CJUE, Conclusions de l'avocat général Van Gerven, 12 juin 1991, C-261/89
Mots clés
aide · commission · gouvernement · lit · milliards · paragraphe · entreprises · prêts · capital · aluminium · restructuration · recours · requête · prêt · ressort
Synthèse
Juridiction : CJUE
Numéro affaire : C-261/89
Date de dépôt : 17 août 1989
Titre : Aides d'Etat à des entreprises d'aluminium - Apports de capitaux.
Rapporteur : Rodríguez Iglesias
Avocat général : Van Gerven
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1991:252
Texte
Avis juridique important
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61989C0261
Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 12 juin 1991. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'Etat à des entreprises d'aluminium - Apports de capitaux. - Affaire C-261/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-04437
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Par le recours en cause, le gouvernement italien demande à la Cour, conformément à l' article 173 du traité CEE, d' annuler la décision 90/224/CEE de la Commission, du 24 mai 1989, concernant les aides accordées par le gouvernement italien à Aluminia et Comsal, qui sont deux entreprises publiques du secteur de l' aluminium ( 1 ) ( ci-après "décision litigieuse "). La décision litigieuse de la Commission est fondée sur l' article 93, paragraphe 2, premier alinéa, du traité CEE, et elle se lit comme suit :
"Article premier
Les deux aides sous forme de prêts sans intérêt qui doivent être convertis en capital, d' un montant de 70 milliards de LIT et 30 milliards de LIT, que le gouvernement italien a accordées aux entreprises Aluminia et Comsal, sont incompatibles avec le marché commun au sens de l' article 92, paragraphe 1, du traité CEE, parce que ces aides ont été octroyées en violation des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité CEE, et des conditions prévues par la décision de la Commission du 17 décembre 1986 .
Le gouvernement italien est tenu de supprimer lesdites aides et d' exiger leur remboursement par les entreprises bénéficiaires .
Le gouvernement italien s' abstient de convertir en capital ces deux prêts de 70 milliards de LIT et de 30 milliards de LIT .
Article 2
Le gouvernement italien informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s' y conformer .
... "
A l' appui de son recours en annulation, le gouvernement italien a fait valoir dans sa requête et sa réplique, en premier lieu, que les interventions financières en cause ont respecté le plafond de 989 milliards de LIT, autorisé par la décision de la Commission du 17 décembre 1986, en second - lieu, que c' est à tort que, dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié ces interventions d' aides d' État au sens de l' article 92, paragraphe 1, et en troisième lieu que la décision litigieuse n' est pas suffisamment motivée, étant donné que la Commission n' a pas examiné si les conditions de dérogation à l' interdiction des aides d' État, visées à l' article 92, paragraphe 3, sous c ), étaient remplies . Au cours de l' audience, le gouvernement italien s' est désisté du moyen cité en premier lieu . Nous ne l' examinerons dès lors pas dans la suite de notre exposé .
Dans la suite de notre exposé, après avoir décrit succinctement les faits ( paragraphes 2 à 4 ), nous examinerons d' abord si les prêts sans intérêt à convertir en capital, accordés en 1987 à Aluminia et à Comsal, constituent effectivement, comme la Commission l' affirme dans la décision litigieuse, des aides d' État au sens de l' article 92, paragraphe 1 ( paragraphes 5 à 13 ). Nous examinerons ensuite si la décision litigieuse n' est pas suffisamment motivée étant donné que la Commission n' a pas examiné si les conditions de dérogation à l' interdiction des aides d' État, visées à l' article 92, paragraphe 3, sous c ), étaient remplies ( paragraphes 14 à 16 ).
