articles L. 641-3, L. 622-24 et L. 626-27 du code de commerce ;

Mais attendu

que le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation d'un redressement judiciaire, qui n'ouvre pas une nouvelle procédure collective, n'emporte pas, par lui-même, soumission des créanciers à l'obligation de déclarer prévue par l'article L. 622-24 du code de commerce ; qu'ayant relevé que la société Hôtelière du Campo Dell'Oro produisait une déclaration de créance du 14 avril 2010 et avait été relevée de la forclusion par ordonnance du 24 juin 2010, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à constater l'existence de circonstances dispensant cette société de son obligation de déclarer, que celle-ci n'avait pas à renouveler sa déclaration ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

:

Attendu que la société Corse déco concept et son liquidateur font grief à

l'arrêt d'avoir fixé à la somme de 80 000 euros la créance de la société Hôtelière Campo Dell'Oro au passif de la liquidation judiciaire et d'avoir débouté la société Corse déco concept de ses demandes en paiement des sommes de 55 860 euros en application des dispositions de l'article 1794 du code civil et de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en estimant d'une part, pour rejeter les demandes de la société Corse déco concept, que celle-ci ne pouvait se prévaloir ni des limitations des travaux bruyants pendant la sieste des footballers accueillis à l'hôtel durant la période d'exécution du marché, ni des travaux supplémentaires exécutés pour légitimer les retards, et, d'autre part, pour accueillir tout en la minorant la demande de la société Hôtelière Campo Dell'Oro, que le retard de livraison n'était pas imputable à la seule société Corse déco concept et que l'existence de travaux supplémentaires et les limitations des plages d'intervention pour les travaux bruyants méritaient d'être prises en compte, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs de fait contradictoires, en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile ; 2°/ que les juges doivent indiquer les motifs de fait et de droit de nature à justifier leur décision ; qu'en fixant à la somme de 80 000 euros la créance de la société hôtelière Campo Dell'Oro sans préciser ce que recouvrait précisément cette somme, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu

, d'une part, que la cour d'appel a pu, sans se contredire, retenir que les éventuels refus de règlement, les limitations des plages d'intervention pour les travaux bruyants ou encore les travaux supplémentaires ne pouvaient suffire à justifier les manquements de la société Corse déco concept et prendre en considération ces deux dernières circonstances de fait, dont elle n'avait pas nié l'existence, pour limiter la réparation allouée à la société Hôtelière du Campo Dell'Oro ; Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a fait, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Corse déco concept et M. X..., ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de nonrecevoir proposée par la société CORSE DECO CONCEPT, tirée de l'irrecevabilité de l'action de la société hôtelière CAMPO DELL'ORO et d'avoir, en conséquence, fixé à la somme de 80 000 euros la créance de celle-ci au passif de la liquidation judiciaire de la société CORSE DECO CONCEPT. AUX MOTIFS QUE "sur la recevabilité l'appelant a produit une déclaration de créance au passif de la société CORSE DECO CONCEPT du 14 avril 2010 et une requête adressée le même jour aux fins de relevé de forclusion au juge commissaire au redressement judiciaire de cette société ainsi que l'ordonnance rendue le 24 juin 2010 qui la relève de la forclusion encourue en application de l'article L.622-26 du code de commerce ; elle n'avait pas à renouveler sa déclaration, une fois le relevé de forclusion obtenu, au motif du prononcé de la liquidation judiciaire ; la fin de non-recevoir tirée de l'application des articles L.622-24 et L.641-3 du code de commerce sera en conséquence rejetée et le jugement entreprise sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société hôtelière CAMPO DELL'ORO ;" (arrêt p.7) ALORS QUE les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement prononçant la liquidation judiciaire doivent la déclarer ; qu'ils ne sont dispensés de cette déclaration que lorsque l'ouverture de la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de sauvegarde et que leur créance y était inscrite ; qu'en jugeant que la société hôtelière CAMPO DELL'ORO n'avait pas à renouveler sa déclaration au passif de la société CORSE DECO CONCEPT après le prononcé de la liquidation judiciaire de cette société, sans qu'il résulte de ses constatations que le prononcé de la liquidation judiciaire était effectivement intervenu dans des circonstances exonérant la société hôtelière de son obligation de renouveler sa déclaration de créance, la Cour d'appel a violé les articles L.641-3, L.622-24 et L.626-27 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 80.000 € la créance de la société hôtelière CAMPO DELL'ORO au passif de la liquidation judiciaire de la société CORSE DECO CONCEPT et d'avoir débouté cette dernière de ses demandes en paiement des sommes de 55.860 € en application des dispositions de l'article 1794 du code civil et de 500.000 € à titre de dommages-intérêts, AUX MOTIFS QUE "sur les demandes de la société CORSE DECO CONCEPT l'intimée et l'appelante analysent de manière différente la portée de l'accord intervenu le 24 juillet 2009 mentionné dans le constat de Maître Y... ; l'intimée soutient que la résiliation constitue un acte juridique, que l'huissier a simplement fait état de ce que les travaux avaient été arrêtés par elle mais qu'elle n'avait pas accepté la résiliation imposée par l'appelante qui a confié les travaux à d'autres entreprises sans avoir fait au préalable résilier le marché ; cette analyse se heurte cependant aux circonstances de l'intervention de Maître Y... qui est saisi aux fins de constatation de l'abandon du chantier par la société CORSE DECO CONCEPT, énumère les travaux non réalisés lors de ses visites des 17 et 23 juillet 2009 puis note le 24 juillet 2009 des décisions qui lui ont été confirmées le 24 juillet 2009 par le représentant de la société CORSDE DECO CONCEPT assisté d'un expert d'assuré ; la résiliation du marché a été convenue entre les parties qui ont décidé le chiffrage des travaux effectués par la société CORSE DECO CONCEPT et l'établissement des comptes entre les parties, ce qui n'avait pas lieu d'être si la société CORSE DECO CONCEPT avait l'intention d'achever les travaux qui lui avaient été confiés ; l'intimée ne peut en conséquence soutenir utilement qu'elle a subi un préjudice du fait d'une résiliation unilatérale d'un marché abandonné en juillet 2009 alors qu'il devait commencer en janvier 2009 et durer 12 semaines ; la société CORSE DECO CONCEPT fait état de ce que l'appelante n'a pas respecté le versement de l'acompte de 30% prévu à la commande et s'est bornée à effectuer un virement de 50.000 euros mais elle ne démontre pas n'avoir pas été réglée à hauteur de ses prestations et avoir présenté des demandes non satisfaites par un cocontractant qui avait intérêt à disposer dans les délais convenus des chambres rénovées qu'il pouvait mettre à la disposition de sa clientèle ; il est significatif que l'intimée ait perçu au total 205.284,13 euros soit 79% du montant du marché alors que selon monsieur Z... les travaux sont achevés à 70 % et que les constatations de Maître Y... démontrent que les non-façons et les malfaçons sont nombreuses ; la résiliation du marché a été acceptée par l'intimée qui ne peut en conséquence agir sur le fondement de l'article 1794 du code civil ; cette résiliation s'avérait justifiée par ses manquements sans qu'elle puisse faire valoir que d'éventuels refus de règlement et les limitations des travaux bruyants pendant la sieste des footballers accueillis à l'hôtel puissent légitimer les retards ; de même l'existence de travaux supplémentaires ne suffit pas à justifier les retards importants constatés et il lui appartenait d'aviser le maître de l'ouvrage des conséquences en matière de délai de livraison des travaux supplémentaires ou des limitations des plages d'intervention ; la société hôtelière CAMPO DELL'ORO ayant déclaré sa créance est de plus fondée à opposer une compensation entre le montant dû de 55.860 euros réclamé par la société CORSE DECO CONCEPT et les pénalités de retard stipulées ; l'acompte de 50.000 euros ayant été viré le 13 janvier 2009 ; le chantier aurait dû être livré le 13 avril 2009 ; les parties ayant convenu des pénalités de retard à hauteur de 1.500 euros par jour de retard, la société CORSE DECO CONCEPT sera déboutée de sa demande au titre du solde des travaux et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ; la résiliation du marché de travaux ayant été acceptée et la société CORSE DECO CONCEPT n'ayant pas de créance exigible vis-à-vis de l'appelante, la preuve d'un lien entre la procédure collective sur assignation de l'URSSAF de CORSE et une éventuelle faute de l'appelante n'est pas rapportée ; le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société hôtelière CAMPO DELL'ORO à verser à la société CORSE DECO CONCEPT des dommages-intérêts et la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; sur les demandes de la société hôtelière CAMP DELL'ORO l'appelante entend obtenir la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CORSE DECO CONCEPT à hauteur de la somme de 229.231,71 euros, dont 172.500 euros au titre des pénalités de retard, sur le fondement d'un rapport établi par M. Z... qu'elle a mandaté ; ce rapport a été établi dans le respect du principe du contradictoire mais ses conclusions n'ont pas été acceptées par l'intimée ; le marché était d'un montant de 261.144 euros ; les travaux ont été réalisés à environ 70 % selon monsieur Z... et réglés à hauteur de 205.284,13 euros ; les photographies et éléments contenus dans les constats versés aux débats démontrent que les travaux n'ont pas été réalisées de manière conforme au devis, qui n'était d'ailleurs pas très précis s'agissant en particulier de la porte à galandage fournie ; le retard de livraison n'est pas imputable à la seule intimée ; l'existence de travaux supplémentaires et de limitations des plages d'intervention pour les travaux bruyants méritent d'être prises en compte ; l'appelante aurait pu également réagir plus rapidement lors de la réalisation des travaux lorsqu'ils commençaient à prendre du retard ; elle a cependant subi un préjudice d'exploitation ; l'ensemble de ces éléments conduit la Cour à fixer à la somme de 80.000 euros le montant de la créance de l'appelante au passif de la liquidation judiciaire de la société CORSE DECO CONCEPT " (arrêt p.7 à 9) 1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en estimant d'une part, pour rejeter les demandes de la société CORSE DECO CONCEPT, que celle-ci ne pouvait se prévaloir ni des limitations des travaux bruyants pendant la sieste des footballers accueillis à l'hôtel durant la période d'exécution du marché, ni des travaux supplémentaires exécutés pour légitimer les retards (cf arrêt p.8 §3), et, d'autre part, pour accueillir tout en la minorant la demande de la société hôtelière CAMPO DELL'ORO, que le retard de livraison n'était pas imputable à la seule société CORSE DECO CONCEPT et que l'existence de travaux supplémentaires et les limitations des plages d'intervention pour les travaux bruyants méritaient d'être prises en compte (cf arrêt p.9 §5), la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs de fait contradictoires, en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE les juges doivent indiquer les motifs de fait et de droit de nature à justifier leur décision ; qu'en fixant à la somme de 80.000 € la créance de la société hôtelière CAMPO DELL'ORO sans préciser ce que recouvrait précisément cette somme, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.