Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 15 novembre 2022, 22/01172

Mots clés Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages · SCI · prescription · procédure civile · contrat · abeille · sante · rapport · sinistre · action · assurances · compagnie · départ · fin de non recevoir

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro affaire : 22/01172
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte

15/11/2022

ARRÊT N° 681/2022

N° RG 22/01172 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OWBZ

CBB/IA

Décision déférée du 08 Mars 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN ( 21/00620)

A-F.RIBEYRON

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

C/

[G] [Y]

S.C.I. CBR

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège et venant aux droits de la SA AVIVA ASSURANCES.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [G] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.C.I. CBR

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. VET, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre

FAITS

La SCI CBR est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 2] occupé par M. [Y] son gérant.

Elle était assurée auprès de la Cie Aviva devenue la SA Abeille Iard & Santé au titre d'un contrat multirisque habitation dénommé Domifacil à effet du 2 septembre 2006 résilié au 2 septembre 2013.

Le 22 juillet 2012, la SCI CBR a déclaré à son assureur un sinistre en raison de l'apparition de fissures à la suite d'un phénomène de sècheresse objet d'un arrêté de catastrophe naturelle le 17 juillet 2012 pour la période du 1er avril 2011 au 30 septembre 2011.

Se fondant sur un rapport d'expertise amiable du 13 novembre 2012 concluant que les effets de sècheresse n'avaient joué qu'un rôle de révélateur des dispositions constructives insuffisantes, l'assureur refusait sa garantie le 29 janvier 2013.

D'autres arrêtés de catastrophe naturelle ont été publiés par la suite les 21 mai 2013 et 26 octobre 2016, 24 octobre 2017, 18 septembre 2018 et 16 juillet 2019.

La SCI CBR et M. [Y] ont déclaré l'aggravation des sinistres et un nouveau refus leur a été signifié à la suite d'une étude géotechnique et une nouvelle expertise amiable du 28 avril 2018 qui concluait dans le même sens que la première.

Sur demande de la SCI CBR et M. [Y], le juge des référés du tribunal judiciaire de Montauban a, suivant ordonnance du 28 novembre 2019, désigné M. [P] en qualité d'expert aux fins de vérifier les causes des désordres affectant leur immeuble. Il a rendu son rapport le 7 juin 2020.

PROCEDURE

Par acte en date du 5 juillet 2021, la SCI CBR et M. [Y] ont fait assigner la Compagnie Aviva Assurances devant le Tribunal Judiciaire de Montauban aux fins d'indemnisation.

La SA Abeille Iard & Santé est venue aux droits de la compagnie Aviva Assurances.

Par ordonnance en date du 8 mars 2022, le juge de la mise en état a':

- rejeté les fins de non-recevoir,

- condamné la SA Abeille lard & Santé venant aux droits de la compagnie Aviva Assurances à payer à la SCI CBR et [G] [Y], à eux ensemble, la somme de 1.000 € en application de l'article 700,1° du code de procédure civile,

- condamné la SA Abeille lard & Santé venant aux droits de la compagnie Aviva Assurances aux dépens et accorde le droit de recouvrement direct à Me Morel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 17 mars 2022 avec dernière injonction de conclure au fond avant clôture à Me Assaraf-Dolques pour la compagnie Aviva Assurances.

Par déclaration en date du 22 mars 2022, la SA Abeille Iard & Santé a interjeté appel de la décision.

L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle a':

- rejeté les fins de non-recevoir,

- condamné la SA Abeille lard & Santé venant aux droits de la compagnie Aviva Assurances à payer à la SCI CBR et [G] [Y], à eux ensemble, la somme de 1.000 € en application de l'article 700,1° du code de procédure civile.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SA Abeille Iard & Santé, dans ses dernières écritures en date du 5 septembre 2022, demande à la cour au visa des articles 122, 789 du code de procédure civile, L.114-1 et L.125-1 du code des assurances et 2224 du code civil, de':

- réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 mars 2022,

- déclarer l'appel à l'encontre de l'ordonnance du Juge de la mise en état du 8 mars 2022 recevable et bien fondée,

- déclarer la SCI CBR irrecevable en sa demande comme prescrite fondée sur un sinistre catastrophe naturelle défini en application de l'article L.125-1 alinéa 3 du code des assurances,

- déclarer M. [G] [Y] irrecevable en sa demande comme prescrite formée sur la responsabilité de la SA Abeille Iard & Santé,