Les faits
2 . Dans le cadre de l' assainissement économique de l' industrie de l' aluminium à participation d' État, le gouvernement italien a élaboré au cours de la première moitié de la décennie 1980 un plan de restructuration de cette industrie . Ce plan ( ci-après "plan aluminium ") prévoyait pour la période allant de 1983 à 1988 des aides publiques d' un montant de 1 445 milliards de LIT sous forme d' apport en capital, de subventions et de prêts avec bonification d' intérêt . La Commission a ouvert la procédure de l' article 93, paragraphe 2, du traité CEE, à l' égard de ces aides, respectivement les 5 décembre 1984 et 20 novembre 1985 . Elle estimait entre autres que le montant des aides prévues était nettement supérieur aux besoins du plan aluminium ( 2 ). Or, après que le gouvernement italien eût apporté une série de modifications au plan aluminium et accepté plus particulièrement de réduire l' aide prévue sous forme d' apport en capital de 200 milliards de LIT ( 3 ), la Commission a décidé de clore les procédures ouvertes en 1984 et 1985 par la décision du 17 décembre 1986 ( qui a été notifiée au gouvernement italien par lettre du 13 janvier 1987 ). Elle a en même temps autorisé l' aide d' un montant de 989 milliards de LIT, consistant en un apport en capital, et l' aide de 400 milliards de LIT, consistant en un prêt avec bonification d' intérêt, pour les activités du holding public EFIM dans le secteur de l' aluminium ( 4 ). Elle a aussi autorisé des subventions d' un montant de 48,1 milliards de LIT et un prêt de 7,9 milliards de LIT avec bonification d' intérêt pour la fonderie publique d' aluminium de Bolzano ( 5 ). Toutefois, la Commission n' a autorisé l' aide prévue dans le plan aluminium ( 1983-1988 ) qu' à la condition, expressément citée dans la décision du 17 décembre 1986, que le gouvernement italien n' accorde aucune aide supplémentaire, sous quelque forme que ce soit, au secteur public de l' aluminium avant la fin de 1988 .
3 . Le 18 septembre 1987, le gouvernement italien a chargé ( par décision du CIPE ( 6 )) le holding public EFIM d' accorder des prêts d' un montant de 100 milliards de LIT à deux de ses filiales, à savoir Aluminia et Comsal, qui sont des entreprises publiques du secteur de l' aluminium ( 7 ).
Le gouvernement italien n' a pas notifié ces prêts à l' avance à la Commission, conformément à l' article 93, paragraphe 3, du traité CEE . Ce n' est qu' en réponse à une demande expresse de la Commission que le gouvernement italien l' a informée, par lettre du 28 mars 1988, des prêts et de leurs modalités . Il a surtout souligné dans cette lettre que les deux prêts étaient destinés à financer des investissements : à des fins de modernisation dans le cas du prêt à Aluminia, d' un montant de 70 milliards de LIT, et aussi à des fins d' extension et de diversification de la production dans le cas du prêt à Comsal, d' un montant de 30 milliards de LIT . Il a aussi fait savoir à la Commission que les prêts étaient assortis d' un différé d' amortissement de quatre ans et devaient être remboursés entre 1991 et 1994 ( 8 ). Les intérêts des deux prêts et les remboursements du principal seraient pris en charge par les pouvoirs publics, si bien que les prêts seraient convertis à chaque échéance en capital au profit d' EFIM ( 9 ).
4 . Sur la base de ces informations et d' autres informations de source publique, la Commission a décidé en septembre 1988 d' ouvrir la procédure de l' article 93, paragraphe 2, à l' égard de ces prêts . Elle estimait que le paiement intégral des intérêts par l' État constituait à l' évidence un cas d' aide publique ( 10 ) et que la conversion des deux prêts en capital constituait une dotation en capital susceptible de comporter, à la lumière des circonstances, des éléments d' aide d' État ( 11 ). Le 24 mai 1989, la procédure de l' article 93, paragraphe 2, a été clôturée par la décision contestée dans la présente procédure . Ainsi qu' il ressort de la partie de la décision litigieuse qui est déjà citée plus haut, la Commission a estimé que les prêts en cause constituaient effectivement des aides d' État, incompatibles avec le marché commun parce qu' ils n' avaient pas été notifiés à l' avance à la Commission et avaient été octroyés en violation des conditions prévues par la décision du 17 décembre 1986, en particulier la condition de ne pas accorder d' aide supplémentaire, sous quelque forme que ce soit, au secteur public de l' aluminium avant la fin de 1988 ( 12 ). La Commission a imposé au gouvernement italien d' exiger le remboursement de ces aides par les entreprises bénéficiaires, à savoir Aluminia et Comsal ( 13 ), et lui a enjoint expressément de ne pas convertir les prêts en capital ( 14 ).
Les aides en cause sont-elles des aides d' État au sens de l' article 92, paragraphe 1, du traité CEE?
5 . A l' appui de son recours en annulation de la décision litigieuse, le gouvernement italien fait valoir que la Commission n' a motivé ni suffisamment ni correctement son allégation selon laquelle les prêts sans intérêt, à convertir en capital, sont des aides d' État au sens de l' article 92, paragraphe 1, du traité CEE . Il souligne en particulier que, dans son appréciation des prêts concernés, la Commission a uniquement tenu compte de la situation financière et économique très critique des entreprises bénéficiaires pendant la période 1985-1987 et n' a pas tenu compte des résultats enregistrés en 1988 ( 15 ). Il fait aussi grief à la Commission d' avoir apprécié les prêts en cause sans tenir compte du fait qu' ils étaient destinés non pas à couvrir des pertes, mais, ainsi qu' il a déjà été dit, à financer des investissements . Dans le cas d' Aluminia, ces investissements visaient à moderniser la production et ils entraient dans le cadre du plan aluminium, autorisé par la Commission . Dans le cas de Comsal, ces investissements étaient destinés à la modernisation, l' extension et la diversification de la production et ils entraient dans le cadre d' un plan de restructuration, élaboré spécifiquement pour cette entreprise ( 16 ).
Selon le gouvernement italien, c' est à tort qu' en ne tenant pas compte de ces données de fait, la Commission a conclu dans la décision litigieuse qu' un "investisseur privé" n' aurait pas consenti les prêts en cause et que ceux-ci constituent donc des aides d' État .
6 . En outre, le gouvernement italien objecte que le critère des "possibilités pour l' entreprise d' obtenir les sommes en cause sur les marchés privés des capitaux", utilisé par la Commission, est contraire au principe d' égalité de traitement entre entreprises privées et publiques, déduit de l' article 222 du traité CEE . Il observe que les entreprises privées, faisant partie d' un groupe important, ne doivent pas nécessairement chercher des fonds nouveaux sur le marché des capitaux, mais "peuvent" compter sur la capacité de financement du groupe . En appliquant le critère précité, on soumet - selon le gouvernement italien - les entreprises publiques faisant partie d' un groupe important à une "condition" à laquelle les entreprises privées, faisant partie d' un groupe important, ne sont pas soumises, ce qui constitue une violation du principe d' égalité de traitement .
7 . Selon nous, cette dernière objection est basée sur une interprétation erronée de ce critère . Ainsi que la Cour l' a déjà affirmé en termes clairs dans ses arrêts Meura et Boch II et confirmé dans des arrêts ultérieurs, le critère des "possibilités pour l' entreprise d' obtenir les sommes en cause sur les marchés privés des capitaux" signifie qu' il convient d' apprécier notamment "si, dans des circonstances similaires ( à celles dans lesquelles les pouvoirs publics ont apporté des fonds nouveaux ), un associé privé aurait procédé à un tel apport en capital" ( 17 ). Le critère précité coïncide donc avec celui de "l' investisseur privé ". Dans son récent arrêt du 21 mars 1991, Alfa Romeo, C-305/89, la Cour a précisé ce critère de l' investisseur privé . Le comportement de l' investisseur privé, auquel l' intervention de l' investisseur public doit être comparée, est en fait celui d' un holding privé ou d' un groupe privé d' entreprises de la même taille que le holding public en cause, poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme ( points 19 et 20 ) ( 18 ). La Cour observe expressément qu' en appliquant ce critère, la Commission ne contrevient pas à l' article 222 du traité CEE ( point 24 ).
8 . Contrairement aux allégations du gouvernement italien et ainsi que la Commission l' observe avec raison dans ses observations, pour apprécier si les prêts en cause constituent une aide, il n' est pas important en soi que les prêts soient destinés à financer des investissements ou à entrer dans le cadre d' un plan de restructuration . Ce qui importe, c' est de savoir si un investisseur privé aurait été disposé à procéder à un apport en capital, en l' espèce sous forme de prêts sans intérêt à convertir en capital, en tenant compte de tous les éléments qui lui permettent d' apprécier la situation économique et financière de l' entreprise ( parmi lesquels l' existence d' un éventuel plan de restructuration crédible ) ( 19 ). Or, il est évident qu' il faut répondre à cette question à la lumière de la situation économique et financière des entreprises bénéficiaires au moment de l' octroi de l' aide . Essayons de voir quelle était la situation à ce moment .
9 . Lorsqu' EFIM a consenti en septembre 1987 les prêts en cause à Aluminia et à Comsal, ces deux entreprises se trouvaient dans une situation économique et financière critique . Il ressort de la décision litigieuse qu' Aluminia avait subi des pertes de 77,8 milliards de LIT en 1985, 57,5 milliards de LIT en 1986 et 98,3 milliards de LIT en 1987 . L' endettement total de la société atteignait 943,3 milliards de LIT en 1985, soit 155 % du chiffre d' affaires, 989,3 milliards de LIT en 1986, soit 153 % du chiffre d' affaires, et 1 189,8 milliards de LIT en 1987, soit 133 % du chiffre d' affaires . Comsal avait enregistré des pertes de 14,2 milliards de LIT en 1985, 10,2 milliards de LIT en 1986 et 9,4 milliards de LIT en 1987 . L' endettement total de la société atteignait 53,1 milliards de LIT en 1985, soit 125 % du chiffre d' affaires, 68,2 milliards de LIT en 1986, soit 156 % du chiffre d' affaires, et 72,8 milliards de LIT en 1987, soit 142 % du chiffre d' affaires ( 20 ).
Le gouvernement italien ne conteste pas ces chiffres, cités dans la décision litigieuse, mais - ainsi qu' il a déjà été dit - il rétorque que pour apprécier si les aides en cause constituent une aide, il faut aussi tenir compte des résultats enregistrés en 1988 ( 21 ). La Commission conteste ce point de vue : elle soutient que pour apprécier s' il y a aide, on peut seulement tenir compte des données économiques et financières qui étaient connues au moment de l' octroi de l' aide, c' est-à-dire en septembre 1987 .
La Commission nous paraît avoir raison . Étant donné que l' aide aurait normalement dû être notifiée à l' avance à la Commission ( elle ne l' a pas été en l' espèce ) et que l' enquête de la Commission aurait alors porté sur les faits connus à ce moment, il nous semble évident que, pour apprécier une aide qui n' a pas été notifiée, la Commission doit partir de la situation telle qu' elle existait au moment de l' octroi de l' aide . Si elle tenait compte de données ultérieures, dont on aurait entretemps pris connaissance, elle avantagerait les États membres qui ne notifient pas à l' avance les aides ( 22 ).
10 . Toutefois, le gouvernement italien allègue que les résultats meilleurs ( ou moins mauvais ) de 1988 étaient déjà prévisibles en septembre 1987, c' est-à-dire au moment de l' octroi de l' aide, et que, ainsi que tant la Commission ( 23 ) que la Cour ( 24 ) l' ont admis à plusieurs reprises, un investisseur privé décidera de procéder à un apport en capital en se basant surtout sur les perspectives d' avenir de l' entreprise et sur la rentabilité escomptée de l' apport .
Cette remarque du gouvernement italien nous paraît en principe exacte . En effet, pour l' application du critère de l' "investisseur privé", il faut effectivement tenir compte des perspectives d' avenir de l' entreprise concernée . Or, la question qui se pose est celle de savoir si l' amélioration des prestations d' Aluminia et de Comsal, qui s' est dessinée en 1988, était déjà prévisible en 1987 et, le cas échéant, si l' amélioration prévisible à cette époque était de nature à inciter un investisseur avisé à procéder à un apport en capital en dépit de la situation financière critique des entreprises .
11 . Il est évidemment difficile de prouver a posteriori, lors de l' appréciation de la légalité d' une aide déjà accordée, ce qui était ou n' était pas prévisible au moment de l' octroi de l' aide . Cette difficulté n' aurait pas existé si le gouvernement italien avait notifié l' aide à temps et avait communiqué à la Commission tous les éléments qui lui auraient permis d' apprécier au moment opportun les perspectives d' avenir d' Aluminia et de Comsal . Dans un cas de ce genre, dans lequel l' État membre n' a pas notifié une aide, et bien que la Commission ne soit pas dispensée pour autant d' une appréciation de l' aide au fond - appréciation qu' elle a effectuée en l' espèce -, il incombe à l' État membre concerné de prouver que d' éventuelles perspectives d' avenir favorables étaient prévisibles au moment de l' octroi de l' aide .
