Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 11 juillet 2014
Cour d'appel de Paris 18 mars 2016

Cour d'appel de Paris, 18 mars 2016, 2014/16050

Mots clés mesures provisoires · interdiction provisoire · provision · communication de documents ou accès aux informations · caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits · contrefaçon de marque · imitation · droit communautaire · syllabe d'attaque identique · substitution · syllabe · syllabe finale · terminaison · similitude visuelle · différence phonétique · différence intellectuelle · langue morte · risque de confusion · public pertinent · clientèle spécifique · luxe · procédure · production de pièces · droit d'information · eléments comptables · document commercial

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 2014/16050
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : DELIRIUM ; DELIRIA
Classification pour les marques : CL03 ; CL04 ; CL35
Numéros d'enregistrement : 3901721 ; 11583093
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 11 juillet 2014, N° 2014/55803
Parties : STRATEGEM SAS / L'ARTISAN PARFUMEUR SA
Président : Mme Annie DABOSVILLE

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 11 juillet 2014
Cour d'appel de Paris 18 mars 2016

Texte

COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 18 mars 2016

Pôle 1 - Chambre 8 (n° , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16050

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/55803

APPELANTE SAS STRATEGEM [...] 75001 PARIS N° SIRET : 449 11 3 0 26 Représentée et assistée de Me Stéphane G de la SEP ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE SA L'ARTISAN PARFUMEUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...] 75001 PARIS N° SIRET : 351 85 5 6 22 Représentée par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936 Assistée de Me Bertrand E, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre, et Mme Mireille de GROMARD, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre Mme Mireille de GROMARD, Conseillère Mme Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie DABOSVILLE, présidente et par Mme Patricia PUPIER, greffière présente lors du prononcé.

La société STRATEGEM qui a pour activité notamment le conseil en stratégie mercatique et commerciale et la production et la diffusion de produits de parfumerie, est titulaire de plusieurs marques exploitées par la société LUBIN pour la parfumerie.

Le 1er mars 2012, la société STRATEGEM a déposé à l'INPI la marque DELIRIUM enregistrée sous le n° 12/3 901 721 pour des produits en classes 3 et 35 et notamment pour les produits de parfumerie, parfums, extrait de parfums, eaux de toilette.

La société STRATEGEM a constaté que la société L'ARTISAN PARFUMEUR commercialisait un parfum dénommé DELIRIA et qu'elle avait déposé le 18 février 2013 une marque communautaire DELIRIA enregistrée sous le n°011583093 pour désigner des produits en classes 3 et 4, dont les produits de parfumerie.

Après une lettre de mise en demeure restée infructueuse, le 4 mai 2014, la société STRATEGEM a fait assigner la société L'ARTISAN PARFUMEUR devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des articles L713-3, 6- code de la propriete intellectuelle">L716- 6 et L716-7 du code de la propriété intellectuelle afin d'obtenir la condamnation de la défenderesse à payer une provision de 20.000 euros ; la communication d'informations comptables et commerciales ; l'interdiction de faire usage du signe ; outre frais et dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, retenant notamment :

- Que la vraisemblance de la contrefaçon n'apparaît pas avec suffisamment d'évidence pour que les mesures provisoires de l'article L716-6 du code de la propriété intellectuelle ainsi que le droit à l'information puissent être mises en 'œuvre,

A,

par ces motifs

:

- dit n'y avoir lieu à application de l'article L716-6 et de l'article L716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

- condamné la société STRATEGEM à payer à la société L'ARTISAN PARFUMEUR la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné la société STRATEGEM aux dépens. La SAS STRATEGEM a relevé appel de cette décision par déclaration d'appel reçue le 25 juillet 2014.

Par les dernières conclusions régulièrement transmises le 4 janvier 2016, l'appelante demande à la cour de : - Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Et, statuant à nouveau :

- Constater la vraisemblance des actes de contrefaçon de la marque DELIRIUM n°3901721 dont elle est titulaire et propriétaire,

- Condamner la société L'ARTISAN PARFUMEUR à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation des actes de contrefaçon dont elle est victime ;

- Débouter la société L'ARTISAN PARFUMEUR de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Ordonner à la société L'ARTISAN PARFUMEUR de produire sous astreinte de 5.000,00 euros par jour de retard à s'exécuter passé la signification de l'ordonnance à intervenir, l'état des ventes du parfum commercialisé sous la marque DELIRIA et ce depuis l'origine de la commercialisation de celui-ci, ledit état des ventes devant être certifié comptablement par le Commissaire aux comptes ou l'Expert-comptable de la société L'ARTISAN PARFUMEUR ;

- Faire interdiction à la société L'ARTISAN PARFUMEUR de faire usage sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, notamment à titre de marque, de nom commercial, d'enseigne ou de nom de domaine du signe « DELIRIA » et ce sous astreinte de 300,00 euros par infraction constatée et par jour de retard à s'exécuter à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- Dire et juger que le magistrat qui rendra l'ordonnance à intervenir sera compétent pour connaître de la liquidation des astreintes qu'il aura ordonnées ;

- Condamner la société L'ARTISAN PARFUMEUR à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner en tous les dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Stéphane G de la SEP ARMENGAUD ' GUERLAIN, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la comparaison des signes en présence, l'appelante soutient : - Que les deux signes, formés de sept ou huit lettres, ont en commun leurs cinq premières lettres, placées dans le même ordre ; que les deux marques sont déposées dans une police de caractère classique, sans élément figuratif ;

- Que phonétiquement les deux signes sont formés de quatre sonorités dont les trois premières sont identiques ; que le fait que la dernière syllabe diffère ne peut suffire à écarter le risque de confusion auprès du public, dans la mesure où la jurisprudence retient que les consonances d'attaque ont une influence privilégiée ;

- Que les deux signes sont formés du même radical, accordé en latin au singulier pour l'un, et au pluriel pour l'autre ; - Que c'est à tort, et sans que cet argument ait été soulevé par les parties, que le premier juge a retenu que le terme DELIRIUM renvoyait spécifiquement au syndrome de Delirium tremens contrairement au terme DELIRIA qui n'existe pas, alors que le Delirium tremens n'est pas suffisamment connu du grand public pour que cette association soit effective et que Deliria est le pluriel de Delirium ; que les deux termes renvoient de manière identique au concept de délire.

Sur le risque de confusion, elle fait valoir :

- Que ce risque doit être apprécié au regard du niveau d'attention du consommateur, plus élevé pour un produit coûteux et à caractère technologique que pour un bien de consommation courante comme un parfum ;

- Que s'agissant de ce type de produits le consommateur n'a que rarement l'occasion de comparer directement deux marques ;

que c'est à tort que le premier juge a considéré que les parfums en cause ne sont pas des produits de consommation courante mais des articles de luxe ; que le tribunal de l'Union Européenne estime de manière constante que le risque de confusion et en particulier le degré d'attention du public s'apprécie in abstracto sans tenir compte des conditions de commercialisation effectives ; qu'un parfum doit donc être considéré comme un bien de consommation courante, peu importe son prix de vente, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un produit technologique ou scientifique ; que le même tribunal considère que les produits cosmétiques font l'objet d'une attention moyenne de la part du public ; que l'arrêt Picasso, cité par l'intimé en ce qu'il retient que l'attention du consommateur augmente avec le prix de vente, concerne des automobiles, qui sont des biens technologiques sans comparaison avec des cosmétiques ; qu'elle ne conteste pas le fait qu'elle commercialise des produits de luxe, mais estime que cet élément est inopérant ;

- Que la cour de justice de l'Union Européenne considère de manière constante qu' « un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement » ; qu'en l'espèce, la similarité entre les produits en cause s'ajoute à celle des marques pour accroître le risque de confusion du consommateur ; que les décisions citées par l'intimée à l'appui de sa position, selon laquelle un suffixe différent suffit à écarter le risque de confusion entre deux marques, concernent deux produits bien différents ; qu'elle produit des décisions se prononçant en sens contraire s'agissant de produits de même nature ;