- renvoyer l'examen de la fin de non-recevoir de l'action de M. [G] [Y] sur la responsabilité de la SA Abeille Iard & Santé devant le juge du fond,

- condamner in solidum la SCI CBR et M. [G] [Y] aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle fait valoir que':

- le juge de la mise en état saisi d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt a refusé d'y faire droit de sorte que l'instance s'est poursuivie et le tribunal a rendu sa décision au fond le 12 juillet 2022 par laquelle a été condamnée à verser des indemnités à la SCI CBR et à M. [Y]'; elle a donc également relevé appel de cette décision suivant déclaration du 26 juillet 2022,

- les articles 562 et 954 n'imposent pas de reprendre dans le dispositif des conclusions les chefs de la décision contestés,

- l'action de la SCI CBR est prescrite en application des articles L 125-1alinéa 3 et L 114-1 du code des assurances vu l'assignation en référé du 11 octobre 2019 postérieure à l'expiration du délai biennal à compter de l'évènement qui y a donné naissance, dont le point de départ est le refus de garantie du 29 janvier 2013, le délai expirait donc 2 ans après,

- le contrat est conforme aux dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances quant à l'information de l'assuré sur les conditions de la prescription,

- l'assuré en a eu connaissance en ce qu'il a reconnu dans les conditions particulières avoir reçu les conditions générales qui mentionnent les dispositions relatives à la prescription en page 26,

- l'action de M. [Y] est prescrite sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle en ce qu'un délai de plus de 5 ans s'est écoulé depuis non pas le dépôt du rapport d'expertise, mais la survenance du sinistre en 2012'; et dès lors qu'il n'était pas partie à la procédure de référé il n'a pas interrompu la prescription à titre personnel,

- par ailleurs, le contrat d'assurance multi risque habitation ne correspond pas à l'activité déclarée par la SCI qui est la location de terrain et autres biens immobiliers'; et elle n'a pas souscrit de garantie complémentaire; or, sont exclus tous les préjudices immatériels ; donc sont exclus ceux revendiqués en ce qu'ils correspondent exactement aux préjudices annexes liés à la réalisation de travaux de réparation préconisés par l'expert en lien avec le désordre invoqué par la SCI'; M. [Y] qui n'était pas partie à la procédure de référés, n'a donc pas pu se prévaloir de ces préjudices immatériels devant le juge des référés'; dès lors il ne peut non plus se prévaloir de l'interruption de la prescription,

- l'action de M. [Y] est contractuelle dès lors qu'en sa qualité de gérant il est à l'origine de la déclaration de sinistre de 22 juillet 2012 et non la SCI'; or, il ne peut être invoqué le cumul de la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle': et donc la prescription biennale s'applique puisque l'action n'a pas été interrompue à son égard'; subsidiairement, vu l'article 2224 du code civi, le point de départ de son action est le jour où il a eu connaissance de l'événement soit 2012,

- subsidiairement encore, en application de l'article 789 du code de procédure civile, si l'examen de la fin de non-recevoir nécessite de trancher une question de fond, alors il conviendra de renvoyer la question devant le juge du fond.

M. [Y] et la SCI CBR, dans leurs dernières écritures en date du 5 août 2022, demandent à la cour de':

- débouter la SA Abeille Iard et Santé de l'intégralité de ses prétentions ;

- confirmer la décision rendue par le juge de la mise en état de Montauban le 8 mars 2022 en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner la SA Abeille Iard et Santé venant aux droits de la Compagnie Aviva Assurances à payer à la SCI CBR et à M. [G] [Y] la somme de 3.000€ par application des dispositions de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés par leurs conseils selon les modalités de l'article 699 du même code.

Ils soutiennent que':

- les conclusions ne visent pas les chefs de jugement critiqués de sorte que la cour n'est saisie d'aucun chef,

- sur la prescription biennale opposée à la SCI': le contrat ne rappelle pas toutes les causes d'interruption de la prescription ordinaires ou non de l'article L114-2 du code des assurances et de l'article 2240 du code civil, ainsi que les différents points de départ du délai: les conditions particulières ne les visent pas du tout et les conditions générales ne visent pas toutes les causes de prescription ordinaires,

- la SA Abeille Iard & Santé n'apporte aucune démonstration contraire,

- sur la prescription de l'action de M. [Y]': il agit en son nom propre et non en qualité de gérant de la SCI de sorte que le fondement de son action est l'article 1240 du code civil et son point de départ n'est pas le début de l'apparition des désordres sur l'immeuble, mais le dépôt du rapport d'expertise qui a révélé l'origine des désordres et l'obligation de garantie de l'assureur,

- il soutient en effet la responsabilité de l'assureur en raison du retard dans le traitement du sinistre qui selon lui est à l'origine de la dégradation de l'immeuble au fur et à mesure des sécheresses successives au point de devenir inhabitable,

- et le renvoi devant le juge du fond de cette fin de non recevoir n'est plus possible puisque tribunal a déjà tranché le litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2022.


