Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 2e section) 16 avril 1992
Cour de cassation 01 février 1995

Cour de cassation, Troisième chambre civile, 1 février 1995, 92-16956

Mots clés société · pourvoi · vente · commune · réparation · maire · preuve · siège · convention · préjudice · principal · procédure civile · recours · municipal · retenant

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 92-16956
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 2e section), 16 avril 1992
Président : Président : M. BEAUVOIS
Rapporteur : M. Douvreleur
Avocat général : M. Baechlin

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 2e section) 16 avril 1992
Cour de cassation 01 février 1995

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société civile immobilière dénommée GL2, dont le siège social est ... (Haute-Savoie),

2 / la société Paris-Savoie, société anonyme, dont le siège social est ... (Haute-Savoie), Cluses, en cassation d'un arrêt rendu le 16 avril 1992 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 2e section), au profit de la commune de Bonneville, prise en la personne de son maire en exercice, dont le siège est hôtel de ville, à Bonneville (Haute-Savoie), défenderesse à la cassation ;

EN PRESENCE DE :

M. Lucien X..., architecte, demeurant ..., BP 159 à Ville-la-Grand (Haute-Savoie), Annemasse,

La commune de Bonneville a formé, par un mémoire déposé au greffe le 19 octobre 1992, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 décembre 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Douvreleur, conseiller rapporteur, M. Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Douvreleur, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de la société civile immobilière GL2 et de la société Paris-Savoie, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la commune de Bonneville, de Me Boulloche, avocat de M. X..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen

du pourvoi incident :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 avril 1992), qu'en vue de l'édification d'un bâtiment à usage d'usine, devant être donné à bail à la société Paris-Savoie, la société civile immobilière GL 2 (la SCI) est convenue, par deux actes du 16 mars 1988, avec la commune de Bonneville, de la vente par celle-ci d'une parcelle de 25 000 m moyennant le prix de 1 franc, le terrain devant être livré "sous la forme d'une plate-forme constructible non inondable" et la maîtrise d'oeuvre étant confiée à M. X... ;

que, le 11 avril 1988, le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer cette convention ;

que, toutefois, celui-ci ne s'est pas présenté en l'étude du notaire à la date prévue, et que le conseil municipal a décidé, le 18 novembre 1988, de dénoncer la convention ;

que les sociétés GL 2 et Paris-Savoie ont assigné la commune pour obtenir la constatation judiciaire de la vente et des dommages-intérêts ;

qu'un jugement du 11 janvier 1989 ayant déclaré ces demandes irrecevables, les sociétés GL2 et Paris-Savoie ont saisi le tribunal de nouvelles demandes ;

Attendu que la commune de Bonneville fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'autorité de la chose jugée par le jugement du 11 janvier 1989, alors, selon le moyen, "1 ) que le jugement a autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche, même lorsque celle-ci porte sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir ;

que le tribunal de grande instance de Bonneville s'étant déjà prononcé sur les demandes des deux sociétés par un jugement du 11 janvier 1989, dont il résulte que celles-ci avaient été déclarées irrecevables en leurs doubles demandes, l'une pour défaut de qualité, l'autre pour défaut de capacité à agir en justice, l'arrêt attaqué n'a pu, sans violer les articles 1351 du Code civil, 480 et 481 du nouveau Code de procédure civile pris ensemble, retenir que ledit jugement, non frappé d'appel, était dépourvu de l'autorité de la chose jugée comme ne statuant pas sur le fond ;