- Que c'est à tort que le premier juge a retenu que le terme "délire" est fréquemment utilisé dans le domaine de la parfumerie ; que les marques citées par l'intimée ne sont plus en vigueur ; qu'à considérer que le terme "délire" soit faiblement distinctif s'agissant de parfums, sa prédominance dans la construction des deux marques suffit à entretenir une confusion ;

- Que c'est également à tort que le premier juge a retenu l'absence de confusion en raison de l'association de la marque avec le nom du parfumeur ; qu'il n'existe aucune association de ce type ; qu'un tel raisonnement conduit à apprécier le risque de confusion au regard des conditions de commercialisation ce qui est contraire à la jurisprudence de la cour de cassation, plus récente que le jugement du tribunal de grande instance de Paris cité par l'intimée ; que l'intimée cite également un extrait d'une décision de la cour de cassation, mais que cet extrait est issu des moyens du pourvoi, et que l'arrêt ne se prononce pas sur ce point ;

- Que les affirmations de l'intimée selon lesquelles l'action en contrefaçon suppose un usage effectif de la marque avant l'expiration du délai de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle ne correspondent pas au dernier état de la jurisprudence de la cour de cassation ; qu'elles sont contraires au principe de l'article L.711-1 du même code, ainsi qu'aux dispositions des articles L.716-5 et L.716-6 ; que l'appelant a donc intérêt à agir ;

Sur le préjudice et les mesures provisoire, elle indique :

- Que les agissements de l'intimée lui sont préjudiciables en ce qu'ils portent atteinte au caractère distinctif de sa marque première et diluent celui-ci à raison de l'exploitation qui est faite du signe second ;

- Qu'ils la privent de sa possibilité d'exploiter la marque Delirium, en raison de sa politique commerciale élitiste qui suppose la mise sur le marché de produits exclusifs ; que les deux parfums visent la même clientèle ; que ce risque l'empêche de commencer l'exploitation de la marque, dans la mesure ou l'élaboration d'un parfum est un processus très long ; qu'il n'est pas établi que l'exploitation de la marque ait été refusée en Russie et en Chine ; que la position de l'intimée selon laquelle l'absence d'exploitation de la marque limite les préjudices aux frais de dépôt et d'enregistrement de la marque est contraire à la jurisprudence ; qu'il n'est pas établi que l'intimé a cessé l'exploitation de la marque en cause ; que l'évaluation du préjudice se base en l'espèce sur les déclarations de l'intimée à propos du bénéfice réalisé sur la vente des produits utilisant la marque en cause ;

- Que la mesure d'interdiction d'exploitation de la marque est nécessaire pour empêcher la poursuite d'actes de contrefaçon ; que si l'intimée avait réellement cessé d'exploiter la marque en cause, elle n'aurait pas d'intérêt à s'opposer à cette mesure ; que l'article 102 du règlement européen 207/2009 indique qu'une telle mesure doit être prise en cas de constatation d'un acte de contrefaçon de marque communautaire, sauf raisons spécifiques ; que ces raisons spécifiques doivent être interprétées restrictivement ; qu'il n'en existe pas en l'espèce ;

- Que le droit à l'information est prévu par les articles L.716-7-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, 3 et 4-16e de la loi n°2014-315 du 11 mars 2014 ; que l'appelante est fondée à faire valoir ce droit dès lors qu'elle démontre la vraisemblance de la contrefaçon ; que les informations demandées ne sont pas disproportionnées, et sont nécessaires pour que l'appelante puisse établir son manque à gagner.

