COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 25 JANVIER 2008
(11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21336
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005056009
APPELANTES
La S.A. FRANCE AFFAIRES, agissant en la personne de ses représentants légaux dont le siège est [...] 93300 AUBERVILLIERS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Stéphanie L, avocat au Barreau de Paris, plaidant pour Maître Marc B, avocat au Barreau de Paris, (SCP BENSIMMON & associés)
La S.A.R.L. PARIS AFFAIRES, agissant poursuites et diligences de son gérant dont le siège est 12, place Masséna 06000 NICE représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour assistée de Maître Stéphanie L, avocat au Barreau de Paris, plaidant pour Maître Marc B, avocat au Barreau de Paris, (SCP BENSIMMON & associés)
INTIMÉES
La SA VILLEROY & BOCH AG, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux société anonyme de droit allemand, ayant son siège 14/18, Saaruferstrasse D 66693 METTLACH ALLEMAGNE
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour, assistée de Maître Stéphanie L, avocat au Barreau de Paris, RI 65, (Association LEGRAND LESAGE- CATEL) La S.A.S. VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant. Ayant son siège[...] 75008 PARIS
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour, assistée de Maître Stéphanie L, avocat au Barreau de Paris, RI 65, (Association LEGRAND LESAGE-CATEL)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 6 décembre 2007, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier , lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. M PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société anonyme FRANCE AFFAIRES et la société à responsabilité limitée PARIS AFFAIRES à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 27 octobre 2006 par la quinzième chambre du tribunal de commerce de Paris qui a :
- dit que les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon et d'atteinte aux droits au préjudice de la société de droit allemand VILLEROY & BOCH par la fabrication et la commercialisation d'un coffret dénommé "Set déjeuner" comportant une tasse et une sous-tasse contrefaisants le modèle de tasse et de sous-tasse dénommé "NEW WAVE CAFFE" appartenant à la société VILLEROY & BOCH,
- interdit aux sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée passé le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement, de diffuser tout document, prospectus, catalogue, tant sur support papier que par tout autre moyen, de présenter ou exposer des produits en cause portant atteinte aux droits de la société VILLEROY & BOCH, de les offrir à la vente et de les commercialiser, - condamné in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à payer à la société VILLEROY & BOCH à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte aux droits, la somme de 60 000 euros et de la perte de marge la somme de 40 000 euros,- ordonné le retrait du marché du stock de tasses et sous-tasses composant les coffrets "Set déjeuner" contrefaisant restant en stock chez les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, ce sous astreinte provisoire de 1 500 euros par jour de retard passé le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement, pendant trente jours passé lequel délai il sera à nouveau fait droit, ce en vue de leur destruction, ce sous le contrôle d'un Huissier de justice et aux frais in solidum des sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES,
- ordonné la publication du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou périodiques au choix de la société VILLEROY & BOCH et aux frais des sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES in solidum sans que le coût par insertion ne puisse dépasser la somme de 5 000 euros hors taxes,
- ordonné l'exécution provisoire, sauf pour les mesures de destruction et de publication,
- condamné in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à payer à la société VILLEROY & BOCH la somme de 7 500 euros au titre de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples et contraires et les en a déboutées respectivement,
- condamné in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES aux dépens ;
Il convient de rappeler que la société VILLEROY& BOCH AG commercialise un service table complet en porcelaine dénommé "NEW WAVE" qui comprend notamment une tasse et une sous-tasse appelées ensemble "NEW WAVE CAFFE". Elle est titulaire sur cet ensemble d'un dépôt de modèle international désignant la France en date du 12 février 2003.
Ayant appris que la société PARIS AFFAIRES commercialisait un coffret contenant une tasse et une sous-tasse contrefaisant, selon, elle son modèle, la société VILLEROY & BOCH a fait procéder à une saisie-contrefaçon, qui a révélé que les produits avaient été acquis auprès de la société FRANCE AFFAIRES.
La société VILLEROY & BOCH AG et sa filiale française, la société par actions simplifiée VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLES ont assigné les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
Les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, appelantes, prient la cour, dans leurs dernières conclusions signifiées le 3 avril 2007, de :
- déclarer les sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES recevables et bien fondées, tant en droit qu'en fait, en l'intégralité de leurs demandes,- déclarer les sociétés VILLEROY ET BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE irrecevables et mal-fondées, tant en droit qu'en fait, en l'intégralité de leurs demandes,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* rejeté les demandes formulées par les sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE du chef d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
* refusé de faire droit à la demande des sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE aux fins de production d'un état certifié de la part des sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES portant sur les quantités de produits litigieux en leur possession, achetées et vendues par leur soin, encore en stock, sous astreinte,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* jugé les sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES coupables d'actes de contrefaçon et d'atteinte aux droits de la société VILLEROY et BOCH,
* interdit aux sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, de diffuser tout document, prospectus, catalogue, de présenter ou exposer, offrir à la vente et commercialiser les produits litigieux,
* condamner les sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES in solidum à payer à la société VILLEROY et BOCH 60 000 euros de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à ses droits et 40 000 euros de dommages et intérêts en réparation de sa perte de marge,
* ordonné le retrait du marché des stocks de produits litigieux, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard,
* ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux au choix de la société VILLEROY et BOCH, aux frais solidaires des sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES, dans la limite de 5 000 euros hors taxes par insertion,
* ordonné l'exécution provisoire, à l'exclusion des mesures de destruction et publication,
* condamné solidairement les sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES à 7 500 euros chacune au titre de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Et, statuant à nouveau,
- débouter purement et simplement les sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE de leurs demandes,- faire droit à l'intégralité des demandes des sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES, - condamner les sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE à verser la somme de 10 000 euros à la société FRANCE AFFAIRES et 10 000 euros à la société PARIS AFFAIRES, en application des articles
1382 du Code civil et
32-1 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner à verser la somme de 5 000 euros à la société FRANCE AFFAIRES et 5 000 euros à la société PARIS AFFAIRES, au titre de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 juillet 2007, les sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE, intimées, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES se sont rendues coupables de contrefaçon du modèle international n°DM/062 896 (reproductions n° 1.1 à 2), au préjudi ce de la société VILLEROY & BOCH,
* condamné in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à verser à la société VILLEROY & BOCH la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux droits,
* fait interdiction aux sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de diffuser tout document, prospectus, catalogue, tant sur support papier que par tout autre moyen, de présenter ou exposer de tels produits portant atteinte aux droits de la société VILLEROY & BOCH, de les offrir à la vente et de les commercialiser,
* ordonné le retrait du marché et la destruction devant huissier, aux frais in solidum des sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, du stock de tasses et sous-tasses composant les coffrets "Sets déjeuner" contrefaisant restant en stock chez les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement,
* ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux ou périodiques au choix de la société VILLEROY & BOCH et aux frais des sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES tenues in solidum, le coût de chaque insertion ne devant pas excéder la somme de 5 000 euros hors taxes,
* condamné in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à verser la somme de 7 500 euros à la société VILLEROY &BOCH par application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile et en tous les dépens de première instance,
- l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
- dire qu'au cas où la destruction ne pourrait être effectuée en tout ou en partie, il sera substitué une indemnité de 100 euros à tout article manquant dans le stock existant au jour de signification de l'arrêt par rapport au stock constaté au jour de la saisie contrefaçon, - dire que la Cour se réservera la liquidation des astreintes ordonnées au titre des mesures d'interdiction et de destruction prononcées,
- condamner in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à verser ensemble aux sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE la somme de 44 990,84 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur marge perdue,
- dire que les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES se sont rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE,
- condamner in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à verser à la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef et de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre,
- débouter les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à verser la somme complémentaire de 7 500 euros à chacune des sociétés VILLEROY & BOCH et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE en cause d'appel, par application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES en tous les dépens de première instance et d'appel, incluant les frais de saisie contrefaçon ;
SUR CE, LA COUR
Sur la fin de non-recevoir
Considérant que
les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES soutiennent que la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE est irrecevable à agir, faute de justifier d'un intérêt à le faire et estiment que le tribunal a rejeté à tort la fin de non-recevoir par elles soulevée à ce titre ;
Qu'elles exposent que les contrats des 15 juin 1987 et 1 er mars 2000 (le second annulant et remplaçant le premier) produits en vue de justifier que celle-ci a reçu dela société VILLEROY & BOCH AG le droit de distribuer en France pour elle, ne prévoit aucune exclusivité à son profit et qu'il n'est pas justifié de sa publication, alors qu'en application de l'article L.513-3 du CPI, tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé n'est opposable aux tiers que s'il a été inscrit au registre national des dessins et modèles ;
Considérant toutefois que la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE dont la société VILLEROY & BOCH AG indique, sans être démentie, qu'elle est sa filiale à 100%, ajoutant qu'elle est son distributeur exclusif en France, n'agit pas en contrefaçon, mais seulement sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme, en assignant comme fondement juridique à ses prétentions les dispositions de l'article
1382 du Code civil et 10 bis de la Convention d'union de Paris, et que le droit de distribution qui lui a été conféré en dernier lieu par le contrat du 1 er mars 2000 lui ouvre la possibilité d'agir en réparation du dommage selon elle causé par des actes fautifs dont elle prétend qu'ils portent atteinte à cette diffusion ;
Que, dans ces conditions, les premiers juges ont légitimement rejeté la fin de non-recevoir et que leur décision doit être sur ce point confirmée ;
Sur la contrefaçon
Considérant que les appelantes contestent la réalité de la contrefaçon de modèles reprochée par la société VILLEROY & BOCH AG et admise par le tribunal ;
Qu' elles font valoir que cette dernière revendique la protection de deux de ses modèles, une tasse et une sous-tasse, au motif que chacun d'eux serait une combinaison originale et nouvelle de lignes, couleurs, forme et matériaux, protégeable au titre du livre V du CPI ;
Que pourtant ces modèles se bornent à s'inspirer d'une même idée et d'une même tendance à la mode des formes ondulatoires ; que de tels mouvements évoquant une vague existent et sont utilisés par d'autres sociétés du même secteur depuis plusieurs années ; que tombés dans le domaine public, ils ne sauraient faire l'objet d'un quelconque monopole ;
Que par ailleurs la société VILLEROY & BOCH ne peut valablement s'approprier la forme conique appliquée à une tasse à café, laquelle est de longue date employée par d'autres sociétés ;
Que la porcelaine blanche est celle qui est le plus fréquemment utilisée pour les articles de vaissellerie ; qu'elle n'a rien d'original et que là encore la société VILLEROY & BOCH n'est pas en droit de s'approprier un style de cette nature ;
Considérant cependant que sont protégés en application des articles L.511-2 à L.511-4 du CPI les modèles nouveaux et présentant un caractère propre ;
Qu'en l'espèce la société VILLEROY & BOCH AG invoque la protection des modèles faisant l'objet des reproductions 1.1 à 1.8 (incluse) et 2 du dépôt par elle opéré le 12 février 2003 auprès de l'OMPI, enregistré sous le n° DM/062 896, publié le 1 er mars 2003 et désignant la France ;Que les reproductions 1.1 à 1.8 couvrent une sous-tasse présentant les caractéristiques de forme suivantes :
- vu du dessus, un support adoptant sensiblement la forme rectangulaire d'un drapeau flottant au vent, les deux côtés les plus petits étant rectilignes, tandis que les deux plus longs sont ondulés dans la position d'une lettre majuscule S peu marquée, la surface étant creusée circulairement à l'une des extrémités pour permettre de poser la tasse, tandis qu'à l'autre se trouve ménagé un autre renfoncement plutôt carré ;
- vue latéralement, une forme mouvementée marquée par un dos d'âne reposant sur un support circulaire constituant l'enveloppe extérieure de l'encoche destinée à recevoir la tasse, prolongé par une déclivité elle même suivie par l'amorce d'une remontée, reposant en partie basse sur une arête droite ;
Que la reproduction 2 fait apparaître cette même sous-tasse dans le creux circulaire de laquelle est placée une tasse en forme de cône, dont la pointe tronquée qui en constitue la base repose dans ce renfoncement, la partie supérieure la plus large ne se refermant pas complètement, l'une de ses extrémités étant détachée vers l'extérieur et incurvée en une bande ondulée qui rejoint le corps de la tasse vers son milieu pour en constituer l'anse ;
Que les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES, qui affirment qu'il appartient à la société VILLEROY & BOCH AG de rapporter la preuve de la nouveauté de ses modèles renversent la charge d'une telle démonstration alors qu'elles ne produisent aux débats aucun élément ayant date certaine antérieure au dépôt susvisé, établissant une absence de nouveauté ; qu'elles n'invoquent au demeurant plus celle-ci avec précision dans leurs dernières conclusions, se bornant à y énoncer un principe sans l'étayer par une argumentation et qu'elles font porter leurs explications sur l'absence d'originalité qu'elles incriminent ;
Que la société VILLEROY & BOCH AG ne revendique nullement la protection du genre constitué par les "formes ondulatoires" et qu'il est évident qu'elle ne saurait le faire utilement pour ce qui concerne les tasses en forme de cônes tronqués et l'emploi de la porcelaine blanche ; qu'en revanche, elle bénéficie de la protection des objets déterminés et individualisés couverts par le dépôt de son modèle à savoir une tasse et une sous-tasse ci-dessus décrits, possédant un caractère propre et dont l'absence de nouveauté n'est pas établie, de lignes, contours, couleur, forme et matériau, protégeable par les dispositions du livre V du CPI ;
Que le jugement attaqué doit partant être confirmé en ce qu'il a admis le principe de la protection revendiquée ;
Considérant que les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES font valoir qu'elles n'ont pas contrefait les modèles de la société VILLEROY & BOCH AG ; qu'elles indiquent à cet égard que cette dernière, tout comme elles, commercialise séparément les tasses et les sous-tasses, qui ont au demeurant été représentées séparément dans le dépôt effectué par celle-ci ; qu'elles relèvent que ses soucoupes ont une surface inférieure (301 cm2 contre 402,50 cm2), que leurs tasses sont beaucoup moins volumineuses (9 cm au sommet et moins de 5,5 cm à la base contre 11,5 cm au sommet et 6 cm à la base) et ont une anse nettement moinslarge ; que de plus les leurs sont plus longilignes et fuselées et nettement moins massives ; que leur set est davantage destiné à la consommation d'un simple café, alors que celui de la société VILLEROY & BOCH est plus approprié pour le petit- déjeuner ; que les tasses ne sont pas interchangeables, la tasse de leur contradictrice étant trop volumineuse pour être posée sur leur soucoupe où elle ne peut être placée sans être bancale ; que les lignes des modèles en présence sont différentes ; que leur soucoupe ne présente qu'un seul mouvement ondulatoire vertical alors que le plateau de la société VILLEROY & BOCH AG en a deux et est de surcroît davantage surélevé, donnant l'impression d'être en suspension, ce qui n'est pas le cas du leur qui repose à l'évidence sur la table ; que le leur a trois appuis et l'autre deux ; que la matière de la tasse du modèle de la société VILLEROY & BOCH est travaillée comme un véritable cône en papier se développant comme une spirale dont l'amorce est légèrement bombée en un relief perceptible à l'oeil et au toucher et que la hauteur de cette tasse croît de près de 2 cm en suivant cette rotation, passant de 8,7 à 10,5 cm, alors que la matière de leur modèle de tasse, évasée vers le haut, est parfaitement régulière et ne comporte aucune variation de hauteur ; que l'anse en est beaucoup plus classique ; qu'elle est symétrique et sans rotation ; que le blanc dans les deux cas utilisé est différent, plutôt crème ou sable pour le modèle dont la contrefaçon est invoquée et d'une nuance plus claire, voisine du "blanc cassé" pour les leurs ; que lors d'un examen d'ensemble, l'aspect des modèles en présence demeure distinct et qu'en tout état de cause la présentation différente des produits permet d'écarter tout risque de confusion ; qu'un observateur averti reconnaîtra dans les modèles en cause la mode actuelle des lignes ondulées appliquées aux articles de vaisselle, mais ne conclura pas à des actes de contrefaçon puisque les modèles comparés se distinguent nettement ;
Mais considérant que les différences ci-dessus citées, et se rapportant essentiellement à la surface, aux volumes, tailles, mouvements, coloris et lignes, aux anses et aux usages possibles, ne se révèlent pas significatives et n'affectent pas l'impression d'ensemble commune qui, pour un observateur averti, ne peut que se dégager des produits en présence, par rapport auxquels la comparaison doit porter sur l'ensemble nécessairement constitué par la tasse et son support, tel qu'il apparaît sur la reproduction 2 du modèle ci-dessus décrite, rien ne conduisant à dissocier la tasse des sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES de leur sous-tasse, laquelle est vendue dans un même coffret et qui de surcroît présente une forme si particulière qu'elle ne peut à l'évidence servir en pratique utilement à accueillir, dans la partie circulaire ménagée à cet effet, autre chose que ce récipient, dont ces sociétés se plaisent d'ailleurs à souligner les dimensions spéciales ;
Que le jugement du 27 octobre 2006 doit donc être confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence des actes de contrefaçon reprochés ;
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Considérant qu'alors que les appelantes approuvent les magistrats consulaires, en ce qu'ils ont jugé que les produits en présence étaient commercialisés par l'intermédiaire de réseaux de distribution différents (magasins VILLEROY & BOCH ou centres agréés par un système sélectif dans un cas et bazars dans l'autre) s'adressant à des clientèles distinctes et que la commercialisation à des prixinférieurs n'était pas à elle seule suffisante pour établir la réalité de la concurrence déloyale reprochée, la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE soutient que le jugement doit être à cet égard infirmé ; qu'en effet, il y a eu à son sens recherche délibérée de confusion avec les produits par elle antérieurement commercialisés et commission d'actes qui, contrairement à ce que soutiennent ses adversaires, sont distincts de ceux de la contrefaçon ; qu'elle ajoute qu'elle a réalisé d'importants investissements en France ce qui a entraîné une franche augmentation du chiffre d'affaires réalisé par rapport à la vente du produit, et que ses concurrentes se sont bornées à se placer dans son sillage pour profiter, sans bourse délier des importants frais de promotion qu'elle a exposés et de sa notoriété ; que la société FRANCE AFFAIRES a ainsi été en mesure de vendre au prix de 8,50 euros les ensembles litigieux (composés d'une paire de tasses et d'une paire de sous-tasses) à ses distributeurs, dont la société PARIS AFFAIRES, qui les a revendus 20 euros, ce qui représente 5 euros par pièce, alors que ses propres plateaux coûtent 15 euros pièce et ses tasses 19,90 euros l'unité ; qu'elle ajoute que la commercialisation dans des bazars va à l'encontre du système de distribution sélectif qu'elle a depuis nombre d'années mis en place ;
Considérant qu'il apparaît en effet qu'en assurant la diffusion à des prix nettement inférieurs dans des magasins fréquentés par une clientèle plus vaste et moins exigeante que celle des magasins de la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE, ou de ses centres sélectionnés, d'un modèle dont la similitude avec celui de cette dernière n'est manifestement ni dictée par la nécessité, ni le fruit du hasard, les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES sont, en faisant l'économie d' investissements, parvenues à profiter du succès d'un modèle qui a été à plusieurs reprises primé (entre la date du dépôt et les opérations de saisie) ;
Que de tels agissements sont fautifs et ont causé à la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE, distributeur en France dudit modèle, un préjudice dont elle est fondée à solliciter la réparation ;
Que le jugement attaqué doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur les dispositions de l'article
1382 du Code civil ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la bonne foi invoquée par les appelantes s'avère indifférente ; Considérant que l'examen des pièces du dossier révèle que les premiers juges ont fixé à un niveau trop élevé le montant des dommages-intérêts accordés en réparation du préjudice né de la contrefaçon ; que certes le modèle de la société VILLEROY & BOCH AG a subi un certain avilissement du fait de la distribution incriminée, mais qu'il n'est pas justifié des pertes de marge alléguées et que compte tenu notamment de l'importance réelle de l'atteinte aux droits privatifs invoqués, il convient de ramener le montant de la réparation à la somme de 30.000 euros ;
Que, par ailleurs, eu égard en particulier à la nature, à l'étendue et à la durée de la diffusion fautive imputable aux sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES, le préjudice qui en est résulté pour la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE doit être chiffré à hauteur de ce même montant ;Que les autres mesures réparatrices décidées en première instance s'avèrent justifiées et suffisantes et qu'il doit seulement être ajouté que les publications tiendront compte du présent arrêt ;
Sur les dépens et l'application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne le sort des dépens et l'application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que le sens du présent arrêt conduit à mettre les dépens d'appel à la charge des sociétés FRANCE AFFAIRES et PARIS AFFAIRES ;
Que ne peuvent être inclus dans les dépens les frais de saisie-contrefaçon, lesquels ne sont pas compris dans l'énumération limitative de l'article
695 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'il y a lieu de faire partiellement droit aux prétentions des sociétés VILLEROY & BOCH relatives à leurs frais irrepetibles de procédure exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs
,
La cour :
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE fondée sur les dispositions de l'article
1382 du Code civil, et en ce qui concerne les dommages intérêts ;
- L'infirmant de ces chefs,
Condamne in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à payer à la société VILLEROY & BOCH AG la somme de 30.000 euros au titre de la contrefaçon ;
Accueille la société VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE en sa demande fondée sur les dispositions de l'article
1382 du Code civil et condamne in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES à lui payer à ce titre la somme de 30.000 euros ;
Y ajoutant,
Dit que les publications tiendront compte du présent arrêt ;
Rejetant toute autre prétention, condamne in solidum les sociétés PARIS AFFAIRES et FRANCE AFFAIRES aux dépens d'appel, dont le recouvrement pourra être contreelles poursuivi par Me TEYTAUD, avoué, conformément aux dispositions de l'article
699 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à payer, en application de l'article
700 du même code, à chacune des sociétés VILLEROY & BOCH AG et VILLEROY & BOCH ARTS DE LA TABLE, la somme de 3.000 euros.