AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 26 septembre 2000), que le Crédit commercial de France (la banque) a consenti à la société Pop'Ligne (la société) une ouverture de crédit en garantie de laquelle M. et Mme X... et M. et Mme Y..., cette dernière étant gérante de la société, (les cautions) se sont portés cautions solidaires ; que devant la défaillance de la société, la banque, par exploits des 1er juin et 26 juin et 10 octobre 1994 a assigné les cautions en exécution de leurs engagements tandis que M. X... était décédé depuis le 26 mai 1994 ;
Sur les premier et deuxième moyens
, réunis :
Attendu que M. et Mme Y... et Mme X... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'action en paiement diligentée par la banque à l'encontre des quatre cautions, dont l'une était décédée, ainsi que d'avoir rejeté les exceptions de nullité tirées de la multiplicité des assignations délivrées aux mêmes parties et tendant aux mêmes fins, à savoir leur condamnation au paiement de la somme de 871 190 francs, alors, selon le moyen :
1 / que l'action en justice diligentée contre une personne décédée est irrecevable et les assignations notifiées à une personne décédée ne peuvent valablement engager l'instance même à l'encontre des codéfendeurs ; qu'il est constant que Ferdinand X..., décédé depuis le 26 mai 1994, avait été destinataire des assignations délivrées aux appelants ; que, dès lors, en ce qu'elles étaient diligentées contre une personne décédée, les actions engagées par ces assignations étaient irrecevables et les différentes instances ouvertes sur leur fondement ne pouvaient faire l'objet d'aucune jonction ;
qu'en se déterminant par
les motifs susrappelés pour rejeter l'exception soulevée par les appelants, la cour d'appel a violé les articles
32 et
1254 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que, dans le dispositif de leurs conclusions, les consorts Z... demandaient, à titre principal, la réformation du jugement pour nullité des assignations ; que, dans leurs moyens développés dans les motifs, ils faisaient valoir que lorsqu'une procédure était pendante, ce qui était le cas après la première assignation (1er juin 1994), il n'était point besoin de régulariser une assignation au fond pour des causes et à des fins strictement identiques en cas d'autorisation de prise d'une mesure conservatoire et que la jonction de toute procédure se heurtait au principe non bis in idem ; qu'en se déterminant par les motifs sus-énoncés sans répondre à ces moyens des conclusions, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article
32 du nouveau Code de procédure civile, l'irrecevabilité d'une prétention émise contre une partie dépourvue du droit d'agir ne s'étend pas aux autres parties assignées par un même acte sauf indivisibilité non alléguée ; que l'arrêt retient que les trois assignations ont été valablement délivrées à M. et Mme Y... et à Mme X..., faisant ainsi ressortir que l'action était recevable à l'égard de ces derniers, codéfendeurs ; qu'il retient encore que ces assignations délivrées aux mêmes parties, tendaient au même objet et que la jonction ordonnée par le tribunal constituait une mesure d'administration judiciaire ; que, par ces motifs, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;
Et sur les troisième et quatrième moyens
, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que Mme Y... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la banque, solidairement avec M. Y... et Mme X... la somme de 308 108,50 francs, outre, en ce qui la concerne, les intérêts au taux contractuel de 11,75 %, à compter du 1er avril 1994, alors, selon le moyen :
1 / que le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; que l'arrêt attaqué constate que les actes de caution signés le 28 octobre 1991 mentionnaient que les cautions s'étaient engagées "pour caution solidaire à hauteur de 800 000 francs plus agios courus et à courir" ; qu'ainsi, Mme Y... comme les autres cautions, n'avait cautionné, par la mention portée au pied de l'acte, que le principal à l'exclusion des intérêts, les agios prévus ne visant pas les intérêts ; que, dès lors, en la condamnant à payer à la banque le solde du principal restant dû augmenté des intérêts au taux contractuel de 11,75 %, la cour d'appel a violé les articles
1326,
2013 et
2015 du Code civil ;
2 / que la circonstance que la société eût prétendument connu et accepté le taux d'intérêt initial de 11,75 % n'est pas de nature à permettre d'obliger l'une des cautions, celle-ci serait-elle le gérant de la société, à garantir le prêteur au-delà de l'engagement pris par elle dans l'acte de cautionnement ; que cette circonstance inopérante n'est pas de nature à justifier légalement l'arrêt attaqué au regard de l'article
2013 du Code civil ;
3 / que l'emprunteur seul peut se voir opposer l'acte de prêt qu'il a souscrit et être tenu de rendre la chose prêtée ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'emprunteur était la société Pop'Ligne et non pas Mme Y..., laquelle n'avait pas été assignée en sa qualité de gérante de la société mais à titre personnel ;
que, dans ces conditions, la banque ne pouvait se prévaloir à son encontre du fait que la société eût connu et accepté le taux d'intérêt conventionnel de 11,75 % ; que la cour d'appel qui précisément relève que la société avait connu et accepté le taux initial de 11,75 % ne pouvait condamner Mme Y..., qui n'avait pas souscrit le prêt en son nom, à en rembourser le montant assorti des intérêts au taux de 11,75 %, accepté par la société, à la banque ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles
1134 et
1902 du Code civil ;
4 / que Mme Y..., qui n'avait souscrit qu'un engagement de caution de rembourser le principal et les agios, ne pouvait se voir opposer le fait que le prêt consenti à la société au taux de 11,75 % avait été accepté par cette dernière ; qu'en se fondant sur cette circonstance inopérante, pour condamner Mme Y... à payer à la banque la somme de 308 208,50 francs, outre les intérêts au taux de 11,75 % à compter du 1er avril 1994, accepté par la personne morale, la cour d'appel a violé les articles
1134 et
2011 du Code civil ;
Mais attendu
, en premier lieu, que, dans ses conclusions, la caution n'a pas soutenu que les agios figurant dans la mention apposée de sa main dans l'acte de cautionnement ne constituaient pas des intérêts ; que le grief est nouveau, et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en second lieu, que, selon l'article
2016 du Code civil, le cautionnement indéfini, a fortiori limité, d'une obligation principale s'étend à tous les accessoires de la dette ; que l'article
1326 du même Code limite l'exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l'étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes ; que l'arrêt constate que Mme Y... a signé l'acte de cautionnement en y apposant la mention manuscrite "pour caution solidaire à hauteur de 800 000 francs plus agios courus et à courir" ainsi que la convention d'ouverture de crédit en qualité de dirigeant social de la société garantie, et que cette ouverture de crédit mentionnait "des intérêts calculés sur le taux de base du prêteur, majoré de 1,5 points, soit actuellement 11,75 % l'an" ; qu'il relève encore que l'indication du TEG figurant sur les relevés de compte reçus périodiquement par la société n'a fait l'objet d'aucune contestation ; que la cour d'appel en a exactement déduit que Mme Y... était tenue au paiement des intérêts au taux contractuel, peu important que la mention manuscrite n'indiquât pas le taux de ceux-ci ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
CONDAMNE les consorts A... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. et Mme Y... et Mme X... à payer au Crédit commercial de France la somme de 1500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille trois.