Affaire T-380/18
Intas Pharmaceuticals Ltd
contre
Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle
Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 7 novembre 2019
« Marque de l'Union européenne - Procédure d'opposition - Demande de marque verbale de l'Union européenne INTAS - Marques antérieures figuratives de l'Union européenne et nationale comportant l'élément verbal « indas » - Motif relatif de refus - Risque de confusion - Similitude des signes et des produits - Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 - Preuve de l'usage sérieux des marques antérieures - Article 47 du règlement 2017/1001 »
1. Marque de l'Union européenne - Procédures devant les instances de l'Office - Relation entre une décision en matière d'opposition et une opposition formée ultérieurement dans une procédure différente - Autorité de la chose jugée - Inapplicabilité
(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001)
(voir point 35)
2. Marque de l'Union européenne - Procédures devant les instances de l'Office - Relation entre une décision en matière d'opposition et une opposition formée ultérieurement dans une procédure différente - Principe ne bis in idem - Inapplicabilité
(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001)
(voir point 37)
3. Recours en annulation - Recours dirigé contre une décision confirmative d'une décision antérieure non attaquée dans les délais - Irrecevabilité - Notion de décision confirmative - Décision postérieure à une décision adoptée par une division d'opposition dans le cadre d'une procédure d'opposition différente concernant les mêmes parties et ayant pour objet les mêmes marques - Exclusion
(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 72, § 1)
(voir points 38-42)
4. Marque de l'Union européenne - Observations des tiers et opposition - Examen de l'opposition - Preuve de l'usage de la marque antérieure - Usage sérieux - Notion - Critères d'appréciation
[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 18, § 1, 2d al., a), et 47, § 2 et 3 ; règlement de la Commission no 2868/95, art. 1er, règle 22]
(voir points 47, 48, 50-57, 62)
5. Marque de l'Union européenne - Observations des tiers et opposition - Examen de l'opposition - Preuve de l'usage de la marque antérieure - Usage sérieux - Notion - Critères d'appréciation - Étendue territoriale de l'usage
(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 18, § 1, et 47, § 2)
(voir points 74-84)
6. Marque de l'Union européenne - Observations des tiers et opposition - Examen de l'opposition - Preuve de l'usage de la marque antérieure - Usage partiel - Incidence - Notion de "partie des produits ou des services" visés par l'enregistrement
(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 47, § 2 et 3)
(voir points 90-94)
7. Marque de l'Union européenne - Définition et acquisition de la marque de l'Union européenne - Motifs relatifs de refus - Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires - Risque de confusion avec la marque antérieure - Critères d'appréciation
[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 8, § 1, b)]
(voir points 103-106, 111, 119, 153)
8. Marque de l'Union européenne - Définition et acquisition de la marque de l'Union européenne - Motifs relatifs de refus - Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires - Similitude entre les produits ou services concernés - Critères d'appréciation
[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 8, § 1, b)]
(voir point 131)
9. Marque de l'Union européenne - Définition et acquisition de la marque de l'Union européenne - Motifs relatifs de refus - Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires - Risque de confusion avec la marque antérieure - Marque verbale INTAS et marque figurative INDAS
[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 8, § 1, b)]
(voir points 156, 157)
Résumé
Dans son arrêt du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO - Laboratorios Indas (INTAS) (T-380/18), le Tribunal a rejeté le recours formé contre la décision de la chambre de recours de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), par laquelle cette dernière avait considéré que l'usage d'une marque de l'Union européenne, invoquée à l'appui d'une opposition, dans un seul État membre suffisait à démontrer son usage sérieux et avait accueilli ladite opposition (ci-après la « décision attaquée »).
En l'espèce, Intas Pharmaceuticals, la requérante, avait demandé l'enregistrement de la marque INTAS pour des produits relevant des classes 5 et 10. Laboratorios Indas, l'intervenante, a formé opposition en invoquant l'existence d'un risque de confusion avec ses deux marques figuratives antérieures de l'Union européenne et nationale, comportant l'élément verbal « indas », et visant des produits relevant des classes 5 et 10. Suite à l'accueil de l'opposition par la chambre de recours de l'EUIPO, la requérante a introduit un recours en annulation dans lequel elle faisait notamment valoir que ladite chambre avait commis une erreur d'appréciation en estimant que la marque de l'Union européenne antérieure avait fait l'objet d'un usage sérieux dès lors que l'intervenante n'avait démontré son usage qu'en Espagne. L'intervenante a alors invoqué l'irrecevabilité des griefs de la requérante car les questions soulevées par lesdits griefs auraient déjà été tranchées définitivement dans une décision adoptée par une division d'opposition dans une autre procédure d'opposition entre les mêmes parties et concernant des signes identiques.
À titre liminaire, le Tribunal a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par l'intervenante. Il a rappelé, en premier lieu, que le principe de l'autorité de la chose jugée n'est pas applicable aux motifs d'une décision rendue par une division d'opposition dans le cadre d'une procédure d'opposition différente, en raison de la nature administrative des procédures devant l'EUIPO. En deuxième lieu, il a précisé que le principe ne bis in idem est uniquement applicable à des sanctions, ce qui n'est pas le cas des décisions rendues par l'EUIPO dans le cadre d'une procédure d'opposition. En troisième lieu, il a considéré que la décision attaquée ne saurait être regardée comme confirmative d'une décision antérieure adoptée dans une autre procédure d'opposition par une division d'opposition, dans la mesure où, d'une part, la preuve de l'usage sérieux des marques antérieures est soumise à des variations dans le temps et ne peut jamais être considérée comme définitivement apportée dans le cadre d'une procédure d'opposition différente de celle dans le cadre de laquelle elle est demandée et, d'autre part, la comparaison de signes en conflit est susceptible de varier selon le public pertinent ainsi que dans le temps.
Sur le fond, s'agissant du critère relatif à l'étendue territoriale de l'usage sérieux, le Tribunal a jugé qu'il ressort de l'arrêt Leno Merken ( 1 ), premièrement, que l'étendue territoriale n'est qu'un facteur parmi d'autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l'usage d'une marque de l'Union européenne et, deuxièmement, qu'une règle de minimis pour établir si ce facteur est rempli ne peut pas être établie. En effet, il n'est pas nécessaire que l'usage d'une marque de l'Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l'ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l'exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée. En outre, le Tribunal a relevé qu'il a été jugé, à maintes reprises, que l'usage d'une marque de l'Union européenne dans un seul État membre, voire dans une seule ville européenne, suffisait pour remplir le critère de l'étendue territoriale.
Par ailleurs, le Tribunal a souligné que l'usage d'une marque antérieure de l'Union européenne dans un État membre est susceptible de produire des effets sur le marché intérieur, en assurant, par exemple, la réputation des produits - de façon sensible sur le plan commercial - auprès d'acteurs d'un marché plus étendu que celui qui correspond au territoire où la marque est utilisée.
Par conséquent, il a jugé que, eu égard au nombre considérable d'éléments de preuve produits par l'intervenante relatifs à la durée, à la fréquence, à la nature et à l'importance de l'usage de sa marque de l'Union européenne en Espagne, la chambre de recours n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'intervenante avait démontré l'usage de ladite marque en Espagne et que cet usage suffisait pour prouver l'usage dans l'Union.
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( 1 ) Arrêt de la Cour du 19 décembre 2012, Leno Merken, (C-149/11, EU:C:2012:816).