AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 avril 1995 par la cour d'appel de Versailles (chambres civiles réunies), au profit de M. le receveur des Impôts de Paris 3e Arts et Métiers, comptable chargé du recouvrement, agissant sous l'autorité du directeur des services fiscaux de Paris Centre et du directeur général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 mai 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat du receveur des Impôts de Paris 3e Arts et Métiers, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 1995), rendu sur renvoi après cassation, que M. Le Dall, président de la société anonyme Prestec (la société) mise en liquidation des biens le 5 janvier 1985, a été assigné par le receveur principal des Impôts de Paris, 3e arrondissement (le receveur) pour qu'il soit déclaré solidairement responsable des impositions de la société ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que M. Le Dall reproche à l'arrêt d'avoir déclaré cette demande recevable, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, tout intéressé est fondé à se prévaloir à l'encontre de l'administration des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978 quand elles ne sont pas contraires aux lois et règlements; qu'entre dans les prévisions de ce texte l'instruction du 25 août 1981 publiée au bulletin officiel des impôts, subordonnant à une décision du directeur des services fiscaux ou du trésorier payeur général l'engagement par le comptable compétent des actions prévues aux articles
L. 266 et
L. 267 du Livre des procédures fiscales; que lorsque la justification de la décision exigée n'est pas apportée, l'action engagée irrégulièrement n'est pas recevable; qu'ainsi, en lui déniant le droit de se prévaloir de l'absence non contestée de toute justification par le receveur de la décision du directeur des services fiscaux préconisant l'engagement de la procédure, la cour d'appel a violé les principes sus-énoncés et ensemble les dispositions du décret du 28 novembre 1983, de l'instruction administrative du 25 août 1981, ainsi que les articles
L. 266 et
L. 267 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'instruction du 25 août 1981, applicable en l'espèce, prévoyait que le directeur des services fiscaux avait seul qualité pour introduire l'action en justice et relevé que ses dispositions étaient incompatibles avec celles de l'article
L. 252 du Livre des procédures fiscales qui investit personnellement le receveur des impôts territorialement compétent d'un mandat de représentation de l'Etat pour exercer les actions en justice liées au recouvrement des impôts, la cour d'appel en a justement déduit qu'elles ne pouvaient pas être opposées à l'administration et en conséquence a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. Le Dall; que le moyen n'est pas fondé ;
Et
sur le second moyen
:
Attendu que M. Le Dall reproche à l'arrêt d'avoir déclaré qu'il était tenu solidairement avec la société au paiement d'une certaine somme, alors, selon le pourvoi, que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à une société n'engage la responsabilité solidaire de ses dirigeants que lorsque sont caractérisés des manquements autres que le seul défaut de déclaration et de paiement; qu'en se bornant à relever en l'espèce le défaut de déclaration de TVA pour la période considérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 267 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Le Dall, qui dirigeait alors la société Prestec, avait omis de faire les déclarations de TVA et de payer les sommes dues à ce titre de février à décembre 1984, l'arrêt retient qu'en permettant ainsi, durant plus de dix mois, la survie artificielle de la société à l'aide de fonds encaissés auprès des clients pour le compte du Trésor, il s'est rendu responsable de manquements graves et répétés de la société à ses obligations fiscales; que, par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Le Dall aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.