Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 26 novembre 2020, 19-18.817

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-11-26
Cour d'appel de Versailles
2019-04-04
Tribunal de grande instance de Chartres
2017-06-28

Texte intégral

CIV. 2 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 novembre 2020 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1285 F-D Pourvoi n° W 19-18.817 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020 Mme V... S..., veuve P..., domiciliée [...] , agissant tant en son personnel qu'en qualité de représentante légale de ses filles G... et Q... P... a formé le pourvoi n° W 19-18.817 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Assurances du crédit mutuel, société anonyme, dont le siège est [...] , 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, dont le siège est [...] , 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre, dont le siège est [...] , 4°/ à la société Maif, dont le siège est [...] , société d'assurance mutuelle, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme P..., de la SCP Gaschignard, avocat de la société assurances du Crédit mutuel, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Maif, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 avril 2019), le 18 juillet 2013, A... P..., qui pilotait une motocyclette assurée auprès de la société Maif, est décédé dans un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par M. Y... et assuré auprès de la société Assurances du crédit mutuel (ACM). 2. Mme S..., veuve P..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures G... et Q..., a assigné la société ACM et la société Maif en indemnisation des préjudices subis, en présence des caisses primaires d'assurance maladie de l'Indre et de l'Indre-et-Loire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter le surplus de ses demandes formées en son nom personnel contre la société ACM, la déboutant ainsi de sa demande au titre du préjudice économique à hauteur de 1 137 175,70 euros alors « que le juge est tenu de réparer le dommage sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en cas de décès de la victime directe, la perte de revenus des proches comprend les pertes ou diminutions de revenus que ce décès a engendré pour ses proches, notamment son conjoint et ses enfants à charge ; que cette perte ne se limite pas aux revenus perçus par la victime directe pendant qu'elle était en activité, mais également aux revenus de remplacement qu'elle aurait perçus une fois parvenue à l'âge de la retraite ; qu'en l'espèce, Mme P... sollicitait, au titre de son préjudice économique propre, le versement d'une somme correspondant à la perte de revenus consécutive au décès de son mari, capitalisée selon l'euro de rente viagère, son préjudice économique n'étant pas limité dans le temps, et étant précisé qu'elle ne percevait pour sa part aucun revenu ; que la cour d'appel a déterminé la perte économique annuelle subie par Mme P..., qu'elle a fixée à 44 491,55 euros, puis en a opéré capitalisation « selon l'euro de rente jusqu'à soixante-deux ans, âge de la retraite pour une femme de quarante-trois ans, Mme P... ayant l'espérance de vie la plus courte comme ayant neuf ans de plus que son mari » ; qu'en laissant ainsi sans réparation le préjudice économique subi par Mme P... du fait de la privation des revenus qui auraient été perçus par son époux une fois parvenu à l'âge de la retraite, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985. » Réponse de la Cour

Vu

le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Pour rejeter le surplus des demandes formées par Mme P... contre la société ACM et la débouter ainsi de sa demande au titre de son préjudice économique, l'arrêt énonce

que le revenu disponible pour les membres du foyer sera fixé à 44 491,55 euros, capitalisé selon l'euro de rente jusqu'à soixante-deux ans, âge de la retraite, pour une femme de quarante-trois ans, Mme P... ayant l'espérance de vie la plus courte.

6. En se déterminant ainsi

, en capitalisant la perte de revenus sur la base d'un euro de rente temporaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, l'incidence du fait dommageable sur les revenus de la victime au-delà de la date à laquelle son époux serait parvenu à l'âge de la retraite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen



Enoncé du moyen

7. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée contre la société ACM au titre du doublement de l'intérêt légal, alors « que la contestation, par l'assureur du conducteur du véhicule impliqué dans un accident de la circulation, du droit à indemnisation de la victime ou de ses ayants droit ne le dispense pas de présenter une offre d'indemnité dans le délai imparti par la loi ; qu'à défaut de présenter une telle offre, l'assureur encourt une sanction correspondant à l'application du double du taux de l'intérêt légal sur la totalité des sommes allouées, avant déduction de la créance des tiers payeurs ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de Mme P... au titre du doublement de l'intérêt légal, la cour d'appel a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur le principe du droit à indemnisation, ce qui justifiait de ne pas appliquer cette sanction ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'assureur était tenu de formuler une offre d'indemnité, même en présence d'une contestation sur le principe du droit à indemnisation de la victime ou de ses ayants droit, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. » Réponse de la Cour

Vu

les articles L. 211-9, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, et L. 211-13 du code des assurances : 8. Selon le premier de ces textes, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de cette dernière, à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident. L'offre peut avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, étant ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation. Selon le second texte, si l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux légal à compter de l'expiration du délai.

9. Pour rejeter la demande de majoration des intérêts présentée par Mme P..., l'arrêt retient

qu'en l'état de la contestation sérieuse élevée par la société ACM sur le principe du droit à indemnisation, contestation qui a convaincu les premiers juges, il n'y a pas lieu à application de la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances.

10. En statuant ainsi

, alors qu'une telle contestation ne dispensait pas l'assureur de faire une offre, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation encourue du chef des dispositions de l'arrêt rejetant le surplus des demandes de Mme P... contre la société ACM entraîne l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif rejetant le surplus des demandes de la société Maif contre la société ACM, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par Mme P... contre la société ACM au titre de son préjudice patrimonial et tendant au doublement du taux légal des intérêts sur les indemnités allouées et en ce qu'il rejette la demande formée par la société Maif contre la société ACM tendant au remboursement de la somme versée à titre d'avance sur le préjudice patrimonial, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société ACM aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société ACM et la société Maif et condamne la société ACM à payer à Mme P..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants G... et Q..., la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme P.... PREMIER MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le droit à indemnisation de Mme P..., tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses filles mineures G... et Q..., serait réduit de 50 % et d'avoir en conséquence condamné la société ACM Assurances à payer à Mme P... la somme de 15.000 € à titre personnel, celle de 15.000 € ès qualités de représentante légale de sa fille G... P... et celle de 15.000 € ès qualités de représentante légale de sa fille Q... P... ; AUX MOTIFS QU'il résulte des constatations des enquêteurs que le corps de A... P... a été retrouvé à 12 mètres du point d'impact, le sélecteur de vitesse étant bloqué sur la 3 vitesse ; que selon un témoin se trouvant devant l'auto-école, M. D..., la moto est arrivée à très vive allure alors qu'une voiture attendait pour tourner à gauche, vers le parking de l'auto-école, et a heurté le feu avant gauche de cette voiture, le choc a été très violent ; que le conducteur assuré par ACM a indiqué avoir laissé passer plusieurs véhicules avant de s'engager, et n'avoir pas compris comment s'était produit le choc ; qu'un autre automobiliste, M. N..., que la moto a doublé auparavant, a indiqué que ce dépassement s'était fait dans un virage, dans des conditions dangereuses ; qu'un piéton, Mme X..., a indiqué que le motard, qu'elle voyait régulièrement, circulait vite, ce qui l'a conduite à lui faire un signe de la main pour l'inviter à ralentir ; que le point de choc se situe sur le côté droit du couloir de circulation du motard ; que la route est droite, la visibilité est bonne sur 200 mètres, la vitesse est limitée à 50 km/h, et l'accident a eu lieu à 8 h du matin en juillet ; que les photos des véhicules montrent que le choc a été extrêmement violent, le véhicule 4/4 impliqué ayant tout son avant gauche détruit, et la moto étant également gravement accidentée (guidon écrasé, fourche avant et roue enfoncées sous le choc) ; que les simulations de choc (crash test) figurant dans le rapport d'accidentologie produit par Mme P... montrent des dégâts très similaires à ceux existant sur le véhicule 4/4 sur une voiture plus légère, causés par une moto roulant à 110 km /h ; que le procèsverbal d'enquête a fait l'objet d'un classement sans suite de la part du procureur de la République, dont ce dernier a exposé le motif à Mme P..., à savoir que l'infraction d'homicide involontaire n'était pas caractérisée, notamment à raison de la vitesse excessive du motard ; que par application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur ou ses ayants droits a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice et il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ; qu'il est de principe que cette appréciation se fait indépendamment de la faute commise éventuellement par un autre conducteur ; que dès lors qu'une faute de la victime est caractérisée, il n'y a pas lieu de rechercher si elle est la cause exclusive de l'accident, sauf à ajouter une condition qui ne figure pas dans les dispositions légales, mais si elle est de nature à exclure ou limiter le droit à indemnisation ; que l'implication du véhicule assuré par ACM n'est pas discutée ; qu'il est constant que le point de choc se situe dans le couloir de circulation du motard ; qu'en l'état des éléments appelés plus haut, s'il apparaît hasardeux de considérer que ce véhicule était à l'arrêt lors du choc, alors que le croquis et les photos montrent que le véhicule était engagé dans sa manoeuvre de tourner à gauche, il est néanmoins établi que la moto roulait à une vitesse supérieure à celle qui était autorisée, et excessive à raison des circonstances, soit en agglomération et à une heure de trafic important ; que cette faute a incontestablement contribué à la survenance de l'accident, et justifie une réduction de 50 % du droit à indemnisation des ayants droit de A... P... ; que le jugement sera donc infirmé en ce que tout droit à indemnisation des ayants droit de A... P... a été exclu et sera seulement appliquée une réduction de 50 % (arrêt, p. 7 et 8) ; ALORS QUE la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur n'a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis qu'à la condition d'avoir contribué à l'accident dont il a été victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. P... « roulait à une vitesse supérieure à celle qui était autorisée, et excessive à raison des circonstances, soit en agglomération et à une heure de trafic important » (arrêt, p. 8 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la prétendue vitesse excessive de la moto pilotée par M. P... avait contribué à causer son dommage, et sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., 8), si, même en circulant à une vitesse réglementaire, M. P..., qui circulait dans sa voie de circulation, à l'extrême droite, n'aurait pu éviter la collision avec le véhicule conduit par M. Y... qui a coupé la route à M. P..., l'empêchant d'effectuer la moindre manoeuvre d'évitement à faible vitesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le surplus des demandes de Mme P..., en son nom personnel, contre la société ACM Assurances, la déboutant ainsi de sa demande au titre du préjudice économique à hauteur de 1.1137.175,70 € ; AUX MOTIFS QU'aucune demande n'est formulée au profit de G... et Q..., Mme P... reconnaissant (p.10 de ses écritures) que le préjudice subi est entièrement réparé par la rente servie par la CPAM ; que le barème Gazette du Palais 2018, dont l'application est sollicitée par Mme P..., apparaît le plus adapté au contexte économique social et financier actuel, sera retenu, la demande tendant à son application ne pouvant être considérée comme une demande nouvelle, puisqu'elle n'est que l'accessoire du calcul du préjudice ; qu'en ce qui concerne Mme P... à titre personnel le calcul est le suivant : les parties s'accordent sur le montant du revenu de référence, soit 52 343 euros ; qu'au regard de la composition de la famille, il sera retenu une part d'autoconsommation du défunt de 15 %, en sorte que le revenu disponible pour les autres membres du foyer sera fixé à 44.491,55 euros, capitalisée selon l'euro de rente jusqu'à 62 ans, âge de la retraite, pour une femme de 43 ans, Mme P... ayant l'espérance de vie la plus courte, comme ayant 9 ans de plus que son mari, en sorte que la perte théorique du foyer peut être fixée à : 44.491,55 x 17, 709 (euro de rente pour une femme de 43 ans, jusqu'à l'âge de 62 ans) = 787.900,85 euros ; que doit être soustraite la part de revenus consacrée aux deux enfants jusqu'à l'âge de 25 ans (l'âge de 20 ans proposé par ACM apparaissant inadapté), afin de tenir compte du surcroît de ressources résultant pour les parents de l'accession à l'autonomie financière de leurs enfants ; que les parties s'accordent sur une part de 15 % ; que devra donc être soustraite pour G... la somme de : 44.491,55 euros x 15 % = 6 673,73 euros x 18,967 (euro de rente pour une petite fille de 5 ans, et jusqu'à 25 ans) = 126 580,63 euros ; que devra être soustraite pour Q... la somme de : 6.673,73 euros x 21,648 euros (euro de rente pour une petite fille de 2 ans, jusqu'à 25 ans) = 144.472,90 euros ; que le préjudice économique réparable de Mme P... sera donc fixé à la somme de : 787.900,85 euros - (126 580,63 euros + 144 472,90 euros) = 516.847,32 euros, dont 50 % = 258.423,66 euros ; qu'or celle-ci reconnaissant percevoir de la CPAM une rente AT capitalisée à 470.403,81 euros (ses écritures p.10), son préjudice est intégralement réparé par cette rente, et elle sera dès lors déboutée de sa demande au titre d'un préjudice économique contre ACM ; que le jugement sera donc confirmé sur le rejet de la demande au titre du préjudice économique subi par Mme P... formé contre ACM (arrêt, p. 8 et 9) ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de réparer le dommage sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en cas de décès de la victime directe, la perte de revenus des proches comprend les pertes ou diminutions de revenus que ce décès a engendré pour ses proches, notamment son conjoint et ses enfants à charge ; que cette perte ne se limite pas aux revenus perçus par la victime directe pendant qu'elle était en activité, mais également aux revenus de remplacement qu'elle aurait perçu une fois parvenue à l'âge de la retraite ; qu'en l'espèce, Mme P... sollicitait, au titre de son préjudice économique propre, le versement d'une somme correspondant à la perte de revenus consécutive au décès de son mari, capitalisée selon l'euro de rente viagère (concl., p. 9), son préjudice économique n'étant pas limité dans le temps, et étant précisé qu'elle ne percevait pour sa part aucun revenu ; que la cour d'appel a déterminé la perte économique annuelle subie par Mme P..., qu'elle a fixée à 44.491,55 €, puis en a opéré capitalisation « selon l'euro de rente jusqu'à 62 ans, âge de la retraite pour une femme de 43 ans, Mme P... ayant l'espérance de vie la plus courte comme ayant 9 ans de plus que son mari » (arrêt, p. 9 § 1) ; qu'en laissant ainsi sans réparation le préjudice économique subi par Mme P... du fait de la privation des revenus qui auraient été perçus par son époux une fois parvenu à l'âge de la retraite, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ; 2°) ALORS QUE la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle ; qu'il en résulte que le droit de préférence de la victime doit s'exercer, poste par poste, sur l'indemnité due par le responsable, pour la part du poste de son préjudice que ne réparent pas les prestations versées, le solde de l'indemnité étant, le cas échéant, alloué au tiers payeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (arrêt, p. 9) que Mme P... avait subi une perte économique personnelle de 516.847,32 € ; qu'ayant par ailleurs relevé que la CPAM lui avait versé une rente capitalisée à hauteur de 470.403,81 €, il en résultait que le préjudice économique résiduel de Mme P... s'élevait à 46.443,51 € (516.847,32 € - 470.403,81 €) ; que, dans la mesure où le droit de créance de Mme P... s'élevait à 258.423,66 €, compte tenu de la faute retenue à l'encontre de M. P..., il lui revenait par priorité la somme de 46.443,51 € ; que la cour d'appel a au contraire décidé qu'il ne lui revenait aucune somme, car elle a imputé la totalité de la rente servie par la CPAM sur le montant de la créance d'indemnisation de Mme P..., et non sur celui de son préjudice économique ; qu'en se prononçant ainsi, elle a violé les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 1252 ancien du code civil. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION : IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme P... contre la société ACM Assurances au titre du doublement de l'intérêt légal ; AUX MOTIFS QU'en l'état de la contestation sérieuse élevée par ACM sur le principe du droit à indemnisation, contestation qui a convaincu les premiers, il n'y a pas lieu à application de la sanction prévue par les articles L. 211-13 et suivants du code des assurances (arrêt, p. 9 § 13) ; ALORS QUE la contestation, par l'assureur du conducteur du véhicule impliqué dans un accident de la circulation, du droit à indemnisation de la victime ou de ses ayants droit ne le dispense pas de présenter une offre d'indemnité dans le délai imparti par la loi ; qu'à défaut de présenter une telle offre, l'assureur encourt une sanction correspondant à l'application du double du taux de l'intérêt légal sur la totalité des sommes allouées, avant déduction de la créance des tiers payeurs ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de Mme P... au titre du doublement de l'intérêt légal, en l'absence d'offre d'indemnité présentée par la société ACM Assurances, la cour d'appel a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur le principe du droit à indemnisation, ce qui justifiait de ne pas appliquer cette sanction ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'assureur était tenu de formuler une offre d'indemnité, même en présence d'une contestation sur le principe du droit à indemnisation de la victime ou de ses ayants droit, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.