Sur le moyen
unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 juin 2012), que M. X... a été engagé en qualité d'architecte bibliothèque d'analyse quantitative des produits dérivés par la société ABN AMRO management services Ltd à compter du 5 février 2007 pour une durée indéterminée ; qu'en octobre 2007, le contrat de travail de M. X... a été transféré à la société Royal Bank of Scotland ; qu'en 2008, le salarié a obtenu l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough au Royaume-Uni ; qu'en août 2009, il décidait de déménager en France et de fixer sa résidence à Lille où il continuait à travailler pour ne venir à Londres qu'un jour par semaine ; que, le 1er novembre 2009, prenait effet un nouveau contrat de travail avec l'employeur, le poste de travail du salarié restant inchangé dans le service Global Banking and Markets de la société Royal Bank of Scotland ; que le salarié a été licencié pour motif économique le 29 décembre 2010 ; que, contestant la légitimité de son licenciement, il a engagé le 24 mars 2011 une action en justice devant le tribunal d'emploi au Royaume-Uni, puis a saisi le conseil de prud'hommes de Lille en sa formation de référé le 25 mai 2011, après s'être désisté de l'instance engagée au Royaume-Uni ; que l'employeur a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction prud'homale française ;
Attendu que le salarié fait grief à
l'arrêt de dire la juridiction prud'homale française incompétente, alors, selon le moyen :
1°/ que le lieu de travail habituel doit être entendu comme le lieu où le salarié a établi le centre effectif de ses activités professionnelles et où à partir duquel il s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; qu'en se fondant non pas sur les conditions d'exercice de fait de l'activité mais sur les termes du contrat pour décider que « l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough obtenue par M. Daniel Alberto X... de ses supérieurs hiérarchiques en 2008, n'a pas remis en cause la localisation de son emploi dans le service Global Banking & Markets (GBM) à Londres » la cour d'appel a violé l'article 19 du Règlement (CE) n° 44/2001 ;
2°/ que, en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité peut être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ;
qu'en décidant
que « l'employeur n'a jamais donné son accord à un transfert en France du lieu de travail de son salarié » la cour d'appel, en se référant à la formalisation expresse d'un accord sur le changement de lieu d'exécution, s'est prononcée par des motifs inopérants pour la caractérisation du dernier lieu d'activité comme lieu de travail habituel et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 du Règlement (CE) n° 44/2001 ;
3°/ que, en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité peut être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; qu'en jugeant que M. Daniel Alberto X... ne pouvait revendiquer comme tel le lieu de son domicile « où il s'est établi de sa propre initiative pour convenances personnelles », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants pour la caractérisation du dernier lieu d'activité comme lieu de travail habituel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 du Règlement (CE) n° 44/2001 ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; que le lieu de travail habituel est l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur ; qu'en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment des termes de son dernier contrat de travail entré en vigueur le 1er novembre 2009 que l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough, obtenue par le salarié de ses supérieurs hiérarchiques en 2008, n'a pas remis en cause la localisation de son emploi dans le service Global Banking & Markets à Londres, que l'employeur n'a jamais donné son accord à un transfert en France du lieu de travail de son salarié, la tolérance dont il a bénéficié pour travailler chez lui une partie de la semaine alors qu'il n'était plus domicilié au Royaume-Uni ne pouvant s'analyser qu'en une dérogation précaire aux termes du contrat fixant la localisation de son poste de travail au sein du service Global Banking & Markets à Londres, et que, par ailleurs, sur l'ensemble de la période d'activité du salarié employé du 5 février 2007 au 29 décembre 2010, celui-ci a accompli la majeure partie de son temps de travail dans les locaux du service Global Banking & Markets à Londres qui est constamment demeuré le centre effectif de ses activités professionnelles, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en l'absence de volonté claire des parties, il n'a pas été convenu que le travailleur exercerait de façon stable et durable ses activités à son domicile en France et que le service Global Banking & Markets à Londres était resté le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n° 44/2001 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du contrat de travail conclu par Monsieur Daniel Alberto X... avec la ROYAL BANK OF SCOTLAND.
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « S'agissant d'un litige relatif à un contrat de travail conclu entre un salarié domicilié en France et un employeur domicilié sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, la juridiction compétente pour en connaître est déterminée par application du Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dénommé Règlement Bruxelles I et plus précisément par les dispositions de sa section 5 « Compétence en matière de contrats individuels de travail », articles 18 et 19.
Aux termes de l'article 18 du Règlement (CE) n°44/2001 en matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 4 et de l'article 5, point 5.
Aux termes de l'article 19 du Règlement (CE) n°44/2001, un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait :
1) devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile,
2) dans un autre Etat membre :
a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ou
b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur (¿)
Ce Règlement entré en vigueur le 1er mars 2002 a remplacé la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 dont il a repris l'essentiel des dispositions, de sorte que la jurisprudence de la Cour de Justice de Luxembourg relative aux interprétations de l'article 5 de ladite Convention demeure pertinente.
Les deux parties s'accordent sur ce point.
Le contrat initial conclu le 29 janvier 2007 par Monsieur Daniel X... avec la société ABN AMRO Management Services Limited dont l'exécution s'est poursuivi du février 2007 jusqu'à son transfert à la ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC au mois d'octobre 2007 stipule que l lieu de travail se situera dans les bureaux de la Société au 2ème étage du 250 Bishopsgate à Londres ou dans tout autre établissement de la Société ou du Groupe au Royaume Uni, en fonction des nécessités du moment et fixe les horaires normaux de travail de 9h à 17h du lundi au vendredi avec une heure de pause pour le déjeuner.
Le nouveau contrat conclu entre Monsieur Daniel X... et la ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC établi le 27 aout 2009 et entré en vigueur le 1er novembre 2009 stipule que le poste du salarié reste inchangé dans le service Global Banking & Markets (GBM).
Sa localisation est fixée au 3ème étage du 135 Bishopsgate à Londres, l'employeur se réservant la possibilité de transférer son salarié ou de lui demander de travailler dans d'autres bureaux, succursale ou service à une distance raisonnable de son lieu de travail actuel ou de son domicile (le domicile du salarié mentionné au contrat étant 10 Fishguarrd Spurr, Dolphin Road, SLOUHH, Berkshire SL1 1TS). L'horaire normal de travail est fixé à 35 heures par semaine.
Peu avant la signature de ce nouveau contrat en août 2009, Monsieur Daniel X... qui avait obtenu en 2008 l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough en Angleterre décidait de déménager en France et de fixer sa résidence à Lille où il continuait à travailler pour ne venir à Londres qu'un jour par semaine.
Soucieux de clarifier sa situation au regard de la couverture sociale dont il pourrait bénéficier pour lui-même et pour sa famille ne France où il envisage d'acquérir une maison, Monsieur Daniel X... explique dans un courrier en date du 20 mai 2010 : « Je suis employé chez GBM depuis 2008, j'ai un accord avec mes différents supérieurs (tout d'abord Andrew Y..., et actuellement Howard Z... et Jason A...) pour travailleur chez moi une partie de la semaine afin de réduire les frais de déplacement. Lorsque j'ai commencé à travailler chez moi, je vivais au RU. Puis, l'année dernière, en août, après avoir constaté que la technologie de connectivité à distance chez RBS était suffisamment sûre pour me permettre de travailler ailleurs qu'au bureau, j'ai déménagé en France ainsi que ma famille, ayant convenu de revenir au bureau une fois par semaine et de travailler chez moi le reste du temps. Tout a bien fonctionné, sauf la couverture santé pour ma famille et moi-même. J'avais compris que, puisque je continuais à être employé au RU et à payer des cotisations au système britannique, je serais en droit d'obtenir un E106 à présenter aux autorités françaises afin de bénéficier de l'assurance maladie en France (¿) »
Faisant valoir qu'il ne se rendait plus à Londres que ponctuellement et qu'il exerçait 80% de son travail en France à son domicile, de Lille où il s'était établi de façon durable, Monsieur Daniel Alberto X... conclut à la compétence du Conseil de Prud'hommes de Lille pour connaître du litige qui l'oppose à la ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC.
Cependant, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des termes de son dernier contrat de travail entré en vigueur le 1er novembre 2009 que l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough obtenue par Monsieur Daniel Alberto X... de ses supérieurs hiérarchiques en 2008, n'a pas remis en cause la localisation de son emploi dans le service Global Banking & Markets (GBM) à Londres. En effet, l'employeur n'a jamais donné son accord à un transfert en France du lieu de travail de sons salarié, la tolérance dont Monsieur Daniel Alberto X... a bénéficié pour travailler chez lui une partie de la semaine alors qu'il n'était plus domicilié au Royaume Uni ne pouvant s'analyser qu'en une dérogation précaire aux termes du contrat fixant la localisation de son poste de travail au sein du service Global Banking & Markets (GBM) situé à Londres. Par ailleurs, sur l'ensemble de la période d'activité du salarié employé du 5 février 2007 au 29 décembre 2010 successivement par la société ABN AMRO Management Services Limited qui a son siège social à Amsterdam puis par la ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC qui a son siège social à Edimbourg en Ecosse, Monsieur Daniel Alberto X... accomplit la majeure partie de son temps de travail dans les locaux du service Global Banking & Markets (GBM) situé à Londres où est constamment demeuré le centre effectif de ses activités professionnelles. Dans ces conditions, le domicile de Monsieur Daniel Alberto X... situé à Lille sur le territoire de la France, Lille où s'est établi de sa propre initiative et pour convenances personnelles en août 2009 ne peut être considéré comme le dernier lieu où il a accompli habituellement son travail au sens de l'article 19 du Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ».
1) ALORS en premier lieu QUE le lieu de travail habituel doit être entendu comme le lieu où le salarié a établi le centre effectif de ses activités professionnelles et où ou à partir duquel il s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; qu'en se fondant non pas sur les conditions d'exercice de fait de l'activité mais sur les termes du contrat pour décider que « l'autorisation d'exécuter pour partie sa prestation de travail à son domicile situé à Slough obtenue par Monsieur Daniel Alberto X... de ses supérieurs hiérarchiques en 2008, n'a pas remis en cause la localisation de son emploi dans le service Global Banking & Markets (GBM) à Londres » la Cour d'appel a violé l'article 19 du Règlement (CE) n°44/2001 ;
2) ALORS subsidiairement en deuxième lieu QUE, en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité peut être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; qu'en décidant que « l'employeur n'a jamais donné son accord à un transfert en France du lieu de travail de son salarié » la Cour d'appel, en se référant à la formalisation expresse d'un accord sur le changement de lieu d'exécution, s'est prononcée par des motifs inopérants pour la caractérisation du dernier lieu d'activité comme lieu de travail habituel et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 du Règlement (CE) n°44/2001 ;
3) ALORS subsidiairement en troisième lieu QUE, en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité peut être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; qu'en jugeant que Mr Daniel Alberto X... ne pouvait revendiquer comme tel le lieu de son domicile « où il s'est établi de sa propre initiative pour convenances personnelles », la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants pour la caractérisation du dernier lieu d'activité comme lieu de travail habituel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 du Règlement (CE) n°44/2001.