LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 décembre 2014), qu'à la suite de l'incendie des locaux de son exploitation agricole, la société EARL de la Ferme d'Orcan (la société), et ses dirigeants, M. et Mme X..., ont assigné leur assureur, la société GAN assurances IARD (l'assureur), en paiement de l'indemnité prévue en cas de sinistre, ainsi que l'agent général d'assurances Jean Y..., lui faisant reproche de manquements à son devoir de conseil et d'information lors de la conclusion du contrat ; qu'à la suite du décès de Jean Y..., ses ayants droit, Mme Caroline Z..., veuve Y..., Mme Anne Sophie Y..., M. François Xavier Y... et M. François Olivier Y... ont été attraits à l'instance ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société et aux époux X...les sommes de 109 978 euros et de 154 156 euros au titre des indemnités différées, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2010, alors, selon le moyen, que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en constatant que les ouvrages reconstruits par la société après le sinistre poursuivaient une destination différente de ceux détruits, qu'ils n'avaient pas la même nature et qu'ils avaient été édifiés à un endroit différent de ceux sinistrés, la cour d'appel aurait dû écarter le droit à une indemnité différée, dès lors qu'elle relevait, par ailleurs, que le contrat d'assurance subordonnait le paiement de ces indemnités différées à la reconstruction des ouvrages détruits à l'identique, c'est-à-dire des ouvrages de même nature, poursuivant une même destination, et édifiés au même endroit ; qu'en condamnant malgré tout l'assureur au paiement des indemnités différées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article
1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas relevé que le contrat d'assurance subordonnait le paiement des indemnités différées à la reconstruction à l'identique des ouvrages détruits, mais au contraire retenu que l'assureur ne justifiait pas d'une clause du contrat subordonnant la garantie à une reconstruction à l'identique, le moyen, qui manque en fait, n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième et quatrième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GAN assurances IARD aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN assurances IARD et la condamne à payer à M. et Mme X...et à la société EARL de la Ferme d'Orcan la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Savatier, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles
456 et
1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société GAN assurances IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR condamné la société Gan à payer à l'EARL et aux époux X...les sommes de 109. 978 ¿ et de 154. 156 ¿ au titre des indemnités différées, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « les stipulations précitées relatives au " bâtiment de remplacement neuf " qui figurent à l'article 27 des " conventions spéciales Agrigan ¿ assurance multirisque des Agriculteurs ¿ ", sont non pas une condition du règlement du dommage et d'attribution des indemnités, mais des " règles d'estimation après sinistre des biens assurés ", ainsi que le définit l'intitulé de cet article ; que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait que le bâtiment reconstruit ne réponde pas " aux critères d'identité, de destination et de capacité " de celui détruit ne peut donc faire obstacle à la mise en oeuvre de la garantie, la société Gan ne justifiant pas de l'existence d'une clause du contrat la subordonnant à une reconstruction à l'identique » ;
ALORS QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
qu'en constatant que les ouvrages reconstruits par l'EARL après le sinistre poursuivaient une destination différente de ceux détruits, qu'ils n'avaient pas la même nature et qu'ils avaient été édifiés à un endroit différent de ceux sinistrés, la cour d'appel aurait dû écarter le droit à une indemnité différée, dès lors qu'elle relevait, par ailleurs, que le contrat d'assurance subordonnait le paiement de ces indemnités différées à la reconstruction des ouvrages détruits à l'identique, c'est-à-dire des ouvrages de même nature, poursuivant une même destination, et édifiés au même endroit ; qu'en condamnant malgré tout la société Gan au paiement des indemnités différées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article
1134 du code civil ;
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné solidairement la société Gan et les consorts Y... à payer la somme de 366 755 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE « considérant que comme cela a été dit, en ayant omis de vérifier la conformité de la police soumise à la signature de la SCEA d'Orcan à la proposition d'assurance et à l'accord des parties conclu sur la nature et l'étendue de cette assurance, M. Jean-Pierre Y... a, en tant qu'agent d'assurance, commis une faute tandis qu'en application de l'article
L. 511-1 du code des assurances, la compagnie l'employant, la société Gan assurances, est civilement responsable du dommage causé par cette faute ¿
La société Gan et les ayants droit de M. Y... ne peuvent opposer à l'EARL La Ferme d'Orcan le retard qu'elle aurait, selon eux, mis jusqu'en mai 2008 à justifier de l'étendue de sa perte d'exploitation puisque, comme cela a été dit, ce n'est qu'en septembre 2008 que cette compagnie d'assurance a admis sans réserve l'existence de la garantie perte d'exploitation » ;
1/ ALORS, d'une part QU'une inexécution ou une exécution tardive entraine la responsabilité du débiteur de l'obligation ; qu'en l'espèce il était reproché à la société Gan d'avoir tardé dans la mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation ; que la cour d'appel a estimé que ce n'est qu'à compter du 9 septembre 2008 que la société Gan aurait reconnu l'existence de cette garantie perte d'exploitation ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Gan n'avait pas, dès ses conclusions pour l'audience du 13 septembre 2007 en première instance, reconnu l'existence de la garantie perte d'exploitation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil, ensemble l'article
1134 du même code ;
2/ ALORS, d'autre part, QU'en l'absence de disposition contraire, une convention peut se former par simple échange de consentements ; qu'en retenant à l'encontre de Monsieur Y... une faute pour la simple raison que la garantie perte d'exploitation n'aurait pas été formellement intégré dans le contrat d'assurance, lorsqu'il suffisait, pour la validité de cette convention, que les parties soient d'accord sur les conditions de formation de cette garantie, la cour d'appel a violé l'article
1101 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QU'« ainsi que l'a relevé l'expert A...et " s'agissant d'une activité de production de plants de pommes de terre de variétés protégées, la rapidité d'indemnisation était le seul moyen " pour l'EARL La Ferme d'Orcan dont il rappelle la " réputation de producteur sérieux et compétent ", de limiter les pertes de contrat et de sa clientèle en ce qu'elle aurait permis à cette exploitation de rassurer ses acheteurs sur sa capacité à reprendre la production en 2007 et 2008, ce qui impliquait que son assureur lui verse avant la fin de l'année 2006 une provision d'un montant significatif à valoir sur l'indemnisation de la perte d'exploitation dont elle devait bénéficier ¿
Considérant que
l'expert A...a évalué cette perte à la somme de 366 755 ¿ représentant 80 % de la perte de marge brute entre 2008 et 2012 " résultant de l'obligation pour l'EARL de remplacer les cultures de plants de pommes de terre par d'autres cultures moins rémunératrices ", après avoir relevé qu'en 2012, cette exploitation n'avait retrouvé que 27, 9 % des surfaces de cultures de plants de pommes de terre qu'elle cultivait en 2006 et que " si on ajoutait aux surfaces cultivées en 2012 ¿ les surfaces de variétés libres qu'elle aurait pu continuer à produire ¿, que 63 % de ces mêmes surfaces » ;
3/ ALORS, d'une part, QU'engage sa responsabilité contractuelle la partie qui, par son fait, cause un dommage à son cocontractant ; que cette responsabilité suppose la caractérisation d'un lien de causalité certain entre le fait litigieux et le dommage qui doit, également, être certain ; qu'en supposant qu'une indemnisation rapide de l'EARL par la société Gan en réparation du préjudice de perte d'exploitation aurait permis de rassurer la clientèle de l'EARL et d'éviter une baisse d'activité de culture de pomme de terre, alors que seule la décision de l'EARL de diversifier son activité était à l'origine de cette baisse d'activité, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de causalité entre l'hypothétique faute de la société Gan et le prétendu préjudice de l'EARL, violant ainsi l'article
1147 du code civil ;
4/ ALORS, d'autre part, QU'engage sa responsabilité contractuelle la partie qui, par son fait, cause un dommage à son cocontractant ; que cette responsabilité suppose la caractérisation d'un lien de causalité certain entre le fait litigieux et le dommage qui doit, également, être certain ; qu'en condamnant la société Gan à payer la somme de 366 755 ¿ au titre du préjudice lié au retard dans la mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation, sans préciser en quoi ce préjudice était distinct de celui compensé par les intérêts moratoires accordés sur la somme versée au titre de cette garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du code civil ;
5/ ALORS, enfin, QUE les motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motif ;
qu'en supposant qu'une indemnisation rapide de l'EARL par la société Gan en réparation du préjudice de perte d'exploitation aurait permis de rassurer la clientèle de l'EARL et d'éviter une baisse d'activité de culture de pomme de terre, alors que seule la décision de l'EARL de diversifier son activité était à l'origine de cette baisse d'activité, la cour d'appel a statué par des motifs dubitatifs et violé l'article
455 du code de procédure civile
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné la société Gan à payer la somme de 450 000 ¿ au titre de la garantie perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2007 ;
AUX MOTIFS QUE « ainsi que l'a relevé l'expert A...et " s'agissant d'une activité de production de plants de pommes de terre de variétés protégées, la rapidité d'indemnisation était le seul moyen " pour l'EARL La Ferme d'Orcan dont il rappelle la " réputation de producteur sérieux et compétent ", de limiter les pertes de contrat et de sa clientèle en ce qu'elle aurait permis à cette exploitation de rassurer ses acheteurs sur sa capacité à reprendre la production en 2007 et 2008, ce qui impliquait que son assureur lui verse avant la fin de l'année 2006 une provision d'un montant significatif à valoir sur l'indemnisation de la perte d'exploitation dont elle devait bénéficier ¿ » ;
ALORS QU'engage sa responsabilité contractuelle la partie qui, par son fait, cause un dommage à son cocontractant ; que cette responsabilité suppose la caractérisation d'un lien de causalité certain entre le fait litigieux et le dommage qui doit, également, être certain ; qu'en supposant qu'une indemnisation rapide de l'EARL par la société Gan en réparation du préjudice de perte d'exploitation aurait permis de rassurer la clientèle de l'EARL et d'éviter une baisse d'activité de culture de pomme de terre, alors que seule la décision de l'EARL de diversifier son activité était à l'origine de cette baisse d'activité, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de causalité entre l'hypothétique faute de la société Gan et le prétendu préjudice de l'EARL, violant ainsi l'article
1147 du code civil
QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR évoqué l'affaire sur les demandes de paiement formées par l'EARL et les époux X...au titre de la garantie perte d'exploitation et de l'indemnisation du préjudice résultant du retard de mobilisation de cette garantie et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Gan à payer la somme de 450 000 ¿ au titre de la garantie perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2007 et d'AVOIR condamné solidairement la société Gan et les consorts Y... à payer la somme de 366 755 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans la mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE « que Monsieur A...ayant déposé son rapport et les deux parties ayant conclu au fond de manière exhaustive sur ces prétentions, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice, eu égard, en particulier, à l'ancienneté du litige, d'évoquer, en application de l'article
568 du code de procédure civile, ces points non jugés par le tribunal, ainsi que le sollicitent l'EARL La Ferme d'Orcan et les époux X...» ;
ALORS QUE constitue une violation du droit à un double degré de juridiction la mise en oeuvre de la faculté d'évocation, lorsqu'une partie s'y oppose expressément en raison de l'importance du montant du litige ; qu'en usant de l'évocation, sans tenir compte, comme elle y était invitée, de la nature et de l'importance du litige qui nécessitait un double degré de juridiction afin de préserver le droit à un procès équitable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
568 du code de procédure civile, et violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.