La société SA L'ARTISAN PARFUMEUR, intimée, appelante incidente, a par ses dernières conclusions transmises le 18 novembre 2015, demandé à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance rendue par le Tribunal de Grande instance de Paris le 11 juillet 2014 en ce qu'il a débouté la société STRATEGEM de sa demande d'octroi de mesures provisoires d'interdiction et d'informations sur les ventes des parfums Deliria de la société L'ARTISAN PARFUMEUR et alloué la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

À titre principal :

- Constater l'absence de vraisemblance des actes de contrefaçon de la marque Delirium n°12/3.901.721 ;

- Débouter la société STRATEGEM de l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire :

- Limiter les données devant être attestées par commissaire aux comptes ou expert-comptable à l'état des ventes en France des parfums Deliria depuis leur origine ;

En tout état de cause : - Condamner la société STRATEGEM à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société STRATEGEM aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Sur l'action en référé fondée sur l'article L.716-6 du Code de la propriété intellectuelle, l'intimée fait valoir :

- Que cette action suppose que la vraisemblance d'une contrefaçon soit suffisamment établie ; que le premier juge a retenu à bon droit que ce n'était pas le cas ; que la simple différence de terminaison entre les deux titres suffit à écarter le risque de confusion ; qu'il existe de nombreuses décisions en ce sens ; que les signes en présence sont relativement courts de sorte que leur différence est plus apparente ; que les deux signes n'ont pas trois syllabes sur quatre en commun, mais deux sur trois ;

- Que le terme Delirium a un sens bien défini alors que Deliria n'est pas présent dans le dictionnaire Larousse de la langue française et a été créé par l'intimée ;

- Qu'il existe de nombreuses marques de parfum évoquant la notion de délire ; qu'il importe peu qu'elles ne soient plus en vigueur ; que le consommateur portera d'autant plus attention au suffixe qui distingue les deux marques, que le radical qui les compose est peu distinctif ;

- Que le premier juge a retenu à bon droit que le consommateur distinguera d'autant plus les deux marques qu'il les associera au nom du parfumeur ; que les deux sociétés ont des noms bien distincts ; que ces noms apparaissent toujours sur la boîte d'achat du parfum ; qu'il ressort de la jurisprudence la plus récente que le risque de confusion doit être interprété globalement et in concreto, en tenant compte des conditions de commercialisation ; qu'il convient donc de retenir un niveau d'attention du consommateur plus élevé s'agissant d'un produit de luxe et coûteux, et de prendre en compte l'association de la marque au nom du parfumeur ;

- Que l'appelante n'exploite pas la marque Delirium, alors que l'intimée exploite la marque Deliria ; que cela se constate par des recherches sur le moteur de recherche Google, ainsi que sur les sites internet des parties ; Qu'il ressort de nombreuses décisions, notamment de la cour de céans, qu'il "entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater, à la condition que cette constatation relève de l'évidence, l'absence d'exploitation d'une marque rendant non vraisemblable l'atteinte à cette marque" ; que cette notion est distincte de celle requise pour la déchéance de marque et vise à vérifier la vraisemblance d'une atteinte aux droits du demandeur ; que le consommateur ne peut pas confondre une marque exploitée avec une autre, qui n'a jamais été exploitée et donc jamais portée à sa connaissance ; qu'ainsi une mesure d'interdiction provisoire serait disproportionnée.

Sur le préjudice, elle soutient :

- Que l'appelante n'apporte pas la preuve de l'existence de son préjudice ; que l'absence d'exploitation de la marque Delirium empêche d'établir les préjudices allégués, notamment un risque de confusion avec la marque Deliria, une atteinte vraisemblable à son droit, et un préjudice autre que l'atteinte à la marque en tant que telle ;

- Que l'appelante n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le chiffrage de son préjudice ; que celui-ci sera d'autant plus faible que la marque Delirium a été refusée à l'enregistrement aux États-Unis et en Russie ; qu'une marque récente et non exploitée n'a pour valeur que celle des frais de son dépôt.

Sur le droit à l'information fondé sur l'article L716-1 du code de la propriété intellectuelle, elle fait valoir :

- Qu'il ressort de cet article, comme de l'article 8 de la directive européenne 2004/48 du 29 avril 2004 qui l'encadre, que le droit à l'information ne peut être ordonné qu'en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, et s'il n'existe pas d'empêchement légitime ; que plus précisément, selon la jurisprudence, des éléments rendant vraisemblables la contrefaçon sont nécessaires ;

- Qu'en l'espèce, aucune atteinte vraisemblable aux droits de l'appelante ne peut être caractérisée puisque sa marque n'est pas exploitée ; que la preuve de la contrefaçon n'est pas apportée ; que la demande d'information est donc injustifiée et disproportionnée, et porte une atteinte excessive aux intérêts de l'intimée.