2 ) que le jugement du 11 janvier 1989, saisi de la demande en réparation des deux sociétés, a déclaré irrecevable la société Paris-Savoie en sa demande tendant à voir constater judiciairement la cession et solliciter son exécution, et statué nécessairement aussi sur la réparation comprise dans la demande ;

que, dès lors, l'arrêt attaqué, retenant que la chose jugée par ce précédent jugement ne faisait pas obstacle à une nouvelle demande en réparation de la société Paris-Savoie fondée sur la faute de la commune, a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que le jugement du 11 janvier 1989 a constaté que la société GL 2 était dépourvue du droit d'agir lors de l'introduction de ses demandes et déclaré ladite société irrecevable en son action ;

que, dès lors, l'arrêt attaqué, considérant malgré le dessaisissement du juge initialement saisi, que la fin de non-recevoir définitivement jugée, tenant au défaut de capacité à agir en justice, était susceptible d'être régularisée dans le cadre d'une nouvelle instance portant sur les mêmes demandes, a violé, ensemble, les articles 1351 du Code civil, 126, 480 et 481 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'abstraction faite d'un motif surabondant, la cour d'appel, qui a relevé, à bon droit, que le jugement du 11 janvier 1989 ayant déclaré irrecevable la demande de la société Paris-Savoie en ce qu'elle n'était pas partie à la convention litigieuse ne faisait pas obstacle à une demande en réparation de préjudice fondée sur la faute de la commune et qui, la SCI ayant engagé une nouvelle action après ce jugement, a pu retenir que la situation de cette société avait été régularisée au cours de la nouvelle instance, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen

du pourvoi incident :

Attendu que la commune de Bonneville fait grief à l'arrêt de la débouter de son action récursoire à l'encontre de M. X..., alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel devait rechercher, en l'état des conventions signées le 16 mars 1988 par les parties et faisant de manière précise le choix de M. X... en qualité de maître d'oeuvre "avec projet au sens du décret 73-207 avec une note de complexité de 8 dans le domaine infrastructure", si, comme le soutenait la commune de Bonneville, ledit architecte n'avait pas participé aux négociations préalables à ces signatures, et si l'évaluation des travaux à la somme de 4 millions de francs, soumise à l'approbation du conseil municipal, ne résultait pas de ses agissements en qualité de conseil ;

qu'en s'abstenant d'une telle recherche, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que la preuve du fait que M. X... avait, préalablement à la décision du conseil municipal du 11 avril 1988, évalué le montant des travaux d'aménagement à la somme de 4 millions de francs, et avait fourni cet avis à la commune de Bonneville, pouvait être rapportée par tous moyens ;

qu'en retenant que celle-ci ne produisait aucun commencement de preuve par écrit confortant cette prétention, l'arrêt attaqué a violé les articles 1341, 1347 et 1353 du Code civil ;

3 ) que la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des attestations des trois conseillers municipaux en retenant que le chiffre de 4 millions de francs se rapportait, selon ces déclarations, aux "bâtiments à construire" ;

que lesdites déclarations indiquaient toutes que ce chiffre concernait "l'ensemble des travaux à la charge de la commune", dont l'objet n'avait jamais varié et portait sur les travaux d'aménagement, de sorte que l'arrêt attaqué a violé l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu qu'appréciant la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis et procédant à une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes ambigus des trois attestations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement qu'il ne résultait pas du dossier que le conseil municipal s'était fondé sur les prévisions de l'architecte X... pour autoriser le maire à céder le terrain viabilisé visé aux conventions ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable :

Vu l'article 1583 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande en déclaration judiciaire de la vente, l'arrêt retient que les conventions du 16 mars 1988 mentionnaient que l'emplacement du terrain de 25 000 m en façade sur l'autoroute serait ultérieurement précisé, et que le dossier ne contenait aucun document permettant d'affirmer que la commune entendait constituer ce terrain par l'ensemble des parcelles figurant dans le projet d'acte de vente rédigé par le notaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la commune de Bonneville avait procédé à un début d'exécution de la convention en demandant à M. X... de réaliser l'étude de viabilité du terrain cédé, et de lancer un appel d'offres pour la réalisation des infrastructures extérieures sur celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la vente, objet du contrat du 16 mars 1989, n'était pas parfaite et en ce qu'il a alloué à ces deux sociétés des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elles ont subi du fait du refus de la commune de Bonneville de régulariser l'acte de vente,

l'arrêt rendu le 16 avril 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la commune de Bonneville, aux dépens des pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.