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Cour d'appel d'Amiens, 15 juin 2023, 21/05093

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Amiens
15 juin 2023
Tribunal judiciaire de Lille
4 octobre 2021

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
  • Numéro de déclaration d'appel :
    21/05093
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Tribunal judiciaire de Lille, 4 octobre 2021
  • Identifiant Judilibre :648bfe5f5bba4e05dbabc0e1
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Résumé

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Texte intégral

ARRET

N° 593 CPAM DE [Localité 4] C/ S.A.S. [3] COUR D'APPEL D'AMIENS 2EME PROTECTION SOCIALE ARRET DU 15 JUIN 2023 ************************************************************* N° RG 21/05093 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IICF - N° registre 1ère instance : 20/02288 JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILL E (Pôle Social) EN DATE DU 04 octobre 2021 PARTIES EN CAUSE : APPELANT La CPAM DE [Localité 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée et plaidant par Mme [S] [Z] dûment mandatée ET : INTIMEE La société [3] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège MP :[C] [I] [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée et plaidant par Me Marine GAINET-DELIGNY, avocat au barreau de PARIS substituant Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS DEBATS : A l'audience publique du 03 Avril 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023. GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Audrey VANHUSE COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de: Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre, Mme Véronique CORNILLE, Président, et Mme Chantal MANTION, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi. PRONONCE : Le 15 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier. * * * DECISION Le 9 février 2018, Mme [I] [C], salariée de la société [3] en qualité de conseillère de vente, a effectué une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du même jour mentionnant : « syndrome dépressif (anorexie, insomnie, troubles de l'humeur), suite à harcèlement au travail, accusations calomnieuses. Traitement antidépresseur en cours'Sorties libres indispensables car repli sur soi. » La maladie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et par décision du 16 janvier 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (la CPAM) de [Localité 4] a fixé le taux d'incapacité de la salariée à 24 % en réparation des séquelles suivantes : « persistance d'un syndrome anxio dépressif majeur, réactionnel aux conditions de son activité professionnelle, nécessitant la poursuite d'une prise en charge spécialisée », à la date de consolidation du 10 janvier 2020. Contestant cette décision, la société [3] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA), puis le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, à l'encontre de la décision explicite de rejet de sa contestation par la commission. Par jugement en date du 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a : - dit la contestation de la société [3] recevable, - fixé à 8 % au 10 janvier 2020, le taux d'incapacité permanente de Mme [I] [C] au titre d'une maladie professionnelle hors tableau déclarée le 9 février 2018, accompagnée d'un certificat médical initial du même jour, taux opposable à la société [3], - condamné la CPAM de [Localité 4] aux dépens. Par courrier recommandé expédié le 21 octobre 2021, la CPAM de [Localité 4] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 8 octobre 2021. Par ordonnance en date du 26 août 2022 rendue conformément aux dispositions des articles R. 142-16 et suivants du code de la sécurité sociale, une mesure de consultation sur pièces a été ordonnée et le docteur [J], expert près la cour d'appel d'Amiens, a été commis à cet effet. Le médecin consultant a établi son rapport le 14 octobre 2022 et a conclu que le taux d'incapacité permanente partielle s'établissait à 10 % à la date du 10 janvier 2020. Les parties ont été convoquées à l'audience du 3 avril 2023. La CPAM de [Localité 4] aux termes de conclusions régulièrement déposées et soutenues oralement à l'audience, demande à la cour de : - infirmer la décision du tribunal judiciaire de Lille fixant le taux d'incapacité de Mme [C] à 8 %, - confirmer la décision de la caisse et de la CMRA fixant à 24 %, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [C], - déclarer la nullité du rapport du médecin consultant en ce qu'il n'a pas pris en compte tous les symptômes de l'assurée à la date de consolidation pour proposer un taux de 10 %, - débouter la société [3] de toutes ses demandes. Elle ajoute à l'audience s'opposer à la prise en charge des frais d'expertise. Elle estime que le taux de 8 % retenu en première instance et le taux de 10 % proposé par le docteur [J] sont inappropriés. Elle fait valoir les observations en date du 21 novembre 2022 du docteur [L], médecin conseil, qui précise que l'assurée présentait outre une asthénie persistante, des éléments de la lignée dépressive (notamment tristesse de l'humeur et isolement), une clinophilie importante, une perte d'appétit, et qu'elle a bénéficié d'un traitement psychotrope (traitement antidépresseur et anxiolytique) avec un suivi spécialisé tous les 15 jours. Elle en déduit que les symptômes de l'assurée à la consolidation de son état justifient au minimum un taux d'incapacité de 20 %. Elle souligne que Mme [C] a bénéficié de soins post-consolidation sur la période allant du 11 janvier 2020 au 11 janvier 2022. La société [3] aux termes de ses conclusions régulièrement déposées et soutenues oralement à l'audience, demande à la cour de : - déclarer recevable et bien-fondé son appel incident, - infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 4 octobre 2021, Statuant à nouveau, - entériner le rapport de consultation médicale établi par le docteur [J], - juger que les séquelles de Mme [C] en lien avec la maladie professionnelle du 9 février 2018 justifient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % dans les rapports entre la caisse et l'employeur, - juger que les frais de consultation médicale sur pièces seront mis à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie, - débouter la CPAM de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes. Elle fait valoir que les conclusions du docteur [J] sont motivées, claires et non équivoques et qu'elles doivent être homologuées. Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et

MOTIFS

S nullité de l'avis du médecin consultant Aux termes de l'article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, « la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction, qui peut prendre la forme d'une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l'audience, par un consultant avisé de sa mission par tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d'examen de la personne intéressée. » Le docteur [J] médecin consultant désigné par la cour a pu évaluer le taux d'incapacité après avoir pris connaissance du rapport médical d'évaluation des séquelles en date du 19 novembre 2019 établi par le praticien conseil du service médical de la caisse. La CPAM de [Localité 4] sollicite la nullité du rapport du médecin consultant en ce qu'il n'a pas pris en compte tous les symptômes de l'assurée à la date de consolidation, soit pour des motifs qui relèvent de la discussion au fond du litige. La demande de nullité ne peut qu'être rejetée. Sur l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Le barème indicatif d'invalidité des maladies professionnelles prévoit en son article 4.4.2 relatif aux troubles psychiques et troubles mentaux organiques chroniques, : « Etats dépressifs d'intensité variable : - Soit avec une asthénie persistante : 10 à 20 %, - Soit à l'opposé, grande dépression mélancolique, anxiété pantophobique : 50 à 100%. » Selon ce même barème, l'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. En l'espèce, le praticien-conseil du service médical de la CPAM a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 24 % pour les séquelles suivantes : « persistance d'un syndrome anxio dépressif majeur, réactionnel aux conditions de son activité professionnelle, nécessitant la poursuite d'une prise en charge spécialisée. » Lors de l'examen clinique, le praticien-conseil du service médical de la caisse a noté dans son rapport du 19 novembre 2019 : « clinophilie +++, troubles du sommeil, réveils fréquents, asthénie ++, peu d'appétit, Tout m'angoisse, me stresse, ruminations anxieuses ++++, discours structuré, cohérent et adapté ». Il relève : « prise en charge spécialisée par le docteur [R], psychiatre, consulté une à deux fois par mois », « ordonnance du Dr [R] du 12/11/2019 : Prozac (1 le matin), Laroxyl 25 (2 le soir), Théralène 5 (1 le soir), et Lexomil ¿ si besoin dans la nuit (en prend régulièrement). Il mentionne un état antérieur interférent. Le docteur [F], médecin consultant désigné en première instance, a rendu l'avis suivant : « Il s'agit d'une conseillère de vente de 55 ans reconnue en maladie professionnelle hors tableau pour une pathologie anxio-dépressive. Au dossier, deux documents intéressants, l'examen du médecin conseil à la consolidation et une contre-expertise par un médecin psychiatre en date du 28 février 2020, contemporaine de la consolidation. Le médecin psychiatre nous décrit une patiente sans signe dépressif de gravité, une présentation qui est bonne, une expression faciale, aucune altération des capacités intellectuelles ou cognitives, pas de confusion mentale. Il constate que le trouble est surtout à polarité anxieuse et non dépressive, sans retentissement idéomoteur, sans apragmatisme, un contact facile et sans aucune autre pathologie psychiatrique associée. Le traitement consiste en un suivi spécialisé une à deux fois par mois, un antidépresseur, un hypnotique, j'ai noté que le médecin conseil relate un état antérieur interférent qui n'est pas documenté et qu'il décrit l'existence de ruminations anxieuses, de troubles du sommeil et d'une asthénie. Compte tenu de l'apparente bénignité de la présentation par le médecin psychiatre qui d'ailleurs conclut en un état qui pouvait être considéré comme consolidé ou guéri, ce qui est en faveur de symptômes mineurs, au vu du barème qui décrit pour les états dépressifs d'intensité variable avec asthénie persistante, ce qui semble être le cas dans ce dossier, un barème de 10 à 20 %. Je retiens ici la fourchette inférieure, c'est-à-dire 10 %. ». Le docteur [J], médecin consultant désigné par la présente cour, a conclu : « Il existe entre l'examen du médecin conseil et celui du psychiatre expert des éléments en faveur d'une amélioration : pas d'isolement social, pas d'inhibition, pas d'apragmatisme. Celui-ci retient essentiellement une anxiété sans autre pathologie d'ordre psychiatrique. Il n'est pas décrit de grande dépression mélancolique ni de trouble du comportement. Un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % semble plus adapté aux séquelles de la maladie professionnelle. Conclusion : A la date du 10/01/2020, les séquelles décrites justifient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % ». La CPAM conteste les conclusions des médecins consultant et se prévaut de l'argumentaire médical du docteur [L], médecin conseil, lequel au terme de ses observations en date du 22 novembre 2022 indique que l'assurée ne présentait pas uniquement une asthénie persistante lors de son examen par le médecin conseil le 19 novembre 2019. Elle présentait des éléments de la lignée dépressive (tristesse de l'humeur, isolement, repli social puisqu'elle déclarait ne plus sortir de chez elle, retentissement familial 'difficultés importantes avec ses enfants-, clinophilie importante, perte d'appétit ; que ces éléments n'ont pas été pris en compte par le médecin consultant de la cour, les symptômes justifiant au minimum un taux correspondant à 20%. Toutefois, le docteur [J] a analysé les éléments médicaux à une date proche de la consolidation (10 janvier 2020), dont l'examen clinique du 19 novembre 2019, le rapport du psychiatre du 4 mars 2020 et les observations du docteur [L] du 12 septembre 2022, qui malgré leur date, résument des données médicales proches du rapport d'évaluation des séquelles et de la date de consolidation. Il y a lieu de relever que le docteur [L] indique le 12 septembre 2022, s'agissant de l'état antérieur précisé dans le rapport IP « qu'il s'agit des éléments anxio dépressifs évoluant depuis plusieurs années avant la reconnaissance en maladie professionnelle comme c'est le cas fréquemment dans le cadre d'une maladie professionnelle et comme en témoignent les certificats du médecin du travail, du psychiatre et du médecin traitant ». Le docteur [L] relate que le docteur [R], psychiatre, a par certificat en date du 22 février 2018 indiqué qu'« elle présentait un tableau dépressif et anxieux très important nécessitant un arrêt de travail depuis le 15 juin 2017 » ; que le docteur [W], médecin traitant, a certifié le 30 mars 2018 : « 'Etat de dépression sévère avec ralentissement idéo-moteur, angoisses, anorexie, insomnies, malgré un traitement antidépresseur et un suivi psychiatrique. Cela paraît directement lié à sa situation professionnelle (harcèlement en mai 2017), tous ces troubles s'étant déclenchés dans les suites de ces évènements ». Il ressort ainsi du dossier que l'assurée présentait un état antérieur constitué d'éléments anxio-dépressifs suite à un traumatisme psychologique important survenu au travail en novembre 2011 et un harcèlement professionnel en mai 2017 ayant justifié un arrêt de travail depuis le 15 juin 2017 selon le certificat du docteur [R], psychiatre, en date du 22 février 2018 ; que les médecins consultants désignés en première instance et par la cour ont également pris en compte les observations contemporaines de la consolidation du docteur [O], psychiatre, qui décrit le 4 mars 2020 des troubles de type anxiodépressif à polarité anxieuse et des éléments positifs (bonne présentation et expression, contact facile, absence de confusion mentale, pas de ralentissement idéo-moteur, pas d'inhibition, pas d'isolement social, pas d'apragmatisme, pas de pathologie psychiatrique associée, pas d'élément de type psychotique. Le docteur [J] a motivé ses conclusions au regard de ces observations par un spécialiste et du barème. En conséquence, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, contradictoirement débattus, des avis concordants et motivés des médecins consultants, les séquelles de Mme [I] [C] justifient la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % à la date de consolidation dans les rapports entre l'organisme social et l'employeur. Le jugement qui a fixé un taux d'incapacité de 8% sera infirmé. Sur la prise en charge des frais d'expertise L'article L.142-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au présent litige dispose que « les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes en application des articles L. 141-1 et L. 141-2 ainsi que dans le cadre des contentieux mentionnés aux 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L.142-1 sont pris en charge par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1. ». Il résulte de ces dispositions que les frais de consultation médicale sont à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie. Sur les dépens En application de l'article 696 du code de procédure civile, la CPAM de [Localité 4], partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Fixe à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [I] [C], opposable à la société [3], en réparation des séquelles de la maladie professionnelle consolidée à la date du 10 janvier 2020, Rejette la demande de nullité du rapport du médecin consultant, Dit que les frais de consultation médicale sont à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie, Condamne la CPAM de [Localité 4] aux dépens de l'instance d'appel. Le Greffier, Le Président,

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