Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2023 et 18 janvier 2024, la société SMDR, représentée par la Serl Item Avocats, agissant par Me Marchesini, demande au juge des référés statuant en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative de :
- Annuler la procédure de passation du contrat de concession sous forme de délégation de service public pour l'exploitation d'un établissement de plage situé au 2396 Boulevard Front de Mer, Les Salins, à Hyères à compter de la phase de sélection des candidatures ;
- Ordonner à la commune de Hyères Les Palmiers de réunir la commission de délégation de service public afin qu'elle procède, en tenant compte des motifs et du dispositif de l'ordonnance à intervenir, à la sélection des candidatures par application du règlement de consultation et des règles du code de la commande publique ;
- Condamner la commune de Hyères Les Palmiers au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L.761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Il est manifeste que 4 plis ont été reçus et non 3. Le pli n°4 n'a pas été analysé par la commission de délégation de service public qui s'est réunie le 24 août 2023 ; ce pli n°4 est celui qui a été reçu en dernier lieu et donc, potentiellement mais très probablement après le délai imparti par le règlement de la consultation puisqu'il ressort de l'instruction que 3 plis seulement ont été reçus dans le délai imparti ; le pli n°4 n'est pas dématérialisé et il ne répond donc pas aux conditions de remise des candidatures fixées par l'article 7 du règlement de la consultation, lequel impose la remise de plis dématérialisés. En outre aucune explication de fait ou de droit n'est donnée dans le rapport du Maire sur cette technique très particulière qui ne repose sur aucune base légale consistant à " annuler " un pli et à le " remplacer " par un autre. En l'état, le défaut de transparence sur le nombre de candidatures, leur recevabilité ainsi que sur les conditions de dépôt et d'analyse du pli n°4 contenant la candidature et l'offre de la SAS Les voiles d'or est manifeste.
- M. A n'a accompli aucune démarche particulière permettant de lancer la procédure de constitution de la SAS Les voiles d'or. La circonstance qu'il a communiqué un projet de statuts est insuffisant pour qualifier la SAS Les voiles d'or de société en cours de constitution recevable à participer à une procédure de passation d'un contrat de concession sous forme de délégation de service public. D'autre part, la commune ne pouvait, en l'état des pièces de cette candidature, considérer que M. A était apte, à lui seul, à agir au nom de la SAS VOILES D'OR qui est censée être créée par 2 associés, sauf à méconnaître les dispositions des articles
L. 210-6 du code de commerce et
1843 du code civil. Le règlement de la consultation prévoyait d'ailleurs en son article 6.2 " Contenu du dossier de candidature " que chaque candidat devait produire pour justifier sa capacité juridique une lettre de candidature datée et signée permettant d'identifier le candidat (dénomination, adresse, forme juridique) avec un pouvoir de la personne physique habilitée. La commune a donc non seulement méconnu les règles propres à la recevabilité des candidatures des sociétés en cours de constitution mais également les exigences à caractère impératif qui découlaient de son règlement de la consultation.
- Monsieur A a produit des demandes de financement auprès de la BNP Paribas, ce qui implique qu'il ne disposait pas de fonds propres disponibles ou mobilisables pour financer les investissements nécessaires pour l'exploitation du service public dont la valeur prévisionnelle globale calculée sur la base de données rétrospectives d'exploitation est évaluée à 6 000 000 € HT. Toutefois, Monsieur A ne produit aucune attestation bancaire, ni caution bancaire justifiant que ces demandes de financement auraient été accordées. En somme, la commission a considéré que la SAS Les voiles d'or avait la capacité économique et financière pour exploiter un contrat, dont la valeur globale est estimée à 6 000 000 euros et qui nécessite un investissement de départ très important, sur la base de simples demandes de financement présentées par Monsieur A, Directeur des systèmes d'informations à la Commune de Cavalaire-sur-Mer. Ainsi, aucun examen réel des capacités économiques et financières de ce candidat n'a été réalisé alors que l'autorité concédante est tenue de vérifier les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession.
- Il est manifeste que le quorum pour une tenue régulière de la commission DSP du 14 septembre 2023 n'était pas atteint. Ce vice la lèse dans la mesure où la commission DSP a analysé et classé des offres de candidats qui auraient dû être éliminés au stade de la sélection des candidatures. Il s'agit d'un manquement procédural qui justifie d'autant plus que soit ordonnée la reprise de la procédure de passation du contrat de concession à compter de la phase de sélection des candidatures.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 16, 17 et 22 janvier 2024, la commune de Hyères Les Palmiers par la Selas Charrel et Associes agissant par Me Charrel, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société requérante n'a pas été lésée par les vices dont elle se prévaut ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du Tribunal a désigné M. Harang, vice-président, en application de l'article
L. 511-2 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, M. Harang a lu son rapport et entendu :
- Les observations de Me Marchesini pour la société SMDR ;
- Les observations de Me Charrel pour la commune de Hyères Les Palmiers.