MOTIVATION


Sur l'effet dévolutif de l'appel

L'article 562 du code de procédure civile fixe l'étendue de la dévolution du litige à la cour d'appel.

Selon l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit contenir les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité sauf s'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions des parties comprennent notamment l'énoncé des chefs de jugement critiqués. Mais l'alinéa 3 précise que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ce texte n'exige donc pas le rappel des chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions de l'appelant.

En l'espèce, la déclaration d'appel contient les chefs de la décision critiqués et le dispositif des dernières conclusions de la SA Abeille Iard & Santé vise la réformation de la décision et les prétentions de l'appelante clairement identifiées, de sorte qu'il est répondu aux exigences des articles 901 et 954 du code de procédure civile et il ne peut être soutenu l'absence d'effet dévolutif.

Sur la prescription de l'action de la SCI CBR et de M. [Y]

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a rejeté la fin de non recevoir soutenue par la SA Abeille Iard & Santé tirée de la prescription tant de l'action de la SCI CBR que de l'action de M. [Y] en rappelant:

1 - concernant l'action de la SCI CBR

*qu'en vertu des articles R 112-1 et L 114-2 du code des assurances, le contrat d'assurance doit rappeler précisément toutes les causes d'interruption de la prescription soit celles de la prescription biennale mais également les causes de prescription ordinaires de l'article 2240 du code civil'; qu'il est admis également qu'il doit viser les différents points de départ de chaque cause de prescription,

*que l'inobservation de l'obligation d'information est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai biennal de prescription de l'article L 114-1(dans sa version applicable à la cause),

*qu'en l'espèce, les conditions particulières du contrat multirisque habitation dénommé Domifacil du 2 septembre 2006 étaient taisantes sur ces points et les conditions générales auxquelles elles faisaient référence ne visaient':

- aucun point de départ du délai de prescription,

- ni l'intégralité des causes d'interruption ordinaires en ce qu'il manquait la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, l'effet interruptif des actes d'exécution des mesures conservatoires et enfin l'interpellation faite au débiteur solidaire'; les seules causes d'interruption visées étant «' une lettre recommandée avec accusé de réception, une action en justice (y compris en référé), un commandement, une saisie, et une désignation d'expert ».

2 - concernant l'action de M. [Y]:

*que M. [Y] est tiers au contrat d'assurance et occupant à titre personnel de l'immeuble,

*qu'il invoque une faute dans l'exécution du contrat d'assurance conclu par la SCI CBR pour avoir refusé à tort de garantir le sinistre, à l'origine de l'aggravation des désordres et d'un préjudice de jouissance indemnisable,

*que le point de départ du délai quinquennal de la prescription de son action en responsabilité délictuelle est, en application de l'article 2224 du code civil, la date à laquelle il a connu les faits permettant d'exercer son action soit en l'espèce, la date du rapport d'expertise du 7 juin 2020 qui révèle que la compagnie d'assurance serait tenue à garantie, contrairement à ses affirmations précédentes depuis 2013.

En outre, il convient d'ajouter que M. [Y] a fait le choix d'agir sur le terrain délictuel et non contractuel, qu'il n'appartient pas à la juridiction de mise en état de requalifier le fondement choisi par les parties ni de s'y opposer ce qui ne relève que du juge du fond, que le moyen tiré de l'exclusion du contrat d'assurance de la garantie des dommages immatériels est sans effet sur la question de la prescription de l'action de M. [Y] qui ne soutient pas l'inopposabilité du rapport d'expertise qu'il est seul à pouvoir soulever.

Dans ces conditions il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la fin de non-recevoir de l'action de M. [G] [Y] sur la responsabilité de la SA Abeille Iard & Santé devant le juge du fond, d'autant qu'il a déjà tranché la question par jugement du 12 juillet 2022 dont il a été relevé appel.

La décision sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS



La cour

- Rejette le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

- Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban en toutes ses dispositions.

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SA Abeille Iard & Santé à verser à M. [Y] et la SCI CBR ensemble la somme de 3000€.

- Condamne la SA Abeille Iard & Santé aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER