CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10600 F
Pourvoi n° R 21-15.830
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022
La société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-15.830 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Magidis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Carrefour proximité France, de Me Soltner, avocat de la société Magidis, et après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Kermina, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carrefour proximité France aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Carrefour proximité France et la condamne à payer à la société Magidis la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE
à la présente décision
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour proximité France
La société CPF fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête du 12 novembre 2019 et annulé en conséquence tous les actes d'exécutions de cette ordonnance et notamment le procès-verbal de constat en date du 19 novembre 2019 ;
1° ALORS QUE la requête aux fins de mesure d'instruction in futurum de la société CPF était due à l'envoi d'un grand nombre de courriers de la part de ses franchisés employant des termes agressifs et menaçants et présentant des similitudes certaines, laissant supposer l'existence d'une action concertée des franchisés animée par un tiers concurrent de la société CPF ; que la mesure d'instruction sollicitée par la société CPF était destinée à obtenir et à protéger la preuve des manoeuvres déloyales réalisées par le concurrent, de son identité et de son rôle, dont le risque de déperdition était élevé en raison de la facilité de suppression des fichiers sur support informatique, afin d'agir contre lui et contre la société Magidis dans une instance ultérieure en responsabilité et concurrence déloyale ; que, pour considérer que la société CPF ne justifiait pas d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve des faits qu'elle invoquait, et rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du 12 novembre 2019, la cour d'appel a jugé que « le fait que des informations soient contenues sur des supports informatiques n'est pas suffisant dans ce cas alors que la société CPF a conservé les courriers qu'elle a produits au soutien de sa requête » (arrêt attaqué, p. 5, in fine) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le fait que la société CPF ait conservé les courriers qui lui avait été adressés par ses franchisés était étranger au motif de sa requête, qui était de déterminer les manoeuvres d'un concurrent et son identité, afin d'agir contre lui et la société Magidis dans une instance ultérieure en responsabilité et concurrence déloyale, manoeuvres et identité que les seuls courriers des franchisés ne permettaient pas d'établir, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article
455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en se fondant sur l'existence d'une participation de la société CPF au sein de la société Magidis via la société Selima pour retenir que « le recours à une mesure non contradictoire n'était pas justifié dans ce contexte » (arrêt attaqué, p. 6, § 2), faute pour la société CPF d'avoir un motif légitime à voir ordonner les mesures d'instructions sollicitées, cependant que l'existence d'une participation de la société CPF au sein de la société Magidis via la société Selima n'excluait pas le rôle joué par la société Magidis dans une action concertée, organisée par un tiers concurrent du groupe Carrefour, visant à déstabiliser la société CPF, ni que la société Magidis ait eu intérêt à faire disparaître des preuves établissant son implication dans cette manoeuvre et celle du tiers concurrent, ni encore que la société CPF ait eu intérêt à obtenir et protéger ces preuves pour établir la concurrence déloyale d'un tiers, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article
455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE la requête aux fins de mesure d'instruction in futurum de la société CPF était due à l'envoi d'un grand nombre de courriers de la part de ses franchisés employant des termes agressifs et menaçants et présentant des similitudes certaines, laissant supposer qu'ils avaient été rédigés par un rédacteur unique, tiers concurrent de la société CPF, en vue de la déstabiliser ; que la mesure d'instruction sollicitée par la société CPF était destinée à obtenir et à protéger la preuve des manoeuvres déloyales réalisées par le concurrent, de son identité et de son rôle, dont le risque de déperdition était élevé en raison de la facilité de suppression des fichiers sur support informatique, afin d'agir contre lui et contre la société Magidis dans une instance ultérieure en responsabilité et concurrence déloyale ; qu'en retenant, pour rétracter l'ordonnance sur requête du 12 novembre 2019, que « le motif légitime à recourir à une mesure non contradictoire ne peut se fonder sur la crainte d'une action violente telle qu'invoquée dans la requête » (arrêt attaqué, p. 5, § 7), quand la requête de la société CPF ne se fondait, à aucun moment, sur la crainte d'une action violente, qui existait par l'envoi des nombreux courriers agressifs et menaçants et présentant des similitudes certaines, mais sur la recherche de ses causes, pour lui permettre d'agir, dans une instance ultérieure, contre l'instigateur véritable, la cour d'appel a dénaturé la requête de la société CPF, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4° ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; que le motif est légitime s'il résulte de la demande qu'un litige oppose ou est susceptible d'opposer le demandeur à son adversaire ; qu'il n'est pas attendu du demandeur qu'il démontre le bien-fondé de la demande ultérieure qu'il envisage mais seulement qu'il apporte des éléments objectifs établissant la probabilité des faits dont il se plaint pour justifier sa requête ; que la société CPF avait apporté plusieurs éléments objectifs démontrant la probabilité d'une action concertée de ses franchisés animée par un tiers concurrent dans le but de la déstabiliser, à savoir notamment la répétition, la similitude, le ton agressif et menaçant d'un grand nombre de courriers adressés à la société CPF dans une courte période, rédaction à laquelle la société Magidis avait participé, et un article de presse démontrant cette action concertée et le rôle de M. [X], ancien directeur juridique du groupe Carrefour ayant rejoint le groupe Système U ; qu'en énonçant pourtant que la société CPF ne caractérisait pas « le risque de faits de concurrence déloyale de la part d'un tiers concurrent qui est évoqué comme une simple hypothèse » (arrêt attaqué, p. 6, § 1), quand les éléments apportés par la société CPF dépassaient la simple hypothèse, la cour d'appel a exigé en réalité de la société CPF qu'elle démontre d'ores et déjà la réalité de la concurrence déloyale invoquée, qui ne pouvait être établie que par les preuves obtenues par la mesure d'instruction sollicitée, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en énonçant, pour retenir que la société CPF ne justifiait pas d'un motif légitime à voir ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que « les parties concernées par la mesure d'instruction in futurum sont liées par un contrat de franchise dont la mise en oeuvre régit les relations notamment en cas de rupture à l'initiative du franchisé » (arrêt attaqué, p. 6, § 1), cependant que l'existence d'un contrat entre deux parties encadrant la mise en oeuvre de la rupture ne fait pas obstacle à ce que l'une d'entre elles puisse solliciter, avant tout procès, l'exécution d'une mesure d'instruction destinée à établir et conserver la preuve d'une concurrence déloyale dont elle fait l'objet et à laquelle l'autre a participé, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile.