Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris 09 novembre 2017
Cour de cassation 04 avril 2019

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 4 avril 2019, 18-13576

Mots clés reconnaissance · société · prescription · action · sécurité sociale · accident · travail · citation · lefebvre · victime · faute inexcusable de l'employeur · recours · blessures · engagée · employeur

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-13576
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2017
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C200498

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris 09 novembre 2017
Cour de cassation 04 avril 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié de la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France (l'employeur), M. S... a été victime, le 26 février 2007, alors qu'il manipulait une scie à sol, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (la caisse) ; que des poursuites pénales pour blessures involontaires ont été engagées, le 20 octobre 2010, à l'encontre de l'employeur, qui a été condamné de ce chef par arrêt d'une cour d'appel du 23 mars 2013 ; que M. S... a saisi, le 6 mai 2013, une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que pour dire cette demande irrecevable comme étant prescrite, l'arrêt relève qu'en application de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter de la date de l'accident, du jour de la reconnaissance de son origine professionnelle ou du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières ; que la caisse a versé à l'intéressé des indemnités journalières jusqu'au 12 septembre 2008 ; que c'est à partir de cette date que doit être décompté le délai de deux ans ; que la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable devait donc être introduite avant le 12 septembre 2010 ; que ce n'est que le 20 octobre 2010 que des poursuites ont été engagées à l'encontre de l'employeur du chef de blessures involontaires dans le cadre d'une relation de travail ; que M. S... se prévaut de la convocation du fabriquant de la tronçonneuse devant le tribunal correctionnel, selon citation du 9 juillet 2010 ; que cette citation en justice vise une personne étrangère aux relations de travail, poursuivie pour un autre chef d'infraction que celui de blessures involontaires ; qu'elle n'a donc pas pu interrompre le délai de prescription de l'action du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convocation par officier de police judiciaire remise, le 9 juillet 2010, à la société Husqvarna construction products France, énonce que celle-ci est poursuivie pour avoir, notamment, le 26 février 2007, dans le cadre d'une relation de travail, faute de diligences normales, par imprudence, maladresse, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé à M. S... une incapacité de travail temporaire de trois mois, en l'espèce, en fournissant une tronçonneuse à roulette (scie à sol) qui présentait des non-conformités et ainsi exposé la victime au risque, qui s'est en définitive réalisé, de blessures graves au pied, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette convocation, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel formé par M. S..., l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France à verser à M. S... la somme de 3 000 euros et rejette le surplus de sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. S....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré le recours de M. S... irrecevable pour prescription,

AUX MOTIFS QU'

En application de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter de la date de l'accident, du jour de la reconnaissance de son origine professionnelle ou du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières ;

Qu'en l'espèce, l'accident, dont M. S... a été victime le 26 février 2007 a été pris en charge le 25 avril 2007 par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne qui lui a versé des indemnités journalières jusqu'au 12 septembre 2008 ;

Que c'est à partir de cette date que doit être décompté le délai de deux ans et la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable devait donc être introduite avant le 12 septembre 2010 ;

Qu'ensuite la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ;

Que l'engagement d'une telle action résulte du réquisitoire introductif du procureur de la République, d'une citation directe du prévenu devant la juridiction pénale ou du dépôt d'une plainte de la victime avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction ;

Qu'en revanche, ni les instructions adressées par le ministère public lors de l'enquête préliminaire, ni le dépôt d'une plainte simple entre les mains du procureur de 1a République ne déclenchent l'action pénale ;

Qu'à la suite de l'accident survenu le 26 février 2007, l'inspection du travail a établi un rapport transmis au ministère public et la victime a été entendue en 2009 par le services de police mais ce n'est qu'en octobre 2010 que des poursuites ont été engagées à l'encontre de la société Entreprise Jean Lefebvre du chef de blessures involontaires dans le cadre d'une relation de travail ;
Qu'il est en effet justifié du procès-verbal de convocation de cette société à comparaître devant le tribunal correctionnel pour y être jugé pour cette prévention avec la mention de la date du 20 octobre 2010 ;

Qu'à cette date, la prescription de deux ans était déjà acquise et il n'est pas justifié d'une plainte antérieure de la victime avec constitution de partie civile, étant rappelé que le dépôt d'une simple plainte ne constitue pas une cause d'interruption ;

Que M. S... se prévaut également de la convocation du fabriquant de 1a tronçonneuse devant le tribunal correctionnel qui a été faite, le 9 juillet 2010, dans le délai de deux ans ;

Que toutefois cette citation en justice vise une personne étrangère aux relations de travail, poursuivie pour un autre chef d'infraction que celui de blessure involontaires ; qu'elle n'a donc pas pu interrompre le délai de prescription de l'action du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que l'action pénale exercée postérieurement au 12 septembre 2010 n'avait eu aucun effet interruptif ;

Qu'en cause d'appel, M. S... dit avoir saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale dans le délai de deux qui lui était imparti et pour en justifier produit une lettre adressée au tribunal par son conseiller le 22 avril 2009 ;

Que cependant si cette lettre évoque bien l'accident du travail dont le salarié a été victime le 26 février 2007, il est seulement demandé l'instauration d'une mesure d'expertise sans aucune indication sur son fondement juridique ;

Que d'ailleurs, dans la réponse faite au conseil le 12 juin 2009, il lui est demandé l'attestation de non-conciliation ou la copie de la décision de la commission de recours amiable à défaut de quoi, le courrier serait classer sans suite, ce qui a été fait ;

Que ce simple échange de correspondance ne permet pas à M. S... de rapporter la preuve de l'exercice effectif de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable dans le délai de deux ans qui lui était imparti et ce n'est en réalité qu'en 2013 que cette action a été introduite avec la précision, pour la première fois, que la faute inexcusable de la société Jean Lefebvre était recherchée ;

Que dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé que la prescription prévue à l'article L 431-2 s'opposait à la recevabilité de cette demande :

Que le jugement sera confirmé,

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE

Vu les articles L. 431-2 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;

En droit, en cas d'accident du travail susceptible de faire l'objet d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d'indemnisations complémentaires de la victime ou de ses ayants droit est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou une demande directe formée auprès des services de la Caisse Primaire en reconnaissance amiable de la faute inexcusable :

Qu'en l'espèce, l'accident s'est produit le 26 février 2007 ; que l'état de santé d'J... S... a été consolidé au 1er septembre 2008 ; qu'il a perçu ses dernières indemnités journalières le 12 septembre 2008 ;

Que toute demande de reconnaissance d'une faute inexcusable devait intervenir avant le 12 septembre 2010 au plus tard ;

Que la saisine de la Caisse Primaire pour une procédure de reconnaissance amiable n'est intervenue que le 30 avril 2013 ; que la voie administrative n'a pas été choisie et n'a pas pu interrompre la prescription ;

Qu'J... S... a déposé une plainte le 23 janvier 2009 au commissariat de Chelles à l'encontre de son employeur (pièce n° 6 de son dossier) ; qu'il ne ressort pas de ce procès-verbal d'enregistrement de la plainte, qu'J... S... s'est expressément et positivement constitué partie civile ; que la première mention d'une constitution de partie civile n'apparaît qu'au prononcé du jugement du Tribunal Correctionnel de Meaux du 13 juillet 2011, puis dans l'arrêt de la Cour d'Appel du 26 mars 2013 ; que la convocation en justice délivrée par un officier de police judiciaire à l'employeur est en date du 20 octobre 2010, soit postérieurement au 12 septembre 2010 ;

Qu'à la suite de la condamnation pénale de son employeur, le salarié a diligenté la procédure administrative et saisi la juridiction sociale compétente ;

Qu'il est toutefois constant que le dépôt de plainte n'interrompt pas la prescription biennale sociale applicable devant les juridictions sociales, dans la mesure où une telle plainte ne constitue pas la mise en œuvre de l'action publique qui est seule nécessaire à l'interruption de cette prescription de nature sociale ; qu'à défaut d'une action publique dans le délai de deux ans du point de départ de la prescription biennale, que le parquet ne peut qu'ignorer, seule la constitution de partie civile de l'intéressé ou une citation directe à la diligence de l'intéressé avant le délai de deux ans aurait pu interrompre la prescription, ou même, la simple saisine directe de la juridiction sociale, l'action pénale n'étant pas nécessaire à l'examen d'une faute inexcusable éventuelle dès lors que l'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle ;

Qu'en conséquence, l'action est prescrite et le recours sera déclaré irrecevable ;

1° ALORS QU'en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ; qu'en écartant l'effet interruptif de cette prescription attaché à l'action pénale engagée contre la société Husqvarna selon citation du 9 juillet 2010 et contre la société Lefebvre selon citation du 20 octobre 2010, aux motifs que cette citation en justice concernant la société efebvre avait délivrée au-delà du délai de deux ans, quand la société Lefebvre et la société Husqvarna avaient été citées pour la même instance correctionnelle, à raison du même accident du travail survenu à M. S... et toutes deux du chef de blessures involontaires, de sorte que cette première citation en date du 9 juillet 2010 intervenue dans le délai de deux ans depuis la fin du versement des indemnités journalières le 12 septembre 2008 qui avait le même objet que celle délivrée à la société Lefebvre pour l'audience correctionnelle dans le cadre de laquelle M. S... s'était constitué partie civile avait nécessairement un effet interruptif, la cour d'appel a violé l'article précité,

2° ALORS QUE les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ; qu'en écartant l'effet interruptif de cette prescription attaché à l'action pénale engagée contre la société Husqvarna et la société Lefebvre le 9 juillet 2010, soit dans le délai de deux ans de la cessation du paiement des indemnités journalières d'accident du travail au profit de M. S..., au motif que cette citation en justice viserait une personne étrangère aux relations de travail et poursuivie pour un autre chef d'infraction que celui de blessures involontaires, la cour d'appel a dénaturé les mentions de cette citation, confirmées par l'arrêt correctionnel de la cour d'appel de Paris en date du 26 mars 2013, qui mentionnaient clairement que ladite société Husqvarna était poursuivie pour blessures involontaires envers M. S... dans le cadre d'une relation de travail à laquelle la société Lefebvre était également concernée et qui faisait l'objet des poursuites pénales ; qu'elle a, ce disant, violé le principe susvisé.