Sur la limitation du champ du droit d'information, elle indique, à titre subsidiaire, que s'il devait être fait droit à la demande d'information, celle-ci devrait être strictement limitée à la communication de l'état des ventes en France, sans qu'il puisse être fait mention du nom de ses clients ; que toute information plus large porterait atteinte au secret des affaires ce qui constituerait un empêchement légitime.


MOTIFS DE LA DÉCISION


Considérant qu'en vertu de l'article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a)la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement,

b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » ;

Que l'article 5 § 1 de la directive CE n° 2008/95 intitulé 'Droits conférés par la marque' précise : '1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque'.

Que selon l'article 716-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon (') Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il soit porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente » ;

Considérant que la contrefaçon est vraisemblable par imitation d'une marque antérieure, lorsqu'il existe une similarité entre les signes en cause et une similarité entre les produits ou services et qu'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit du public pour le consommateur de référence ;

Considérant que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive et conceptuelle entre les signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Considérant qu'en l'espèce, le premier juge a pertinemment retenu que les deux signes en présence DELIRIUM et DELIRIA, en caractères classiques, sont tous deux dépourvus d'élément figuratif, sont de longueur quasiment égale de 8 et 7 lettres avec en commun dans le même ordre les 6 premières lettres de sorte que la ressemblance visuelle est importante ; Considérant que phonétiquement les deux premières syllabes d'attaque sont identiques ; que par contre la dernière syllabe diffère (- rium) et (-ria) ; que si la troisième syllabe de DELIRIUM est à intonation descendante (-rium), sourde, celle de DELIRIA est plutôt tonique et montante de sorte que pour DELIRIA, l'attention du consommateur est attirée par cette dernière syllabe (-ria ) ce qui n'est pas le cas dans le signe DELIRIUM ou la dernière syllabe est plutôt en retrait ; que la perception des deux vocables n'est donc pas identique d'autant plus que la séquence antérieure à cette dernière syllabe n'est pas très longue, composée que de deux syllabes ;

Considérant que conceptuellement, si les deux signes s'inspirent du mot « délire » du latin « delirium », le signe « DELIRIUM » évoque le « delirium tremens » tandis qu'il ne peut être soutenu que « DELIRIA », qui n'existe pas dans la langue française, évoque et apparaît au consommateur moyen comme la déclinaison du pluriel latin de « DELIRIUM » et renvoyant directement à ce concept, le simple mot « délire » étant quant à lui fréquent et très connu dans le domaine de la parfumerie ;

Considérant que s'agissant du risque de confusion, la perception des marques qu'a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale de ce risque ;

Qu'il faut prendre en considération le fait que le niveau d'attention de ce consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause, le consommateur moyen des produits concernés étant censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les deux signes en présence sont destinés à désigner des produits de parfumerie de sociétés spécialisées dans les parfums de luxe (LUBIN pour la société STRATEGEM et « DELIRIUM » / la société L'ARTISAN PARFUMEUR pour « DELIRIA » ) ; qu'il s'agit de produits « haut de gamme » ainsi que le reconnaît la société STRATEGEM page 12 de ses conclusions ;

Qu'en l'espèce, eu égard à la nature des produits concernés et à leur prix élevé, le consommateur fait nécessairement preuve d'un niveau particulièrement élevé d'attention lors de leur acquisition de sorte que le risque de confusion est manifestement minime pour le public ciblé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le caractère vraisemblable de l'atteinte portée aux droits du titulaire de la marque, n 'est pas établi de sorte que l'ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des dispositions des articles L 716-6 et L 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle ; Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du présent dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne la SAS STRATEGEM à verser à la SA L'ARTISAN PARFUMEUR la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS STRATEGEM aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;