COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00795 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4RQ
N° de Minute : 808
Ordonnance du jeudi 11 mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [W] [J]
né le 10 Octobre 2000 à [Localité 3] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 4]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Anne-laure PERREZ, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de [X] [U]interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 11 mai 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le jeudi 11 mai 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et
R.740-1 à
R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 2] prolongeant la rétention administrative de M. [W] [J] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [W] [J] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 10 mai 2023 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
Après une interpellation [Adresse 7] à [Localité 6] le 05 mai 2023 à 22h15 et une mesure de garde à vue pour détention de stupéfiants, monsieur [W] [J], de nationalité marocaine a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 06 mai 2023 à 16h25 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivrée par la même autorité le même jour.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article
L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article
455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 10/05/2023 (11h03) ,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative .
' Vu la déclaration d'appel du 10/05/2023 à 15h15 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au titre de sa déclaration d'appel monsieur [W] [J] expose vivre avec Mme [S] [O] enceinte de ses oeuvres de un mois et demeurer avec elle [Adresse 1].
Il soutient les moyens suivants :
Insuffisance de motivation en ce que le juge des libertés et de la détention n'a pas répondu à l'ensemble des moyens de la requête en annulation du placement en rétention administrative .
Défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative qui ne mentionne pas l'adresse du couple.
Défaut d'examen sérieux de la possibilité d'assigner monsieur [W] [J] à résidence .
Violation de l'article 8 de la CEDH
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens appréciés par le juge des libertés et de la détention
Le juge des libertés et de la détention n'est tenu que de répondre aux moyens développés devant lui.
S'il est certain en l'espèce que le premier juge n'a pas répondu au fait que monsieur [W] [J] a invoqué devant lui l'état de grossesse de son épouse, cette omission devra être évoquée devant la cour par l'effet dévolutif de l'appel sans qu'il puisse servir de cause à une main-levée du placement en rétention administrative.
2) Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative
L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.
Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles
L 741-1 et
L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article
L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.
En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative reprend la situation matrimoniale de monsieur [W] [J] mais indique que ce dernier est dépourvu de document d'identité ou de voyage, qu'il refuse de quitter la France et s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement.
Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n'est pas tenu de motiver sa décision sur l'ensemble des critères de personnalité de l'étranger dés lors qu'il s'appuie sur des motifs suffisants pour justifier l'inanité du recours à l'assignation à résidence.
3) Sur l'article 8 de la CEDH
Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.
Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d'éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.
Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.
Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.
Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.
Le placement en rétention est justifié au cas d'espèce par la nécessité de s'assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n'entend pas s'y conformer volontairement.
Il ne saurait donc être considéré, au cas d'espèce, que le placement en rétention administrative de monsieur [W] [J] soit constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CEDH.
En conséquence et en l'espèce, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.
4) Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du placement en rétention administrative
Aux termes des articles
L 731-1 et
L 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Il s'en suit que le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article
L.612-3,8°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut, au cas d'espèce, légitimement être considérée par l'autorité préfectorale comme néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce, s'il n'est pas contesté que monsieur [W] [J] dispose d'une adresse et d'une vie de couple, il est également non moins incontestable que :
Monsieur [W] [J] a fait obstruction à une précédente mesure d'éloignement du 04/09/2021
Monsieur [W] [J] a tenté de dissimuler son identité
Monsieur [W] [J] indique expressément ne pas vouloir quitter le territoire national.
En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article
955 du code de procédure civile, que le premier juge et a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [W] [J] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
A l'attention du centre de rétention, le jeudi 11 mai 2023
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Me Anne-laure PERREZ
Le greffier
N° RG 23/00795 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4RQ
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 808 DU 11 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 5]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et
R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [W] [J]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [W] [J] le jeudi 11 mai 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Anne-laure [V] le jeudi 11 mai 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de [Localité 2]
Le greffier, le jeudi 11 mai 2023
N° RG 23/00795 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4RQ