La clôture de l'instruction a été reportée au lundi 22 janvier à midi.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié notamment au Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics le 31 mars 2023, la commune de Hyères Les Palmiers a lancé une consultation en vue de l'attribution d'une concession sous forme de délégation de service public portant sur l'aménagement et l'exploitation de l'établissement de plage situé au 2396 Boulevard Front de Mer, Les Salins. A l'expiration du délai de consultation, la société SMDR a remis un pli, au même titre que les sociétés Part des anges et Les voiles d'or. Après application des critères d'attribution énoncés dans le règlement de la consultation, l'autorité concédante a retenu la soumissionnaire la société Les voiles d'or, celle-ci ayant remis l'offre économiquement la plus avantageuse avec la note globale de 87,9. Par courrier du 18 décembre 2023, la commune a informé la société SMDR du rejet de son offre, celle-ci ayant été classée en troisième et dernière position avec la note de 77,6%, en prenant soin de préciser l'identité de l'attributaire ainsi que les avantages et caractéristiques de l'offre de ce dernier.
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix () ". Il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
3. Aux termes de l'article
L. 3123-19 du code de la commande publique : " Après examen des capacités et aptitudes des candidats, l'autorité concédante élimine les candidatures incomplètes ou irrecevables et dresse la liste des candidats admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession" et selon l'article
L. 3123-20 de ce code : " Est irrecevable une candidature présentée par un candidat qui ne peut participer à la procédure de passation en application des articles L. 3123-1 à L. 3123-14, L. 3123-16 et L. 3123-17 ou qui ne possède pas les capacités ou les aptitudes exigées en application de la présente section ". Enfin, le règlement de la consultation en cause prévoyait en son article 6.2 (Contenu du dossier de candidature) que chaque candidat devait produire pour justifier sa capacité juridique, une lettre de candidature datée et signée permettant d'identifier le candidat (dénomination, adresse, forme juridique) avec un pouvoir de la personne physique habilitée
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que si la commune expose que Mme C B aurait pris un engagement ferme fixant le montant de son éventuelle participation au capital de la société Les voiles d'or, elle ne produit aucun document établissant l'existence d'un tel engagement alors même que ni le projet de statuts, ni le dossier de candidature de cette société, ne sont signés par Mme B et que la preuve de l'existence d'un mandat de représentation donné à M. A par cette dernière, n'est pas rapportée. Par ailleurs, la circonstance que Mme B a fourni des renseignements sur son état civil, son expérience et ses qualifications pour l'exécution de la concession ne sont pas de nature à suppléer à cette absence d'engagement formel, cette omission étant d'autant plus substantielle que Mme B apparait comme la seule des deux associés à disposer de compétences en matière de cuisine-restauration et que cette situation a nécessairement constitué un élément déterminant dans l'appréciation de son offre. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la commune a méconnu les exigences à caractère impératif qui découlaient de son règlement de la consultation.
5. En deuxième lieu, il est constant que la société Les voiles d'or n'a remis au soutien de son dossier de candidature sur le volet " capacité économique et financière " que les pièces justifiant d'un projet de statuts faisant apparaître un capital social de 10.000 euros et d'un apport personnel de M. A à hauteur des sommes détenues sur divers comptes bancaires pour 150.000 euros. Or, le montant global de l'investissement proposé par la société Les voiles d'or (hors location) est de 475.000 euros HT. Si cette société expose avoir déposé un dossier de prêt de 325.000 euros, elle ne produit pas la preuve d'un engagement de l'établissement bancaire à lui consentir ce prêt. Par suite, la société SMDR est, là encore, fondée à soutenir que la commune était tenue de relever que les documents justificatifs présentés étaient insuffisants et ne répondaient pas aux exigences du règlement de la consultation.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la société La part des anges, classée en deuxième position par la Commission de délégation de service public compétente, n'a transmis à l'appui de sa candidature qu'une attestation de promesse de vente d'une partie de ses actifs alors même qu'elle dispose d'un capital social de 1000 euros et a réalisé un bénéfice de 900 euros pour l'année 2021. La société requérante est donc fondée à faire valoir que les capacités de la société La part des anges ont été, en l'état de l'instruction, incorrectement appréciées.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la société SDMR, qui établit l'existence d'un intérêt lésé, est fondée à obtenir l'annulation de la procédure de passation du contrat de concession sous forme de délégation de service public pour l'exploitation d'un établissement de plage situé au 2396 Boulevard Front de Mer, Les Salins. Compte tenu des motifs de la présente décision, il y a lieu d'ordonner, si la commune de Hyères Les Palmiers entend poursuivre le projet ce délégation de service public, la reprise de la totalité de la procédure dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article
L.761-1 du code de justice administrative en condamnant la commune de Hyères Les Palmiers à verser à la société SMDR la somme de 1500 euros et de rejeter les conclusions présentées par cette commune, partie perdante, sur ce même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La procédure de passation du contrat de concession sous forme de délégation de service public pour l'exploitation d'un établissement de plage situé au 2396 Boulevard Front de Mer, Les Salins, à Hyères, est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Hyères Les Palmiers, si elle entend poursuivre le projet de délégation de service public en cause, de reprendre entièrement la procédure y afférente.
Article 3 : La commune de Hyères Les Palmiers versera une somme de 1 500 euros à la société SMDR, en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SMDR, à la commune de Hyères Les Palmiers et à la société Les voiles d'or.
Fait à Toulon, le 29 janvier 2024.
Le Vice-président
Juge des référés,
Signé
Ph. HARANG
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui la concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Le greffier