En l' espèce, il incombait donc au gouvernement italien de produire au cours de la procédure administrative visée à l' article 93, paragraphe 2, les éléments de fait dont la Commission aurait ensuite pu tenir compte pour prendre la décision litigieuse et qui auraient fait apparaître de manière convaincante que l' amélioration des prestations d' Aluminia et de Comsal, qui s' était dessinée en 1988, était déjà prévisible en septembre 1987 et que l' amélioration, prévisible à cette époque, était de nature à inciter un investisseur privé à procéder à un apport en capital dans ces entreprises déficitaires .
12 . Les pièces déposées à la Cour ne permettent pas de savoir si, dans le cadre de la procédure de l' article 93, paragraphe 2, le gouvernement italien a communiqué à la Commission des informations sur le caractère prévisible des perspectives d' avenir favorables, qui auraient permis à un investisseur privé de considérer que l' octroi de l' aide était justifié . Il ressort seulement de la décision litigieuse que la requérante a informé la Commission, par lettres des 31 janvier et 17 mars 1989, que le secteur public de l' aluminium, à l' exclusion de Comsal, devait réaliser en 1988 - pour la première fois depuis de nombreuses années - un bénéfice de 3 milliards de LIT, alors qu' on s' attendait pour Comsal à des pertes de 4,6 milliards de LIT pour la même année ( 25 ). En revanche, il n' était pas dit si ces résultats étaient aussi déjà prévisibles en septembre 1987 . Le gouvernement italien ne rétorque ni dans sa requête ni dans sa réplique qu' il a effectivement communiqué à la Commission, au cours de la procédure de l' article 93, paragraphe 2, des données spécifiques relatives à l' amélioration des perspectives d' avenir . En revanche, il a déclaré à l' audience que des signes évidents d' un rétablissement imminent du secteur de l' aluminium étaient perceptibles dès 1987 . Or, la Commission s' est inscrite en faux contre cette déclaration et le gouvernement italien n' a produit aucune donnée tendant à en établir le bien-fondé .
Or, même si tel avait été le cas, il ne s' ensuit pas pour autant que ce rétablissement prévisible aurait été suffisamment important et durable pour inciter un investisseur privé à procéder à un apport en capital dans des entreprises déficitaires depuis longtemps . La perspective d' une reprise purement cyclique du secteur ne suffit pas à cet égard ( 26 ).
13 . Eu égard à ce qui précède, nous pouvons affirmer que le gouvernement italien n' a pas prouvé que c' est à tort que la Commission n' a pas tenu compte de l' amélioration des prestations d' Aluminia et de Comsal qui, selon le gouvernement italien, était déjà prévisible en 1987, ce qui fait que c' est à juste titre que la Commission a jugé que les prêts à convertir en capital sont des aides d' État au sens de l' article 92, paragraphe 1, du traité CEE .
La Commission aurait-elle dû examiner si l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE trouve application en l' espèce?
14 . Le gouvernement italien fait encore valoir à l' appui de son recours en annulation que la décision litigieuse n' est pas suffisamment motivée, parce que la Commission n' a pas examiné si l' aide en cause était justifiée au titre de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE . Le gouvernement italien observe que la Commission avait justifié en vertu de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE, l' aide prévue dans le cadre du plan aluminium et avait affirmé sur ce point dans sa décision du 17 décembre 1986 que le plan aluminium contribuait à la restructuration générale du secteur de l' aluminium ( 27 ). Or, le gouvernement italien prétend que l' aide en faveur de Comsal et d' Aluminia s' inscrit également dans cet effort de restructuration . Et pourtant, après avoir conclu que l' aide en cause dépassait le plafond de l' aide déjà autorisée, la Commission n' a pas examiné si l' aide en faveur de Comsal et d' Aluminia pouvait encore être justifiée, à l' instar de l' aide prévue dans le cadre du plan aluminium, en vertu de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE . Le gouvernement italien admet que la décision du 17 décembre 1986 contenait une appréciation implicitement négative sur la licéité de toute nouvelle aide, mais il estime que la Commission aurait cependant dû apprécier l' aide en cause à la lumière de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE . Il avance trois arguments à l' appui de cette allégation .
Le gouvernement italien soutient en premier lieu que les décisions prises en vertu de l' article 93, paragraphe 2, premier alinéa, notamment la décision litigieuse, n' ont pas pour fonction de constater l' inexécution d' obligations résultant d' une décision antérieure, en l' espèce la décision du 17 décembre 1986 . Pour une telle constatation, la Commission doit, en vertu de l' article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, saisir directement la Cour . Le gouvernement italien prétend en deuxième lieu que la décision du 17 décembre 1986 contenait une invitation et non un ordre de ne pas accorder de nouvelles aides . Il ajoute en troisième lieu que la décision précitée ne pouvait pas interdire de manière absolue toute aide future . En effet, toute nouvelle aide doit être appréciée par rapport à sa finalité, à la situation économique et à la situation du marché existant au moment où elle est décidée .
15 . Avant d' examiner ces arguments, il faut observer tout d' abord que le gouvernement italien n' a jamais prétendu au cours de la procédure administrative de l' article 93, paragraphe 2, du traité CEE que l' aide en faveur d' Aluminia et de Comsal devait être appréciée à la lumière de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE . Il n' a pas non plus fait état dans le cadre de cette procédure d' éléments de fait pouvant être importants et utiles à cet égard . Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, la légalité d' une décision litigieuse doit être appréciée en fonction des éléments d' information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l' a arrêtée ( 28 ). Cette jurisprudence permet déjà en soi de déduire que le moyen, examiné ici, ne peut pas conduire à l' annulation de la décision litigieuse .
16 . Nous tenons cependant à examiner encore brièvement les arguments du gouvernement italien et à nous rattacher à un certain nombre d' observations faites par la Commission .
En ce qui concerne le premier argument, il faut remarquer qu' en vertu de l' article 93, paragraphe 2, premier alinéa, il relève de la compétence et de la tâche de la Commission de constater si une aide est ou non compatible avec le marché commun au sens de l' article 92, et que, selon une jurisprudence constante de la Cour ( 29 ), la Commission peut se prononcer sur cette compatibilité en prenant aussi en considération le droit communautaire dérivé, notamment la décision du 17 décembre 1986 .
En ce qui concerne le deuxième argument, il ne faut pas perdre de vue que la décision de la Commission du 17 décembre 1986 est non pas une décision négative, mais une décision positive conditionnelle, qui a emprunté pour cette raison la forme d' une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères italien . Pareilles lettres sont évidemment rédigées dans un langage diplomatique, ce qui ne veut pas dire que l' invitation à ne pas accorder d' aide ne doit pas être comprise comme une interdiction .
En ce qui concerne le troisième argument, ce n' est que s' il y avait eu un fait nouveau depuis l' adoption de la décision du 17 décembre 1986 que la Commission aurait dû apprécier l' aide en faveur d' Aluminia et de Comsal à la lumière de l' article 92, paragraphe 3, sous c ), du traité CEE, et non à la lumière des conditions prévues par la décision précitée . Le gouvernement italien soutient à juste titre que la décision du 17 décembre 1986 ne peut pas contenir d' interdiction absolue de toutes aides futures . En effet, il peut y avoir survenance d' un fait nouveau, auquel cas la validité de l' aide devra être appréciée à la lumière de ce fait nouveau . Or, dans le cas d' espèce, le gouvernement italien n' a nullement prouvé qu' il y ait eu un fait nouveau . En outre, même s' il y avait eu un fait nouveau, le gouvernement italien ne peut pas ignorer purement et simplement l' interdiction des nouvelles aides . Il aurait encore dû, dans ce cas aussi, notifier l' aide en faveur d' Aluminia et de Comsal à la Commission, en faisant état du fait nouveau, et il n' aurait pas pu accorder l' aide avant que la Commission se soit prononcée sur sa validité .
Conclusion
17 . Nous proposons à la Cour de rejeter le recours en annulation de la décision litigieuse et de condamner le gouvernement italien aux dépens .
(*) Langue originale : le néerlandais .
( 1 ) JO 1990, L 118, p . 42 .
( 2 ) Décision litigieuse, partie I, premier alinéa .
( 3 ) Voir le télex du gouvernement italien du 21 novembre 1986, annexe II au mémoire en défense .
( 4 ) EFIM est l' abréviation de "Ente partecipazioni e finanziamenti industrie manifatturiere ".
( 5 ) Décision litigieuse, partie I, deuxième et troisième alinéas .
( 6 ) CIPE est l' abréviation de "Comitato interministeriale per la programmazione economica ".
( 7 ) Décision litigieuse, partie I, huitième alinéa; voir aussi l' annexe I à la requête .
( 8 ) Décision litigieuse, partie II, deuxième alinéa .
( 9 ) Décision litigieuse, partie II, troisième alinéa .
( 10 ) Décision litigieuse, partie IV, deuxième alinéa .
( 11 ) Décision litigieuse, partie IV, troisième, quatrième et cinquième alinéas .
( 12 ) Article 1er, premier alinéa, de la décision litigieuse .
( 13 ) Article 1er, deuxième alinéa, de la décision litigieuse .
( 14 ) Article 1er, troisième alinéa, de la décision litigieuse .
( 15 ) En 1988, Aluminia a réalisé des bénéfices, tandis que Comsal a réduit ses pertes de moitié par rapport à 1987 . Voir aussi plus loin la note 21 .
( 16 ) Requête, pages 7 et 8 .
( 17 ) Arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, dit "Meura", point 14 ( 234/84, Rec . p . 2263 ), et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit "Tubemeuse", point 29 ( C-142/87, Rec . p . I-959 ).
( 18 ) Voir aussi nos conclusions du 10 janvier 1991 dans cette affaire, paragraphes 11 et 12, ( Rec . p . 1616 ).
( 19 ) Voir notamment les arrêts précités Meura, points 15 et 16, Tubemeuse, points 26 et 29, et Alfa Romeo, points 19 et 20, l' arrêt du 14 février 1990, France/Commission ( Boussac ), points 39 et 40 ( C-301/87, Rec . p . I-307 ), et l' arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission ( ENI-Lanerossi ), points 20 et 24 ( C-303/88, Rec . p . I-1433 ).
( 20 ) Décision litigieuse, partie IV, quatrième alinéa .
( 21 ) Il ressort de la décision litigieuse que le gouvernement italien avait fait savoir à la Commission, dans le cadre de la procédure de l' article 93, paragraphe 2, soit au début de 1989 ( voir plus loin le paragraphe 12 ), qu' on prévoyait que le secteur public de l' aluminium, à l' exclusion de Comsal, réaliserait un bénéfice de 3 milliards de LIT en 1988, alors qu' on s' attendait pour Comsal à des pertes de 4,6 milliards de LIT pour la même année ( décision litigieuse, partie III, deuxième alinéa ).
Dans sa requête et sa réplique, le gouvernement italien s' est borné à préciser qu' en 1988, tant le secteur public de l' aluminium dans son ensemble qu' Aluminia avaient réalisé des bénéfices et que Comsal avait réduit ses pertes de plus de la moitié ( requête page 16 et réplique page 14 ). D' autres données et/ou des données plus précises concernant le rétablissement des deux entreprises font défaut .
Le gouvernement italien a déclaré à l' audience qu' Aluminia avait réalisé en 1988 un bénéfice de 7 à 8 milliards de LIT .
( 22 ) Dans l' affaire Alfa Romeo, la Cour n' a pas non plus apprécié des aides accordées en 1985 et 1986 en tenant compte de la reprise sensible du secteur de l' automobile au cours des années suivantes .
( 23 ) Voir entre autres la décision litigieuse, partie IV, troisième alinéa, et la communication de la Commission aux États membres du 17 septembre 1984, bulletin des CE, nº 9-1984, point 3.5.1 .
( 24 ) Voir par exemple l' arrêt Meura, précité, point 14 .
( 25 ) Décision litigieuse, partie III, deuxième alinéa .
( 26 ) Il n' est pas non plus apparu a posteriori que la reprise annoncée par le gouvernement italien ait effectivement conduit au cours des années ultérieures à un rétablissement durable d' Aluminia et de Comsal . Ainsi qu' il a déjà été dit dans la note 21, le gouvernement italien a déclaré à l' audience qu' Aluminia avait réalisé en 1988 un bénéfice de 7 à 8 milliards de LIT, ce qui n' est pas très impressionnant si on prend en considération que cette entreprise a subi des pertes de près de 1 000 milliards de LIT pendant la période allant de 1982 à 1987, et de 98,3 milliards de LIT pour la seule année 1987 .
( 27 ) Onzième alinéa de la décision du 11 décembre 1986, annexe I au mémoire en défense .
( 28 ) Voir par exemple l' arrêt Meura, précité dans la note 17, point 16 .
( 29 ) Voir, par exemple, l' arrêt du 25 juin 1970, France/Commission, point 7 ( 47/69, Rec . p . 487 ).