ARRÊT
DU
04 Juin 2008
D. N / S. B
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RG N : 06 / 01661
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S. A. AXA FRANCE IARD
C /
Thierry X...
Séverine Y... épouse X...
S. A ASSURANCES BANQUE POPULAIRE IARD
Association ALISE
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Aide juridictionnelle
ARRÊT no556 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé à l'audience publique le quatre Juin deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S. A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, prise en son agence de TOULOUSE, 40 Boulevard de la Marquette-31070 TOULOUSE CEDEX 7)
Dont le siège social est 26 rue Drouot
75009 PARIS
représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assistée de Me Marie-Hélène THIZY de la SELARL AVOCATS-SUD, avocats
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 20 Octobre 2006
D'une part,
ET :
Monsieur Thierry X...
né le 20 Décembre 1974 à CAHORS (46000)
de nationalité française
Madame Séverine Y... épouse X...
née le 19 Octobre 1971 à FIGEAC (46100)
de nationalité française
Demeurant ensemble ...
...
représentés par la SCP A. L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués
assistés de la SCPA LAGARDE ALARY GAYOT TABART, avocats
S. A. ASSURANCES BANQUE POPULAIRE IARD, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est Chauray
B. P. 8410
79024 NIORT CEDEX 9
représentée par la SCP J. et E. VIMONT, avoués
assistée de la SCP TANDONNET-BASTOUL, avocats
Association ALISE prise en sa qualité d'administrateur ad hoc de Mademoiselle B... Evelyne, née le 28 / 08 / 1948 à CAHORS, domiciliée..., en vertu d'une ordonnance du Juge des Tutelles du Tribunal d'instance de CAHORS en date du 26 octobre 2004
Dont le siège social est 551, rue Wilson
46000 CAHORS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 000118 du 19 / 01 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d4AGEN)
représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués
assistée de la SCPA MERCADIER MONTAGNE, avocats
INTIMÉS
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 16 Avril 2008, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Dominique MARGUERY, Conseiller, assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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Par jugement du 20 octobre 2006 le Tribunal de grande instance de CAHORS a notamment :
- déclaré Mademoiselle B... responsable de l'incendie survenu dans la nuit du 16 au 17 mars 2004,
- condamné solidairement Mademoiselle B... et son assureur AXA à payer aux époux X... la somme de 102. 954 € outre 2. 000 € pour trouble de jouissance,
- condamné solidairement Mademoiselle B... et son assureur AXA à payer aux Assurances Banque Populaire la somme de 22. 721 €,
- ordonné une expertise médicale pour décrire les préjudices des époux X... à la suite de l'incendie
-sursis à statuer quand au préjudice immobilier de Mademoiselle B... dans l'attente de la décision du juge des tutelles sur l'option.
Par déclaration du 27 novembre 2006 dont la régularité n'est pas contestée, la SA AXA FRANCE IARD relevait appel de cette décision. Elle conclut à la réformation de ce jugement et demande à la Cour de constater que les époux X... n'apportent pas la preuve d'un lien direct entre la vétusté de l'installation électrique et l'incendie survenu et qu'ils doivent en conséquence être déboutés de leur demande et condamnés à rembourser les sommes qui leur ont été versées ainsi que 2. 000 € en application de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Subsidiairement elle demande que l'évaluation du dommage immobilier subi soit réduite à 91. 547 € dont il convient de déduire l'indemnisation déjà reçue de leur compagnie d'assurance.
L'association ALISE ès qualités d'administrateur ad hoc de Mademoiselle B... Evelyne conclut également à la réformation de ce jugement et demande à la Cour de constater que les époux X... n'apportent pas la preuve d'un lien direct entre la vétusté de l'installation électrique et l'incendie survenu et qu'ils doivent en conséquence être déboutés de leur demande et déclarés seuls responsable de l'incendie et condamnés in solidum avec les Assurances Banque Populaire IARD à leur payer la somme de 97. 021 €.
Les époux X... forment un appel incident pour demander que leur préjudice soit fixé à la somme de 218. 029, 70 €. Subsidiairement au cas où la Cour considérerai qu'il y a eu transfert de propriété sur l'immeuble de condamner la SA AXA à leur payer :
- la valeur de reconstruction de l'immeuble soit 116. 967 €,
- la réparation du préjudice matériel soit 196. 395, 70 €,
- la réparation du préjudice de jouissance soit 2. 000 €.
Ils réclament encore la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA Assurances Banque Populaire IARD conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation d'AXA à leur payer 3. 000 € en application de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Subsidiairement ils demandent de fixer le préjudice de Mademoiselle B... à la somme de 97. 021 € sous déduction de l'indemnité versée par AXA.
Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 28 mars 2007 ;
Vu les dernières conclusions de L'association ALISE es qualité d'administrateur ad hoc de Mademoiselle B... en date du 7 novembre 2007 ;
Vu les dernières conclusions des consorts X... en date du 6 août 2007 ;
Vu les dernières conclusions de SA Assurances Banque Populaire IARD en date du 5 février 2008.
SUR QUOI
Mademoiselle B... est propriétaire d'une maison sise à LAMAGDELAINE qu'elle a loué à Monsieur et Madame X....
Dans la nuit du 16 au 17 mars 2004 l'immeuble a été entièrement détruit par un incendie, et les époux X... ont été blessés lors de cet incendie.
Mademoiselle B... avait assuré son immeuble auprès de la compagnie AXA.
Le juge des référés ordonnait une expertise pour rechercher les causes du sinistre et évaluer les désordres.
L'expert C... rendait son rapport le 26 octobre 2004.
En cause d'appel la compagnie AXA ne conteste plus la qualité de propriétaire de l'immeuble de Mademoiselle Filles, la décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée par adoption de motifs.
Les dispositions concernant la subrogation de la SA Assurances Banque Populaire IARD ne sont pas davantages contestées, elles seront également confirmées.
SUR L'ORIGINE DE L'INCENDIE
Aux termes de l'article
1733 du code civil, le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par un cas fortuit, force majeure ou par un vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
Le défaut d'entretien imputable à un bailleur, s'il est à l'origine de l'incendie est assimilable à un vice de construction. La preuve d'un lien direct entre le défaut d'entretien et l'incendie doit être rapportée.
Il résulte du rapport de l'expert C... que " la cause de l'incendie est un dysfonctionnement de l'installation électrique, soit par un court-circuit suite à une défaillance de l'isolation d'un câble d'alimentation, soit par l'échauffement anormal d'un câble ou d'une connexion. En raison de la vétusté, et de la non conformité de l'installation fixe, je considère comme vraisemblable que celle-ci soit à l'origine du dysfonctionnement électrique en raison des incidents signalés par les locataires, de sa non-conformité à la norme C 15-102, de son ancienneté ".
L'expert par ailleurs écarte :
- l'hypothèse de la propagation de l'incendie à partir de l'insert après avoir relevé qu'en fin de soirée il était presque éteint, mais surtout parce que la construction de l'insert ne présentait aucun vice susceptible d'expliquer un incendie,
- l'hypothèse d'un mégot : Monsieur X... lui a précisé qu'il mettait ses mégots dans un cendrier avec couvercle, mais l'expert a relevé que cette hypothèse devait en tout état de cause être écartée en raison de l'importance des destructions " il est peu vraisemblable qu'une cigarette mal éteinte soit à l'origine du feu ",
- l'hypothèse d'une naissance dans les caves retenue par les gendarmes est formellement exclue par l'expert : " les traces caractéristiques de carbonisation relevées montrent que l'incendie n'est pas parti des caves, mais s'y est propagé... Cette constatation est confirmée par les traces laissées sur les murs par les fumées et les gaz chauds s'échappant des fenêtres du 2ème et du 3ème niveau, alors que ces traces n'existent pas au-dessus de la porte de la 2ème cave au 1er niveau. "
L'expert relève que le chauffe-eau et son installation ne peuvent pas être à l'origine du sinistre et surtout les traces caractéristiques de carbonisation relevées montrent que l'incendie n'est pas parti des caves mais qu'il s'est propagé en venant du séjour à l'étage supérieur par effondrement du plancher. L'expert conteste ainsi formellement, par ses conclusions techniques les conclusions des gendarmes,
- le feu n'a pu prendre dans le grenier en raison du peu d'importance de l'installation électrique.
L'expert a donc écarté ces hypothèses non seulement sur la foi des dires des époux X... mais surtout parce qu'elles n'étaient pas vraisemblables au regard de la zone de départ du feu et des destructions subies, ou de l'état de l'insert.
L'expert ajoute que l'état de destruction des matériels sous tension et de l'installation fixe n'a pas permis de retrouver des marques de dysfonctionnement qui ont pu disparaître dans l'incendie.
L'état de vétusté de l'installation électrique est établi par :
- les déclarations aux gendarmes du précédent locataire Monsieur D... : " l'équipement électrique n'était pas aux normes. A chaque fois qu'on utilisait un peu trop d'électricité tout disjonctait. C'est pourquoi j'ai fait installer des micro-disjoncteurs pour protéger le réseau électrique de la maison. J'avais maintes fois averti les propriétaires, ils n'avaient jamais daigné engager les travaux de normalisation ",
- les courriers adressés à la tutrice de la propriétaire concernant notamment la vétusté et la dangerosité de l'installation électrique, mise en demeure du 1er février 2003,
- l'attestation de l'électricien Monsieur E... qui a précisé que l'installation électrique était trop faible (Facture du 10 février 2003, annexe 4 du rapport d'expertise).
Certes, Monsieur E... a réparé le chauffe-eau et l'expert a exclu que celui-ci soit à l'origine du sinistre, mais Monsieur E... lorsqu'il mentionnait la vétusté de l'installation ne faisait pas référence au chauffe-eau et visait le fait que l'installation électrique était trop faible.
Quant à l'hypothèse de l'échauffement de l'installation par la faute des locataires du fait du nombre d'appareils branchés, il doit être relevé que ceux-ci n'étaient pas en fonctionnement lorsque l'incendie s'est déclaré : l'aquarium était vide, les consoles de jeux étaient débranchées et les autres appareils éteints.
Enfin il est fait état d'un courrier du cabinet d'expertise Galtier penchant pour la responsabilité du locataire mais ce courrier du 7 mars 2006 ne se fonde sur aucun élément ou aucune constatation technique. Aucun rapport de ce cabinet n'est produit au débat, dès lors cette seule affirmation ne peut qu'être écartée.
Il résulte des conclusions sans appel de l'expert, des constatations des précédents locataires, de l'électricien intervenu sur les lieux préalablement à l'incendie, que le bailleur, prévenu des défaillances de son installation électrique a fait preuve de négligence et d'un défaut d'entretien directement à l'origine de l'incendie.
La première décision sera donc confirmée sur ce point.
SUR LE PRÉJUDICE DES EPOUX X...
Il résulte du rapport des trois experts dont l'un représentait AXA, l'autre les locataires et le troisième la SA Assurances Banque Populaire IARD que le préjudice mobilier des époux X... a été évalué à la somme de 91. 547 € sur la base d'une valeur à neuf de 311. 471 € et d'un coefficient de vétusté de 70 %.
Le premier juge a appliqué sur cette base un coefficient de vétusté de 60 %.
Les époux X... ne produisent aucune pièce de nature à chiffrer à une somme supérieure la valeur à neuf de leur mobilier étant indiqué que la somme retenue par les experts est très importante, s'agissant uniquement de mobilier. Dès lors leur appréciation que ce soit sur la valeur à neuf comme sur celui du coefficient de vétusté ne peut être remise en cause.
Certes ils se sont mariés neuf mois avant le sinistre mais ils ne justifient pas de cadeaux de mariage pour la somme de 311. 471 €. La liste fournie fait état de matériel informatique, de nombreux vêtements dont la dépréciation est importante.
Il y a lieu sur ce point d'infirmer la première décision et d'homologuer le chiffre retenu par les trois experts.
Le préjudice de jouissance tel que caractérisé par le premier juge sera confirmé les époux X... ayant dû pendant des mois être hébergés par des amis ou en mobile home même s'ils ont reçus en urgence une somme de 21. 634 € qui représente moins du quart de leur préjudice matériel. La compagnie Axa sera donc condamnée à leur payer la somme de
91. 547 € moins la somme de 21. 634 € qui leur a été versée par la SA Assurances Banque Populaire IARD soit la somme de 69. 913 €.
En vertu de l'exécution provisoire prononcée la compagnie Axa leur a versé une somme supplémentaire, ils seront condamnés à lui rembourser le trop-perçu.
SUR LE PRÉJUDICE DE MADEMOISELLE B...
Mademoiselle B... demande réparation aux époux X... de son préjudice. Ceux-ci étant exonéré de toute responsabilité elle sera déboutée de sa demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Au fond, infirme partiellement la décision déférée,
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Fixe le préjudice matériel des époux X... à la somme de 91. 547 €,
Vu la somme de 21. 634 € versée aux époux X... par la SA Assurances Banque Populaire IARD, condamne solidairement Mademoiselle B... et son assureur la SA AXA FRANCE IARD à payer aux époux X... la somme de 69. 913 € en réparation de leur préjudice matériel,
Vu l'exécution provisoire prononcée, condamne les époux X... en tant que de besoin à rembourser à la SA AXA FRANCE IARD les sommes trop-perçues.
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne solidairement Mademoiselle B... et SA AXA FRANCE IARD aux dépens et autorise les avoués à les recouvrer conformément à l'article
699 du Code de Procédure Civile et sans préjudice de l'application de la loi sur l'aide juridictionnelle.
Condamne solidairement Mademoiselle B... et la SA AXA FRANCE IARD à payer aux époux X... la somme de 1. 500 € en application de l'article
700 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le GreffierLe Président
Dominique SALEYBernard BOUTIE